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  Le Gorille #13 : Rencontres (1)
 

Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Janvier 2006

Le vent frais avait fait déserter la majorité des étudiants qui squattaient dans le campus, mais lui était resté malgré le froid. Seul. Immobile. Ses mains froides cachées dans sa veste en cuir noire pour tenter de les réchauffer, l’adolescent n’avait pas bougé du banc sur lequel il était assit depuis le matin.
Il ne pouvait bouger, trop plongé dans ses sombres pensées pour faire un geste, un mouvement autre que la respiration.

Depuis quatre jours qu’il était à Paris, Ben Reilly avait perdu le peu d’illusions qu’il avait encore sur la vie et ce qu’il voulait faire de la sienne.
Après toutes les horreurs qui s’étaient passées chez lui, à New York, l’adolescent qu’on appelait avant Spider Man avait cru pouvoir trouver la paix et la sécurité dans la famille de sa mère, dans le centre de Paris. Mais, encore une fois, son Destin n’était pas d’accord et il avait perdu ce qu’il croyait avoir…Retrouver la famille de sa mère n’avait pas été facile, et pour cause : les morts sont rarement dans annuaires…
Le jeune homme savait que ses grands parents étaient très âgés en descendant de l’avion, mais il n’avait jamais pensé qu’ils puissent être morts…Jamais cette idée ne lui avait traversée l’esprit, trop occupé à espérer un avenir meilleur avec ceux de son sang…mais tout était terminé, maintenant.

Que pouvait-il faire, désormais ? Si peu de choix s’offraient à lui…
Rentrer à New York et revoir Gwen ? Elle ne voudrait certainement pas…Il avait eu tort de partir ainsi de la ville, de prendre le premier avion en partance pour Paris sans même lui parler, lui dire au revoir, lui expliquer…mais qu’aurait-il pu faire d’autre ? Allez la voir, le sourire aux lèvres, alors qu’il avait besoin de se retrouver, de retrouver un sens à sa vie ?
Non…mais maintenant, elle devait certainement le détester, et il avait perdu celle qu’il aimait et son foyer à cause de cela…à cause de son erreur…d’une de ses nombreuses erreurs…

Retourner à la Réserve pour voir la tombe de son grand père et tenter de vivre comme ses ancêtres là-bas ? Nan, impossible…La tribu avait certainement comprit ce qu’il s’était passé avec ses ancêtres et sa seconde peau, et Ben pensait bien qu’ils ne seraient pas ravis de voir venir un « traître » chez eux…Loin de là, même…

Revenir à New York et tenter de vivre normalement ? A quoi bon ?
Même si il n’était plus déclaré mort à l’heure actuelle grâce à l’avocat Nelson, le jeune Reilly n’avait plus rien là-bas…Plus de famille…plus de maison…plus de Gwen…plus d’amis…Sa vie était vide, désormais…totalement vide…

Ah ! comme il jalousait ces étudiants qui sortaient de l’université…Un petit groupe d’amis…Quatre personnes qui s’appréciaient, s’aimaient…Une bande, quoi…
Deux garçons, deux filles…deux couples…Ben avait eu cela, il y a longtemps…très longtemps…Max, Matilde, Michael, Flavien Fanny…c’était comme une autre vie, maintenant…
Comment en avait-il pu en arriver là ?
Comment avait-il pu les perdre ?
Comment avait-il pu abandonner ceux qui comptaient tant pour lui ?
Et comment avait-il pu laisser encore ceux qui avaient tentés de l’aider, Gwen, Phil, Harry et la veuve Stacy ?
Parfois, le jeune homme se dégoûtait vraiment en repensant à tout ce qu’il avait accomplit dans sa vie…

Tout à ses pensées, l’adolescent qui avait désormais les cheveux un peu plus longs que d’habitude et une barbe brune un peu prononcée ne vit pas arriver le petit groupe qui était sortit quelques minutes auparavant de l’université.
Menée par un jeune homme au visage fort et à l’allure décontractée, qui était accompagné d’une jeune fille aux longs cheveux châtains et aux yeux verts qui avaient fais tourner bien des têtes, la bande se posta devant Reilly, qui ne remarqua alors qu’à cet instant leur présence.
Ce fut celui qui était en tête du groupe qui parla à l’Américain. Celui-ci comprit alors de suite l’énervement du Français rien qu’au ton de sa voix, et ce avant de traduire mentalement ses paroles en anglais.

« Euh, s’il te plaît…c’est notre banc, on le prend toujours, et y en a plein autour…Donc tu peux bouger ? Surtout qu’on a vraiment passé une sale journée, alors bon…
- Allez, Matthieu, c’est pas grave…On peut aller autre part…Et c’est pas de sa faute si on s’est plantés au galop d’essai…
- Nan, c’est notre banc, lui peut bouger…C’est pas à nous de virer, c’est à lui…
- Je vois pas pourquoi je me lèverais alors que t’as dis toi-même qu’il y avait d’autres bancs libres…Tu vas pas t’énerver devant tes amis pour ça, nan ? Allez, ça vaut pas la peine…
- Mmh…Ton accent…Américain, nan ?
- Ouais.
- Tu devrais mieux retourner à l’hôtel, Américain…J’crois pas que l'université t’intéresse pour que tu la fixes tant…
- Qu’est-ce que t’en sais, Frenchie ? Tu crois que c’est parce que tu vis ici que t’as tous les droits ? »

Ben commençait lentement à s’énerver.
Même si le mec devant lui semblait plutôt sympa et si il semblait avoir eu une sale journée, l’adolescent n’avait pas envie d’écouter ses délires frénétiques. Il avait passé, lui, de trop mauvaises journées ces derniers temps pour se laisser faire devant ce type…
Lentement, le jeune homme s’était levé et faisait maintenant face à celui qui s’appelait Matthieu, et leurs deux regards se lancèrent mutuellement des éclairs, ce qui ne rassurait pas vraiment les autres membres du groupe…

« Matt…Arrête, ça en vaut pas la peine…
- Si, Frank…C’est notre banc, ça fait des semaines qu’on squatte ici après les cours…Et je laisserais pas un Amerlock nous le prendre…
- ‘Tain, mais c’est qu’un banc, quoi…
- Tu devrais les écouter, Frenchie. Ce n’est qu’un banc, et je te l’aurais laissé volontiers si tu n’avais pas voulu jouer au super héros avec moi…
- Au super héros ? Tu ne sais même pas ce que c’est… »

Leur ton était de plus en plus dur, et le clash entre l’Américain aux cheveux blonds teints et le Français aux cheveux noirs était de plus en plus prévisible. Lentement, Emily, Franck et Marie s’étaient reculés, même si la première avait voulue rester près de son petit ami, même si il était à cran à cause de l’exam’ planté et qu’il voulait se défouler. Néanmoins, le voir ainsi…cela lui faisait un peu peur…

« Ah ouais ? Je viens de New York, ‘tit gars…Je vois en général un héros par jour si j’ouvre ma fenêtre…C’est pas votre pays de mangeur de grenouilles qui peut se targuer d’en avoir autant, hein… »

Ben se surprit à prononcer ces mots.
En général, il aimait beaucoup la France…Ce pays était celui de sa mère, et il avait même la double nationalité, mais là…Là, ce type le faisait sortir de ses gonds…Il était énervé, tellement énervé…La tension de ces derniers jours, la déception d’avoir perdu le peu de famille qui semblait lui rester…Tout cela devait sortir, et cela allait sortir sous peu…

« Connard… »

Matthieu allait balancer son poing dans le visage du jeune Reilly lorsqu’il entendit un son qu’il ne connaissait beaucoup trop familier. Ce grésillement…cette sensation des poils qui se redressent sur le cou…cette envie de partir au plus vite, de fuir de cet endroit…
Et merde, pensa celui que les journaux appelaient le Gorille en se tournant pour voir celui qui était responsable de cela, et merde…

« Eletrochoc… »

Le jeune homme avait murmuré ces mots en voyant l’adolescent aux cheveux blonds et courts qu’il avait arrêté quelques jours auparavant après son attaque de la fac…Il se maudit alors en pensant qu’il aurait dû vérifier que la police l’emmène bien, alors qu’il s’était échappé en fait…Et là, il voulait certainement se venger en détruisant tout …Et il en avait le pouvoir…
Le Gorille devait intervenir, mais Matthieu ne pouvait pas disparaître comme cela, au vu et au su de tout le monde…

« Emily, Frank, je… »

Mais les appels pour faire partir ses amis ne purent sortirent de sa bouche…Des rafales d’énergie électrique volèrent vers le banc devant lequel étaient Ben et Matthieu. Si le second avait pu se jeter en avant pour éviter l’attaque énergétique mortelle, le premier ne pouvait normalement rien faire pour éviter les vrilles qui traversaient tout le campus à la vitesse du son…Humainement, c’était impossible…

« Oh putain… »

Tous les étudiants s’étaient jetés à terre pour se protéger de l’attaque de celui qui se faisait appeler Volt. Matthieu s’était tourné vers le banc en tombant, ne pouvant pas ne pas regarder la mort irrévocable de l’Américain qui ne pouvait bouger assez vite pour survivre.
Il allait mourir…il allait griller sur place…Personne ne pouvait être assez rapide, assez vif pour éviter la vrille électrique…Personne ne pourrait survivre à cela…C’était humainement impossible, et Matthieu s’en voudrait à vie de s’être laissé aveugler par sa colère et sa rage d’avoir loupé son galop d’essai et n’avoir pas vu son ennemi apparaître au milieu du campus presque désert…Il s’en voudrait à vie de n’avoir pu sauver un innocent, lui qui s’était destiné à le faire chaque jour…

Mais, après que l’énergie ait frappée le banc pour l’électrifier et le rendre mortel à tout contact, et alors que la fumée se dégageait lentement de l’endroit, le Français se releva pour s’approcher du corps de l’adolescent. Il était mort…c’était impossible qu’il en soit autrement.
Mais, alors qu’il s’attendait à voir un cadavre brûlé recouvert de spasmes, la vision qui s’offrait à Matthieu le choqua totalement…En effet, devant lui…il n’y avait…rien ! Pas de corps, pas de cadavre, rien ! C’était comme si l’Américain avait disparut, avait pu fuir…
Comment était-ce possible ? Comment ce type avait-il pu s’échapper, avait-il pu survivre ? C’était inconcevable… miraculeux, même…Et Matthieu ne croyait pas aux miracles…

Mais le Gorille n’avait pas de temps pour penser à cela. Volt, comme il se faisait appeler, était en train de détruire la fac, de la réduire à néant pour exprimer sa rage et ses envies de reconnaissance meurtrières. Il ne pouvait le laisser faire. Non, il ne le pouvait pas.
Heureusement, Emily et les autres étaient partis en courant dans différents coins du campus pour se protéger, et il pourrait disparaître environ une heure en trouvant une explication facile et tangible…Bien, très bien même…Si il n’avait pas assuré lors de leur première rencontre, cela ne se passerait pas ainsi…oh non…Et après, il règlerait le cas de cet étrange Américain…

 
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