Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Janvier 2005
La limousine noire roulait lentement dans la rue déserte et noire de San Francisco. C’était une rue très sombre, du style coupe gorge. Humide, sale et inoccupée. Parfaite pour un rendez-vous secret sans autres spectateurs que les rats et les cafards de la ville. Il devait être vers les quatre heures du matin, une heure où les gens honnêtes dormaient ou se livraient à des actes sexuelles. Mais les occupants du véhicule et les trois hommes qui les attendaient n’étaient pas ce qu’on pouvait appeler « des gens honnêtes », bien au contraire.
La longue voiture s’arrêta à quelques mètres des trois hommes en costumes noirs. Ils portaient tous des lunettes sombres, malgré la nuit épaisse. Ces gars ne voulaient pas que vous les reconnaissiez. Et d’ailleurs, pour votre survie, il ne fallait pas les connaître du tout.
L’un d’entre eux, celui du milieu, portait une grande valise en métal menottée à son poignet droit. Sous leurs vestes noires, on pouvait remarquer une petite bosse au niveau du cœur : un Glock était prêt à être sortit.
Deux hommes sortirent alors de la limousine. Le premier était un grand black baraqué au crâne rasé, l’air patibulaire et pas commode, la trentaine vieillissante environ. Il était habillé d’un complet gris à rayures blanches particulièrement affreux, mais aucun d’entre vous n’oserait allez lui dire. On pouvait apercevoir à sa ceinture sous sa veste la crosse d’un pistolet, et une petite bosse était aussi visible près de son cœur. C’était le garde du corps du deuxième homme à sortir.
Celui-ci était un jeune blanc de 25 ans environ, rasé de près, les cheveux collés en arrière par un gel assez cher. Il portait lui aussi des lunettes noires très chics, ainsi qu’un costume blanc parfaitement flashant, idéal pour un défilé de mode. Les trois hommes qui l’attendaient n’eurent soudain plus aucune once de sympathie pour lui, ayant pitié de cette pauvre fashion victim qui n’était même pas armé.
Les deux hommes approchèrent des trois autres. C’étaient trois êtres semblables ou presque : tous blancs, tous rasés de près, tous les cheveux bruns coiffés à la brosse, tous la quarantaine. Les deux sur les extérieurs étaient de taille moyenne, alors que celui du milieu était beaucoup plus petit. Il semblait énervé et pressé. Il ouvrit la bouche en premier.
« Vous êtes en retard.
- De combien ?
- 5 minutes.
- Ça va encore.
- Tu apprendras, gamin, que dans ce business, 5 minutes séparent le paradis de l’enfer.
- Le plus tard possible pour ces deux destinations.
- Comme chacun. T’as la marchandise ?
- Dans le coffre. Le fric ?
- Là. »
Le petit homme posa la valise dans les bras d’un de ses gardes du corps, et l’ouvrit, laissant apparaître des centaines de billets de dollars.
« 250 000 dollars en petites coupures, comme convenu. Montre la marchandise, gamin.
- Suivez-moi. »
Ils donnèrent alors l’argent au boss du grand baraqué qui contourna la voiture en tenant la valise à la main, et il passa derrière le coffre, entouré des trois hommes qui l’avaient attendus. Après avoir vérifié qu’ils étaient seuls, le jeune homme ouvrit le coffre, laissant apparaître plusieurs armes : fusils à pompe, mitraillettes, armes de poing, couteaux, grenades, et même un lance-roquettes portatif.
« Joli, n’est-ce pas ?
- Oui. Le marché se fait. Tu nous laisses la caisse ?
- Oui.
- Bien, à plus, gamin.
- Hé, chez vous on attend pas que le vendeur ait compté le fric avant de partir ?
- Pas si on encule le vendeur, gamin. »
Le petit fit un signe aux deux autres qui sortirent leurs armes et vidèrent leurs chargeurs sur le baraqué, qui n’eut le temps de rien faire à part mourir et tomber dans une marre de sang. Son boss décida de fuir le plus vite possible tandis que les deux types rechargeaient leurs armes après le massacre qu’ils venaient de faire. Il leur jeta la valise pleine aux ¾ de billets de monopoly à la figure, espérant que cela les freinerait un peu.
« Bande de crétins, arrêtez-le ! »
C’était le petit qui avait crié cela. Les deux autres commencèrent à courir derrière leur cible, qui fuyait entre les rues, prenant à chaque croisement une autre direction, se perdant dans le dédale de rues de la ville. Il était en proie à la panique la plus totale. L’opération était un fiasco, il était pourchassé par des tueurs, Mike était mort…c’était l’horreur. Il n’avait pas pensé que cela pouvait devenir ainsi, oh non…
Soudain, alors qu’il s’arrêtait, croyant reconnaître un ami ou un endroit, il vit au fond de la rue qu’il venait de quitter les deux hommes qui devaient l’arrêter. Il continua de courir mais il se faisait rattraper, des balles fusant à ses oreilles tandis que les bruits de course se faisaient de plus en plus forts.
Alors qu’il sentait que les tueurs étaient presque sur lui, il bifurqua soudainement, et courut encore plus vite entre les ruelles, changeant beaucoup de direction, jusqu’à croire qu’il les avait perdus. Il n’avait que quelques secondes, mais il pourrait sortir de ce quartier pourrit et rentrer chez lui. Il passa dans une rue, croyant qu’elle allait débouché sur des voitures, mais c’était un cul de sac !
Les deux autres arrivèrent alors qu’il tentait d’escalader les planches de bois. Ils le firent tomber à terre violemment, puis le frappèrent longuement, avec les pieds, les poings, les coudes, les genoux, tout ce qu’ils trouvaient ou avaient. Cole Cash, la victime, ne s’eut pas combien de temps cela dura, il avait perdu la notion du temps au fur et à mesure qu’il saignait, que ses côtés se brisaient, que ses genoux s’ouvraient.
La tête en sang, le corps meurtrit et blessé, Cole entendit alors des sirènes arriver. Les secours, enfin. Mais alors qu’il entendait des voix étouffées, il en entendit une autre. Familière. Celle du petit qui avait ordonné son passage à tabac.
« Ouais, je veux que vous lui mettiez tout sur le dos, ok ?
- Oui, monsieur Simeoni.
- Bien. Vous oubliez pas ce que je peux vous faire ?
- Non, monsieur.
- Ok. »
Cole entendit alors mieux sa voix, il devait être penché vers lui.
« Salut, Cash. Tu m’entends peut-être pas, mais je m’en fous. Tu vas aller en taule pour trèèèès longtemps, gamin. Fallait pas entrer dans ce business, petit. Allez, à plus, je vais bien m’occuper de tes affaires… »
Et il explosa de rire en partant, laissant Cole sombrer dans l’inconscience.