Urban Comics
  Supergirl #5
 

Histoire : Lex
Date de parution : Juillet 2007


Résumé : Yelena Starrskaïa, une jeune femme russe travaillant dans une base scientifique au fin fond du désert kazakh, est tourmentée par de terrifiants cauchemars depuis un mois. A chaque fois qu’elle ferme l’œil, un visage apparaît, des scènes de la vie quotidienne d’un autre s’inscrivent dans son esprit et un nom revient sans cesse : Clark Kent. Bien décidée à résoudre cette énigme, Yelena prend le premier avion pour Boston. Mais alors qu’elle se rend au Boston Herald où Clark travaille, un homme aux étranges pouvoirs la défie en combat. Yelena parviendra-t-elle à battre cet individu prêt à tout pour la tuer ? Vous le saurez dans ce nouvel épisode de Urban Supergirl !

Son poing percuta la mâchoire de sa victime dans un horrible couinement métallique, comme si deux barres de fer se rencontraient en un formidable choc. Un sourire pervers zébrait son visage, un sourire malsain, le sourire d’une créature qui n’avait plus rien d’humain si ce n’est l’apparence. C’était un monstre, il le savait lui-même. Il était une horreur, une aberration de la nature, un être crée de toute pièce par ses maîtres fous, les hommes qu’il servait et à qui il obéissait tel un esclave docile. Il faisait le Mal, il avait tué une femme sans défense quelques minutes avant mais il s’en fichait. Oh oui, il s’en fichait totalement, même.

Plus rien n’avait d’importance excepté la force, la puissance qu’il sentait émerger en lui. Il était invincible, oui, invincible. Personne ne pouvait l’arrêter et c’était cette idée même qui le commandait en ce moment. Il avait une force incommensurable, une force sans limite et cette petite allait le comprendre amèrement. Peu importait pourquoi il cognait, peu importait le fait que ses actes allaient entraîner la mort, peu importait la souffrance des autres, il n’en avait cure. Il était le meilleur, l’être le plus puissant de cette planète comme lui avait dit Luthor. Oui, le plus fort ! Et personne, non personne, ne pourrait arrêter la machine en marche, le cauchemar de métal et de peur, le masque de Thanos qui tuerait pour devenir encore plus fort qu’il ne l’était déjà. Si Luthor tenait sa promesse, un nouveau cœur alimenterait sa carcasse d’acier et alors, alors, tous serrait à sa merci.

Il se sentait gagner par une folie destructrice et ses poings l’exprimaient sans besoin de paroles superflues. Sa jeune victime, dotée d’une résistance incroyable, recevait les coups sans broncher mais ça ne durerait pas. Oh non, ça ne durerait pas. Elle allait mourir, elle allait crever, ça ne faisait guère de doutes à ses yeux. Oui, elle finirait par s’incliner devant sa force dont nul ne pouvait douter dés lors. Il avait détruit une partie de l’étage qui était le théâtre de l’affrontement dantesque qui s’y jouait. Les frêles poteaux n’avaient pu résister à sa puissance et s’étaient écroulés tels des fétus de paille. Bientôt, l’immeuble s’effondrerait et tous serrait témoin de sa grandeur. Luthor et ses savants lui avaient offert quelque chose qu’il n’avait pu soupçonner et il n’en découvrait l’étendue que maintenant. Ce simple contrat, tuer Yelena Starrskaïa s’avérerait d’une simplicité enfantine, d’une simplicité qui insultait sa force. Luthor lui avait dit qu’elle était très forte mais où était-elle cette force ? Elle ne se défendait même pas ! Elle allait mourir sans qu’il n’est vu de quoi elle était capable ! Rageusement, il lui hurla aux oreilles :

-Bats-toi ! Montres-moi de quoi tu es capable, toi qui est si forte ! Allez ! Montre ! Montres leur à tous que tu ne vaux rien contre moi, contre celui qui va te tuer !


Cet homme était fou. Il allait la massacrer comme un boucher sans pitié. Au fond d’elle, elle sentait une peur terrible l’envahir en même temps que ce sentiment, ce sentiment qui ne devait prendre le dessus, ce sentiment qui, si il s’exprimait, engendrerait de terribles catastrophes, ce sentiment qu’on nommait rage. Oui, elle voulait se défendre. Oui, elle voulait écraser ce fumier qui lui faisait mal. Oui, elle voulait lui arracher la tête et repeindre les murs avec ses entrailles. Oui, elle aimerait faire tout ça. Mais elle ne pouvait se permettre pareille folie. Si jamais elle perdait pied, si elle sombrait dans la démence, alors, rien ne pourrait l’arrêter. Elle ferrait des victimes innocentes, qu’elle le veuille ou non.

Aussi recevait-elle la fureur qui s’abattait sur elle sans broncher, priant pour que ce monstre arrête ce manège infernal. A chaque fois qu’il lui assénait un coup, c’était la même souffrance qui s’emparait d’elle. Une douleur qu’elle ne rêvait que de rendre. Ce sinistre personnage n’était que violence et haine, deux sentiments qui lui donnaient encore une once d’humanité. Car ses yeux bleu-métal ne reflétaient qu’un vide absolu, un néant effroyable, un abîme sans fond. Ce n’étaient que de simples organes visuels sans vie. Il n’était pas humain, plus qu’une machine à tuer sans cœur et sans âme. Pourquoi lui en voulait-il autant ? Que lui avait-elle fait qui nécessite un tel désir de tuer ? Elle ne pouvait pas croire qu’il l’attaquait par pur hasard, d’autant plus qu’il connaissait son nom et, semble-t-il, ses pouvoirs. Il devait donc savoir qu’elle viendrait ici et surtout pourquoi. Il connaissait sûrement ses liens avec l’être le plus puissant de cette Terre, celui qui avait renvoyé dans l’espace un météorite de plusieurs centaines de milliers de tonnes qui menaçait l’Humanité. Oui, il devait être au courant et il voulait l’empêcher de poursuivre sa quête. Et il y parviendrait si elle ne réagissait pas, hélas.

Un puissant coup lui arracha pour la première fois depuis le début du combat un cri de douleur. Sur de sa victoire, le monstre souriait de toute ses dents. Sans doute devait-il croire qu’il allait bientôt gagner et qu’elle expirerait d’ici peu. Comme elle aurait aimée lui dire qu’il se trompait sur toute la ligne, qu’il ne pouvait la vaincre, qu’elle était bien meilleure que lui. Mais aucun mot ne sortait de sa gorge si ce n’est des plaintes que provoquaient les coups qu’elle recevait. Elle avait de plus en plus mal. Un mal si intense qu’elle n’en avait jamais connu de tel, même dans ses pires cauchemars. Pour la première fois de sa vie, elle sentit le sang, son propre sang, inonder sa bouche et couler le long de son menton. Il l’avait fait saigner ! Comment était-ce possible ? Elle, qui croyait sa résistance sans limite ! Non, ça ne pouvait être vrai. C’était un mauvais rêve et elle allait bientôt se réveiller. Et pourtant, la bête humaine qui frappait, elle, était bien réelle, aussi réelle que le goût amer laissait par l’hémoglobine sur ses lèvres craquelées.

Elle allait mourir. Cette phrase clignotait dans sa tête comme les lumières d’un phare. Elle qui se pensait invincible, elle allait mourir par la main d’un être dont elle ne savait rien, ni pourquoi il lui en voulait, ni la source de ses pouvoirs. Comme il aurait été facile de laisser libre cour à sa furie. Elle n’avait qu’à fermer les yeux et se laisser porter par le courant invisible qui lui donnerait la force de lutter et de vaincre. Mais la contrepartie était trop grande. Si jamais elle usait de ses extraordinaires talents, cela conduirait au pire des désastres. Et elle voulait éviter les morts plus que tout au monde. Si elle devait mourir aujourd’hui, au moins partirait-elle sans avoir de cadavres innocents sur la conscience.

Pourquoi s’obstinait-elle à ne pas vouloir se battre ? Était-elle stupide au point de se laisser mourir pour éviter le combat ? De quoi avait-elle peur, au juste ? De lui faire mal ? Pour ça, il n’y avait aucun risque, non aucun. Il était invincible et personne ne pouvait rien contre lui, pas même elle. D’ailleurs, il se demandait où étaient passés les pouvoirs « incroyables » que lui avait conté Luthor. Pff. C’était tellement ennuyeux de mettre une raclée à une gamine qui ne se défendait pas. Il ferrait ravaler à Luthor sa publicité mensongère. Des risques dans ce combat ? Tu parles. Luthor avait dû inventer ces conneries pour le motiver.

Bon, elle se mettait enfin à saigner. Peut être qu’elle mourrait rapidement et qu’il aurait le temps d’allait se frotter à l’autre « être surpuissant » dont Luthor lui avait parlé. Mais il voulait tout de même faire durer le plaisir. Elle ne pouvait pas crever comme ça, ce n’était pas assez drôle. Dommage qu’elle n’ait pas peur de mourir, ça lui aurait intimé l’ordre de se défendre, par instinct, du moins. Mais…Si la mort ne lui faisait pas peur, peut être que si il tuait quelqu’un à qui elle tenait comme…ce petit journaliste qui se terrait derrière un bureau…Oui. Il allait le tuer pour voir sa réaction. Avec un peu de chance, ça la ferrait réagir.

*


Pete sentait son cœur s’accélérait à mesure que le temps passait. Caché sous un bureau qui avait échappé par miracle au carnage, il réfléchissait à un moyen de sauver sa peau tout en adressant des prières désespérées à Dieu. Bon sang, pourquoi se retrouvait-il embarqué dans une telle galère ? C’était dans une situation comme celle-ci qu’on comprenait la pleine signification du mot malchance. Car c’était bien la poisse qui le poursuivait en ce jour sinistre. Non seulement il avait perdu la pellicule de ses dernières photos mais en plus de ça, il avait appris son renvoi plus ou moins officiel. Ajouté à cela un type invincible qui détruit la moitié de l’étage dans lequel vous travaillez et vous avez la journée parfaitement horrible qu’on ne vivait qu’une seule fois dans sa vie, si on en réchappait, bien sûr. Et pour ce dernier point, rien n’était gagné. Si Pete sortait de sa cachette, qu’adviendrait-il de lui ? Et puis, comment parvenir au escaliers de secours lorsqu’un trou béant séparait l’étage en deux ? Il ne pouvait, hélas, rien faire. Rien du tout. Seulement attendre, rester dans l’inaction en espérant une fin heureuse au drame qui se jouait.

Fermant les yeux, il repensa à la jeune fille qu’il avait rencontré une heure plus tôt. Yelena Starrskaïa, une beauté de l’Est comme on aimerait en voir tout les jours. Un visage d’ange, un rire angélique, une grâce divine, cette fille avait tout les attributs d’une déesse. Elle faisait l’effet d’un rayon de soleil dans l’obscur monotonie de sa journée, une étoile dans un ciel embrumé. Tout les problèmes qui lui arrivaient en ce moment étaient sans doute la contrepartie d’avoir la chance d’effleurer sa peau du regard, de sentir son odeur flottante dans l’air, d’entendre sa voix suave et cristalline. Une fille hors du commun qu’il allait perdre sans l’avoir vraiment connu. Car c’était après elle qu’en avait l’homme aux biceps d’acier. Il s’était jeté sur elle après avoir tué une pauvre femme qui travaillait ici et l’avait roué de coups.

Préférant sauver sa vie, Pete était parti se cacher. Ce n’était pas vraiment de la lâcheté mais plutôt un instinct de survie qui l’avait poussé à agir ainsi. Il ne voulait pas mourir. Il était trop jeune pour ça et ne connaissait rien du monde dans lequel il évoluait. Le journalisme était sa passion. Il avait ça dans le sang. Il voulait découvrir, connaître et apprendre tout ce qu’il pourrait pour devenir un bon journaliste. Il n’était encore que pigiste à mi-temps, sans véritable contrat, mais il voulait percer dans le métier et voulait réussir. Aujourd’hui, son objectif et sa vie même étaient menacées et il ne savait pas comment réagir. Impossible de fuir, impossible de lutter. Il n’avait comme unique choix que de rester accroupi derrière ce meuble en attendant que le combat finisse. Avec un peu de chance, personne ne le remarquerait.

Mais la chance ne lui siait pas ces derniers temps. Vraiment pas. Aussi, lorsque le bureau vola en éclat sous ses yeux, Pete sut que les problèmes ne venaient que de commencer. Devant lui, l’homme qui avait agressé Yelena. La pauvre fille devait être morte mais ce n’était pas ça qui l’importait réellement à cet instant. Non, le plus important c’était que le grand blond venait de poser son regard tranchant sur lui et qu’il ne semblait guère amical. Sûrement voulait-il effacer les témoins gênants de sa petite escapade. Pourtant, rien ne l’aurait plus effrayé que de témoigner contre lui dans un procès, c’était certain. La première chose qu’il aurait fait en sortant d’ici aurait été de prendre le premier avion pour Hawaï et s’oublier dans une île du pacifique. Mais le conditionnel ne deviendrait de toute façon jamais le présent. Maintenant que le colosse le saisissait par le col, ça devenait même une certitude. Il allait le tuer. C’était aussi simple que ça. Pete aurait tenté n’importe quoi pour s’en sortir s’il n’était pas paralysé par cette maudite peur qui s’insinuait dans son cœur comme un poison sans antidote. Néanmoins, il réussit à murmurer un « pitié » qui parvint par miracle aux oreilles du meurtrier :

-Tout dépendra d’elle, microbe.

Pete suivit le doigt que tendait le monstre et découvrit avec stupeur que Yelena était vivante ! Du sang barbouillait son visage mais peu importait, elle était toujours en vie ! Comment avait-elle pu résister à cette bête à la force surhumaine ? Il l’avait pourtant vu la frapper avec une bestialité animale. Bizarre. Mais son interrogation fut interrompue par un coup de poing du blond qui détruisit le mur en face de lui. En quelques secondes, Pete se retrouva suspendu dans le vide. Une terreur l’envahit alors, une terreur sans nom qui le terrassa immédiatement et le fit sombrer dans l’inconscience totale.

*

Yelena n’en pouvait plus. Elle s’était faite frapper avec une rage incroyable et elle en avait assez. Plus qu’assez même. Et maintenant, il venait d’attraper Pete, ce charmant garçon qui l’avait aidé à chercher traces de Clark. Elle savait exactement ce qu’il allait faire et ce n’était pas pour la réjouir. Il le sacrifierait sans l’ombre d’une hésitation juste pour la voire souffrir, la voire pleurer, la voire s’énerver. Car après tout, pour ce monstre, tout ne semblait que jeu. Un jeu qu’il voulait voir se prolonger. Il connaissait l’existence de ses pouvoirs hors du commun, de sa malédiction. Il savait, oui. Et il voulait les voire, ces fameux pouvoirs. Il voulait connaître leur étendu et ainsi tester sa propre invincibilité proclamée. Il voulait montrer à la face du monde qu’il était bien le meilleur, le plus fort. Mais elle ne pouvait lui donner satisfaction, hélas.

-Alors ? Fit la voix rocailleuse de son adversaire. Que choisis-tu ? La vie de cette bestiole a de la valeur à tes yeux ? Prouve le où il lui arrivera un malencontreux accident.
-Je vous en prie, murmura Yelena, les yeux inondés de larmes désespérées.
-Ferme là et prouve moi que tu vaux vraiment ce que Luthor m’a dit de toi ! Beugla t-il dans un accès d’impatience.

Luthor. Yelena n’en croyait pas ses oreilles. Lex Luthor, le riche homme d’affaire et nouveau patron du Boston Herald était derrière tout ça ? C’était lui qui employait ce surhomme pour la tuer ? Mais pourquoi ? Yelena était perdue. Totalement perdue. Elle ne comprenait rien de ce qui se passait. Elle, la petite chercheuse russe fraîchement débarquée aux États-Unis pour retrouver l’homme de ses songes, se retrouvait embarquée dans une histoire qui la dépassait de quelques années lumières. Pourquoi une des plus grandes fortunes de ce pays enverrait un homme surpuissant pour la tuer ? Plus elle avançait dans ses recherches et plus les dilemmes allaient à son encontre. Elle devait réfléchir. Comprendre ce qu’on lui voulait et vite. Cela impliquait qu’elle ne devait pas perdre le cap et rester lucide. Mais si elle ne réagissait pas, Pete allait mourir. Un choix cornélien s’offrait à elle et son choix aurait des conséquences bien plus importantes qu’elle ne le croyait.

 
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