Urban Comics
  Backdraft : Hulk
 

Couverture : Geoff
Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Avril 2007

Au Commissaire Ross.
Urgent.






Cher Commissaire,





Je me doute bien que cette lettre vous surprendra. Surtout quand vous verrez qui est le destinataire de celle-ci. Je suis certain que vous en perdrez votre légendaire pipe, et qu’avec un peu de chance votre célèbre moustache prendra feu, et qu’enfin les gens ne soient plus terrorisés en vous voyant.
Mais je rêve, là, je crois. Ou bien je suis en bad trip. Choisissez. De toutes façons, je m’en fiche. Je suis déjà mort. Plus rien n’a d’importance, maintenant.

Je suis Aleksei Mikhailovich Sytsevich.
Ancien membre du gang dit des « Russes » de San Francisco.
Second de l’homme nommé Joe Fixit depuis bientôt cinq semaines, ce qui veut dire depuis que notre cher Joe a réglé son compte à mon précédent boss, Emil Blonsky, et qu’il a prit la tête de la majorité des gangs de la ville pour devenir votre ennemi principal et accessoirement homme le plus puissant de la ville.

Oui. J’ai trahis mon ancien patron et meilleur ami pour rejoindre celui qui l’a tué, et qui l’a torturé des heures auparavant. Oui. Je sais. Ce n’est pas bien. Mais vous savez quoi ? Je m’en fiche. Ou bien, je m’en fichais. Apparemment, Dieu ne m’a pas oublié, et il semble vouloir me punir pour tout ça…Oui…C’est ce qui semble être, finalement…

Je n’ai jamais été croyant, vous savez.
Même quand j’étais chez moi, en Russie, je n’ai jamais vraiment suivit les préceptes de Dieu. Je me disais toujours que si quelqu’un d’aussi puissant que lui devait exister, et bien il ferait en sorte que ce monde aille mieux, que je n’ai plus faim, que je ne vois plus ma mère fait une douzaine de passes par heure pour pouvoir essayer de nous nourrir, ma sœur et moi…mais rien ne se passait.
Je restais toujours avec ce qu’il restait de ma famille dans cette URSS qui était en train de mourir, voyant les miens faire tout ce qui était possible pour survivre. Là-bas, j’ai perdu ma mère, morte trop tôt d’une maladie que je connais maintenant sous le nom de syphilis, puis ma sœur, égorgée en pleine rue parce qu’elle ne voulait pas se plier aux exigences d’un soldat.

J’ai perdu toute ma famille. Et ça ne m’encourageait donc pas à croire en ce Dieu qu’on me disait si bon, alors que tous ceux que j’aimais mourraient devant moi. Je n’ai donc jamais cru en ce Dieu. Je n’ai donc jamais vraiment voulu croire en lui, préférant même quelques rites païens dans ma jeunesse à l’exercice du culte. Mais j’étais jeune. C’était avant de venir ici. Avant de rencontrer Emil et Joe. Et avant de me rendre compte que si Dieu n’existait pas, son châtiment, lui, était peut-être bien réel, malheureusement…

J’ai peur, Commissaire.
J’ai peur de mourir, même si je sais que ça va arriver.
J’en sais trop. J’en ai trop vu. J’en ai trop entendu. Et je sais que ceux qui ont fais ce que j’ai vu et entendu…je sais qu’ils ne me laisseront pas m’en sortir. Je n’ai que quelques heures. Que quelques minutes, peut-être. Ils vont venir. Ils sont peut-être déjà là. Il faut que je me dépêche. Il faut que je vous dise ce qu’il s’est passé. C’est trop important. Vous devez le savoir. Oh oui. Vous devez vraiment le savoir…Tellement de choses en dépendent…

Seigneur…Hum, c’est étrange de dire ça, et surtout de l’écrire, mais c’est vraiment le mot qui me vient de suite à l’esprit alors que je repense à ce qu’il s’est passé, seul dans ma petite chambre dans l’obscurité et l’humidité des bas quartiers de San Francisco…alors que je suis en train de perdre tous mes moyens et que je demande si un jour vous aurez vraiment cette lettre…
Mais passons. Je ne dois pas écrire ce que je pense, mais je dois écrire ce qui est. Et surtout ce qui a été fait, malheureusement.

Donc oui…il s’est passé quelque chose d’horrible.
De vraiment très horrible. Je…Je n’arrive même pas à trouver mes mots. Pourtant, j’ai toujours été bon dans votre langue…c’est grâce à ça que j’ai réussis à survivre ici. A venir dans votre pays et à y rester, depuis bientôt quinze ans maintenant. Et dire que je n’arrivais même pas à dire deux mots en Américain quand je suis arrivé ici…Les choses ont vraiment changé, depuis…Et bientôt, elles vont l’être définitivement, malheureusement…

Joe Fixit, vous connaissez, hein ? Bien sûr que vous connaissez.
Ca fait à peine quelques semaines que ce bon vieux Joe a investit la ville, mais il a déjà posé sa marque sur toute la cité et ses habitants. Je ne sais pas moi-même d’où il vient et ce qu’il faisait avant, ni comment il a réussit à contrôler San Francisco en aussi peu de temps. C’est invraisemblable, vraiment. Ce fut si rapide, si intense…mais c’est ainsi.
Ni Emil, ni les autres n’ont pu faire quelque chose pour le stopper, et il est vraiment l’être le plus puissant de la ville. Ou du moins, était. Parce que comme je l’ai dis, les choses ont changé. Elles ont énormément changé.

Mon Dieu…Encore une fois, je m’égare…J’écris plus vite que je ne l’ai jamais fais, mais j’écris tellement de choses…Ca semble n’avoir aucun sens ou aucun intérêt…C’est bizarre…J’ai l’impression d’écrire tellement de choses pour…pour éviter de vous dire ce qui est vraiment arrivé…Et pourtant…Et pourtant, j’ai envie de vous dire ce qu’il s’est passé…J’ai envie de vous dire ce qui est vraiment arrivé…Vous devez le savoir…Oui…C’est trop important…trop monstrueux…

Bon…je me lance.
Joe…Joe Fixit. Le chef du crime organisé de la ville. Votre nouveau plus grand cauchemar. Celui qui est suspecté du meurtre de votre fille et de la disparition de Bruce Samson. Celui qui est lié avec votre ancien beau fils, Glenn Talbott, et qui a assez de preuves contre lui pour le faire plonger à jamais. Celui qui a réussit à prendre sous sa botte la majorité des politiques de la ville et des gens importants, sauf vous évidemment. Celui qui fait peur à n’importe quel homme sain d’esprit qui connaît son existence. Celui qui est considéré comme une sorte de Diable incarné, si pas le Diable lui-même.

Oui.
Ce Joe Fixit-là.
Et bien…Et bien, il est mort.

Oui. Joe est mort. Il a été…il a été assassiné. Mon Dieu. Joe a été assassiné. Le nouveau Caïd de la ville, celui que personne n’osait regarder en face…il a été tué. Seigneur. Comment est-ce possible ? Comment est-ce que quelqu’un a osé faire ça ? Qui est le fou qui a osé donner l’ordre de s’en prendre à l’homme le plus puissant de San Francisco ?
C’est fou…C’est tellement fou…Mais c’est réel…Mon Dieu…que c’est réel…

Hum…
Encore une fois, j’utilise le nom de l’être en qui je disais ne pas croire…
C’est étrange…Je sais, vous vous en fichez et vous êtes sûrement en train de froncer vos gros sourcils en vous demandant quand je vous dirais enfin comment Joe est mort, mais je me dois d’écrire ça. Je vais mourir, vous savez ? Je n’ai aucun espoir de survivre. Aucun. J’ai vu ce qu’il s’est passé. J’ai vu comment Fixit a été prit de là où il vivait pour être enlevé par ceux qui nous ont attaqué…Il doit déjà être mort, maintenant…Oui…Il doit déjà l’être…et ça ne fait aucun doute…malheureusement…

J’utilise donc le nom de Dieu alors que je ne crois pas en lui. C’est étrange, oui. Comme le fait que je n’arrête pas d’écrire et que je me disperse dans ce que je vous écris. Ce n’est pas mon habitude, et vous le savez. Je suis plus du genre silencieux, en général, et c’est bien pour ça que je suis encore en vie en ce moment. Enfin, pour le moment, surtout. Parce que après…ça sera beaucoup plus compliqué…voir même infaisable…
Peut-être…peut-être que je commence à croire en Dieu, finalement…Peut-être que, alors que je suis en train de mourir, je commence à croire en une Puissance Supérieure…qui m’aurait envoyé tout ça pour me juger avant de m’emmener au Paradis…Oui…Peut-être…ou peut-être que je deviens simplement fou…Mais bon…dans l’absolu…qu’est-ce que ça change ?
Le résultat sera bêtement le même…Ma mort…Ma mort, pure et simple…

J’ai peur.
J’ai vraiment peur.
Mes mains tremblent. La transpiration coule le long de ma colonne vertébrale et je me demande même comment j’arrive encore à écrire cette lettre que je veux vous envoyer. J’ai vu un homme que je croyais invincible être enlevé. J’ai vu un être que je croyais supérieur à tous ceux que j’ai jamais rencontrés être surpris…être mortellement surpris, en fait. J’ai vu Joe Fixit, mon Maître, en quelques sortes, être prit par quelqu’un de meilleur que lui au jeu qu’il adorait le plus au monde :
Et enfin, enfin je vais vous raconter comment ça s’est passé. Je vais mourir, de toutes façons. Au moins que quelqu’un sache comment c’est arrivé…pour la postérité…ou au moins, pour que quelqu’un puisse faire quelque chose…un petit quelque chose, même…

Tout…Tout a commencé ce matin.
Joe avait envie de faire une virée. Une virée avec les autres membres du gang. Il avait envie de passer dans les clubs de strip tease de la ville, histoire de voir comment tout ça fonctionne et surtout de voir certaines filles. On avait eut un arrivage, la semaine dernière, d’amies de l’Est, si vous voyez ce que je veux dire. Et Joe n’avait pas envie de laisser passer l’occasion de les « tester », si vous voyez encore ce que je veux dire.
Hum. Ca avait l’air d’une bonne idée, à l’époque. Enfin, ce matin…mais ça remonte à si loin, maintenant…Tant de choses se sont passées…Tant de mauvaises choses se sont passées, en fait…

On a donc voulu sortir.
Mais ça s’est mal passé. Ca s’est très mal passé.
A peine étions-nous dehors que tout est devenu fou. On était cinq. On était cinq types armés jusqu’aux dents, prêts à tout pour protéger ce petit gringalet au crâne rasé qui fumait cigarette sur cigarette, et qui pourtant était capable des pires tortures et des plus grandes horreurs qui pouvaient être faites. Mais…mais c’était pas assez. On a jamais été préparé à ce qui allait arriver. On a jamais été entraîné pour ça. Et personne ne l’a été, je pense. Ou bien Dieu est encore plus pourri que je le pensais…

Hum…
Un bruit.
Je viens d’entendre un bruit.
Ou bien je suis encore plus parano que je le pensais et il faudra vraiment que ceux qui ont attaqué et sûrement tué maintenant Joe viennent vite pour achever leur travail. De toutes façons, ça ne devrait plus tarder. Je suis le seul survivant. Le seul qui puisse encore les identifier, même si finalement je n’ai rien vu, ou si peu.
Et si ce bruit est bien le signe que quelqu’un arrive…il faut que je me dépêche. Il faut que je me dépêche vraiment. Vous devez savoir ce qu’il s’est passé. Oui. Vous le devez vraiment.

On était donc dehors. On allait monter dans la voiture de Joe, une vieille américaine qui roulait tranquillement même si elle était assez usée. On n’a jamais vraiment comprit comment Fixit la faisait rouler, mais j’ai jamais voulu demander. Il avait l’air très intelligent, en fait. On aurait presque dit un génie. Je ne sais pas comment il faisait, mais il avait toujours de grandes idées. De grandes théories. Et toujours liées à la science. Il avait dû être très doué en classe, je pense, avant de se tourner vers le crime.
Oui. Ca devait être ça. Un petit génie du Mal, en fait. Mais c’est fini, maintenant. Plus de grandes théories. Plus de grands complots. Plus de grandes idées. Plus rien. Joe est sûrement mort, maintenant. Il est mort, même. Et plus rien ne compte, maintenant…

Mais je reprends.
On allait rentrer dans la voiture quand l’enfer s’est déchaîné. Oui. L’enfer. Vraiment.
Joe a de suite sentie qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Il nous a prévenus qu’il allait arriver quelque chose, mais s’était déjà trop tard. Ivan et Jay, deux des gardes du corps, furent abattus alors que Fixit venait juste de nous avertir.
Ils tombèrent lourdement sur le sol, un beau petit trou dans leur front. Mais ce n’était que le début. Ils ont eus de la chance, en fait. Beaucoup de chance, même.

Juste après qu’ils aient touchés le sol, celui qui les avait assassiné arriva. Je n’ai même pas pu le voir, et je suppose qu’il n’était pas seul. Un homme seul ne peut pas bouger aussi vite. Non. C’est impossible. Il était si rapide, mon Dieu…Il semblait être partout à la fois, bondissant comme jamais personne n’avait bondie et tuant plus vite que son ombre…C’était monstrueux…Vraiment monstrueux…
En quelques secondes à peine, Chris et Alex furent aussi tués, mais cette fois-ci ce fut au couteau…Et je ne voyais toujours pas l’homme qui avait fait ça…Il était descendu du toit du QG de Joe dans les bas fonds, mais je n’avais pu voir que son équipement militaire…Rien d’autre…Ce type bougeait trop vite…Du moins, si il était seul…Ce dont je doute beaucoup…C’est impossible d’aller aussi vite…Il ne peut pas être seul…C’est pas possible…C’est vraiment pas possible…

Donc ce type est descendu du toit.
Il a tué Chris et Alex, avant de me donner un coup. Un coup de couteau, dans la cuisse. Je suis tombé sur le sol, tenant ma jambe. Et j’ai vu. Je l’ai vu s’approcher de Joe qui avait une attitude étrange. Il était replié sur lui-même, se tenant le ventre. C’était sûrement ma vision qui était changée par la douleur et la peur, mais on aurait dit qu’il…qu’il grossissait…qu’il changeait…Mais…Mais ça n’a pas duré…
En un coup, ce type, alors que ses autres « collègues » avaient apparemment disparus, a mit KO Joe. Je ne sais pas ce qu’il lui a fait. Et je ne veux pas savoir. En un seul geste, il a mit mon patron par terre, et la seconde d’après il avait disparu. Je ne sais toujours pas comment il a fuit, et comment il a pu vaincre Fixit, alors que celui-ci était normalement invincible au corps à corps. C’est fou. C’est complètement fou.

Voila.
J’ai finis ce que j’avais à vous dire, Commissaire Ross.
Je crois que je peux mourir tranquille, maintenant. Je me tiens toujours la cuisse, je commence à ne plus la sentir. Vous allez sûrement me découvrir seul, dans cette petite pièce pourrie que je n’ai jamais vraiment connue, et



BANG.
BANG.
BANG.

Le sang coule lentement sur le papier, se mêlant à l’encre encore fraîche du stylo pour former une petite rivière mêlée de rouge et de bleu. L’homme glisse lentement sur la table sombre et sale qu’il a utilisé si souvent sans y faire attention, avant de tomber lourdement sur le sol, les yeux grand ouverts dans cette expression de stupeur et d’horreur qui caractérise ceux qui meurent sans vraiment comprendre ni pourquoi, ni comment.

Son assassin se tient à ses côtés.
Il sourit. Il jouit, presque. Il range lentement son arme dans l’étui sur son côté, semblant adorer ce qu’il fait. Il regarde encore une fois l’homme mort à ses pieds, sentant en lui la fierté du travail bien fait. Lentement, il prend la lettre que Aleksei a voulu écrire pour Ross et la range doucement et précieusement dans une de ses poches. Il semble en prendre soin comme si c’était la chose la plus précieuse du monde à ses yeux, ce qui est évidemment étrange vu ce qui vient de se produire.

« Biiiiip… »

En un clin d’œil, il sort son portable d’une des poches de son équipement avant de l’apporter à son oreille, parlant d’une voix très faible et très discrète pour ne pas se faire repérer, même si personne n’est présent dans la pièce ou même l’immeuble…Mais les réflexes sont durs à perdre, surtout pour des hommes comme lui qui vivent depuis toujours dans le secret, et mourront ainsi…

« Wilson.
- C’est fait ?
- C’est fait.
- Il y a eu des soucis ?
- Non. Il écrivait une lettre.
- Et ?
- Je l’ai.
- Parfait. Il est mort.
- Oui.
- Bien. Rentre, maintenant.
- A vos ordres, Osborn. »

Il raccroche.
Il est content.
Une nouvelle mission de remplie. Un nouveau meurtre d’accomplie. Une nouvelle vie supprimée. Un nouvel homme tué. Une nouvelle journée finie pour lui. Une nouvelle journée comme les autres pour un mercenaire professionnel…Pour le plus grand et le plus dangereux des assassins du monde entier, qui disparaît aussi vite qu’il arrive…Comme si il n’avait jamais existé…Comme toujours…

 
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