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  X-Files #14 : Wild Child (5) : Epilogue
 

Auteur : Lex
Date de parution : Août 2008

Toute trace de sourire avait quitté le visage de l’australien. Pleinement conscient du drame qui allait se jouer, il restait concentré, ses sens de prédateur en alerte. Autrefois, dans une autre vie, lointaine et peuplée de morts, on l’avait surnommé le Diable de Tasmanie, un démon fou et aveuglé par la soif de sang. Il en avait tué des gens. Des sales types, le plus souvent. Des bon gars parfois. Même des gosses et des enfants venaient s’ajouter à son sinistre tableau de chasse. Mais c’était à une autre époque, qu’il espérait révolue. Grâce à la mystérieuse organisation pseudo gouvernementale pour laquelle il travaillait, il avait appris à contrôler ses gènes bestiaux qui faisaient de lui un monstre de chair et de sang, une bête féroce et dangereuse. Il était une arme incroyablement puissante et il n’avait jamais eu vraiment l’occasion de faire preuve de son talent à 1983.

Celui-ci se trouvait à quelques mètres à peine, dans l’ombre du hangar. En son for intérieur, il était le combattant qu’il respectait le plus. Rarement il n’avait vu un type avoir la peau dure à ce point. Et jamais il n’avait eu d’adversaire aussi terrifiant. Pourtant, Dieu savait qu’il en avait connu des créatures à peine humaine et d’une puissance incontrôlable, d’une aura malsaine et normalement terrifiante. Mais 1983 - ou plutôt Kyle - possédait cette assurance désarmante qui en faisait quelqu’un de redoutablement efficace. Il avait l’âme d’un tueur, froid et redoutable, tout comme lui. Deux chasseurs étaient en présence. Deux bêtes surpuissantes. Et ça allait être un carnage.

Lui et Kane, le chef de la bande maigrelette qui traquait Kyle depuis les débuts de sa fuite, il y avait près d’un an, avaient entendu les cris inhumains qui venaient de la grange où le prisonnier de Hudson devait être torturé. Mais bien vite, la diversité des tonalités des voix leur avait fais comprendre l’identité des victimes. Des victimes de Kyle, bien sûr. Comme ils s’en doutaient, Hudson et ses hommes avaient été massacrés. A n’en pas douté, ce fut douloureux. Horriblement douloureux. Ils avaient souffert et beaucoup de sang avait coulé. Des litres entiers avaient inondés le sol et avait tintée la neige en un ruisseau écarlate qui vint jusqu’à leurs pieds. Lorsque les hurlements se turent, une silhouette s’était dessinée et ils avaient su. Ils avaient su que la fin était proche. Pour lui, comme pour eux. Et que plus rien ne serrait jamais comme avant. Kyle, étrangement calme, était sorti, et avec la rapidité féline qui le caractérisait, avait logé une balle dans la tête du mutant télékinésiste et cannibale, leur compagnon et précieux allié, Vincent. Un atout en moins dans la tactique du combat. Encore une fois, Kyle les avait pris au dépourvu. Totalement, sans qu’ils ne puissent rien y changer. Et encore une fois, le Diable de Tasmanie, le monstre à forme humaine, avait éprouvé ce sentiment qu’il ne connaissait jamais. La peur.

Kane avait la main posée sur la crosse de son fusil, prêt à tirer. Il ne devrait pas le louper. Si jamais ça arrivait, il était mort. C’était aussi simple que ça. Il n’aurait qu’une cartouche, qu’une seule chance. Il devrait prendre le temps de viser alors que la bête arriverait sur lui et le plomber en arrêtant sa course. Si le scénario ne se déroulait pas comme prévu, alors il était fichu. 1983 avait été son adversaire le plus coriace dans toute sa longue carrière au service de l’Arme X. Jamais il n’avait connu pire galère pour parvenir à attraper une proie. Et peut-être allait-il payé le prix de sa vie. Mais peu importait. Malgré sa froideur et son apparent détachement, il avait pris la traque de ce sujet très à cœur. Entre lui et 1983 s’était noué une lien indestructible et tellement fort, outrepassant l’habituel « chasseur - chassé » qu’il entretenait d’habitude.

Un an. Cela faisait un an qu’il n’avait que ces quatre chiffres en tête : 1983. Il avait toujours refusé de lui créditer une once d’humanité en l’appellent par son prénom. Trop humain. Moins facile pour l’éliminer. Il avait tenté de se persuader que cette chose n’était rien à ses yeux. Juste un animal dont la tête devait siéger parmi ses trophées de chasses. Mais rien n’y faisait, il ne pouvait évacuer son « gibier » de sa tête. Il était là, imperturbable. Il était ce pourquoi il vivait finalement. C’était la dernière épreuve que Dieu lui lançait. Comme si toute sa vie n’avait été qu’une juxtaposition d’évènements le menant à cet instant précis. A cet instant fatal qui verrait sa victoire ou sa défaite. Dans les deux cas, c’était un aboutissement. Une fin en soi.

Edward Lanski était un brave garçon, serviable et respectueux, toujours prêt à aider son patron. Son pouvoir était de lancer des rafales d’énergie. Trop lent, il n’avait pas su réagir à temps lorsque 1983 lui avait sauté à la gorge et il avait fini en charpie. C’était cette nuit. Cette sinistre nuit au cours de laquelle leur ennemi avait attaqué par surprise, décimant ses troupes. Tous dormaient, à l’exception des veilleurs. L’équipe se trouvait dans les marais de la Louisiane, un lieu reclus, aucune habitation à des kilomètres à la ronde. Embourbé dans une forêt quasi tropicale, harcelé par les moustiques, ses hommes étaient épuisés et moins vigilants. Ils pensaient 1983 loin devant eux. Mais ils s’étaient trompés. Il était là, tout près, tapis dans les fourrés et il n’attendait qu’une occasion pour agir.
Il avait surgi dans l’encrier nocturne, alors qu’on ne voyait pas plus loin que ses pieds. Edward avait été la première victime, oui. Mais il y en avait eu d’autres. Sharon Smith, une mutante capable de se métamorphoser en une sorte de chat, félin docile élevé par l’Arme X, totalement soumise aux volontés de ses maîtres. Une petite fille paumée et dressée. Elle dormait profondément lorsque délicatement - étonnant de la part du fauve qu’il était - 1983 lui avait brisé la nuque. Ensuite, ce fut au tour de Cauchemar, un assassin recruté on ne sait où, un type sans foi ni loi, perturbé mentalement. Pour lui, ça n’avait pas été fais en douceur. Comme s’il connaissait les crimes de chacun, 1983 avait appliqué des sentences à des degrés divers. Cauchemar avait eu les testicules broyées, puis son ventre avait été dévoré. Il avait tenu pendant une journée entière. Et il avait terriblement souffert. Ralph Roberts disposait d’une force ahurissante. Mais ça ne l’empêcha pas de succomber. Non de la main de 1983 mais d’un rayon du pauvre Edward qui avait loupé sa cible une fois de trop. Ensuite, Thomas Bell, capable de voler, avait eu ses ailes déchirées. Il en était mort de douleur. Quelques jours plus tôt, il avait tué un vieil indien pour obtenir des renseignements sur la piste de1983. La dernière victime fut Blanche Sitznski, une femme capable d’allonger ses bras pour enserrer ses ennemis et les broyer, tel un anaconda, avait eu le visage lacéré. Il y avait un mois, elle avait fais de même à une fille suspectée d’avoir hébergé 1983.

Finalement, les seuls survivants avaient été Vincent, le Diable de Tasmanie, leur chef ainsi que Amélia Voght, une mutante de l’équipe qui avait eu la bonne idée de les téléporter. Encore aujourd’hui, il arrivait à Kane de regretter cette obéissante esclave de l’arme X, morte deux jours plus tard lors d’une deuxième attaque. Dés lors, les trois survivants n’avaient eu de cesse de vouloir venger leurs compagnons. C’était devenu une affaire personnelle et Kane avait gardé le contrôle des opérations malgré le fiasco de leur mission. A eux trois, ils avait réussi à retrouver 1983. Ils avaient employé les méthodes les plus barbares pour le retrouver et les cadavres s’étaient accumulés derrière eux. Bon nombre de fois, ils avaient eu l’occasion d’attraper leur proie mais elle réussissait in extremis à leur échapper. Mais enfin, il était là, en chair et en os, face à eux. Ils étaient deux. Il était seul. L’un était un fauve d’une dangerosité sans nulle égale, ses deux adversaires, des individus aguerris. L’australien était un mutant aux capacités animales hors du commun. Malgré sa nonchalance, il cachait en son sein une sauvagerie sans bornes. Bien sûr, il tentait de la refouler. C’était après tout, celui qui avait le plus de réticence à tuer. Étrange pour la bête qu’il était. Le plus cruel, c’était Kane. Kane le chasseur. Kane le boucher. Kane le meurtrier. Sous son masque froid, il n’était que haine.

« Enfin. »

Kane tilta lorsque ces mots s’échappèrent de la bouche de 1983. Il n’avait pas d’armes et son visage dur annonçait la violence à venir. Ses vêtements étaient éclaboussés de sang ainsi que ses mains crispées. Ses yeux bleus délavés transperçaient ses deux ennemis.

« J’attends ce moment depuis tellement longtemps. On va enfin pouvoir régler nos comptes. »

L’australien sentit une goutte de sueur perler sur son front et couler le long de sa joue, avant de s’écraser sur la neige maculée de sang. Avec lenteur, il retira son chapeau qu’il jeta un peu plus loin, dévoilant sa crinière rousse d’australien. Le Diable roux était de retour et ça allait se jouer dans un mouchoir de poche entre les deux bêtes. Même s’il pouvait s’assurer du soutien de son patron, rien n’était sûr et Kyle… Kyle était le meilleur, tout simplement. Ses instincts primaient sur son humanité et sa traque n’avait fais qu’exacerber sa sauvagerie. Une lutte à mort allait s’engager.

Un bruissement. Le frottement du veston de Kane avec le métal froid du canon. Un déclic, un bond hors du commun.

Kyle venait de se jeter sur l’australien tandis que Kane pointait son canon vers les deux combattants. Indissociable dans une mêlée sanguinolente, le combat avait commencé. L’odeur du sang, les bruits des coups qui résonnaient dans l’air froid du matin. Le vent s’était tut, seul la force des adversaires exprimait un quelconque son. Des poings s’écrasaient sur des visages tuméfiés, brisaient des côtes, tordaient des membres. A présent, la rage était le seul arbitre de cette folie. Kyle, toujours à l’offensive, se sentait investi de la bête qui demeurait en son âme. Son diable d’adversaire ne pouvait se retenir plus longtemps. Il allait être posséder par la folie et le goût du sang. Quoiqu’il arrive, aucun ne survivrait. C’était le constat de Kane qui sentait les battements de son cœur s’accélérer.
Se débattant dans la neige ensanglantée, ils ressemblaient à deux chiens sauvages, les babines retroussées, dont le désir de vaincre et de tuer était excité par l’odeur du sang. Les muscles bandés à l’excès, il assénaient coup sur coup et répondaient aux heurts instinctivement et sauvagement. Les grognements qui s’échappaient de leurs gueules finissaient de leur retirer quelconque trace d’humanité.

Le Diable n’avait pas le dessus, il ne pouvait continuer à lutter face aux assauts puissants de ce gosse au poids divisé par deux au sien. Il était rapide, frénétique. Et lui trop lent, trop lourd. La force brute des coups ne pouvait l’arrêter. Le sang continuait à gicler et la violence s’enchaînait encore et encore. Dans un dernier élan de puissance, l’australien attrapa son adversaire à la gorge. La bave aux lèvres, il exultait d’avoir réussit sa prise. Kyle avait beau se débattre, il allait crever. Appuyant aussi fort qu’il le pouvait, il allait le faire exploser.

Kyle sentait l’air lui manquer. Il suffoquait mais continuer de se défendre, désespérément. Il ne pouvait pas perdre. Il ne pouvait se le permettre. Peu importait ses objectifs, ce à quoi il aspirait et tout le reste. Tout était relégué, loin, très loin, derrière. Ses pensées étaient monopolisées par sa bestialité uniquement. C’était confus, c’était dur. C’était une lutte pour la survie.

Crachant un hurlement animal, Kyle enfonça ses ongles dans les yeux du rouquin qui desserra son emprise dans un couinement de douleur. Il n’en fallait pas plus pour son ennemi qui lui détruisit littéralement le faciès, imbibée de sang comme une éponge. Il était mort.

Et maintenant, c’était au tour de Kane de payer pour ses crimes. Il était prêt. Lorsque Kyle se retourna et qu’il commença à courir vers lui, le regard fou, il inspira. Puis il abaissa ses paupières. Il savait que c’était la seule fin possible à tout ça. Lui et 1983. Lui et Kyle. Rouvrant les yeux, il appuya sur la gâchette. La balle fusa, déchira l’air froid et vint se loger dans l’épaule du fauve qui continua sa course sans même s’arrêter. C’était fini. Le choc fut atrocement douloureux. Kane sentit la main de Kyle farfouiller dans son ventre, en retirer les boyaux. Et il ne pouvait rien faire. Il avait perdu. Définitivement perdu. Un désir presque sexuel possédait son adversaire qui éprouvait, on le sentait, un plaisir pur à infliger pareil supplice. Son chasseur devenu proie se faisait éviscérer et Kyle mangeait à même le corps ses organes. Encore vivant, Kane avait conscience de tout ça et compris que Dieu ne l’aimait pas. Il voulut blasphémer mais ses lèvres étaient closes. A jamais. Ses yeux se fermèrent et il expira un dernier soupir tandis que l’animal se nourrissait de ses entrailles.

Kyle avait gagné. Il était fou de joie et d’un plaisir malsain si puissant que ça le rendait encore plus assoiffé de sang. Des enfants. Il voulait en dévorer par dizaines, par centaines, par milliers ! Et leurs mères. Leur arracher les yeux, déchiqueter leurs poitrines bien rondes. Et leur faire subir tout ce qu’on lui avait fais subir pendant des années et des années. Des souvenirs le submergeaient. Un océan de pensées ravivées par ses meurtres. Le fer brûlant appliqué sur sa peau. Le fouet. Les viols à répétition. Une cage minuscule. Les cris des animaux. Non. Des hommes. Des hommes devenus bêtes. Rien que des animaux réduits à des matricules : 1983. Son matricule qui lui collait à la peau. Ce matricule qui définissait sa vie. La fuite était terminée. Tout était fini.

Une détonation déchira le silence qui s’était installé après la fin des heurts. Puis une seconde. Puis une troisième. Les larmoiements d’une personne. Sexe féminin. Brune. Jeune. Aurora. Kyle baissa les yeux pour s’apercevoir des trois trous dans sa poitrine. Elle l’avait tué. Un glapissement s’échappa de sa gorge alors qu’une quatrième déflagration se faisait entendre. Puis une cinquième. Puis une sixième. Et une septième. Criblé de balles, Kyle mourut, comme un animal, comme la bête qu’il était devenu.

Fin.

 
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