Urban Comics
  Le Gorille #8:La Faux(3)
 
Histoire : P'tit Lu
Date de parution : Août 2005

 
Je m’appelle Matthieu Sylvestre, j’ai 19 ans et je suis étudiant et super-héros pendant mon temps libre. Je suis un garçon plutôt calme, d’ordinaire. Je veux dire par là que je tabasse rarement quelqu’un pour le faire parler.
- Le Temple ! criai-je au gus que je tenais à bout de bras au dessus du vide en me tenant accroupis au bord du toit d’un immeuble. C’est quoi, c’est qui, c’est où ?!
Ce fameux Temple avait l’air d’avoir un lien avec la Faux, un tueur en série, et comme mes recherches sur Internet n’avaient rien donné je devais innover. Quelques semaines auparavant, j’avais suivi quelques flics et j’avais repéré leurs indics. Ce gars, un petit dealer de bas étage se faisant appeler Greg, était le cinquième à subir ce genre d’interrogatoire.
- Mais je ne sais rien, je vous l’ai déjà dis, je vous le jure ! hurlait-il alors que je pouvais le laisser s’écraser sur le trottoir.
Ou bien il était sincère, ou bien le Temple l’effrayait encore plus que moi, et aucune de ces hypothèses ne m’arrangeait. Mon téléphone vibra et Greg cria de terreur quand il vit un de mes bras lâcher son emprise pour répondre au téléphone.
- Allo ? Non, excuse… je suis en train d’enquêter. Mais j’en sais rien, moi ! Cherche, t’as qu’à te débrouiller toute seule, merde !
J’ai raccroché en jurant.
- L’Archer ! s’écria Greg. Il ne me lâcherait pas, lui ! C’est un super-héros !
- L’Archer n’a pas de problème pour payer son loyer, grognai-je en le ramenant brutalement sur le toit. Allez, casse-toi vendre ta daube, mais je reviendrai bientôt et ce jour-là t’auras intérêt à avoir des infos sur le Temple.
Il disparut par l’escalier sans demander son reste.

* * * * * * * * *

Deux jours avaient passé depuis le deuxième meurtre, et aucune nouvelle ni de la Faux ni du Temple – même si je n’avais aucune idée en fait de ce qu’était ce Temple. Mon enquête était au point mort, et après deux jours d’investigations intensives, je n’avais pas dis non à une sortie en boîte avec Annabelle, Marie et Franck, et j’avais invité de mon côté Emily, que je n’avais pas revu depuis nos retrouvailles.
Marie et Franck dansaient l’un contre l’autre au rythme rapide de la musique techno qui passait, tandis qu’Annabelle flirtait avec un mec de l’autre côté de la piste. Emily étant partie se remaquiller depuis une demi-heure, j’avais entrepris de draguer une fille installée dans un des canapés.
- Je suis le Gorille, tu sais, lui confiais-je en essayant de l’intéresser.
Elle leva les yeux au ciel, visiblement peu impressionnée.
- Je te jure. Tu veux voir mon costume ?
- Désolée, j’aime pas le vert, répondit-elle.
- Nan, le mec en vert, c’est l’Archer. Mon costume à moi est noir, avec un masque de gorille.
- C’est toi qui balances de la toile ?
- Non, ça c’est Spider-Man, et il est Américain. Fais un effort…
Mais visiblement j’avais loupé ma chance, et je n’avais plus qu’à essayer me retirer avec un minimum de dignité. Emily reparut à ce moment-là des toilettes et je la rejoignis rapidement. Je l’ai attrapée par la taille et lui ai proposé doucement à l’oreille d’aller danser. Elle posa délicatement sa main sur mon visage avant de me repousser en éclatant de rire.
- Tu crois que je ne t’ai pas vu, Roméo ? Tu me dragues après t’être pris un râteau avec cette rousse, merci pour moi ! Si encore tu avais bon goût…
Bravo, c’est le genre de boulette qui ne pardonne pas auprès d’une fille qu’on n’a pas vue depuis deux ans. Je lui ai demandé de me suivre dehors, ce qu’elle fit après que je lui ai attrapé la main. Une fois dehors seuls dans la rue – en dehors des personnes qui attendaient pour entrer, bien entendu – on a fait quelques pas mais elle s’est rapidement adossée au mur en dégageant sa main de la mienne. Elle semblait déçue.
- Ecoute, lui dis-je, je sais qu’on vient de se retrouver et que ce n’est pas en une soirée que tout redeviendra comme avant, mais on a eu de super moments, non ? Toi et moi… ça collait pas mal.
- C’est vrai, admit-elle, c’était cool, mais… je sors d’une liaison, Matthieu. J’ai été un an avec un garçon, et… enfin j’ai envie de m’aérer, ok ? Tu comprends ça ?
- Ouais, bien sûr.
C’est le discours classique d’une fille qui veut vous envoyer doucement sur les roses, non ? Pourtant, j’avais cru que ça collait pas mal, ce soir-là. Merde, j’avais l’impression d’avoir 16 ans et de me faire encore envoyer balader par la fameuse Emily Briant. Mais même les yeux pointés vers ses chaussures, elle était craquante. J’adore cette fille !
- Merde, merde, merde ! entendit-on à quelques mètres de nous.
Il s’agissait d’une fille à l’entrée de la boîte de nuit, son portable à l’oreille, qui s’égosillait auprès de deux ou trois filles et garçons.
- C’est Cathy ! fit-elle à un garçon à côté d’elle, commençant vraiment à paniquer et à s’agiter dans tous les sens. Elle est devant le cinéma King Horn, elle dit que le mec du portait robot de la télé est planté dans la rue avec une épée dans les mains ! Elle dit qu’il va tuer tout le monde !!
Je me suis tourné immédiatement vers Emily dont la surprise se lisait dans les yeux : la Faux était dans le 15eme, en public, et s’apprêtait à tuer quelqu’un. Il n’avait que l’embarras du choix devant la foule sortant ou entrant dans un cinéma !
- On retourne à l’intérieur… proposai-je en attrapant Emily par le bras et en courant vers l’entrée de la boîte.
Mais à l’intérieur, la foule nous sépara et je sortis rapidement du bâtiment.

* * * * * * * * *

Je n’avais pas le temps de retourner chez moi chercher mon costume, j’allais être à la portée de n’importe quel photographe venu en sautant de toit en toit en civil, mais c’était le prix à payer si je voulais avoir une chance d’empêcher la Faux de commettre un troisième meurtre. Je n’avais vraiment pas de temps à perdre !
La seule partie de mon costume que j’avais sur moi était mes gants, que j’avais toujours dans les poches de mon manteau au cas où. Et j’avais bien fais d’y penser, parce que sinon, force surhumaine ou non, je ne serais pas allé bien vite. Un toit, un bond, une réception douloureuse et rebelote, je refusais de penser à la douleur qui me tiraillait les genoux et continuais de courir et de sauter.
Cette fille avait dis dans le 15eme, près du cinéma… quel cinéma, déjà ?! Je m’emmêlais les pédales, quelles chances j’avais de l’arrêter à temps ?! Il avait eu le temps de tuer qui il voulait ! Non, pense à la douleur de tes genoux, en fin de compte, ça vaut mieux. Après avoir escaladé la façade d’un immeuble, je me suis retrouvé sur le toit juste en face du cinéma, devant laquelle la foule n’avait apparemment pas pris conscience du danger, la plupart des gens discutaient entre eux. Génial, si j’étais tombé dans un canular…
Mais non, il était là. Je ne sais pas comment, mais j’ai immédiatement senti sa présence. Je n’ai eu qu’à m’avancer doucement vers le bord du toit pour que mon sentiment soit justifié : plusieurs dizaines de mètres sous moi, sur le trottoir face au cinéma bondé, se tenait un homme droit, grand et aux cheveux noirs comme l’ébène, vêtu d’un long imperméable sombre et tenant dans sa main droite sa faux, la lame en haut. Même à cette distance, j’ai tout de suite reconnu le tueur en série dont le portrait robot avait été diffusé à la télévision, et je pouvais jurer qu’il parcourait la foule de son regard noir comme le vide, à la recherche d’une proie.
Les passants qui le croisaient prenaient immédiatement peur et s’éloignaient rapidement. La police ne tarderait pas à arriver, mais arriverait-elle à temps ? Soudain, j’ai « perçu » son corps se raidir légèrement et son regard se fixer sur une jeune femme blonde qui s’éloignait de son groupe d’amis en leur faisant au revoir d’un signe de la main. Comment j’ai pu percevoir ça ?! J’en sais rien, mais je vous jure que n’importe qui l’aurait ressenti aussi s’il s’était donné la peine d’observer la Faux. Je ne sais pas ce qu’était cet homme, mais il avait vraiment quelque chose de spécial qui faisait froid dans le dos.
Lorsque la fille disparut en prenant une ruelle, la Faux traversa d’un pas rapide la chaussée, ignorant totalement les voitures qui pilaient pour ne pas renverser ce piéton. Il allait le faire, il allait tuer, je devais intervenir ! Je me suis laissé tomber le long du bâtiment sur lequel je me trouvais, ralentissant ma chute en agrippant des corniches à l’aide de mes gants miracles, et une fois arrivé à dix mètres du sol, je me suis propulsé vers la route, tombant lourdement sur le toit d’une voiture en mouvement, puis rebondissant vers le trottoir au pied de la foule amassée devant le Red Horn. Quelques personnes poussèrent des cris de surprise mais je n’en tins pas compte : où était-il ?! Je l’avais perdu de vue l’espace d’une seconde et il était introuvable, il aurait dû se trouver devant moi !
La fille… il avait dû la rejoindre. J’ignorais comment il avait pu être aussi rapide, mais c’était la seule explication. Je me suis précipité en courant vers la ruelle dans laquelle la proie de la Faux s’était engagée, y entrant au moment même où le tueur en série s’apprêtait à abattre son arme mortelle sur sa proie qui, marchant tranquillement avec son portable à l’oreille, ne se doutait absolument de rien.
- Gaaaaaargh ! ai-je poussé en bondissant vers lui, réduisant à rien les vingt-cinq mètres nous séparant.
La fille se retourna et poussa un cri d’horreur en découvrant ce spectacle, alors que la Faux balaya l’air avec son arme et percuta mon ventre avec le bois de sa faux, m’envoyant rouler par terre sur quelques mètres. La sueur sur mon visage était maintenant mêlée à l’humidité du sol goudronné.
- Mais vous êtes qui ?! paniquait la fille. Au secours, au secours !
La Faux se retourna vers elle, prêt à nouveau à la tuer, mais j’ai bondi vers lui en serrant les dents pour étouffer mon mal de ventre absolument abominable, prêt à me battre jusqu’au bout pour sauver cette fille innocente. Celle-ci courait pour sauver sa peau quand la Faux envoya le manche de son arme vers moi en me brisant deux côtes au passage. Il avait été si rapide que je n’avais rien vu… Il aurait très bien pu me tuer, pourquoi ne l’avait-il pas fait ?!
Mais l’heure n’était pas aux interrogations : je me suis relevé et me tenais face à lui, serrant les poings et les dents pour étouffer la douleur et faire bonne figure.
- Oublie cette fille, la Faux. C’est contre moi que tu vas te battre ce soir.
Une pointe d’agacement apparut dans ses yeux noirs tandis que toute son attention se portait enfin sur moi. Il tenait fermement son arme à pleines mains, la pointe de la lame étant dirigée vers moi.
- A ta guise, me lança-t-il. N’espère cependant aucune pitié de ma part.
- Ferme-la et bats-toi, grognai-je.
C’est ainsi qu’il engagea le combat…
 
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