Urban Comics
  Steelman #32 : La Fin d'un Monde (10) : ...the End...
 
Auteur : Ben Wawe
Date de parution : Avril 2009

Hyperion. Il a toujours été mon ennemi, autant que je m’en souvienne. Ses origines sont floues, mêlées à des mondes parallèles, des types bizarres voyageant d’univers en univers. Avec le temps, les souvenirs s’évaporent et même mes pouvoirs ne peuvent rien contre ça. Malgré ma force, ma vitesse et tout le reste, je ne suis qu’un vieil homme fatigué à qui on refuse le droit de mourir et qu’on force à continuer, encore et encore.
Tout ce que je voudrais, c’est arrêter tout ça et éviter de revoir les visages de Donna, Barry et tous les autres quand je dors, mais c’est ma malédiction. Je perds les origines de ce qui est arrivé mais je me souviens de la douleur de la perte d’êtres chers. La Vie est mal faite mais c’est sûrement sa revanche sur ce que l’Humanité lui a fait ; on l’a condamnée, après tout.

Malheureusement, je sais que je ne pourrais pas me laisser aller à de grandes réflexions philosophiques avec l’être qui vient de me frapper le menton et de me propulser au sol. Il a toujours été un dingue et un imbécile mais c’en est très fort : sa puissance a toujours été supérieure à la mienne mais nous ne l’avons pas découverts avant longtemps. On a souvent croisé le fer ensemble et ça a fait mal mais je suis toujours parvenu à prendre le dessus ; jusqu’à aujourd’hui apparemment.

Ses coups pleuvent sur mon visage et je ne suis pas assez rapide pour les éviter. Je sens ma mâchoire se disloquer et ça fait mal, vraiment. Je n’ai plus ressenti une telle douleur depuis l’affrontement avec Clark et ça ne me plaît pas. Je pensais le problème Hyperion réglé mais il est clair que j’ai été présomptueux de le croire prisonnier à jamais de ce que je lui avais construit. Il doit vouloir me réduire en charpie pour ce que je lui ai fait – et il risque bien d’y arriver. Au vu des premiers échanges, il est clair que je ne peux pas grand-chose contre lui.

Alors que je lève mes bras pour stopper ses poings, je me rends compte que nous sommes sous terre. La force de l’impact a creusé un énorme trou dans le sol et depuis, Hyperion s’acharne sur moi, autant pour faire mal que pour m’enfer là-dedans. Je connais ça : c’est une vieille tactique, un truc vu et revu mais qui fonctionne toujours. Il veut me laisser là-dedans pour m’attendre à la sortie et je dois empêcher ça. A ce que je vois, il a dix secondes d’avance sur moi en temps de réaction et c’est monstrueusement énorme. Ou il est bien plus fort que je ne le craignais, ou j’ai bien baissé mais je dois me bouger si je veux survivre à cet affrontement – et maintenant.
Je tente de le frapper au visage pour gagner quelques secondes mais il attrape ma main avant que je ne le touche. Un regard noir me fait frissonner quand je croise ses yeux et je le vois tenter de m’arracher mon index, sûrement juste pour le plaisir de montrer sa puissance. Je vais avoir mal.

Si je le laisse faire, il va m’avoir et je n’ai aucune envie de devoir me greffer un de ces machins bioniques sales et mal foutus pour compenser la perte de mon doigt. J’essaye de le frapper dans les parties sensibles en relevant mon genou, mais il est bien trop rapide et s’élève dans les airs, me tirant par le doigt. Celui-ci craque et je dois serrer les dents – qui ont déjà morflées aussi – pour éviter de crier : je ne veux pas lui faire ce plaisir.

« Alors, vieux machin, ça fait mal ? »

Lentement, il s’envole et sait qu’il va m’arracher le doigt en continuant. C’est vrai que je suis vieux face à lui : même si un peu de gris apparaît sur ses tempes, il semble terriblement jeune et fort. Il est encore vêtu de la combinaison bleue que je lui avais mise pour éviter qu’ils ne se dépensent de trop : c’est une invention de Tony, elle est censée absorber les pouvoirs de son propriétaire pour éviter qu’il ne soit surpuissant. Au départ, c’était pour Clark puis pour Tim, mais malheureusement ça n’a pas bien fonctionné sur eux. Tony l’a modifiée pour enfermer Hyperion et ça semblait bien fonctionné – avant.

Apparemment, ce monstre a maintenant assez de puissance pour surcharger la combinaison. Je n’ai jamais été bon en technologie, j’ai toujours préféré taper au lieu de comprendre mais il est clair que ça n’est pas une bonne nouvelle. La cellule est normalement invincible mais la grosse assurance de l’emprisonnement d’Hyperion était cette combinaison et j’espérais que son seuil de pouvoir ne soit jamais trop fort pour la dérégler. Je me trompais et je déteste ça.

« Pas autant que de voir ta sale tête. »

J’ai mal un peu partout et ça me rappelle des souvenirs. Voir la tête d’Hyperion m’a troublée mais ce n’est plus son sourire arrogant que j’aperçois quand je le regarde, maintenant. Je revois les faces de ceux et celles qu’il a tuées, toute la population d’une région réduite à néant à cause de ce monstre. J’entends les plaintes des proches que j’ai dû amener de mes mains près des cadavres pour qu’ils les reconnaissent. Je sens à nouveau les regards pleins de reproches et de douleur de ces mêmes personnes, qui n’osent rien dire mais pensent bien que j’aurais dû agir avant cette horreur.
Ce fut ce jour-là que je décidais qu’Hyperion devait être stoppé, définitivement. Je ne voulais pas tuer mais si j’y étais obligé, je devrais m’y résoudre. Ce jour-là, je devenais enfin un homme et je faisais face à mes responsabilités, même les pires.

Oui, je me rappelle de tout ça. J’ai mal mais ce n’est rien par rapport à ce qu’il a fait à d’autres. Et il va recommencer, je le sais, je le sens. S’il n’est pas arrêté maintenant, des gens vont encore mourir et je ne le supporterai pas. Il rit encore mais se stoppe dès que je m’envole de mon côté et le frappe le plus fort que je peux au centre de la poitrine. Le coup est si violent que la combinaison en est déchirée et il fonce sur un des murs de la forteresse avant de tomber dans le ravin de l’autre côté, dans un océan de poussière et de sang – son sang.

Je lévite au-dessus du sol, sentant bien que mon corps en a assez de tout ça mais me fichant complètement de son avis. Une ordure est libérée, je dois l’arrêter même si je suis trop vieux pour ça. Ma mâchoire est un peu disloquée, mon doigt me brûle, mon visage est recouvert de plaies mais ça n’est pas grave. Je vais avoir pire avant la fin de la journée et ce petit con vivra l’enfer pour ce qu’il a fait.

« Joli retour, James. Mais je ne crois pas que ça suffira pour l’arrêter.
- Tu vas m’aider ? »

Je vois ma cigarette au sol, qui s’est échappée de mes lèvres quand l’autre dingue s’est précipité sur moi. Lentement, je la reprends et tire dessus pour refaire vivre la petite flamme et j’y parviens, ce qui me tire un sourire. J’ai de la chance, peut-être que je vais finalement m’en tirer.

« Non. »

Ou pas. Je hais ce type.

« Pourquoi ?
- Je n’ai pas à interférer dans vos affaires.
- Ce sont celles du monde.
- Le monde a disparu, James ! Voyons, ne me dis pas que tu te bats toujours pour protéger la Justice, la Vérité et tout ça ? Ca alors ! Je croyais que tu avais compris toute la connerie de tout ça.
- Certaines choses ont du mal à rendre leur dernier râle, Parallax. Certaines choses ne devraient jamais mourir.
- Ah ? »

Je ne le regarde pas, je m’y refuse. Ce chien m’a attiré ici et je suis presque sûr qu’il savait qu’Hyperion venait le voir. Malgré son discours, je sais qu’il est une des cibles du dingue, qui veut tout détruire pour je ne sais quelle folie stupide. Il a toujours eu un souci au cerveau, et je crois même qu’il vient d’un monde parallèle ou d’une connerie du genre – ça n’a pas dû aider à ce qu’il soit « normal », mais ça n’excuse pas tout.
Hyperion est un serial killer qui est bête mais très méchant. Si on était dans un comics, il serait pathétique parce que limité mais je sais, au fond, qu’il est plus retord et complexe que ça. Plus d’une fois, j’ai failli comprendre ce qui le menait vraiment mais je ne suis jamais vraiment parvenu à le savoir. Nous sommes devenus « pires ennemis » plus par hasard que vraie raison et il m’en veut toujours de ce que j’ai pu lui faire à nos débuts, comme je lui en veux de ce qu’il a pu me faire.

Le hasard nous a réunis et a créé une haine qui jamais ne s’éteindra. Et alors qu’il se relève et me fait face, que je sens qu’il va me tuer si je le laisse me toucher la prochaine fois, je sais qu’il n’y a plus d’échappatoire. Ça se finit aujourd’hui et l’un de nous ne se relèvera pas – et je crois que ça sera moi.

« Tu ne m’échapperas paaaaaaas !!!
- Mon dieu que c’est cliché. »

Je crois que je suis fou, en fait. Alors qu’Hyperion me fonce dessus, je ne peux m’empêcher de lui lancer cette vanne. Elle n’est même pas très drôle et pourtant j’y prends du plaisir. Par chance plus qu’autre chose, j’évite ce grand malade et il va s’encastrer contre le mur derrière moi. Je ne vois plus Parallax et ça ne me dérange pas : je ne veux pas l’avoir dans les pattes durant l’affrontement. Il serait capable de me frapper par derrière si ça pouvait le sauver.
A nouveau, je me tourne pour voir un paysage de désolation : la forteresse des Lanterns ne tiendra pas à ce rythme et j’avoue que ça ne me dérange pas. Tout ça est une insulte à ce qu’avait fait Hal et les autres et j’ai du mal à la supporter. Si en stoppant Hyperion – ou en mourant pour essayer – je peux mettre une bonne béquille à Parallax pour stopper sa montée vers le pouvoir et la gloire, j’en dormirais bien. Malheureusement, ce bon vieux Hyperion ne semble pas d’accord avec ça.

Il se relève déjà et ses yeux brillent soudainement. Aurait-il un rayon optique, maintenant ? Je ne sais pas comment ses pouvoirs ont augmentés depuis tant d’années mais ça n’est pas impossible. Après tout, j’ai bien une puissance inimaginable maintenant, mais qui semble bien faible face à mon ennemi. On a changés tous les deux mais je crois quand même être celui qui a été le plus bouleversé. Si je me voyais avant la Guerre maintenant, je ne me reconnaîtrais pas : j’étais alors très sérieux, très sûr de moi, très calme…tout le contraire de maintenant. Je ne faisais même pas de blague, à l’époque ! Et encore moins d’humour noir, évidemment.

Et oui, c’était bien différent avant – c’était mieux. Je suis peut-être plus fort, plus drôle et plus classe maintenant mais je ne suis plus qu’un cadavre qui marche, un corps surpuissant mais dénué d’âme. Tout ce que je veux, tout ce que j’aspire, c’est le repos éternel qui m’est refusé par ces pouvoirs qui ont fait ma malédiction. A choisir, je ferais absolument tout pour que les choses se passent différemment mais c’est malheureusement impossible. J’ai eu ma chance, comme le monde, et on l’a foiré ; à nous d’assumer.

« Tu n’es qu’une ombre, Steelman. »

Je fronce les sourcils et je sens la colère naître en moi – et je n’ai pas envie de l’arrêter. Depuis des années, je refuse qu’on m’appelle ainsi : je ne le supporte pas. Mon ancienne identité était un rêve, un symbole que j’ai perverti en agissant mal ou en n’intervenant pas à certains moments. Je n’en suis plus digne et je ne veux pas qu’on me renvoie ça en pleine face, et Hyperion sait ça. Il me dit ça juste pour me faire mal, pour me faire comprendre qu’il est le meilleur qu’il peut me faire ce qu’il veut. Il se trompe.

« Tu n’aimes pas que je t’appelle comme ça, hein ? Tu deviens tout méchant d’habitude, c’est ça ? Tu me fais pas peur, papy. »

Je ne l’écoute même plus. Je lévite au-dessus du sol, rassemblant toute ma puissance dans mes poings et je fais fi de la douleur. Je me fiche de ce qu’il y a autour de nous, je me fiche de Parallax qui doit traîner dans les parages : plus rien n’a d’importance. Ce chien, ce fils de chien ose m’appeler par ce nom que je ne veux plus entendre et il fait ça uniquement pour me faire mal. En plus d’avoir massacré des centaines de personnes, cette ordure ose me torturer avec ça ? En sachant tout ce qui m’est arrivé ? En ayant participé à tout ce qui m’a fait abandonner le costume ? Fils de pute…fils de pute !

« Je dirais même que…WOUF ! »

Il n’a pas le temps de finir que je fonce sur lui pour frapper sa cage thoracique. Tout l’air de ses poumons est expulsé en un coup mais je ne le laisse pas récupérer. Il est plus fort, plus rapide ? Je m’en fous. J’ai des années d’expérience qu’il ne peut avoir. Il est peut-être plus puissant mais vient de sortir de l’immobilisme auquel je l’avais condamné alors que j’ai continué d’arpenter ce putain de purgatoire et que j’ai appris quelques sales coups.
Il veut des poings, du sang, du sadisme ? Putain mais viens garçon, viens voir papa !

Les coups pleuvent sur sa face, et j’avoue que j’aime ça. Il est au sol, tentant vainement de se relever pour me frapper mais c’est trop tard – c’est déjà trop tard. Je l’ai fait tomber avec un léger balayage, je lui ai cassé deux doigts en craquant sa main droite contre ma paume et mes genoux sont très gentiment coincés sur son bas ventre, le bout pointu évidemment en avant. Il a mal, je le sens ; j’adore ça.

Bien sûr, je sais bien qu’il va se réveiller à un moment et que le sang que j’ai sur mes poings sera payé chèrement, mais je veux gagner. Ça fait des années que je n’ai pas senti une telle rage en moi, une telle colère. Je veux du sang, je veux le faire souffrir. Pendant longtemps, j’ai eu tout ça au fond de moi : la mort de mes proches, la disparition de mon père, son retour, la désillusion…j’ai tout emmagasiné, j’ai tout gardé. Même quand j’ai dû abandonner l’identité de Baxton un moment, je n’ai pas lâché la bride alors que j’aurais dû, comme avant. Il faut que les choses sortent aux moments où elles font mal, parce que sinon…sinon, c’est encore pire quand on ne peut plus les contrôler.
Et ça m’est arrivé – deux fois. Deux fois où je n’ai pu me contrôler et où j’ai fait de mauvaises choses. C’est en partie pour ça que j’ai abandonné le costume et le nom : je n’en étais plus digne. Aujourd’hui, Hyperion m’a rappelé et me couvre de honte parce qu’une troisième fois apparaît où je ne peux me contrôler…mais il y a une différence : je ne veux pas me stopper. Je ne veux pas m’empêcher de le faire souffrir pour ce qu’il m’a fait. Il est plus que temps d’en finir.

Comme prévu, Hyperion me répond en me frappant alors que je pensais l’avoir eu, mais ça n’est pas grave. Je recule, saigne un peu du nez mais je m’envole avant qu’il ait pu m’attraper aux jambes pour inverser les rôles. Il tente et tombe sur le sol, pathétiquement ; je ris, même si je sais que ça va l’énerver, mais c’est trop tentant. Ce type est un monstre, une ordure et j’en ai assez de prendre des gants. J’ai déjà perdu ma morale, ma conscience et mon éthique, pourquoi je ne devrais pas m’abaisser à ce qu’il fait lui ? Je peux le tuer, je le sais et certains même diraient que je le dois. Mais je ne vais pas le faire.

Je ne veux pas qu’il gagne. Je ne veux pas le laisser gagner en me faisant tomber aussi bas. Il veut du sang ? Il va en avoir. Il veut la Mort ? Il devra la trouver lui-même. Je vais lui faire bien pire, encore une fois.

« T’es…pas si mauvais…pour un vieux… »

Il a mal, ça s’entend dans sa voix difficile, mais je m’en fiche. Son visage est recouvert de plaies comme le mien mais il se relève quand même et fonce vers moi. Je peux l’éviter facilement, je le sais et ça va me permettre de préparer autre chose. Je n’ai qu’à me bouger un tout petit peu : c’est moi qui contrôle tout, c’est lui qui est encore un peu KO de ce que je lui ai fait subir. Même si ça n’a duré que deux minutes, on est les êtres les plus rapides du monde maintenant que Barry et Pietro sont morts : les coups ont été bien plus nombreux que l’œil humain n’a pu les compter. Je vais tirer profit de tout ça et…non. Non, ça n’est pas possible. Ça ne peut pas être…

« Ack ! »

Putain de merde, j’ai été con. J’ai été perturbé et voilà qu’Hyperion me propulse vers le plafond. Il récupère aussi vite que moi et en perdant quelques secondes, j’ai peut-être laissé le contrôle de la partie à ce dingue. Je sens son épaule contre mes côtes et je sais que s’il le pouvait, il les détruirait sur l’instant. Je ne vois pas sa tête mais elle doit être recouverte d’un masque de rage, et j’en rirai bien si je n’étais pas dans une telle situation. Je ne sais pas si j’ai vraiment vu ce que j’ai cru voir en bas, mais je dois y réfléchir – et me dégager pour faire ça. Je sens que le toit n’est plus très loin et le choc sera si dur que je ne m’en relèverai pas facilement. Il faut que j’agisse avant.

Je pose ma main sur l’oreille d’Hyperion qui est juste à côté de moi, et avant qu’il ait pu user de son autre main pour me dégager, je la tords autant que je peux. J’enfonce mes ongles dans la chair, je casse le cartilage et je l’arrache dans un effort monstrueux. Un cri de rage sort de ma poitrine alors qu’un hurlement de douleur s’échappe de la sienne, et je n’en retire aucun plaisir. Hyperion m’a lâché et saigne comme jamais sur son côté droit alors que mes doigts tiennent un bout de peau ensanglanté ; c’est gore et glauque mais je n’ai pas eu le choix.
Lentement, je laisse tomber l’oreille et me tourne vers lui. Je sais qu’il me hait encore plus maintenant et je le hais aussi. Tout est fini maintenant : on a dépassé le point de non retour. Je l’ai mutilé mais il m’a insulté : il n’y a plus de limite. Il n’y a plus que la rage.

Il fonce à nouveau sur moi mais sa colère l’empêche de penser : il use de la même tactique qu’avant. Mais si ça a marché la première fois, ça ne sera pas pareil la seconde ; sans souci, je l’évite et il va à nouveau s’écraser au sol. Ca me permet de baisser les yeux et de voir ce que j’avais aperçu avant : ça m’a tant troublé que j’ai laissé Hyperion me reprendre. Et je sais maintenant que je ne m’étais pas trompé.

Alors que le dingue se relève difficilement, sûrement troublé par la perte de son oreille et les soucis que ça doit entraîner sur son équilibre, je me pose sur le sol et voit où il est tombé auparavant. La salle principale du donjon n’est plus qu’une zone de guerre recouverte de plusieurs cratères et je vois que Parallax m’a caché des choses. Sous le sol se trouve apparemment ses petits trésors : je vois différents corps d’anciens Green Lanterns, comme Guy Gardner ou d’autres, mais surtout je vois…le Crystal M’Krann.
Ce que je recherche depuis des mois se trouvait tout simplement ici, sous mes pieds. Je m’accroupis pour le toucher et je sens à nouveau son pouvoir et son influence, à un point tel que je le lâche immédiatement. Je ne dois pas me laisser avoir par cette horreur : je dois la mettre en sécurité, et surtout éviter de repartir dans les délires temporels. Il va falloir que je…

« Gaaah ! »

Encore une fois, Hyperion m’a pris par surprise en se jetant sur moi – mais ça sera la dernière. Oh, ce n’est pas seulement parce que j’en ai assez, que je veux régler ça une bonne fois pour toutes et m’expliquer avec ce chacal de Parallax. Ce n’est pas non plus parce qu’on est tous les deux fatigués et lassés de tout ça. Tout ça compte, bien sûr, mais ça n’est pas la raison principale : celle-ci est plutôt l’énorme batterie contre laquelle ce crétin vient de nous lancer !

Je sais qu’au moindre contact contre elle, des choses étranges peuvent arriver et j’ai entendu de sales bruits sur ce que Parallax a fait de ça. Jordan m’a toujours dit que c’était une des pires choses existants sur la Terre et je sens qu’il a raison. Alors que nous filons vers la batterie, je sens sa puissance, sa force pure et primale et je sais que nous n’y survivrons pas. J’entends les cris de rage de cette ordure et il n’a pas l’air de comprendre : il me promet les pires douleurs de l’univers, il me menace de mort mais est-il si stupide pour ne pas voir qu’on va y passer tous deux ?! Est-ce que la prison lui a grillé le peu de cerveau qu’il avait avant ?
Putain…déjà que c’est pas drôle de mourir, si en plus je dois partir avec cet…

Et puis tout s’arrête, tout devient blanc. Je ne peux même plus suivre le cours de mes pensées. On vient d’entrer dans la batterie mais je ne sens rien. Je croyais que tout finirait dans une explosion d’émeraude mais je ne vois rien – le néant. Mais ça n’est pas noir : c’est blanc, uniquement blanc et je dois bien dire que c’est assez beau. Je ne vois plus mon corps mais je m’en fiche. Ça doit être le moment avant la Mort, les quelques instants où on revoit sa vie…mais rien n’arrive. Peut-être que je dois tout imaginer tout seul, et je sais déjà par quoi commencer.
On dit qu’on revoit tous les bons moments avant la Mort, et surtout eux parce que c’est ce que l’esprit veut garder mais ça n’est pas mon cas. Je meurs, je suis déjà mort même et tout ce que je me rappelle, c’est la Guerre et ce que j’ai mal fait. Ça a été le plus grand rendez-vous de l’Humanité, le moment où on a dû prendre les armes une bonne fois pour toutes et je n’ai pas assuré. J’ai essayé mais j’ai échoué et si j’avais encore des yeux, j’en pleurerai.

Je ne comprends rien à ce qu’il se passe mais je sens que je pars, lentement. Le blanc est toujours aussi présent mais j’ai…je…je ne sais pas, j’ai du mal à penser, à…à formuler les mots dans ma tête. Je suis mort, j’ai arrêté ce combat et je devrais être heureux : c’est ce que je voulais. Mais au moment du Bilan Final, de me demander si j’ai bien vécu ou non, je sais déjà que…que ça n’est pas le cas. J’ai merdé avant et pendant la Guerre et je donnerais tout pour changer ça – mais c’est trop tard.
Aujourd’hui, le monde n’a pas seulement perdu deux surhumains : il a perdu sa conscience, un furoncle sur sa face. J’étais le dernier à vouloir me battre pour des valeurs et j’ai échoué parce que je m’y suis pris trop tard. James Baxton va mourir aujourd’hui et il ne sera jamais ce que…ce que Steelman aurait dû être. J’ai merdé, je sais déjà que je vais vers le bas, où il fait chaud et je ne mérite rien d’autre. J’aurais dû faire autrement mais ça n’a pas fonctionné.

Je l’ai cherché ; maintenant, à moi d’assumer. A moi de fermer le rideau sur ce spectacle bien vide, bien pathétique et bien décevant que fut ma Vie. Désolé d’avoir été si mauvais : je n’ai fait que mon mieux, mais ça n’est jamais suffisant quand on a des dons comme les miens. J’avais de grands pouvoirs : j’en ai oublié les responsabilités. Espérons que d’autres apprendront la leçon, dans ce monde ou dans d’autres. Pour moi, c’est trop tard.
 
 
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