Urban Comics
  Episode #8 : Silence (3)
 

Histoire : Lex
Date de parution : Mars 2007

Qui suis-je ? Un homme, un être, une créature, un monstre ? On peut m’appeler par bien des termes mais je ne m’en préoccupe pas . On peut bien dire que je suis un psychopathe ou un démon comme je l’ai lu dans la presse ce matin, après avoir tué deux tueurs à gages qui voulaient ma peau, on peut bien croire que je tue pour le plaisir, que je prend mon pied à tuer, que je massacre tout ce qui passe près de moi, telle une bête assoiffée de sang, une chose horrible vivant au plus profond des entrailles de la Terre, un Jack l’éventreur des temps modernes, oui, on peut dire tout ça de moi . Seulement, le seul point commun entre moi et tout ça c’est que je tue, je passe ce cap, cette limite infranchissable pour tellement de monde . Tout ces gens inscris dans la normalité, dans une vie banale à en crever, avec un mari ou une épouse, un ou deux enfants, un métier dans un bureau à classer des dossiers ou à discuter des problèmes d’économie . Je n’ai que mépris pour eux, pour toutes ces personnes pitoyables qui accusent, qui crient, qui jugent comme si leur avis avait une quelconque valeur à la fin, à la fin de tout . Lorsque j’ai tué Tom Crone, j’ai lu dans ses yeux qu’il avait peur, que malgré sa toute-puissance, son air invincible, il n’était rien . J’ai remarqué ce même regard chez Ange Fichetti, un caïd intouchable, une ordure puissante de la mafia . Le regard des deux frères était, quand à eux, voilé par la drogue, illisible . Quoi de pire pour un Homme que de n’être doté d’aucune expression ?

Mais ne s’illusionnons pas, moi aussi j’étais comme tout ces types, avant, avant, il y a bien longtemps . Mais j’ai ouvert les yeux, j’ai réalisé dans quelle monde nous vivions, une société sclérosée, une humanité sous perfusion, prête à s’éteindre, détruite de l’intérieure par elle même . Dire que j’ai été à ce point ignorant . Il a fallut que la seule personne qui faisait mon bonheur décède pour que je réalise à quel point j’étais dans l’erreur, à quel point nous étions dans le faux . Depuis tant d’années, tant de siècles, tant d’histoire . Une histoire qui n’a plus aucun sens, un passé et un avenir sans présent . Oui, la vie est bien triste et minable . De spectateur de tout ça, j’ai décidé de devenir acteur et c’est pour ça qu’ils m’en veulent, que la police souhaite me capturer, que la mafia souhaite m’abattre en envoyant des tueurs à mon encontre . Prometheus est un tueur connu dans le métier, un professionnel prêt à toutes éventualités . Il sait que le clochard que j’ai payé pour qu’il les mène à moi lui ment mais il tient quand même à pénétrer dans mon « repaire de démon » . Il fait ça pour savoir, savoir qui je suis, pourquoi j’agis comme cela . Dommage que je ne puisse répondre à ses questions .

Prometheus observait l’usine désaffectée qui servait de repère à Silence . Autrefois, elle employait plus d’une centaine d’ouvriers travaillant la métallurgie et approvisionnant bon nombre de chantiers dans cette ville ouvrière qu’était Chicago . A l’intérieure, un véritable labyrinthe composé d’ateliers poussiéreux, de machines rouillées, de bureaux déserts . En plus de ça, le sol de l’aile droite s’était écroulée, créant ainsi un chemin qui menait directement aux égouts . Prometheus était certain que ce n’était pas le repère du meurtrier du parrain mais un simple terrain de jeu pour lui, un échiquier parsemé de pièges . Il s’agirait de les éviter et il était prêt à affronter celui qui serrait l’une de ses proies les plus coriaces .

-Eh, Prometheus, on fait quoi du vieux ?
-Tue-le, Carré d’As .

Le clochard, qui observait depuis cinq bonne minutes les trois tueurs, n’y réfléchit pas à deux fois, et se mit à courir pour échapper à l’assassin de Vegas mais une carte se ficha dans son mollet, ce qui le força à s’arrêter . Une seconde se planta dans son dos, arrachant un cri au vieillard . Carré d’As, un sourire sadique figeant ses lèvres, s’approcha avec lenteur de l’informateur tout en sortant une carte de son paquet, un sept de pique . Il attrapa le vieux par les cheveux et lui trancha la gorge de sa carte effilée . Puis il rejoignit ses deux collègues, déjà dans le bâtiment .

L’usine était à l’abandon depuis des années, laissée pour compte dans la politique d’urbanisme des années soixante-dix, vestige d’une révolution industrielle oubliée, l’intérieur ne valant guère mieux que l’extérieur, plongé dans un chaos tristement révélateur de ce monde en dérive . Prometheus fit le premier pas, arme au poing, suivi de Carré d’As et de Louise, prudemment en retrait . Il était là, cela se sentait, l’odeur du sang le trahissait, comme imprégné dans sa chaire . Se guidant par l’odeur, les trois tueurs se dirigèrent vers la gauche du bâtiment . Mais alors qu’il débouchait sur une allée de machines, un tumulte effrayant perça le silence mortel qui régnait en ces lieux . D’un signe du doigt, Prometheus fit signe à ses deux complices d’aller voir tandis qu’il continuait son chemin, prêt à faire face au moindre agresseur . Il savait où aller, il savait où Silence se cachait . Le secteur Est, éventré et injoignable, le forçant à descendre jusque dans les égouts jusqu’au bord du gouffre de son échiquier .

Carré d’As avançait devant, entre les machines ancestrales, à la recherche de la source du fameux bruit . Ou plutôt à la recherche d’un moyen de tuer sa coéquipière, Louise Lincoln, cette maudite mutante marchant juste derrière lui . La tension entre les deux était palpable, à découper au couteau . Oui, le moindre mouvement un peu trop suspect donnerait à l’un ou à l’autre un prétexte pour s’entretuer . Ils se détestaient cordialement, une haine profonde . Louise voyait en ce salopard l’image même des humains qui l’avaient exploité comme un animal, profitant d’elle, simple machine tueuse, une moins que rien, une nettoyeuse au pouvoir immense mais au profil bas qui ne méritait que ce qu’elle méritait pour être née mutante . Louise personnifiait pour Carré d’As cette classe de mutants tueurs qui lui avaient volé son marché florissant à Las Vegas, une gêneuse à éliminer pour le bien de tous et surtout pour son bien à lui .

Alors que Carré d’As était baissé, inspectant le sol poussiéreux à la recherche du moindre indice qui pourrait révéler un passage de Silence, il sentit dans son dos le contact glacial d’un morceau de chaire froide, Louise . D’un superbe coup de pied, il se dégagea de l’étreinte mortelle de la belle et sortit ses cartes à une prodigieuse vitesse . La garce se tenait prête au combat et arborait pour la première fois un sourire … glacial . Les deux tueurs se jaugèrent ainsi du regard pendant quelques minutes, oubliant le but principal qui les avaient amené à se trouver équipiers, ignorant l’autre tueur qui rodait, ne se préoccupant que de l’instant présent, l’instant de vérité, l’instant décisif, le résultat de plusieurs jours d’insultes et de haine . Carré d’As tenait deux cartes entre son index et son annulaire et entre son pouce et son majeur . Cette putain allait souffrir, foi de Carré d’As . Louise se préparait à entrer en contact avec son adversaire par n’importe quel moyen . Elle allait se jeter sur le sol pour éviter les cartes du tueur de Vegas puis l’attraperait par les jambes afin de le geler jusqu’à ce qu’il crève, amoindrissant ses forces en le regardant agoniser comme un chien .

La carte partit à une telle vitesse que Louise n’eut même pas le temps de s’apercevoir qu’elle venait d’entailler ses côtes . Ne restant pas pour autant inactive, la jeune mutante se jeta sur le joueur de cartes, les yeux exorbités, dopée par l’adrénaline . Elle donna au lanceur un coup de poing dévastateur qui le fit aller bouler contre une vieille machine pourrie dont la coque moisie et rouillée éclata sous le choc . Encore étourdi, Carré d’As n’eut pas le temps d’échapper aux doigts glacés de son ennemie qui se posèrent sur sa peau devenu blanchâtre . L’étreinte se resserra tandis qu’il sentait son sang se figer dans ses veines et les battements de son cœur diminuer . Ses membres s’engourdirent bien malgré eux et ses jambes furent bientôt paralysées . Cette sale garce était en train de le tuer . Ayant encore la mobilité de ses mains, il donna un coup désespéré qui atteint par miracle la joue de Louise qui fut contrainte de relâcher prise . Carré d’As, recouvrant vigueur peu à peu se saisit de son paquet et le vida littéralement sur la mutante qui fut transpercée de toute part par le lanceur de cartes, au sommet de sa joie, attendant ce moment tant espéré depuis des jours et des jours . Cette putain allait crever . Avec le sourire, il se releva, les jambes encore parcourut de frissons et, en boitillant s’approcha de la mutante à terre, couverte de sang . Avec une lenteur machiavélique, il lui trancha la gorge, prenant son temps, arrachant à sa victime quelques notes d’une mélodie morbide aux sonorités mémorables, clôturant ainsi à jamais le récital de la mourante . Une fois qu’elle eut rendu son dernier souffle, Carré d’As rangea ses cartes maculées de sang et poursuivit sa route à la recherche de Silence, abandonnant le cadavre gelé parmi les vieilles machines, parmi les choses du passé .

Prometheus se sentait mal à l’aise . Un étrange pressentiment le tenaillait, une impression de déjà vu, comme s’il ne pouvait rien changer au destin qui allait s’abattre sur lui coûte que coûte . Il sentait et était persuadé que ses deux collègues et sous-fifres allaient périr . Bien plus qu’un pressentiment, il le savait, il en était sûr, intimement persuadé . Silence n’était pas un tueur comme les autres, il avait quelque chose de plus que les autres, et tout ce passait dans sa tête . Une pensée le révoltait ; il n’était qu’un jouet, qu’un simple pion, qu’un simple outil dans ce jeu infernal . Mais il n’allait pas se laisser avoir . Il était et resterait le traqueur et non l’inverse . Flingue à la main, prêt à tuer froidement quiconque qui lui barrerait la route, il avançait, peu sûr de lui à vrai dire, chose qui n’arrivait que très, très rarement et même pour ainsi dire jamais . Son manque d’émotions l’avait beaucoup aidé dans le métier et cette réputation faisait de lui l’un des meilleurs tueurs à gages de Chicago . On le disait tireur hors paire, ne ratant jamais sa cible . Cela faisait parti des légendes urbaines qui courraient sur lui et la tête de Silence entrerait bientôt dans sa longue liste de trophées .

Carré d’As savait à quoi s’attendre . Ce Silence était un tueur impitoyable, bien plus fort que ses contrats habituels, même pendant cette fructueuse guerre des gangs qui ravageait Chicago comme un incendie impossible à éteindre, d’autant plus que Batman avait disparu de la circulation depuis quelques jours et laissait ainsi le champ libre à tout les malfrats de la ville de se faire la main sur les bandes rivales sans être inquiétés par la police, débordée et en mauvaise posture . Depuis qu’il était ici, il n’avait jamais eu à faire face à un gros poisson mais cette fois-ci, le « démon » de Chicago semblait être réellement doté d’un esprit démoniaque et une chose était certaine, un malade comme lui ne lui échapperait pas et s’il fallait se débarrasser de Prometheus pour l’avoir, il n’aurait aucun remord à le supprimer . Voilà trop longtemps qu’il le supportait avec ses remarques désobligeantes concernant ses penchants pour la drogue et l’alcool . Il faisait ce qu’il voulait et n’avait pas besoin d’un second père . Le premier, le salopard qui l’avait abandonné, avait été retrouvé égorgé, une carte de la justice baignant dans son sang .

Soudain, un bruit de pas réveilla les instincts de Prometheus . Lentement, il pointa son arme à feu vers le bout du couloir, prêt à faire feu . A pas de loup, il avança, anxieux et passablement mal à l’aise . Il ne contrôlait pas la situation et ça l’énervait au plus haut point . Silence jouait avec lui et il détestait ça . Lorsque les bruits de pas se rapprochèrent, il s’arrêta, prenant position pour tirer . Oui, il ne le louperait pas, qui que ce soit . Lorsqu’il vit une ombre bondire devant lui, il n’y réfléchit pas à deux fois avant d’appuyer sur la gâchette . C’est alors qu’une volée de cartes partirent en sa direction . Le tueur aux réflexes acérés se jeta de côté à la vitesse de l’éclair pour éviter les dangereux projectiles . Deux possibilités s’offraient maintenant à lui . Soit il tirait à l’aveuglette sur ce qui semblait être Carré d’As et le tuerait froidement, soit il avançait au risque que ce ne soit pas le tueur de Vegas mais un autre serial killer bien plus dangereux . Avec rapidité, il avança, traversant le nuage de gaz qu’avait provoqué une de ses balles, perçant une canalisation, tirant à travers ce brouillard aveuglant deux fois d’affilé . Finalement, il découvrit le corps sans vie de son associé, perforé de cinq balles . Prometheus jura en s’agenouillant par terre pour récupérer les cartes tranchantes de son collègue .

-Enfin débarrassé de celui là . Je me demandais quand est-ce qu’il se déciderait à mourir .

Prometheus se retourna pour découvrir un homme habillé d’un long manteau brun tâché et masqué par des bandelettes jaunies, une paire de rangers aux pieds et deux revolvers gros calibre à la main . Sans l’avoir jamais rencontré, l’assassin sut immédiatement qui se trouvait en face celui ; Silence, l’homme le plus recherché de la ville . Il les avait piégé, lui et ses associés, jouant des tensions à l’intérieur du groupe et les faisant s’entretuer . Les manipuler semblait avoir été aisé pour lui .

-Maintenant la question est : Que vais-je faire de toi, Prometheus ?
-Vous avez déjà tué beaucoup de personnes et je pensais pouvoir vous arrêter, être plus malin que vous . Je savais que c’était un piège et je comptais vous avoir à votre propre jeu en vous débusquant le premier . Je me suis lourdement trompé .
-Allons, pas de ça avec moi, cher Prometheus . Mon plan était des plus simplistes et je pensais que tu l’aurais déjoué facilement . Mais passons, là n’ait pas l’actuel problème . Je vais te proposer une chose que je ne propose jamais à ceux qui croisent mon chemin . Généralement ils meurent, en souffrant si possible, rapidement si je suis clément . Mais pour toi, je vais faire une exception, oh combien généreuse . Je te propose, disais-je, une collaboration .
-Et en quelle honneur ? Fit froidement le tueur à gages, impassible .
-En l’honneur de la future mort de Mikael Fichetti et d’une grande parti de ses oncles à savoir, Christiano Fichetti, Antonio Fichetti, Tony Fichetti, Victorio Esperanzia et Manuello Cresce . Cela te convient ?
-Combien ? L’argent, combien ?
-100.000 dollars par tête .
-100.000 dollars par tête ! S’exclama Prometheus, abasourdi par une telle proposition .
-Tu m’as très bien compris . En plus de cela, je te laisserais la vie sauve .
-Pourquoi ne pourrais-tu pas les tuer toi même ? Tu m’as l’air assez fort pour ça .
-Tu flaires un piège . Sauf qu’il n’y en a pas . Il y a juste 600.000 dollars à la clef avec 30.000 dollars d’avances que je te remettrais immédiatement . Sache que si je souhaite faire équipe avec toi, c’est pour une bonne raison et je n’ai pas envie de te plumer, je ne suis pas si complexe et fourbe que cela . Alors, ta réponse ?
-Marché conclu . Répondit froidement Prometheus .

Les deux hommes quittèrent l’ancienne usine côte à côte, ne s’échangeant aucune parole, d’une froideur exemplaire, laissant derrière eux les cadavres de Carré d’As, un tueur un peu trop encombrant, et de Louise Lincoln, un peu trop dangereuse et qu’il aurait fallu éliminer par la suite . Une nouvelle aire commençait pour Chicago, où elle aurait à faire face à deux des plus grands tueurs de l’Illinois, Silence et Prometheus, associés pour le meilleur et pour le pire dans le meurtre, au moins jusqu’à ce que l’un décide de tuer l’autre .

Deux jours plus tard, un article d’un journal chicagoen annonçait la mort en une nuit de six caïds de la mafia de Chicago, tous tués entre minuit et une heure du matin par Silence pour trois d’entre eux et par un autre tueur qui s’était occupé à lui seul de Christiano, Antonio et Tony Fichetti . « Un nouvel engrenage dans la guerre des gangs » titrait le journal, ce qui n’était pas tout à fait faux, en vérité . Les guerres dans le milieu commencent et finissent toujours dans la vengeance .

 
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