Urban Comics
  Ghost Rider #9 : Sanctuaire
 
Auteur : Zauriel
Date de parution :


Et c’était reparti pour un tour. Sonnez trompettes, le preux chevalier Johnny Blaze , ou ce qui en restait, était en route pour l’Apocalypse. Johnny ricana en entendant une petite voix clamer cela dans sa tête. Etait-il fou ? Après tout, il était envisageable que partager, même provisoirement, son esprit avec une entité millénaire pouvait entraîner de graves lésions cérébrales. Oui, oui, monsieur. Dans un monde où les super héros et les démons faisaient leur show, tout était possible. Il ne manquait plus que l’attaque imminente des extra-terrestres.
Rachel l’avait laissé seul. Pour une fois que c’était son tour. Combien de fois lui, l’avait-il lâché ? Après avoir promis qu’il viendrait aux nombreux rendez –vous qui s’étaient terminés par un posage de lapin, elle continuait de l’aimer, et de l’aider. Il en avait le cœur gros. Elle était restée dans la voiture, grée devant la grande baraque qui tombait en ruine de la vieille sorcière. Il se retrouvait donc seul, alors que le soleil dardait ses derniers rayons, sur le seuil de cette étrange et pourtant si familière bâtisse. Des briques, rien que des briques… Et pourtant, derrière la façade matérielle que remarquaient les simples êtres humains, auxquels Johnny appartenait il n’y a pas si longtemps, lui percevait autre chose. Quelque chose d’invisible, mais de palpable. Immobile, mais vivant. Il y avait, tout autour et certainement à l’intérieur de ces murs, une présence. Johnny en était sûr, Zarathos était là. Mais il paraissait… endormi.

La porte s’ouvrit brusquement sur une silhouette voûtée par les années, et Johnny sursauta. Elle portait un châle qui lui couvrait les épaules. Sur son crâne, il y avait quelques touffes de cheveux, vestiges de ce qui avait été autrefois une chevelure flamboyante et ondulée. Son visage était constellé de pustules, et ses mains en étaient tout autant couvertes. Elle portait une petite gamelle remplie de lait qu’elle déposa à côté de Johnny. Elle releva la tête et lui adressa un sourire, qui évoqua à Johnny l’image d’un banc de rochers, tant elles étaient inégales et irrégulières. Puis, sentant le mal qui le rongeait s’en prendre à sa main droite, il prit conscience de l’urgence de la situation.
« Je dois le voir. »
La vieille fronça ses sourcils broussailleux.
« Mais qui ça ?
Zarathos »
Elle eut un geste d’indifférence et répondit, avec le ton d’une de ces vieilles dames qui parlent de la pluie et du beau temps sur la place du marché..
« Lui ? Il est endormi. Il ne se réveillera pas avant un bout de … »
Johnny la prit par les épaules, et sans se soucier de l’âge de la vieille, il la secoua.
« je dois le voir, répéta-t-il en hurlant. Où est-il ? »
La vieille s’ébroua et ronchonna.
« C’est bon, c’est bon. Suis moi, mon garçon. »
Ils entrèrent ainsi dans la maison qui avait hanté les cauchemars de dizaines de petits enfants de la ville de Kenston City.

On y sentait la poussière. Un peu normal, pour un édifice de cet âge, habitée par une femme de cet âge. Une odeur de vieux. Une odeur sympathique. Mais Johnny y perçut une autre odeur. Une odeur que l’on ne s’attend pas à trouver ici. L’air marin. L’iode. Marrant, non ? Quand on songe que Kenston City se trouve à égale distance de l’Atlantique et du Pacifique. La vieille le précéda dans un escalier aux marches moisies par l’humidité. Il craquait tellement que Johnny eut peur qu’il ne s’écroule, et qu’il meure là, non à cause de la maladie qui s’était emparée de lui, mais à cause de plusieurs centaines de kilos de bois moisi qui lui seraient tombées dessus. Mais l’escalier ne s’écroula pas, et Johnny suivit la vieille dans un couloir aux murs éclairés par de pâles ampoules. Une porte au fond du couloir était entrouverte, et Johnny entendit un ronflement provenant de la chambre. La vieille poussa la porte d’un violent coup de pied. Sur le lit, unique meuble de la pièce, reposait un corps embaumé, les mains croisées sous le cou. La poitrine se soulevait, et descendait, au rythme d’une respiration, et ce malgré les rubans noirâtres qui l’enveloppaient. Une chambre d’hôpital. Johnny se tourna vers la vieille, dont le visage ne trahissait pas la moindre émotion.
« Que s’est-il passé ? »

La vieille sursauta. Johnny l’avait sorti de la torpeur agréable qui s’emparait d’elle à chaque fois qu’elle contemplait le corps enrubanné. Sa vue lui apportait une paix brève, mais incroyable. Et ce petit crétin lui volait un des rares moments de sérénité qu’elle connaissait en ce monde.
« Tu l’as rejeté. Enfin, pas de ton propre gré, bien entendu. Tu n’es pas assez fort pour cela. Mais il s’est retrouvé affaibli. Et à chaque fois qu’il se fait exorcisé, il revient à cette forme. Cette forme de … relique. Et il refait le plein. A chaque fois… »

Johnny n’insista pas. Dans les yeux de la vieille Abigail, des larmes se formaient. Et Johnny ne voulait pas en rajouter. Il s’approcha du corps, de cette grotesque marionnette. Et il la toucha. Du bout des doigts. Comme pour savoir si cette… chose devant lui, sur ce lit, était réelle. Et selon son sens du toucher, elle l’était. Il se retourna encore une fois vers la vieille, avant qu’elle ne retombe dans son doux sommeil.
« Que faut-il faire ? Pour le réveiller ? »
LA vieille s’approcha, et fit signe à Johnny de s’abaisser. Elle approcha sa bouche de son oreille et chuchota.
« Appelle-le. Fais en sorte qu’il t’entende. Et puis, n’oublie pas de prier pour ton âme. Tu en auras besoin. »

Elle le laissa seul. Johnny l’entendit descendre les escaliers, en jurant. Les marches étaient bien trop glissantes. Il lui fallait raser cette maison, et tout ce qui suivait. Johnny sourit, puis il ferma les yeux. A côté de lui, le corps s’arrêta de respirer, et la pièce se mit à tourner. De plus en plus vite, jusqu’à ce que Johnny s’évanouisse.

Il se réveilla dans un magnifique jardin, où coulait plusieurs filets d’eaux, et où de grands arbres fruitiers régnaient. Des écureuils courraient entre les chênes, et des oiseaux faisaient leur nid. Johnny sentit qu’on l’observait, et il tourna la tête. Dans un trône d’or, un homme à la chevelure rousse, le regardait de ses yeux sombres. Il ne disait mot. Ses mains étaient jointes, et il semblait attendre. Johnny fit un pas vers lui, mais l’homme l’arrêta.
« Que fais-tu ici, renégat. ? »
Johnny s’étonna. Puis il comprit. Il savait où il était.
« Je suis ravi de te revoir, Zarathos. »
L’homme se leva. Et Johnny s’aperçut avec surprise que la peau de son interlocuteur était jaune. Il portait une grande cape rouge qui se fixait à une tête de mort sur son cou.
« Tu n’as pas répondu à ma question. »
Johnny ne tenta pas de l’approcher un peu plus.
« J’ai besoin de toi »
L’homme se rassit en un hurlement hilare. Il se tordait de rire.
« Et de quel droit viens-tu en mon sanctuaire ? De quel droit viens tu violer ce havre ? »
« Ecoute, j’ai fait une gaffe, mais je suis en train de mourir. Je veux me venger, je veux t’apporter ce que tu désires, je veux sauver Rachel et les autres. Je veux la justice »

Zarathos fut troublé par les paroles du mortel. La justice. Il avait perdu de vue cette notion depuis bien longtemps. Pour lui, tout n’était que vengeance, et destruction. Mais qu’était-ce au fond que la justice ? Il croyait œuvrer pour le bien, en exterminant les ennemis de ces anciens hôtes. Mais il avait tort. Et bien qu’il ait du mal à l’admettre, Johnny avait raison.
« Tu veux la mort des Henderbach ? »
Johnny n’hésita pas
« Oui »
« Pourquoi ? Tu es déjà mort. Que t’apportera la leur ? »
« Plus personne ne souffrira comme moi. Rachel sera en sécurité, et tu retrouveras Anadriel. »

Zarathos sentit l’espoir renaître au fond de son cœur dévasté par l’échec. Et dans un murmure, il accepta l’offre de Blaze. Il accepta de s’unir à lui de nouveau. Il accepta de redevenir le Ghost Rider.
 
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