Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Février 2005
L’église St-Barthelemy était une vieille bâtisse en pierre du style victorien, directement importé d’Angleterre. D’ailleurs, le bâtiment avait été construit à l’époque de la colonisation britannique. C’était une des choses qui restaient encore de cette époque où les Etats-Unis d’Amérique n’étaient qu’une colonie sans trop d’histoires de l’Empire Britannique…le bon temps, en fait, pensa l’occupant de la limousine noire qui approchait discrètement de la grande et belle construction en pierre.
Carlo Simeoni était un homme rond, obèse même. Son pantalon et sa chemise faisaient un immense demi-cercle au niveau de son ventre, et il avait souvent des difficultés à se lever de là où il était assit. Ses cheveux étaient dégarnis sur le milieu de son crâne, et le reste était teint d’une manière horrible. On aurait dit un vieux flic corrompu et crados. Mais cette vision malsaine contrastait avec ce qu’était vraiment Carlo.
Simeoni était un homme froid, cruel, dangereux, qui n’hésitait pas à tuer ou faire tuer quand il le désirait. Son aspect dégradé était fait exprès pour mettre en confiance ses interlocuteurs : comment avoir peur d’un type comme cela ? C’était la grossière erreur que tout le monde faisait : sous-estimer Simeoni, qui était devenu en 10 ans le Caïd de la ville.
L’homme au teint rouge sortit de la voiture avec l’aide de James, son chauffeur/garde du corps. L’obèse souffla un peu quelques instants de l’effort qu’il venait de faire, puis marcha vers la lourde porte en bois massif de l’église après que James ait vérifié par des regards circulaires que personne n’était là pour faire du mal à son boss. De toutes façons, l’employé avait son automatique bien serré contre son flanc droit.
Les deux hommes rentrèrent dans le bâtiment, se taisant immédiatement car frappé par la majesté de l’endroit. L’église St-Barthelemy était un chef d’œuvre de beauté, tant à cause des magnifiques vitraux célébrant des scènes de la Bible que par les peintures placées au-dessus de l’Autel, au plafond. Le silence et la beauté des lieux firent que les deux gangsters restèrent sans bouger quelques instants, ne faisant qu’admirer les merveilleuses créations de l’Homme.
Puis, James reprit ses esprits, et marcha devant son boss, pour vérifier qu’il n’y avait personne de caché derrière les longs bancs de bois qui servaient au recueillement des fidèles venant chercher des réponses à leurs prières. Ceci fait, il fit un signe à Simeoni qui marcha alors vers le confessionnal, sa destination.
Le confessionnal était un double confessionnal en fait, comme on le trouvait dans les églises grecques ou latines. L’obèse avait sourit en apprenant qu’on l’avait importé d’une église de Malte car le maire de la ville avait beaucoup aimé le meuble. Simeoni rentra par une petite porte dans l’étroit espace qui lui était destiné, se signa en croix, et se mit à genoux. Il entendit la fine respiration de l’homme qui était à côté de lui, juste séparé par un peu de carton.
« Pardonnez-moi mon père, car j’ai pêché.
- Qu’avez-vous fait, Carlo ?
- C’est bien vous, père Zola ? »
L’homme de l’autre côté eut une seconde d’hésitation que l’obèse ne sentit pas.
« Oui, j’ai une mauvaise angine.
- Vous auriez dû me le dire, je ne serais pas venu.
- Le service de Dieu ne s’arrête pas à cause d’une maladie. Le corps est faible, l’esprit est grand. Je croyais vous l’avoir apprit, Carlo.
- Oui, père Zola… »
Simeoni leva alors timidement la tête pour entrevoir la face noire derrière le mince filet de carton. Il était impressionné par la culture et la sagesse de cet homme…
« Qu’avez-vous fait alors, Carlo ?
- Excusez-moi, mon père. J’ai pêché, mon père. J’ai tué un homme et j’ai eu des pensées impures à propos de femmes et…
- Et ?
- C’est dur à dire…
- Mais allez-y, Carlo. Nous nous connaissons depuis longtemps.
- A propos d’enfants…
- Comment cela ?
- J’ai rêvé que je…je…je faisais le pêché de chair avec eux…
- Oh.
- Oui, mais ce n’est pas tout. J’ai…je n’ai pu résisté à ce rêve et…et alors…je…il est devenu réalité, mon père… »
Simeoni sentit que l’homme à côté de lui bougea et fixa son regard sur le crâne dégarni de l’obèse. Ils restèrent ainsi quelques instants, le Caïd ayant peur de dire quelque chose…
« Avec combien d’enfants ?
- Comment ?
- Combien d’enfants ? »
La voix du confesseur était dure et cassante.
« Euh…3, mon père.
- Bien…
- Père Zola ?
- Oui ?
- Je…qu’est-ce que je dois faire pour me faire pardonner par le Christ ? Comment dois-je me repentir ?
- Que pensez-vous devoir faire ?
- Et bien peut-être donner de l’argent à l’église, comme d’habitude… »
Le confesseur se rapprocha alors du carton séparateur, ce que fit aussi Simeoni.
« Ecoute-moi bien, Simeoni…avant de venir ici, je croyais que t’étais un connard, un sale bâtard à éradiquer de la Terre parce que tu m’as enculé avec du gravier il y a longtemps…c’était une vengeance perso…mais maintenant, fils de pute, je vais m’acharner sur toi…t’es un monstre, le genre de gars que je peux pas voir…tu m’as envoyé en toi, enculé…tu veux savoir ce qu’on fait aux gars dans ton genre en taule ? On leur casse le moral, puis les couilles…tu vas avoir droit au même traitement, petit pédé…tu vas voir qu’on ne touche pas aux gamins... »
Simeoni était stupéfait. Ce n’était pas le père Zola. Où était passé celui qui lui donnait sa bénédiction à tous ses actes et permettait au fervent croyant Simeoni de dormir tranquille chaque soir, moyennant salaire bien sûr ? Et qui était ce fou qui osait le défier ainsi ? Le mafieux, bien que surprit, reprit de l’assurance et parla fortement, de façon à faire venir James pour châtier l’imprudent.
« Mais qui êtes-vous, bon sang ? Vous êtes fou ! Vous ne savez à qui vous parlez ! »
Mais l’inconnu était déjà partit du confessionnal, et Simeoni en sortit aussi pour aller à la rencontre de James qui accourait tandis qu’on entendit le bruit de la porte en bois de l’église qui se fermait.
« Tu as vu qui c’était ?
- Non, boss, j’étais allumer un cierge pour mon père…
- Cretino ! Je te paye pour me protéger, pas pour faire mumuse avec ton briquet ! Un fils de pute a prit la place du père Zola ! Je veux qu’on les retrouve tous les deux !
- Boss ?
- Quoi ? Tu es pas encore partit ?
- Je crois que j’ai retrouvé Zola… »
James montra du doigt le deuxième espace destiné au confessionnal, le jumeau de celui où se trouvait avant Simeoni. Du sang coulait sur la dalle en marbre et provenait de ce petit espace. Le Caïd fut encore une fois surprit, et en rassemblant son courage, ouvrit la porte pour trouver le père Zola, une balle dans la tête let visage abîmé par plusieurs coups portés avec violence. Avec le sang du prêtre, un message avait été tracé sur le mur en bois : CC…