Urban Comics
  Episode Special : "Les ailes du destin"
 
Histoire : Cable
Date de parution : Octobre 2005


Béatrice était à milles lieues d’imaginer que cette journée serait la dernière de son ancienne vie. Cela faisait 3-4 ans maintenant qu’elle zonait avec sa bande dans Manhattan, interpellant sans vergogne les passants encravatés qui pressaient leurs pas plutôt que leur porte-monnaie.
Les derniers souvenirs qu’elle gardait de sa famille était ce minable gâteau de carottes pour ses 18 ans, avec une vieille bougie rose pâle totalement essoufflée. La nuit qui avait suivi ce glorieux moment, elle avait embarqué quelques fringues, les économies de son beau-père et avait sauté dans le premier car pour New-York, laissant le Kentucky à tous les ploucs de la Terre.
Totalement paumée dans la « grosse pomme », elle passa sa première nuit dans Central Park. Aujourd’hui, quand elle y repense, elle a eu une chance phénoménale… ce lieu devient la nuit une espèce de zone interdite où viennent nicher tous les tarés de la ville. Heureusement, c’est ce soir là que T-Bird et Bison l’ont trouvé. Ils l’ont emmené avec eux comme si c’était leur petite sœur. Ils l’a respectaient et la protégeaient… jamais elle ne s’était sentie autant « en famille » qu’avec ces deux marginaux de la vie. Ils avaient un méga squat dans un vieil immeuble, possédant toutefois tout le confort moderne : électricité et eau courante piratées sur les réseaux municipaux !
T-Bird était un afro-américain du Mississipi. Il possédait un QI de 150 et Béatrice se demandait ce qu’il faisait dans la rue, question à laquelle il ne répondait jamais, prenant un air sombre et faisant semblant d’être occupé. Une fois pourtant il avait parlé de son passé, juste assez pour connaître son vrai nom (James Washington) et qu’il devait entrer à Yale jusqu’au jour où… et là une voiture de flic qui passait dans la rue toutes sirène hurlantes interrompit son monologue qu’il ne reprit jamais. Sa grande passion pour les Thunderbirds lui valait son surnom.
Bison était amérindien. William Dunbar était né dans une réserve près de Chicago et, voulant fuir le cercle infernal qu’engendrait les réserves pour ceux de son peuple (chômage, eau de feu, délires ancestraux), il avait accepter de bosser pour une entreprise de bâtiment qui recrutait parmi le peuple de la 1ère nation, « les seuls mecs » capables de marcher sur une poutre en acier à 50 mètres du sol sans pisser dans leur froc ! Ses collègues de chantier l’avaient surnommé Bison, pour sa carrure et son caractère. Ours Mal Léché aurait tout aussi bien fait l’affaire, mais Bison c’était plus classe, et Béatrice était fière de se balader en sa compagnie.
Chacun vaquait à ses petites occupations. T-Bird et Bison cumulaient les petits boulots, Béatrice tentait sa chance dans les auditions de Broadway, tout en faisant la manche dans Wall Street. Leur « appart’ » était moins sinistre depuis qu’elle habitait avec eux, donnant sa touche féminine au bordel masculin dans lequel ils vivaient.
La vie suivait son cour, tranquille et paisible.
Le 11 septembre 2001, tout le monde avait une journée de congés, une journée comme les aimait Béatrice. C’est elle qui décidait du programme et du menu. Depuis son arrivée à New-York, elle rêvait de grimper en haut des « twins towers ». Le World Trade Center était un des plus hauts points de Manhattan et la vue qu’on pouvait avoir de là-haut était incomparable. Peut-être même qu’elle apercevrait le Kentucky et les bouseux qu’elle avait laissé derrière elle. Elle avait économisé plusieurs mois pour se payer cette journée avec ses deux « grands frères » et cela faisait près d’une semaine qu’elle leur rabattait les oreilles avec ça. T-Bird crisait et voulait lui faire des injections de Valium, tandis que Bison grognait dans son coin. Mais tous deux partageaient de la joie de leur camarade et, surtout, appréciaient de la voir si heureuse.
Le programme de la journée était simple : le matin, ascension de la tour nord du World Trade Center, à midi méga hot-dog au pied de l’Empire State Building (c’est là qu’on trouve les meilleurs !), et après-midi dans Central Park le cul dasn l’herbe et les doigts de pieds en éventail !
A 8h, Béatrice était une des premières à accéder au guichet de la Tour Nord pour monter sur la terrasse. Des dizaines de touristes commençaient à s’amasser devant les portes et elle ne voulait pas être prise dans la masse. Bison et T-Bird s’amusaient de son empressement et, pendant qu’elle prenait les billets, ils lui avaient acheté un T-shirt avec une inscription : « J’suis montée jusqu’au dernier étage et j’aime ça ! ». Elle allait les tuer mais ça les faisait trop marrer.
A 8h30, Béatrice hurlait comme une folle sur la terrasse de la Tour. C’était vrai, la vue était incomparable. Elle voyait tout New-York et même plus loin. En plus, le ciel était d’un bleu éclatant… on n’aurait pas pu espérer mieux pour passer une magnifique journée. Pourtant, un truc clochait. Depuis qu’elle était montée dans l’ascenseur une petite voix dans sa tête n’arrêtait pas de lui crier de redescendre et de se barrer. Elle ne comprenait pas. Tout se passait bien, même T-Bird semblait apprécier les moments passés, lui qui d’habitude était plutôt taciturne. Alors pourquoi tout son corps, maintenant, lui criait-il de quitter cet endroit au plus vite ? Elle voulait pas trop faire la fille qui change d’avis comme de chemise, ni gâcher la journée, mais elle se décida d’aller voir Bison et de lui parler de son inquiétude. Bison écoutait souvent son intuition et il comprendrait sûrement l’inquiétude de Béatrice. T-Bird était plus pragmatique, il ne laissait pas beaucoup de place au hasard. Toutefois, elle n’eût pas le temps de faire part de ses craintes, elles se réalisèrent à l’instant où elle détournait les yeux de la Tour Sud pour se tourner vers Bison qui mâtait la guide près des ascenseurs. Il était 8h46 quand un boeing 767 fonça vers le bâtiment pour s’écraser quelques étages en dessous. Le choc fût terrible. La plupart des gens qui se trouvaient sur la terrasse se retrouvèrent à terre, la Tour tremblait de tous les côtés et plusieurs explosions se faisaient entendre plus bas. Les gens criaient, Béatrice aussi. Elle cherchait T-Bird et Bison mais la confusion était telle qu’ils étaient noyés dans la foule. Tout le monde se ruaient vers les ascenseurs, la guide essayait de les contenir mais elle ne récoltât qu’un coup de poing dans son nez refait (3000 $ de fichu !). Béatrice ne comprenait pas bien ce qui se passait : qu’était venu faire cet avion en plein Manhattan ? Elle commençait à s’affoler sérieusement quand quelqu’un la tira vers l’arrière par le bras. C’était T-Bird ! Bison était à côté de lui et elle les serra très fort dans ses bras. Elle les interrogea du regard mais eux non plus ne semblaient pas comprendre ce qu’il arrivait. T-Bird gardait pourtant son sang froid. Rapidement, il désigna à ses amis la porte de l’escalier, ajouta qu’il fallait tout tenter pour quitter rapidement la Tour, expliquant qu’elle ne tiendrait pas le choc. Béatrice n’en croyait pas ses oreiilles : le World Trade Center allait s’effondrer ?! Non, impossible, T-Bird délirait. Cependant, les explosions et les craquements qui retentissaient dans tout le bâtiment lui laissaient croire qu’il n’avait pas tort, d’autant que son « alarme » interne résonnait plus que jamais !
La plupart des gens tentait encore d’utiliser les ascenseurs. Dans la panique, ils n’imaginaient pas un seul instant que ceux-ci pouvaient être hors service. Béatrice se demanda même comment ils pourraient quitter le toit, les étages où l’avion s’était encastré devaient être totalement détruits. En effet, arrivés au 100ème étage, ils tombèrent face aux flammes, sans issues possible. A ce moment-là, poussée par un instinct qu’elle ne se connaissait pas, Béatrice tira T-Bird par la manche et lui souffla de la suivre sans poser de question. T-Bird la regarda un instant dans les yeux puis se contenta de se retourner vers Bison et les quelques personnes qui les avaient suivi, et cria « suivez-là ! ». Béatrice fraya un chemin tant bien que mal à travers l’étage où peu occupé à cette heure (heureusement pensa-t’elle) et trouva un autre escalier du côté sud de la Tour, moins affecté par la colision. La chaleur était pourtant intenable mais c’était le seul moyen de rester en vie. Juste avant de descendre, elle jeta un œil vers la Tour Sud, se disant qu’ils auraient dû visiter celle-là. Il était 9h02, elle eût juste le temps d’apercevoir un bout d’aile et de se dire que ce n’était pas possible, pas encore une fois… La seconde collision se produisit quelques étages plus bas que la première mais le souffle envoya une multitude de morceaux de verre. Béatrice se retourna et cria à tout le monde de se baisser, 2 secondes avant que ce vent tranchant traverse l’étage où ils se trouvaient. Peu après, elle releva la tête et cria qu’il fallait continuer à descendre quand elle aperçut T-Bird à terre… Elle se précipita vers lui et le retourna. Rien ne sorti de sa gorge mais l’envie de hurler était pourtant là… James avait reçu un gros morceau de verre en travers de la gorge, lui tranchant net la carotide. Il vivait encore, un gargouillis sortant régulièrement de sa bouche. Ses yeux regardait partout rapidement puis s’arrêtèrent sur Béatrice et Bison. « Sauve… sauve-toi… petite sœur… » Ce furent ses derniers mots. Béatrice éclata en sanglots et Bison ne pu réfréner un cri de rage. Puis une nouvelle explosion se produit dans la Tour. Béatrice se résigna à laisser T-Bird derrière elle, son « alarme » interne lui hurlait dans la tête. Elle ne sait pas trop comment elle réussit à traverser la demi-douzaine d’étages détruits par l’avion, tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle et Bison, plus une petite dizaine de personnes avaient réussi à sortir de l’enfer. Une femme se mit alors à crier : sa petite fille était restée dans l’escalier en flamme. Bison ne réfléchit même pas, il courut chercher la gamine sans se soucier des cris de Béatrice. William trouva la gamine sur le palier de l’étage supérieur, totalement terrorisée… il l’a rassura et lui dit qu’il l’emmenait voir sa maman. Elle se calma un peu et grimpa dans ses gros bras. Alors qu’il se trouvait à la moitié de la descente, l’escalier s’effondra sous ses pieds. Bison eût le réflexe de lancer la gamine et de se rattraper à une tige de métal qui pendait d’un reste de béton. Béatrice, sentant qu’il se passait quelque chose, venait de surgir sur le palier. Elle récupéra la gamine et la rendit à sa mère, pleurant de bonheur, puis se précipita pour aider son ami. Bison faisait des efforts surhumains pour s’extirper du vide, mais il n’avait aucune prise et Béatrice pas assez de force. Elle ne voulait pas que ses « deux grands frères » meurent le même jour, non, ça ne pouvait pas arriver… tout ça n’aurait jamais dû arriver… et où étaient les secours, que faisaient-ils ? Pourquoi personne ne l’aidait à sauver ceux qu’elle aimait ? Bison l’appela et lui dit de se sauver, qu’il fallait qu’elle s’occupe bien d’elle et qu’elle fasse attention. Béatrice lui disait de se taire et d’essayer de sortir de la merde dans laquelle il s’était encore fourré ! Mais Bison ne voulait rien entendre, il lui dit qu’elle n’était pas comme les autres et que sa différence la sauvera… il ajouta que pour sa part, il était heureux d’aller retrouver la grande prairie de ses ancêtres. Béatrice hurla un grand « non » quand Bison repoussa ses mains et lâcha la tige de métal, puis disparaître dans un nuage de fumée. Il s’était lâché pour qu’elle continue, pour qu’elle survive… elle ne devait pas le décevoir.
Béatrice continua sa descente parmi les touristes et les employés paniqués. Elle avait atteint le dixième étage quand les Tours se sont effondrées. Elle ne se souvient plus de grand chose alors… juste son réveil dans un lit d’hôpital, avec une infirmière lui répétant qu’elle avait une chance énorme.

L’avantage d’être une victime d’une catastrophe nationale, c’est que l’Etat vous paye votre super séjour chez les blouses blanches. Béatrice resta 4 mois pour se remettre de deux côtes et de sa jambe gauche cassées, sans oublier le suivi psy pour le traumatisme. La première fois qu’elle se regarda dans le miroir fût un choc : sa peau était devenue totalement blanche, seul un grand rond autour de son œil gauche était resté noir, sa couleur d’origine. Les médecins disaient que cette dépigmentation particulière était une conséquence probable du traumatisme de l’attentat, Béatrice se doutait qu’il s’agissait d’autre chose… cette différence dont lui a parlé Bison avant de disparaître. Par chance, ses blessures se sont rapidement guéries… par chance aussi, les caméras de surveillance tombèrent en panne au moment où elle décida de quitter l’hôpital et de disparaître.

4 ans plus tard, une jeune femme en imper noir déambule sur le ground 0, puis, attendant son tour, s’arrête devant une stèle, caressant du doigt les noms de James Washington et William Dunbar. Une larme coule le long de sa joue et elle se répète la promesse qu’elle s’est faite, au même endroit, après être sortie de l’hôpital : je vous vengerai les gars, tous ces putains de terroristes s’en mordront les doigts… foi de Domino !
Cela faisait 3 ans qu’elle écumait tous les pays musulmans pour retrouver la trace des chefs d’Al-Quaida, sans réel succès, mais aujourd’hui un nouvel espoir se présentait à elle. Une espèce de free-lance, se faisant appeler Cable, se vantait de vouloir rendre la justice dans ce monde, afin de le rendre équitable pour tous les hommes, mutants ou non ! Lui aussi était « différent » et il allait l’aider, de son plein gré ou non !
 
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