Urban Comics
  La Ligue #16 : La Fin d'un Monde (14) : We Lost, They Won (4)
 
Auteur : Ben Wawe
Date de parution : Juin 2009


« Je sais que tout ça est difficile à croire, mais vous devez nous aider : vous êtes presque notre dernier espoir. Vous n’êtes pas connu pour être quelqu’un qui aspire au combat et je connais votre action pour pacifier toute cette zone, mais…mais je suis certain qu’ils ne s’arrêteront pas à Washington, qu’ils viendront ici et que vous n’arriverez pas à leur résister. Votre organisation semble formidable, mais eux…ils sont juste trop forts. Vous devez nous aider, autant pour nous que pour vous.
- Vous dites beaucoup de choses, monsieur Hunter. Certaines qui me plaisent, certaines qui me déplaisent. »

Tim se raidit, conscient qu’il jouait gros. Un seul faux pas, une seule mauvaise tournure de phrase et tout serait terminé. Stephen aurait déjà mis dans sa poche son interlocuteur et ils seraient déjà en train de prévoir leur prochaine attaque, mais il n’avait pas eu le temps de lui apprendre comment être le meilleur dans une conversation ; son temps avec son professeur avait été trop court. Tout ce qu’il avait tiré de son ancien maître, c’était un vocabulaire à faire peur aux dockers, des pouvoirs qu’il n’avait désormais plus, des malheurs et des responsabilités énormes. Strange avait été le pire dans son existence, mais aussi le meilleur : il lui avait apporté un but, des amis et une place dans le monde.
Il aurait voulu que l’enfoiré soit encore en vie, rien que pour pouvoir lui casser la gueule.

« Au moins certaines vous plaisent…
- Mais d’autres non. »

La réponse avait été plus froide que la précédente, et il sentit le souffle de Donna s’accélérer derrière lui. Tim l’avait récupéré après que l’Ombre ait été enlevé – et elle n’était pas belle à voir. Autant sur le plan physique, Connor l’avait amené à être presque au niveau qui avait été le sien avant sa blessure, autant psychologiquement la jeune femme avait énormément perdu. Sa confiance en elle avait fondu, et ce n’était pas son impossibilité à protéger son « sauveur » qui avait arrangé les choses ; il l’avait découverte en train de boire et de défier n’importe qui au combat rien que pour ressentir quelque chose. Elle était dans un tel état qu’elle avait besoin d’être frappée et de frapper pour se sentir vivante. Heureusement, la gueule de bois était passée sur les envies de violence, mais il ne savait pas s’il pourrait se fier à elle durant un combat.

« Il est vrai que messieurs Luthor, Osborn et « Sinestro » voudront s’en prendre à New York, et donc à mon territoire. Il est vrai aussi que je ne veux jamais m’occuper des affaires d’autrui, et que je me cantonne à ma « zone » ; mais je suis capable de la défendre contre ceux qui voudront s’en prendre à elle. Croyez-vous que je sois parvenu ici en faisant des concessions ? En faisant attention à ceux autour de moi ? N’oubliez pas chez qui vous êtes, monsieur Hunter. »

Comment l’oublier avec la demi-douzaine d’armes fixées sur eux ? Même avec James en joker autour de l’immeuble, Tim était bien conscient qu’ils ne pourraient s’en tirer. Il savait que venir ici n’était pas forcément l’idée la plus prudente, mais c’était le seul endroit qu’il connaissait où des « justiciers » ou au moins types-à-pouvoirs étaient concentrés, et où il pouvait peut-être trouver de l’aide. Donna et James semblaient lui avoir laissés le commandement de ce qui restait de leur groupe, et il n’aimait pas ça ; il avait l’impression de toujours mal faire.
Il n’était pas fait pour le leadership, mais ses deux collègues avaient été trop blessés pour l’assumer. Encore une fois, ses vieux copains la responsabilité et le sacrifice retombaient sur lui, et il avait peur de les avoir amenés dans un piège.

« Le monde va bientôt changer : votre Ligue a été détruite, réduite en pièces. Vos hommes sont exilés, perdus ou même morts. Aujourd’hui, vous n’êtes plus que trois : vous, mademoiselle Troy et monsieur Baxton, là en haut. Vous pouvez lui dire de descendre, au fait : mon petit doigt m’a déjà indiqué sa présence. »

Le petit parasite à la queue de cheval, debout derrière notre hôte, laissa échapper un petit rire glacial ; ça devait être le cerveau électronique de toute l’installation. Hunter n’avait encore rien vu, mais il s’était un peu informé avant de venir : depuis quelques semaines, toute la zone devenait un sanctuaire technologique, regorgeant de caméras, de systèmes de sécurité, de pièges, de relais audios et vidéos. Ce type devait en être responsable ; sa fierté était presque palpable.

« Votre Ligue n’a rien apporté de bon : vous avez protégé des monstres et failli détruire le quartier des affaires ; vous n’avez pu protéger la Louisiane, et je crois même que vous êtes un peu responsable de ce qu’il s’est passé là-bas. »

Tim serra les poings : il n’oublierait pas l’affront infligé par la Panthère Noire. Ça se paierait.

« Et vous n’avez pu non plus appréhender ceux qui ont tenté de tuer Monet Ste-Croix, comme vous n’avez pu sauver le Corps de votre ami Jordan. Vous n’êtes plus rien, Jones s’est joué de vous et il semble même vous avoir laissé pour être au calme. La Ligue n’était pas adaptée à ce monde, et je ne puis rien pour vous. Mon territoire a besoin de moi, et je ne puis l’abandonner, comme je ne puis vous aider : cela équivaudrait à abaisser sa protection, et cela n’est pas acceptable.
- John Jones ne nous a pas abandonné.
- Il n’est plus avec vous, pourtant. »

Cet homme croyait tout connaître de leur histoire, et Tim avait une terrible envie de tout lui balancer, de tout lui raconter sur Washington, sur la bataille du Corps, mais il ne le pouvait pas ; pas encore. Il avait besoin de lui, besoin de ses espionnes, de ses combattants, du blanc apparemment invincible qui s’occupait de ses frontières. Il avait besoin de quelqu’un pouvant prendre leur commandement, et il ne laisserait pas cette chance s’enfuir aussi facilement.

« John a été enlevé par un monstre, le même qui a troublé mon sort en Louisiane. Vous savez qui je suis et ce dont je suis capable, comme vous connaissez mon ancien maître : vous vous doutez bien que je n’aurais pas lancé un sort sans être sûr de pouvoir le contrôler, surtout dans une telle situation. Si Stephen m’a appris une chose, c’est de toujours faire au mieux, de toujours sacrifier ce qu’il faut pour réussir mais de ne jamais tenter quelque chose qu’on ne peut contrôler. C’est un être vicieux, sadique et cruel qui a provoqué la débâcle, et c’est lui qui a enlevé John. Comme il a enlevé Connor.
- Jones et l’Ombre sont donc aux mains d’un tel être ? »

S’il avait une quelconque émotion, il n’en faisait rien paraître. Donna soupira derrière lui, et Hunter fut certain qu’elle prenait sa neutralité pour une absence de réaction, par l’envie de démontrer qu’il n’était pas concerné ; il n’était pas aussi catégorique. Ils étaient en face d’un être qui contrôlait Harlem, qui avait tout sacrifié pour arriver jusque là où il était et qui savait faire ce qu’il fallait pour le bien de son territoire. Il agirait toujours pour lui en premier, mais il avait aussi entendu que la Panthère Noire était un homme bon quand il le pouvait. Tout dépendait donc maintenant s’il considérait avoir les mains liés ou non.

« Oui. Hal a vu le Corps tomber à cause de Sinestro, Barry a été blessé mais eux deux sont retenus par un tel monstre, et…
- Et votre « Aquaman » ?
- Il…il a disparu.
- Disparu ?
- Oui, depuis Manhattan. Nous n’avons pas de nouvelles.
- Une délégation atlante a pourtant été reçue au Conseil de Sécurité de l’ONU…enfin, elle s’est imposée.
- Oui, mais toutes les tentatives pour le joindre ont échoué.
- Dommage, il aurait pu vous aider.
- Oui. Nous avons besoin de votre aide : nous avons absolument besoin de vous. Luthor s’est entouré de monstres : les gamins des docks, Sinestro, Osborn même…ils sont horribles, immondes mais celui qui a enlevé Connor et John est pire encore. Nous avons besoin de vous pour le faire tomber, vous seul pouvez nous aider.
- Je ne vois pas ce que le simple chef de Harlem pourrait faire de plus que la grande et belle Ligue.
- Vous…êtres notre seul espoir. »

Il resta sur ses positions, calme, serein, drôle et détaché, mais il ne tiqua pas. Hunter lui livrait son âme et il ne tiqua pas.

« Comment ça ?
- La Ligue est morte, oui. Nous n’avons pas de télépathe, pas de transport, pas de logistique, pas de chef. Nous ne pouvons rien. Luthor et les siens veulent le pays, et le monde : ils veulent faire tomber nos institutions pour mettre en place les leurs. Nous ne pouvons rien contre eux…et vous pouvez nous aider. Vous pouvez nous mener, nous dire quoi faire et faire ce qui doit être fait.
- C'est-à-dire ?
- Protéger le pays. Protéger les gens. Sauver les gens. »

De longues secondes s’écoulèrent ainsi, Tim ayant du mal à respirer. Il s’était totalement livré à la Panthère Noire, et il ne voyait aucune émotion sur son masque sombre. Les armes autour d’eux étaient toujours levées, la tension était à son comble et il sentait que Donna était dans le même état que lui. Sans cet homme, ils étaient finis. Sans cet homme, Jones et Connor étaient finis. Sans cet homme, la Ligue était finie.
Finalement, après de trop longs instants, sa voix douce et posée s’éleva à nouveau, brisant un silence qui mettait à vifs les nerfs de tout le monde.

« Baissez vos armes. »

Hunter ne se risqua pas à sourire, mais le cœur y était. Son cœur battait si fort qu’il semblait prêt à être expulsé de sa poitrine ; l’espoir n’était peut-être pas mort.

« Et ramenez nos invités à la porte.
- Qu…quoi ?
- Vous n’avez plus rien à faire ici, monsieur Hunter. Je ne suis pas intéressé par ce que vous dites : Harlem n’a pas besoin de vous, et je ne veux pas m’occuper de vous. Menez votre guerre, affrontez Luthor, allez à la mort, cela ne m’intéresse pas. Le gouvernement changera, les lois changeront, les gens changeront, mais Harlem restera toujours Harlem, un quartier délaissé, rejeté, un ghetto. Harlem est mon territoire, ma priorité. Si Luthor s’en prend à moi, je le tuerais. Mais en attendant, je laisse les soucis de blancs aux blancs. Après tout, ne m’a-t-on pas toujours répété que mon cerveau n’était pas assez grand pour les comprendre ? Allez combattre votre guerre et allez y mourir ; Harlem restera toujours Harlem, et la Panthère Noire ne s’occupera que d’elle. »



« J’avoue avoir un peu de mal à faire confiance à une assassin, mademoiselle. Surtout quelqu’un qui peut être considérée comme une serial killeuse.
- Considérez-moi comme vous voulez, je ne suis là que pour vous prévenir.
- Que je vais mourir, n’est-ce pas ?
- Qu’on vous en veut.
- Ce n’est pas vraiment une nouveauté. »

Dane posa ses pieds sur le coin de son bureau, faisant claquer les glaçons de son whisky avec son dernier bras. Il avait desserré sa cravate, et ses cheveux n’avaient plus le style qu’il leur avait donné à sept heures ; dix-sept heures et bien des soucis étaient passés dessus.

« Luthor, n’est-ce pas ?
- Entre autres.
- Et sa clique, évidemment. J’ai été informé des dernières nouveautés : l’évasion occultée par les médias de Norman Osborn, la prise de pouvoir progressive de Lex, la destruction du Corps, les actes du Président Bush et les arrestations, et je sais que mon tour va bientôt venir. Comme ce fut celui de la Question. »

La jeune femme qui lui faisait face serra les dents et ne le cacha pas ; c’était l’intention de Whitman de voir jusqu’où il pouvait aller, jusqu’où elle pouvait encaisser. Il connaissait mieux Sara Pezzini qu’elle ne le pensait : il avait tenté de suivre ses mouvements depuis l’assassinat des Architectes, essayait de savoir comment la rencontrer pour découvrir si elle pouvait lui être utile. S’il avait été élu, il aurait eu quelques missions à lui confier mais les choses ne s’étaient pas passées comme prévues.
Maintenant qu’elles avaient tourné au cauchemar, il avait besoin d’elle pour survivre, mais il ne savait pas encore s’il pouvait lui faire confiance.

« Oui. Mais il trouvera un moyen de s’en sortir.
- Peut-être. Il me semble qu’avant, il n’aurait jamais été possible de le capturer ainsi.
- Avant ?
- Oui.
- Avant quoi ?
- Avant l’attaque des Architectes. Selon moi, il y a clairement une brisure entre la Question avant cet événement et après. Avant, l’homme était coriace, mystérieux, quasiment insaisissable et implacable ; après, votre ami ShanLi semble s’être radouci, a développé une certaine conscience et une certaine mortalité, aussi. Son enquête sur le Batman de Chicago s’est terminée très rapidement, et surtout très mal. Je crois qu’avant, ce bon vieux Dany ne se serait jamais laissé prendre, non ? »

Un long silence s’installa alors. L’ancien candidat à la présidence se doutait que l’homme sous le masque de la Question n’était plus le même, et certaines informations ramenées par Cliff indiquaient que Sara avait été très proche de ShanLi. Elle devait savoir quelque chose, et il voulait tout connaître pour être sûr de ses décisions. La Question pouvait être sorti des griffes de l’armée s’il était bien celui que tous les industriels et politiques avaient appris à craindre, et s’il était tiré de son coma, bien sûr ; mais si c’était quelqu’un d’autre, si ShanLi avait pris la place du premier, ça ne vaudrait peut-être pas la peine de sacrifier une telle carte.

« Les choses ont beaucoup changé depuis ces attaques, monsieur Whitman. Comme après la punition que les Architectes ont subie.
- Vous ne regrettez rien ?
- Je sais que vous êtes informé de mon rôle là-dedans, et non je ne regrette rien. Ces hommes et femmes ne méritaient plus de vivre.
- Il n’y a pas eu de procès.
- La Justice a été rendue malgré tout.
- Pas celle prévue par les lois.
- Celles qui ont été décidées par les Architectes ? Vous savez ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont été capables de faire durant toutes ces années d’existence. Regrettez-vous vraiment que nous ayons mal fait ? Qu’un procès aurait été préférable ? »

Dane ne savait quoi répondre à cette question. Il n’était pas opposé à la peine de mort, loin de là, mais il avait beaucoup de difficulté de prévoir quelque chose d’aussi extrême, d’aussi froid qu’un tel assassinat ; Sara Pezzini et les gamins de Richards et de Tempest avaient prévu exactement comment tuer les Architectes, et ça le dérangeait. Il avait déjà été confronté à des situations où la vie devait être ôtée de l’adversaire, et il pouvait comprendre qu’en cas de danger immédiat ou dans le feu de l’action on puisse commettre un meurtre. Mais ce que Sara avait fait…c’était bien différent, et il condamnait de tels actes.

« Je pense, oui.
- Je me demande ce que vous auriez fait si vous aviez été visés par leurs attaques.
- Vous ne l’avez pas été non plus : vous n’avez eu vos capacités qu’après, il me semble.
- Oui. »

La jeune femme, instinctivement, passa sa main gauche sur l’autre, recouverte du gant qui avait changé sa vie depuis tant de mois. Elle avait parfois du mal à se rappeler comment « avant » avait été, comment une vie normale pouvait être vécue par quelqu’un comme elle. Sara avait l’impression qu’elle s’était totalement coulée dans cette existence, qu’elle ne pourrait plus en changer ; sa rencontre avec la Question, son envie de changer les choses et de vivre vraiment l’avaient fait couper tous liens avec son passé. Elle le regrettait parfois, avait du mal à être aussi dure mais elle en revenait toujours à croire qu’elle avait bien fait.
Son père, ses anciennes histoires…ça n’avait été que trop de malheur, pour elle. Même si l’existence qui était la sienne la menait à tuer, à blesser, à souffrir aussi et à être loin de Danny alors qu’il avait besoin d’elle, elle ne regrettait pas. Elle avait enfin la possibilité de changer les choses, ça valait bien tous ces sacrifices.

« Je vais être honnête avec vous, Sara : je ne suis pas sûr de pouvoir vous faire confiance. Je ne suis pas d’accord avec vos actes quant aux Architectes, je ne sais pas grand-chose de vous et j’ai encore moins confiance dans les capacités de votre gant. Personne ne semble être capable de me dire ce que c’est et quelles sont ses limites, et j’ai appris à mes dépens à être prudent avec les armes et les capacités surhumaines. »

Encore une fois, Dane sentit l’absence de son bras droit. Il poussa un long soupir, affecté par sa perte mais aussi par la situation. S’il avait remporté les élections, il ne savait pas s’il aurait été la cible de la bande à Richards et s’il serait encore de ce monde. Il était conscient qu’il était déjà revenu de loin, mais il avait parfois peu confiance en ses capacités à survivre à des événements comme ceux qu’il avait déjà affrontés ; Brian appelait ça le syndrome du survivant, la pire chose qui pouvait arriver à un soldat : la peur d’avoir mal de nouveau.

Il n’avait avoué ça à personne, mais c’était exactement ce qu’il ressentait : il était terrifié de la souffrance à venir, quelle qu’elle soit. Mais il ne devait absolument pas le montrer. Ce monde devenait de plus en plus fou, Luthor allait bientôt gagner son pari en devenant indispensable à Bush et surtout à Ste-Croix quand elle se rendrait compte de son importance aux yeux de l’opinion publique. Si Lex parvenait à se placer comme celui capable d’arranger les problèmes de sécurité du pays, il serait plus important que n’importe quel résident du Bureau Ovale. Il serait comme le maître des Etats-Unis, car ça serait sur lui que reposeraient les craintes et espoirs de chacun.

Dane était terrifié, oui, mais il n’avait aucune envie de laisser quelqu’un comme ça occuper un tel poste. Clint ne l’aurait jamais accepté, Brian ne l’aurait jamais accepté ; il ne pouvait pas faire moins que de se battre, jusqu’à la fin.

« Je suis touché que vous soyez venue me prévenir de ce qui allait m’arriver, mais je ne peux empêcher ça : je vais continuer à lutter contre Luthor et les siens.
- Mais…
- Je sais : je ne suis plus dans le même état de forme que jadis, je ne suis plus le grand « Chevalier Noir » et je n’ai pas un grand pouvoir. L’actuelle vie politique de ce pays est un chaos assez ahurissant, le Congrès a peur de se réunir, les gens ne veulent plus sortir de chez eux…tout indique que Lex va gagner. Mais je vais essayer de dire ce que je sais, je vais essayer de me battre contre lui et contre ceux qu’il mène.
- Pourquoi ?
- Parce que c’est ce qui doit être fait. Ce n’est pas personnel, ce n’est pas une revanche ou une quête pour redevenir un héros : je ne l’ai jamais vraiment été. J’ai subi une malédiction familiale, j’ai été un « justicier » plus par obligation que par réelle volonté. Je ne suis pas un héros, je ne le serais jamais et je ne veux pas l’être. Je suis un américain, un homme qui voit un autre essayer de réduire à néant tout ce qui fonde ce pays. Je sais qu’on peut dire beaucoup de choses sur son fonctionnement, sur ce qu’il a fait et fera encore ; beaucoup sont vraies. Mais il est hors de question que je laisse quelqu’un comme Lex Luthor en prendre possession, hors de question qu’il gagne. Pas parce qu’il a tué un de mes proches, pas parce qu’il a pris mon bras, pas parce qu’on se connaît, mais tout simplement parce que c’est ce qui doit être fait. M’aiderez-vous ?
- Comment ?
- Assurez ma sécurité, veillez à ce que je meurs le plus tard possible. Vous serez récompensée à votre valeur. »

Pour la première fois depuis son entrée surprise dans son bureau new-yorkais, après qu’elle soit descendue en rappel du toit de l’immeuble en ayant évitée tous les gardes, Sara Pezzini se détendit et fit apparaître un léger sourire sur son visage. Whitman y répondit.

« J’accepte. Mais seulement parce que c’est un défi à ma valeur de vous faire tenir plus d’une semaine.
- Je crois que nous allons bien nous entendre, Sara. »



Je m’appelle James Baxton, dit aussi Steelman. Je suis censé être un « super-héros », un des « protecteurs » de New York et des innocents. Je suis censé être là quand une catastrophe arrive et l’empêcher en évitant le plus de dégâts possibles. Je suis censé être l’homme qu’il faut quand il le faut.
Mais j’ai merdé.

A mes côtés, Donna et Tim dorment. Je les conduis le long du périph’ de New York, sans trop savoir où aller. La Panthère Noire nous a laissé une vieille épave qui roule à peine, et aucun d’entre nous n’a osé donner une direction. Aucun d’entre nous ne sait vraiment quoi faire. Tim nous avait convaincus que le maître de Harlem était notre espoir, celui qui pourrait enfin nous donner une direction et être le leader qu’il nous manque.
Il a aussi merdé.

Maintenant, nous sommes seuls. Je n’ose rentrer chez moi, je n’ose appeler mes proches et je suis sûr que certains sont déjà suivis ou peut-être même arrêtés. Tim est un gars bien, Donna aussi mais ils sont tous deux dans un tel état qu’il est assez clair que je suis le seul capable de tenir quelques rounds face à nos adversaires. Et je ne suis pas sûr de pouvoir tenir, psychologiquement parlant.

Je…je ne sais pas ce qu’il m’arrive, mais depuis l’attentat contre Ste-Croix, je ne suis plus pareil. J’ai peur, peur d’échouer encore. Trop de fois, il m’est arrivé de perdre, de ne pas être à la hauteur et trop de fois des gens ont payé pour moi. Mike, entre autres, mais il y en a tant, certains même que je ne connais pas. J’ai détruit des voitures, des immeubles, des bureaux : j’ai brisé des vies ; je suis responsable de tout ça. Et je n’ai pas payé pour ça. Ça n’est pas juste.
Evidemment, on pourrait me dire que c’est « normal », que ça a été fait durant mes heures de « service » et que la protection que je fournis permet d’accepter que je sois aussi destructeur ; sauf que j’ai merdé, et pas qu’une fois. Si j’étais comme le regretté Eots, on pourrait accepter que je fasse ça : j’aurais des résultats. Mais je suis Steelman, je ne suis pas indispensable à New York et je me demande si je ne fais pas plus de mal que de bien.

Fondamentalement, est-ce que je suis vraiment un « héros » ? Est-ce que j’ai une influence positive sur New York ? Depuis quatre-cinq ans que les « justiciers » sont réapparus, nos ennemis ont grandi en pouvoirs et en capacités destructrices ; est-ce que nous ne sommes pas responsables ? Est-ce que nos destructions, si elles sont faites pour protéger des « monstres », ne sont-elles pas le reflet du fait que nous sommes responsables de l’apparition de nos adversaires ? Je ne sais pas quoi répondre à ça, et ça me fait peur.

Car si c’était vrai, si nous étions responsables de ces monstres, ça voudrait dire que nous devrions disparaître pour qu’ils fassent de même, que nous devrions les faire tomber pour tomber par la suite, délibérément. Ça voudrait dire que pour sauver le monde, pour faire notre boulot, nous devrions voir nos identités costumées périr. Et seigneur, j’ai honte de le dire…mais je ne suis pas prêt à un tel sacrifice. Je ne suis pas prêt à mourir ou à faire mourir Steelman, et je sais que beaucoup d’autres sont comme moi.
Si nous sommes responsables de nos ennemis et que nous n’avons pas la force de les faire disparaître, alors nous sommes pires qu’eux. Peut-être que ça a toujours été le cas, peut-être que nous nous sommes gorgés d’illusions…peut-être que les « héros » ne sont pas ceux que j’ai toujours crus. Peut-être n’a-t-on jamais eu besoin de moi. Peut-être n’ais-je jamais été un « héros ».



« Où en sont les interrogatoires ?
- Nous ne parvenons pas à tirer quelque chose des Lanterns survivants.
- Même avec les méthodes indiquées ?
- Elles sont en effet pertinentes et intéressantes, mais elles n’ont pas d’effet pour le moment.
- Combien de Lanterns sont actuellement interrogés ?
- Trois : Phyla Menader, Richard Rider et Peter Quill.
- Je ne les ai pas tués ?
- Rider a en effet perdu un bras suite à la chute du Corps, Quill est aveugle et Menader…Menader a été traitée selon vos ordres.
- Elle a été enchaînée nue devant nos troupes qui se sont collés contre elle ?
- Oui.
- Parfait. »

Sinestro sourit, avec sa bouche édentée et ses lèvres ruinées. Il était avec son second, un des anciens Green Lanterns qui avaient décidé de se séparer du Corps il y a des siècles parce qu’il avait eu l’instinct que lui seul pouvait protéger le monde de Parallax ; et il avait raison. Le Corps avait été stupide de croire qu’user de l’énergie d’émeraude leur permettrait d’être en paix avec ce monstre, et surtout de diaboliser un être envoyé pour les protéger contre lui. Certains Lanterns avaient ainsi fait scission, s’étaient retrouvés prêtres du Sinestro Corps et avaient fait siennes certaines anciennes croyances occultes qui leur avaient permis de vivre une semi-existence.
Pendant des siècles, ils avaient aidés et encouragés Sinestro, lui avaient indiqués où retrouver la tablette qui avait restauré ses pouvoirs et avaient tout fait pour qu’il revienne après sa mort. Il n’était plus qu’un zombi maintenant, un être à la chair morte qui tombait dès le moindre mouvement trop rapide. Il était un sac d’os décharné, laid mais ce n’était pas un problème. Bientôt, il aurait enfin la paix.

Tout ce que voulait Sinestro, c’était se venger du Corps et faire en sorte que Parallax ne revienne jamais, ce qui voulait dire détruire l’énergie d’émeraude. Durant des siècles, ses actions avaient consisté à plaider sa cause devant le Corps et à essayer de détruire la Batterie principale, mais il n’avait jamais réussi. Il avait fallu le sacrifice des Jordan, le retour de la tablette où les Lanterns avaient emprisonné ses forces pour qu’il puisse enfin agir comme il le fallait, mais il n’avait pas été assez rapide et doué pour s’en prendre à son véritable ennemi.

Hal Jordan l’avait détruit et avait dû alors s’en prendre à Parallax – seul. Il était parvenu à le vaincre, mais à quel prix ? Il avait dû créer un nouveau Corps, de nouveaux êtres avaient porté en eux l’énergie d’émeraude et les Lanterns n’avaient jamais été aussi forts qu’avec le jeune « élu » à sa tête. C’était impossible pour Sinestro d’accepter ça.

Fondamentalement, il avait été créé pour empêcher Parallax de revenir, de sortir de la prison où il avait été justement enfermé ; les Lanterns le voyaient lui comme un « méchant », alors que Sinestro n’avait toujours agi que pour le Bien de l’Univers. Empêcher Parallax de commettre à nouveau ses crimes était une mission sacrée, comme celle d’empêcher que des créatures aussi pitoyables et ingérables que les humains usent de l’énergie d’émeraude. Ils n’étaient pas formés et capables pour ça.
Evidemment, vivre tant de siècles à essayer d’atteindre un tel objectif était loin d’être facile pour la santé mentale, et Sinestro était bien conscient d’avoir perdu un peu l’esprit, d’avoir des envies de grandeur bien loin de sa mission initiale. Il voulait contrôler ce petit monde parce qu’il avait passé assez de temps ici pour savoir qu’il pourrait y arriver très facilement, et parce qu’il le méritait. Sinestro avait été envoyé ici, avait été maltraité par des imbéciles sous-développés, avait été tué parce qu’il faisait le Bien…on lui devait bien quelque chose en échange, non ? En plus, il devait maintenant vivre dans ce corps décharné, inhumain…détestable.

Sinestro était continuellement énervé et considérait que cette planète devait souffrir pour ça. Le Corps avait été la première victime, et il adorait se remémorer chaque instant de cette glorieuse bataille. Les Lanterns avaient combattu bravement, mais les siens étaient quasiment immortels du fait de leurs actes de magie obscure ; en plus, leur énergie pure, la sienne, était à même de faire tomber l’énergie d’émeraude. Ils avaient vaincu, ils avaient été les meilleurs et il ne manquait que Jordan pour parfaire son plaisir. Après, il n’aurait plus qu’à se débarrasser des petits humains qui se croyaient son égal, et tout irait pour le mieux.

Dans les couloirs de sa pyramide d’or, placée au beau milieu du Texas, des Lanterns criaient, des Lanterns mourraient, les siens s’amusaient et le priaient pour sa gloire. Le Corps avait perdu, les recherches pour retrouver Jordan étaient denses et plusieurs pistes menaient vers Boston. Blake était mort, Gardner était mort et Hal le serait bientôt.
Sinestro aurait bientôt accompli sa mission, et il pourrait enfin avoir sa récompense. Elle serait méritée, violente et brutale car c’était tout ce dont cette planète avait besoin. Et il serait à la hauteur.
 
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