Urban Comics
  Batman #39 : Qui est Batman ? (3)
 
Auteur : Ben Wawe
Date de parution : Juillet 2008

Un cri de douleur sortit de la bouche de l’homme alors qu’il sentait son coude se casser. Il tenta de poser la main dessus par réflexe, mais déjà ses doigts étaient réduits à l’état de charpie par une batte de base-ball les frappant puissamment. Des larmes se mirent à couler le long de ses joues alors qu’il sentait son nez être fracassé par la même arme.
En quelques secondes à peine, il avait été réduit à l’impuissance et un balayage brutal le fit tomber au sol. Il avait perdu et il aurait pu le prévoir si il avait été plus intelligent.

Lui et ses deux amis avaient voulu braquer une petite épicerie dans un des quartiers sombres de Chicago : ils avaient pensés que tout se passerait bien maintenant que le Batman avait disparu et que les gens avaient encore plus peur qu’avant, mais ils s’étaient trompés. Tout s’était bien déroulé, pourtant, au début : le commerçant avait attendu la dernière minute pour annoncer la fermeture, ils s’étaient retrouvés chacun dans un coin du magasin et Matt avait judicieusement descendu le grillage pour que personne ne vienne les ennuyer. Ils l’avaient menacés comme ils faisaient d’habitude, mais c’était après que ça avait mal tourné.

Dès qu’ils avaient approchés le flingue près du visage de l’arabe, une race qu’il avait appris à détester depuis le 11 septembre, il avait entendu Josh se faire fracasser le crâne par une batte de base-ball. Aucun d’entre eux n’avait vu le coup arriver et personne ne s’était attendu à ce qu’il y ait encore quelqu’un dans l’épicerie, mais en un instant un de ses potes avait été mis KO et il ne l’avait pas accepté. Sans même regarder l’agresseur, il s’était jeté dessus, prêt à lui casser la tête pour ce qu’il avait. Il ne vit que trop tard la pseudo cape du type et son masque.
Maintenant qu’il était au sol, chialant de douleur alors qu’il se prenait pour un dur, il voyait bien qui était celui qui frappait le ventre de Matt avec sa batte. C’était le Batman.

Il avait appris que certains crétins se prenaient pour lui et avait rigolé avec ses deux potes de comment ils recevraient un de ces imbéciles, mais il sentait bien dans la force et le professionnalisme de ce type qu’il n’était pas un amateur. Ils avaient été réduits au silence en deux minutes maximum, sans effusion de sang et sans qu’ils aient pu se défendre réellement : ça rappelait trop l’ancien Batman pour qu’il n’en tire pas une conclusion rapide. Ce dingue avait masqué sa mort et était de retour, avec un nouveau costume mais toujours aussi fou. Pour une des premières fois de sa vie, il eut peur.

Il savait que le Batman était quasiment invincible, et que celui qui l’avait buté était encore pire que lui. Si ce mec était bien le vrai, nul doute que la ville allait se transformer en champ de ruine pour laisser leur guerre personnelle se dérouler et il sentait qu’il n’en réchapperait. Il n’était qu’une petite frappe parmi d’autres et il était sûr d’être recruté par le Joker ou ses futurs lieutenants pour stopper le Batman…et qu’il en mourrait, que ça soit d’une balle perdue ou des mains de ce monstre.
Evidemment, les gens disaient que le Batman n’avait jamais tué et ça semblait vrai, mais il avait appris ce qu’il avait fait à Cobblepott et il savait qu’un type capable de ça pouvait facilement tuer quelqu’un. Ça n’était pas si éloigné, et la mort aurait été sûrement plus accueillante pour le gros Pingouin que son sort actuel.

Lentement, le Batman se tourna dès que Matt fut au sol, vaincu lui aussi. Il était habillé de façon étrange, avec un vague uniforme, un masque bizarre : ça semblait nouveau mais surtout assez amateur comme costume, là où son ancien avait toujours pué le professionnalisme. Même si il se battait très bien, ce mec semblait quand même différent de l’ancien, mais ça devait sûrement être une ruse pour faire croire à sa mort et frapper quand ça ferait mal. Cash avait bien fait pareil.

Il s’approcha de lui, alors qu’il était toujours à genoux, ses doigts étant devenus les avatars de la douleur et ses jambes ayant aussi soufferts de sa chute. Il s’arrêta, s’accroupit et lui parla d’une voix lente et froide, l’arabe étant toujours derrière son comptoir à se pisser dessus. Il pouvait sentir l’odeur de son urine de là où il était, à moins que ça n’ait été la sienne…il avait trop peur pour regarder et ne plus avoir le Batman à l’œil. Qui savait ce qu’il pouvait faire durant ces quelques secondes où il aurait le champ libre ?

« Tu as mal ? C’est bien. »

Il le frappa brutalement au front avec sa batte, le faisant tomber sur le dos. Il ne voyait plus grand-chose mais entendait toujours la voix de son agresseur.

« C’était pas encore assez. Je veux que tu dises à tous tes potes que la récréation est finie : vous vous êtes bien marrés quelques jours mais je suis de retour. Papa est rentré et il va taper sur des doigts, genoux et des culs. Arrêtez vos conneries ou je les arrêterai pour vous. »

L’avertissement était simple et court, mais ça suffirait : il n’y avait pas besoin d’en dire plus. Le Batman était de retour, le vrai, et plus énervé que jamais. Il sentit encore l’odeur de l’urine, mais fut sûr cette fois-ci qu’il s’agissait bien de la sienne : jamais il n’avait été autant terrifié, et jamais il n’avait accueilli avec autant de bonheur l’idée d’aller en prison. Tout plutôt que d’être près de ce type.



Ted était heureux. Il n’avait plus souri ainsi depuis des années et il se sentait à nouveau libre. Ça faisait du bien.

« Putain mais qu’il me lâche ! »

L’homme du nom de Dirty Dicky, petit voleur de voitures qui avait eu la stupidité de renverser la famille d’un flic en piquant une vieille américaine à la sortie de l’office du dimanche, tentait de le faire descendre de la dite voiture, mais il n’y parvenait pas. Ça faisait deux jours qu’il se cachait et il était sortit pour détruire la preuve de son crime, mais Grant avait entendu les appels des policiers qui avaient repérés le véhicule. Il se rappelait très bien s’être approché de sa radio branchée sur les fréquences des commissariats de la ville, et puis s’était retrouvé sur ce toit à s’accrocher pour ne pas tomber. Et il adorait ça.

En fait, Grant avait compris qu’il devait faire quelque chose : les flics n’étaient pas très calmes en ce moment, avec la mort de Bruce et surtout l’augmentation des crimes. La sérénité avait quittée les forces de l’ordre de Chicago si tant est qu’elle y avait un jour trouvée place, et ils avaient désormais la gâchette facile. Avec le meurtrier de proches d’un collègue, avec un type qui avait touché à ce qu’ils avaient de plus cher, il était clair qu’ils se lâcheraient complètement sur lui et il ne voulait pas de ça. Il n’était pas contre donner des leçons, mais jamais dans l’excès.
Par réflexe, il s’était donc approché du costume se trouvant sur une chaise non loin de lui, l’avait enfilé et sauté par la fenêtre. Ce n’était qu’en tombant doucement sur le trottoir, entouré de la cape, qu’il avait remarqué qu’il s’agissait du costume de Bruce.

Il était resté interdit quelques secondes : est-ce qu’il l’avait fait inconsciemment exprès ? Est-ce qu’il voulait prendre la relève de son ancien protégé ? Il savait qu’il n’avait plus le physique et la foi pour, mais des jeunes avaient l’envie de continuer sa voie, comme le montraient les journaux et reportages sur ces victimes en puissance. La majorité était blessée ou mourrait, mais certains pouvaient avoir le potentiel de le remplacer…il suffisait juste d’un bon entraînement. Et d’un bon entraîneur.

Alors qu’il avait été dans la rue, la cape flottant autour de ce costume qu’il avait appris à admirer et qu’il portait désormais comme deuxième peau, il avait imaginé comment il pourrait prendre quelques temps la place de Wayne pour appâter ceux qui voulaient prendre sa suite et ainsi les former comme il le fallait. Il avait entraîné beaucoup d’autres combattants et n’avaient pas perdu la main : ça pourrait fonctionner. Tout ce qu’il fallait, c’était de faire un peu de bruit dans cet uniforme pour calmer la pègre. C’était encore dans ses cordes.

Le sourire aux lèvres, il avait remonté les rues jusqu’à sauter sur la voiture de Dirty Dicky et il tentait maintenant de l’arrêter. Il était vieux, fatigué et le sentait, mais il s’en fichait : Ted allait réussir. Il avait passé tant d’années éloigné de ce monde, loin de cette vie qu’il avait tellement aimée que c’était un plaisir sans nom que de faire peur à un gamin qui avait fait des choses monstrueuses. Comme Bruce l’avait appris, la peur était la récompense de ceux qui faisaient leur métier et il s’en délectait comme jadis, humant presque celle du petit imbécile qui devait déjà trembler comme jamais. Il tentait de le faire tomber mais ça ne fonctionnait pas, et pire encore se rendait compte qu’il affrontait le Batman : même si Grant n’était pas vraiment lui-même ainsi, il avait plaisir à retrouver cette sensation – l’excitation du chasseur jouant avec sa proie. Elle était enfin de retour.

Après quelques instants, juste assez pour que Dirty Dicky soit bien terrifié, il passa sa main sur le côté conducteur et attrapa brutalement le gamin. Celui-ci criait, bougeait partout et donnait des coups de volant pour le faire tomber, mais Grant avait assez joué ce genre de partie pour savoir exactement quoi faire. Même si sa prise était moins solide que jadis, il restait quand même un maître et il propulsa violemment le voleur devenu meurtrier contre sa propre portière, lui brisant sûrement quelque chose dans le geste. Il aurait aimé entendre plus d’os craquer, mais ça suffirait pour le mettre un peu KO et surtout l’apeurer encore plus.
Ceci fait, il se laissa glisser, enleva ses pieds des portes arrières où il les avait coincés et sa main de l’espace passager à l’avant pour arriver sur la vitre arrière. Dirty Dicky avait apparemment la tête dans les nuages et le pied moins sur l’accélérateur : lentement, le véhicule ralentissait et ça l’arrangeait.

Brutalement, Ted donna un coup dans la vitre arrière, surprenant encore plus le gamin qui se retournait pour voir ce qu’il se passait. Blessé, terrifié, incapable de comprendre ce qu’il se passait, il avait apparemment oublié qu’il conduisait une voiture et irait sûrement s’encastrer contre un mur dans quelques minutes. Grant comptait sur ça et attendit que le véhicule ralentisse assez pour se jeter au sol, se réceptionnant assez mal sur son épaule même si ça aurait pu être pire.

Calmement, il se releva, enleva les débris de verre sur son gant – il bénissait Bruce d’avoir utilisé les meilleurs matériaux pour son costume, il n’avait rien senti – et regarda la voiture rencontrer violemment le mur d’un immeuble. La tête de Dirty Dicky alla taper dans un bruit sourd le volant, et il se douta qu’il aurait des séquelles…mais ça ne le touchait pas plus que ça. Ce type avait tué des innocents et il méritait une punition. La prison en étant dans un tel état en serait une suffisante.

Quelques secondes plus tard, les voitures de police arrivèrent, les hommes à l’intérieur prêts à vider leurs chargeurs sur le gosse. Lentement, Ted se tourna et les toisa avec toute l’arrogance qu’il pouvait avoir. Il sourit légèrement quand les visages des trois premiers flics se désintégrer dès qu’ils se rendirent compte de qui il était, ou plutôt de qui ils pensaient qu’il était. Ça le gênait un peu de devoir reprendre le costume de Bruce, mais ça avait été tellement bon et la ville avait tellement besoin d’aide qu’il n’avait pu faire autrement. Au moins pourrait-il ainsi rendre honneur à son ami disparu.

Après quelques instants, Grant décida qu’il ne pouvait rester : sa voix n’était pas celle de son « prédécesseur », et mieux valait rester discret pour les premières escapades. Il partit donc dans une rue parallèle, escalada rapidement un escalier de secours et se retrouva sur les toits où il rejoignit d’autres cieux, sans que les flics en bas ne fassent le moindre geste. Ils étaient trop abasourdis par ce qu’ils venaient de voir pour ça.




« Tu vois que j’avais raison ? »

Silence était fatigué. Assit sur un fauteuil rapiécé et sale, il regardait les images d’une édition nocturne du journal régional et soupirait. L’homme à ses côtés exultait et il en avait assez de ses éternels bavardages. Plus que jamais, il avait envie de résumer la Question à un point final pour qu’il se taise enfin.

« Ce n’est pas parce que deux guignols sont déguisés en Batman que ça prouve quelque chose…au contraire, ça démontre plus que des crétins veulent prendre sa place.
- D’accord, le type qui casse des têtes est un guignol, mais l’autre ?
- Quoi l’autre ?
- Il a son costume, il a son mode opératoire, il n’a pas tué, il n’a pas été trop violent et il a laissé les flics intervenir à la fin au lieu de s’acharner. C’est exactement comme ça que faisait le Batman ! »

La Question était venu quelques jours plus tôt pour lui faire part de sa théorie : selon lui, le Batman avait utilisé la mort de Wayne pour la trafiquer en la sienne, et ainsi se cacher pour frapper plus facilement. Cole Cash avait agi ainsi, et le protecteur de la ville avait déjà nagé dans des eaux aussi troubles quand il avait voulu prendre le contrôle de la population avec des caméras et des méthodes plus violentes. Cet imbécile pensait qu’il se comportait encore ainsi et était venu demander l’aide de Silence, mais celui-ci savait qu’il était dans l’erreur. Il faisait partie de la ville et de ses monstres, et à la différence de la Question, il les connaissait bien. Son vieil adversaire n’aurait jamais fait ça.

Même si il avait un temps agi comme il le fallait, il s’était repris à cause de l’Anarchiste, un autre crétin qui était mort depuis. Il avait entendu des rumeurs sur des liens entre lui et la Question, mais l’homme à ses côtés était trop différent de celui qui avait écrit tant de pamphlets sur Internet pour être le même : apparemment, les masques tournaient beaucoup dans leur petit microcosme, et un nouveau avait pris la relève. Il voulait sûrement faire du mystère de la mort de Wayne son premier succès, mais il n’y parviendrait pas – il n’y connaissait rien.

Lui-même ne savait pas pourquoi il ne l’avait pas encore tué : ce type parlait sans cesse, refusait de le laisser aller faire ses rondes et l’avait entraîné dans son « repère », un appartement crade et à peine aménagé où des dizaines de papiers étaient accrochés aux murs et un ordinateur portable continuellement branché sur Internet. La Question semblait avoir un peu perdu l’esprit mais certaines de ses paroles n’étaient pas dénuées d’intérêt : il avait raison en disant que le Batman avait été abattu beaucoup trop facilement.
Silence l’avait affronté, avait fait match nul et même presque perdu à un moment, et il savait que le Joker, malgré toutes ses qualités, n’aurait pas pu le tuer ainsi…pas si le Batman avait été dans son état normal. Quelque chose avait dû se passer, il avait dû être distrait pour être décédé ainsi. Et c’était pour trouver la réponse à ce mystère qu’il continuait de suivre la Question, avec difficulté néanmoins.

Au fond, l’homme aux bandages n’acceptait pas non plus la mort du Batman. Avec sa disparition, il perdait son ennemi, sa Némésis et même si il s’en défendrait toujours, détruire la pègre de Chicago était un peu moins amusant sans quelqu’un pour vous arrêter ou vous dire de ne plus faire ça ainsi. Il avait apprécié avoir un tel adversaire, et si il continuait toujours la mission qu’il considérait comme sacrée, il sentait que la fougue était un peu moins présente ces derniers temps.

« Ecoute, je sais que tu penses avoir raison mais c’est impossible : le Batman était Bruce Wayne, il ne peut en être autrement. Des crétins tentent de prendre la relève mais ça ne fonctionnera pas, certains ont dû juste retrouver un costume dans les ruines de la maison Wayne. Mieux vaudrait se concentrer sur le Joker pour savoir comment il a pu le tuer.
- Tu es persuadé qu’il est bien mort, hein ?
- C’est évident.
- Mais tu n’acceptes pas que le Joker l’ait tué alors que tu n’es jamais parvenu à le battre. »

Immédiatement, la Question vit le canon de l’arme de Silence devant ses yeux. Il déglutit difficilement alors que son « camarade » reprenait la parole d’une voix terriblement froide et inhumaine.

« J’accepte de t’aider alors que j’ai des choses à faire, mais ce n’est pas pour entendre ça. Wayne et moi avons toujours combattu pour finir sur l’égalité, mais parce que je ne pouvais finir le travail à cause de sa lâcheté. Si il avait été aussi fort qu’il le pensait, il n’aurait pas été vaincu par une tâche comme le Joker. Si tu penses que je veux retrouver ce dingue pour me venger, tu te trompes : je veux savoir comment il a vaincu Wayne pour l’empêcher de recommencer. Une horreur comme ça doit être supprimée de la surface de la Terre, il n’y a pas à discuter. »

Après quelques secondes, il baissa son arme alors que la Question voyait son visage reprendre des couleurs sous son masque. Il savait qu’il manquait encore un peu de tact et d’expérience, mais en apprenait tous les jours plus avec Silence. Même si celui-ci était pour lui un criminel, il prendrait tout ce qu’il y avait à prendre chez lui pour pouvoir mieux faire son travail, et ainsi l’arrêter plus facilement. C’était une des raisons de sa venue à Chicago, d’ailleurs : en finir avec ce dingue et acquérir de l’expérience.

Néanmoins, Danny ShanLi avait découvert aussi dans la ville le mystère de la disparition du Batman et était convaincu que cet homme qu’il admirait ne pouvait être mort aussi bêtement. Ayant voulu faire d’une pierre deux coups, il s’était rapproché de Silence pour coordonner l’enquête ensemble, apprendre de lui et l’arrêter après la fin de tout ça, mais il sentait qu’il avait été un peu présomptueux de penser qu’il gèrerait seul un type comme ça. Cet homme était encore plus instable que Sara Pezzini, son ancienne coéquipière devenue désormais justicière, et il savait qu’il risquait sa vie à chaque instant. Mais ça n’était pas pour ça qu’il arrêterait : il avait été trop loin pour ça.

Depuis qu’il avait décidé de devenir la Question, il avait compris que ce choix changerait sa vie entière et il l’acceptait. Les gens avaient besoins d’être informés de ce qu’il se passait dans le monde, et qui de mieux que la Question pouvait faire ça ? Au-delà de la symbolique, son prédécesseur s’était toujours efforcé de donner aux autres le savoir et il ne pouvait s’empêcher de se sentir fier de prendre sa suite. Il ne savait pas comment l’intéressé réagirait, mais il était décidé à tout faire pour lui rendre honneur. Et ça impliquait donc de devoir apprendre et de commencer par quelque chose, et c’était pourquoi il était là.

« Ok, ok…pas de souci. Seulement, pour avoir le Joker, ça risque d’être difficile.
- Pourquoi ?
- Parce qu’il prend le pouvoir. »

La Question se leva et soupira, touchant sa queue de cheval comme à chaque fois qu’il était stressé. Il s’approcha de la fenêtre de l’appartement et se colla les mains dans les poches avant de regarder les lumières nocturnes, si belles et si mystérieuses.

« Cash a apparemment décidé de se retirer : il arrête, il se retire.
- Comment sais-tu ça ?
- Je suis sorti et j’ai arrosé ceux qu’il fallait. »

Sa réponse avait été naturelle, mais Silence restait perplexe : ce type n’était pas là depuis une semaine que déjà il avait atteint les informateurs qui savaient tout avant tout le monde. Même si c’était possible, il le tenait en trop basse estime pour penser qu’il en était capable. A partir de là, sa méfiance s’en trouva grandement accrue.

« Pourquoi se retire-t-il ?
- Je ne sais pas. Tu me disais toi-même qu’on le disait fou : c’est sûrement le cas et son assistant…
- Stone.
- Oui, Stone a dû penser que c’était la seule chose à faire. Entre nous, je le comprends : le Joker a une côte d’enfer depuis que…enfin, depuis qu’on le prend plus au sérieux. »

Silence acquiesça : il savait que tout ça allait venir, mais il ne pensait pas que ça irait aussi vite. Il comptait encore sur Cash pour tenir quelques temps avant de perdre la main. Il aurait alors pu agir pour faire du dégât, mais ça semblait difficile maintenant. Il n’aimait pas le tour que prenaient les choses.

« Donc je pense que ça sera dur de s’en prendre à lui : il contrôle officieusement la pègre et dans quelques heures tout sera clair pour tout le monde, et surtout personne n’ose dire du mal de lui depuis son fait de gloire. Je crois qu’il est complètement cinglé et qu’il va agir comme un dingue, ce qui veut dire qu’on ne pourra pas prévoir ses réactions.
- Nous le pouvons. »

La Question se tourna vers son camarade, encore une fois surpris par ses répliques. Il commençait à se demander si il n’avait pas sous-estimé la propre folie de son « collègue ».

« Quoi ?
- Il est aisé de savoir comment il va réagir.
- Et tu veux faire ça comment ?
- Le Joker est fou, n’est-ce pas ? Devenons fous alors. »

Sous son masque, Danny fronça les sourcils. Il n’aimait pas le tour que prenait la conversation.

« Je ne comprends pas.
- La folie est un état d’esprit, une façon de voir les choses et les gens qui n’est pas accessible aux gens normaux parce que certaines parties de leurs cerveaux fonctionnent, que ça soit bien ou mal. Chez les gens dits fous, cela ne fonctionne pas bien et donc ils ont une autre vision de la réalité.
- C’est vrai, mais je ne vois pas où tu veux en venir.
- Des produits permettent de transformer quelqu’un de normal en quelqu’un de fou. Il faudrait en prendre pour comprendre le Joker.
- Des produits ? De la drogue ?
- Oui. Je pense plus spécialement à du LSD. »

LSD, diminutif de Lysergesäurediethylamid, mot allemand barbare permettant de l’abréger sous ce nom si connu. En fait, il s’agissait du diéthylamide de l'acide lysergique, un alcaloïde, petite saleté créant de psychotrope hallucinogène qui avait été si apprécié dans les milieux culturels des années 60 et 70. Ingéré, il changeait la vision du monde de celui qui avait fait cette erreur et la retombée dans le monde réel était souvent douloureuse, que ça soit physiquement ou psychologiquement.
Dans son existence d’inspecteur aux Etats-Unis ou à Québec, Danny avait déjà vu des drogués subir les affres de cette horreur ; depuis, il en avait une sainte horreur.

« Et tu vas le tester.
- Quoi ?!
- Tu vas tester ça et tu me diras ce que pense le Joker.
- Mais t’es complètement dingue !
- On le dit, mais je trouve ça exagéré.
- Jamais je ferai ça ! Je déteste la drogue, c’est un coup à y passer ou à devenir dépendant ! Jamais je toucherai à cette saloperie !
- Je crains que je ne te demande pas ton avis. »

Alors que la Question s’approchait de lui en ne comprenant rien, Silence avait à nouveau sortit son arme et n’hésitait pas à appuyer sur la détente : en quelques instants, son « camarade » se retrouva sur le sol, une balle dans le ventre, incapable de faire le moindre geste et sentant un liquide chaud glisser entre ses doigts qui tentaient vainement de faire pression sur sa blessure. La blessure avait l’air assez sale, et l’homme au visage bandé vint se pencher : il put presque voir son sourire sous ses pansements. Il le détestait plus qu’il n’avait jamais haï quelqu’un d’autre dans sa vie.

« Co…connard…
- On dit ça de moi aussi, je sais. Mais je ne te comprends pas : tu voulais savoir si le Batman était bien mort, comment le Joker s’y était pris et tu refuses la seule solution pour ça. Je m’avoue déçu.
- J’aurais ta…peau…
- Beaucoup me l’ont dit. Je suis toujours là, mais on ne peut pas dire la même chose d’eux. Ouvre la bouche. »

Silence sortit de la poche de son imperméable une petite pilule qu’il voulut introduire dans la bouche de la Question, mais celui-ci se força à la laisser fermée. Il tentait de bouger, de se débattre, mais ses jambes étaient comme du coton et la douleur était affreuse : il sentait qu’il ne parviendrait pas à grand-chose et qu’il allait vite avoir besoin d’un médecin.
Voyant son refus, son ancien collègue soupira et coinça son nez entre ses deux doigts : il ne fallut pas plus de quelques secondes pour que Danny, blessé gravement, n’ouvre la bouche contre son gré pour respirer. Silence en profita et introduisit la petite pilule, avant de se relever calmement, dans l’attitude de l’homme ayant bien fait son travail. Enfin, pensa-t-il, l’enquête allait avancer, et enfin allait-il pouvoir régler son compte à celui qui l’avait spolié de sa revanche contre Wayne : même si il avait assuré la Question du contraire, il voulait se venger du Joker pour avoir tué le Batman à sa place. Et il lui montrerait combien ça pouvait faire mal de s’en prendre à ses petits jouets.
 
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