Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Mars 2005
Tim Hunter rentrait tranquillement chez lui. Il avait passé trois heures de cours assez ennuyeuses à son lycée. Pour tout dire, il avait dormi durant le cours d’histoire et avait joué à Star Wars avec ses stylos avec Chris, son voisin, durant les deux heures de maths. Autant dire une matinée normale pour ce jeune homme aux cheveux noirs de 17 ans, bientôt 18.
Alors qu’il allait monter le petit escalier menant à son immeuble, une main fatiguée et un peu sale se posa sur son anorak gris. Surprit, Tim se retourna pour faire face à un homme de taille moyenne, fatigué qui le fixait avec beaucoup d’attention.
« Bonjour, Tim.
- On s’connaît ?
- Pas encore.
- Bah je crois que ça n’arrivera jamais…bon, désolé, mais j’ai pas de fric donc foutez-moi la paix…
- Je ne vends rien.
- Je crois pas en Dieu, et j’veux pas y croire. Etre membre d’un gang ne m’intéresse pas et je n’aime pas les sectes, donc foutez-moi la paix. »
Tim se dégagea de l’emprise de l’homme pour ouvrir la porte.
« Tu ne crois pas en Dieu, petit con, mais tu sais faire des choses qui seraient plus de l’ordre de l’autre salopard du dessous… »
Le jeune homme stoppa net alors qu’il était pratiquement rentré. Il se retourna brusquement.
« Quoi ?
- T’as bien compris, gamin. Je sais tout. Je sais ce que tu fais le soir. Je sais ce que tu as fais à Brad Fisher après qu’il t’ait humilié devant Nancy. Je sais ce qui est arrivé au clebs du concierge de ton lycée. Je sais pourquoi ta prof de maths a cru être brûlée vive. Je sais tout. Et je te félicite. »
Tim était stupéfait, il avait presque failli tomber par terre de surprise.
« Euh…
- Après E, y a F dans l’alphabet, mais tu le sais p’tet pas encore…
- Hum…
- Ah nan ça c’est pas dans l’alphabet.
- Ecoutez, il faut qu’on parle…
- Y a rien à dire, gamin. Je t’embarque.
- Quoi ?
- J’ai besoin de toi, de tes dons. Donc je t’embarque. Tu viens avec moi. Logé, nourri, éduqué dans les pratiques que tu commences à peine à explorer.
- Et si je te dis non ?
- Je balance tout.
- Vous feriez pas ça !
- J’ai l’air de quelqu’un qui se soucie de la vie de fou que je peux te créer ?
- Nan.
- Bien. Au moins t’es prévenu.
- Et pour ma mère ?
- Elle est déjà OK.
- Ça m’étonnerait.
- Je l’ai aidée à dire oui.
- Comment ça ? »
Strange monta alors les marches et approcha son visage de celui de Tim.
« J’ai moi aussi des talents, Tim…mais là où tu es l’élève, gamin… »
Les yeux de l’homme à l’imper passèrent alors du noir au rouge flamboyant, une sorte de feu intérieur brûlant à l’intérieur de ses prunelles.
« …moi, je suis le Maître incontesté… »
Le lendemain soir, Chinatown à Los Angeles. La Cité des Anges était plus celle des Hell’s Angels le soir qu’autre chose, pensa Strange tandis qu’il marchait lentement dans les ruelles sombres, humides et dangereuses du quartier. Les ombres de réunions nocturnes dansaient par-delà les maisons encore allumées tandis qu’il arrivait à destination, c'est-à-dire une petite maison en bois et en toile, dans le plus pur style japonais, ce qui dénotait avec le quartier.
Stephen allait ouvrir la petite porte en écrasant sous son pied sa Silk Cut quand elle s’ouvrit d’elle-même, laissant place à un homme assez grand, les cheveux longs noirs comme la Mort et habillé d’un costume noir et blanc. Strange planta un regard haineux dans les yeux rouges de l’être tandis que celui-ci parlait d’une voix rocailleuse et dure.
« Stephen…bien le bonsoir à toi…
- ‘Lut. Tu veux que j’t’appelle comment ? Vu le nombre de noms que tu t’amuses à avoir…
- Appelle-moi Stan.
- Stan ? Sympa ce petit diminutif…
- Je savais qu’il te plairait.
- Qu’est-ce que tu fous là ?
- J’aide un ami.
- Un ami ?
- Oui.
- Qui ?
- Tu le connais, voyons, Stephen, rappelles-toi…
- Ouais, je vois qui c’est…mais je me demande bien pourquoi tu fais cela…
- Oh, tu sais, les choses habituelles…je n’ai pas besoin de te les dire, non ?
- Nan, ça ira…mais pourquoi l’aider, lui ? Si je me souviens bien, vous n’êtes pas vraiment potes…
- Je sais, mais vois-tu quand j’ai l’occasion de déchaîner ma foudre sur ton espèce maudite, les vieilles rancunes disparaissent…
- Tu me caches quelque chose…
- Moi ? Non. Pourquoi cela ? Tu n’es qu’un mortel. Que veux-tu savoir ? Dis, je te dirais tout.
- Il est seul à profiter de tes largesses ?
- Pour l’instant, oui, mais bientôt d’autres seront aidés aussi. La grande fiesta approche, Stephen, on va bien s’amuser… »
L’être explosa alors de rire avant de disparaître dans l’ombre, aussi subitement qu’il était apparut. Stephen détestait quand il faisait cela, c’était encore pire que de l’entendre parler avec sa voix de chat castré, comme il disait. Strange ouvrit la porte, espérant que le gamin qu’il venait voir n’avait pas eu de problèmes…
L’homme en imper marchait lentement dans la demeure sombre et vide, sentant le jasmin et l’encens. Aucun son ne filtrait, ce qui augmentait l’appréhension du « serial fumeur » qu’était Strange. Après avoir visité quelques pièces, il ouvrit une porte en toile qui débouchait sur un salon japonais classique, au centre duquel était assit un adolescent d’environ 16 ans, le crâne rasé, les yeux fermés dans la position du lotus. Il ouvrit sa bouche et parla d’une voix monotone avant même que Stephen ne pu dire un mot.
« Je ne veux toujours pas t’aider, créature. Fuis loin de moi durant le peu de temps que je te laisse.
- Y a maldonne, gamin, j’suis pas l’autre déb’… »
L’adolescent ouvrit alors les yeux.
« Qui êtes-vous, alors ? Pourquoi troublez-vous ma méditation ?
- Je viens te recruter et t’apprendre des choses.
- Je n’ai nul besoin d’apprendre, je sais déjà beaucoup. Et de plus, je ne veux être recruté par personne.
- Karmal Klact Nichut Fula Kamala. »
Le jeune homme fut très surprit par ces mots. Etait-ce possible que c’était bien celui qui devait le chercher ? Pourtant, il n’avait pas l’air de celui qu’il attendait depuis maintenant 10 ans…mais il avait la phrase que seul Lui pouvait avoir…donc ça ne pouvait être que Lui…et personne ne connaissait plus ce langage oublié et maudit…
« Comment avez-vous eu cette phrase ? A quel cadavre l’avez-vous extorqué ?
- C’est mon Maître qui me l’a donné il y a longtemps.
- Seriez-vous…
- Ouais, gamin. Je suis Stephen Strange, sorcier, mythomane, alcoolique, fumeur et adepte de probablement toutes les drogues de cette planète, et d’ailleurs. Et je suis aussi le seul espoir de cette foutue planète. Bon, tu viens ? »
Le jeune homme se leva et enfila sur son corps jusqu’alors nu un kimono orange.
« Où allons-nous ?
- Rejoindre les autres.
- Quels autres ? »
Strange sourit en allumant une Silk Cut.
« Mais les 7, Wong, voyons les 7… »