Auteur : Firediablo
Date de parution : Août 2005
Il y a plusieurs siècles, 11eme jour du mois de Paophi, saison Akhet, palais du Pharaon Amonneth.
Un couple ne peut être basé sur le secret, c’est indéniable. Mais la règle ne s’applique pas à Atis et Inis. Leur secret ? S’aimer, tout simplement. Mais ce secret pourrait bien leur coûter la vie.
Inis, dans ses parures royales, ses vêtements de soie et son maquillage travaillé ne laisse aucun doute sur son statut : femme de Pharaon, elle devait être resplendissante dès les lueurs de l’aube. La toge brodée, le crane rasé et le pendentif en forme de faucon en or massif trahissait une vocation de prêtre pour Atis.
Il caressait lentement ses cheveux noirs comme le cœur de Seth. Ils se plongèrent dans le regard de chacun, lui dans ses yeux bleus, elle dans ses yeux verts.
Alors qu’ils s’embrassaient tendrement dans la chambre de la reine, un bruit se fit entendre. Il stoppèrent leur étreinte et se tournèrent tous deux vers la porte en palmier massif, paniqués.
Dans un grand bruit, le Pharaon adulé de tous, Amonneth, entra suivit par sa cour, des servantes et plusieurs gardes nubiens armés de lances en fer.
« Atis ! s’écria le souverain, mon ami, que faites vous ici ?
Il s’approcha du prêtre rassuré et ils s’étreignirent chaleureusement. Inis en avait profité pour s’assoire sur son lit en faisant une moue innocente.
-Mon Pharaon, je suis ici pour prédire l’avenir de la Reine Inis, affirma Atis en s’inclinant.
-Bien, bien, rayonna le Pharaon, et qu’avez vous vu ?
Atis aurait voulu répondre, mais Inis fut la plus rapide.
-Atis a dit que les Dieux me réservaient un avenir merveilleux. Je resterait pour toujours avec l’homme que j’aime, malgré les barrières, dusses-je le payer de ma vie.
Atis comprit que ces mots s’adressaient à lui-même, mais Amonneth ne semblait pas avoir remarqué le message.
-Merveilleux, dit le Pharaon en relevant son épouse par les mains. Le repas est prêt, douce Inis, venez avant que cela ne refroidisse. Atis, revenez plus souvent s’il vous plait, et apportez nous toujours d’aussi bonnes nouvelles.
-Bien, Pharaon, je reviendrait, je le promets, ajouta-t-il en souriant à Inis.
Celle ci lui sourit à son tour en suivant Amonneth et sa cour jusqu’à la salle du festin. Atis soupira et se retira de la chambre en direction de la sortie, vers le temple.
Apres avoir marché plusieurs heures et traversé le Nil, le voici au pied des marches du Temple d’Horus. Horus, le dieu Faucon, le Dieu du jour et de la nuit, souverain éternel de la Haute et de la Basse Egypte. Sa foi en lui est totale. On dit qu’Horus viendra un jour sur Terre, aidé par son serviteur, pour sauver l’Egypte et enrayer le Mal. Jusqu’à présent, Atis n’en a eu confirmation par ses quelques visions de l’avenir, mais qui sait ?
Arrivé dans l’immense salle d’entrée, surmontée de ses pilonnes de pierre ornés de torches, il avance en direction du mur d’en face, ses pas résonnant, comme si une foule l’accompagnait. La pièce est si grande qu’on en voit pas les murs, ce qui en fait un lieu impressionnant, inquiétant pour un inconnu, dangereux pour un non-croyant.
Au bout de plusieurs mètres, il arrive devant la grande fierté du Temple : une immense statue à l’effigie du Dieu, un immense faucon majestueux, avec deux joyaux à la place des yeux. Ces joyaux, personne ne sait d’où ils viennent. Un jour, alors que la statue venait tout juste d’être construite, les ouvriers avaient levé les yeux et les deux joyaux couleur rubis scintillaient juste au dessus du bec. Il furent impossibles à retirer. Une anecdote qui en ajoute sur le caractère magique de l’endroit.
Apres s’être longtemps agenouillé et avoir fait de nombreuses prières pour qu’Horus bénisse son amour avec Inis, Atis se dirigea vers sa chambrée, se coucha et fit d’étranges rêves, où il voyait des sortent d’ombres noires se diriger vers le Palais, tandis qu’Horus, les yeux rouges flamboyant, repoussait les hordes en brandissant une arme scintillante.
-Atis ! Atis, réveillez-vous !
Atis mit plusieurs secondes avant d’ouvrir les yeux. Il était en train de rêver d’Inis et regretta de la quitter pour apprendre la nouvelle du messager : il devait se rendre immédiatement chez le Pharaon.
Un char avait été mit à sa disposition pour le trajet, de ce fait, il arriva en moins d’une heure à Thèbes. Il se précipita dans la salle du Trône où plusieurs personnes attendaient.
Il y avait Abenus, le chef de la surveillance militaire, il s’occupait de l’ordre dans les rues et les frontières, sous la direction du Pharaon, bien entendu. A ses cotés se trouvaient Lunatis, surveillant général de la Vallée des Morts, plusieurs prêtres chacun voué à un Dieu Egyptien, divers militaires de haut grade, le Pharaon Amonneth qui paraissait plus inquiet que jamais et sa femme, Inis, toujours aussi belle à qui il sourit, sans qu’elle le lui rende.
Lorsqu’il s’approcha, il vit une grande carte de plusieurs mètres carrés représentant l’Egypte sur papyrus, posée à même le sol, et tous les invités étaient debout autour, pour avoir une vue plongeante.
-Bien, maintenant, que tout le monde est là, commença le Pharaon avec gravité, il est temps de vous mettre au courant. Le peuple et pays d’Egypte va être attaqué d’ici peu par les forces Nubiennes. Les hommes noirs sont venus en grand nombre pour nous attaquer et ils ne sont pas disposés à négocier. Ils veulent renverser la souveraineté d’Egypte, tout simplement. Et le pire dans tout ça, c’est qu’ils sont beaucoup plus nombreux que nous.
-Nous ne pourrons pas les battre avec nos soldats, dit Abenus, et même en employant des volontaires dans la partie civile. Ils seront trop forts pour nous et nous n’avons aucune solution pour les vaincre.
La nouvelle ébranla l’insistance. L’Egypte, perdue à jamais par les forces barbares ? Cela n’était possible ! Jamais l’Egypte n’avait été vaincue, le peuple fier était toujours venu à bout de ses ennemis.
-Alors, nous sommes perdus ? demanda un des prêtres désespéré.
-Nous non, mais l’Egypte, oui, dit le Pharaon avec tristesse. Ils ont déjà pris Philae et Assouan. Les soldats ont mis beaucoup de temps à venir nous prévenir à cause de leurs blessures. Ils sont à nos portes et une bonne partie du territoire leur appartient déjà. Nous pouvons soit nous rendre, soit combattre pour l’honneur, en perdant de ce fait le sang de l’Egypte à jamais. Tout ce que nous pouvons faire à présent, c’est prier.
En rentrant à son Temple, Atis se rua dans l’atrium. En se retournant, il vit les hordes nubiennes s’approchant à bon train. Ils seraient là dans une vingtaine de minutes. Il ne laissera pas le peuple d’Egypte, ses amis, ceux qu’il aiment et Inis mourir ou être réduit en esclavage par un peuple inférieur. Jamais.
Il glissa littéralement au sol et pria de toutes ses forces.
-Ô grand Dieu Horus, Dieu du Soleil et de la Lune, Souverain divin d’Egypte, par Osiris et Isis, tes parents, sauve ton peuple ! Sauve l’Egypte ! Sauve tes croyants ! Aide moi à renverser la marrée du Mal qui veut tous nous détruire ! Sauve nous, je t’en supplie !
Il continua encore quelques secondes ses prières désespérées, puis il sentit le sol trembler. Il releva la tête et vit avec stupeur que les yeux de la statue du dieu brillaient à en éclairer toute la pièce d’une lueur rougeâtre. Il sentit une douleur terrible lui transpercer le dos, l’échine, les omoplates. Dans un cri il se tourna pour voir ce qui causait la douleur et vit avec stupéfaction et souffrance que deux ailes brunes et blanches poussaient sur son dos. Des ailes de faucon! Horus lui avait il fait don ? Elles poussaient à une vitesse hallucinante, et lorsqu’elles atteignirent une envergure de près de trois mètres, la douleur se tut. Il leva les yeux vers la statue et vit une forme étrange briller au sol. Il se releva s’approcha, et ramassa une massue de bonne taille, qui devait faire dans les quinze kilos. Elle lui paraissait légère comme une plume et soupçonna un autre prodige, comme une force accrue. En la tourna, il vit que le maillet était en fait une tête d’aigle, son bec acéré menaçant, et ses yeux étaient comme ceux de la statue : deux rubis brillants et fiers. Il se souvint alors : on dit qu’Horus viendra un jour sur Terre, aidé par son serviteur, pour sauver l’Egypte. Il se rappela aussi son rêve et comprit alors ce qu’il devait faire.
Il déploya ses ailes et se rua hors du Temple, brandissant la massue et en hurlant sa colère.
Plusieurs heures plus tard.
La massue avait tués combien d’hommes ? Plusieurs milliers ? Ce ne devait pas être très loin de ça. Les nouvelles facultés d’Atis lui permettait de combattre facilement les Nubiens. Mais ça faisait une journée entière qu’il se battait, et il était épuisé. Il venait toujours plus de Nubiens, toujours plus de sang, toujours plus d’éfforts.
Avec de grands moulinets, il repoussait l’adversaire, en restant en suspension à quelques centimètres du sol grâce aux ailes. Soudain, il reprit espoir. Il ne restait plus que quelques centaines de Nubiens, regroupés ensemble dans une dernière tentative. Ca en faisait encore beaucoup, mais il en viendrait à bout après une heure. Plus qu’une heure à tenir, à frapper, à tuer, à sauver. Pour Horus. Pour Inis. Pour l’Egypte.
Le sifflement d’une flèche se fit entendre. Suivit d’une piqûre dans la gorge. Une odeur. Du poison ! La flèche était imbibé de poison et était directement entrée dans son aorte. Il sentit ses membres s’engourdir rapidement. Il atterrit avec lourdeur, ne parvenant plus à voler et tituba avant de chuter au sol, devant les rires et la jubilation des sauvages rassemblés autour de lui. Il voulu prendre sa massue pour les tuer, mais il n’avait plus aucune force, ne pouvait plus bouger. Un Nubien, plus grand, plus fort, et armé d’un arc s’approcha de lui. C’est lui qui avait tiré la flèche et il observait à présent sa proie avec délectation. Il saisit la massue à la tête d’Horus qui gisait au sol. Atis murmura un léger « non » mais le barbare la prit et l’observa sous tous les angles. Il se baissa, releva le prêtre sur mon séant, de façon à ce qu’il ne tombe pas. Il tourna le bec de la massue vers sa direction et la leva bien haut.
Atis ne craint pas la mort. Il pense que s’il a droit à la vie, il a aussi le devoir de mourir un jour, si possible de la façon la plus glorieuse possible, pour ceux qu’il aime et pour son Dieu. Atis a sauvé le peuple d’Egypte. Les soldats arriveront sans mal à combattre et tuer les derniers Nubiens en sous-nombre. Il a fait son travail, et sa foi en Horus n’est que plus grande. Grâce à Atis et Horus, le royaume d’Egypte est sauvé et Inis respire encore.
La dernière chose qu’il sentit fut une douleur sur la tempe droite. Le dernier son qu’il entendit fut un craquement sinistre. La dernière chose qu’il vit fut un sourire et un flot de sang. Puis le noir, froid, mortel. Et soudain, deux yeux rouges brillants se mirent à scintiller en face de lui.
Amonneth saura quelques heures plus tard que les troupes Nubiennes gisaient à terre avant même que les soldats Egyptiens contre-attaquent. Le combat fut rapide et la victoire totale. Le Pharaon en profita pour gagner en gloire et obligea les scribes à retracer cette victoire comme la sienne, se fichant éperdument de la raison d’une telle tuerie inexpliquée.
Inis apprit qu’Anis avait été vu entrant dans son Temple pour le défendre des barbares, et les paysans affirmaient qu’il avait été massacré à l’intérieur, sans que l’on retrouve son corps. Par chagrin, elle se noya dans le Nil quelques mois plus tard, ne pouvait continuer à vivre loin de celui qu’elle aimait plus que les Dieux.
Le Temple fut longtemps inhabité. Plus tard, un jeune garçon croyant en Horus comme Atis restaura le Temple, qui fut ensuite le lieu de prière privilégié d’Horus.
Atis ne fut pas retrouvé. Son corps en décomposition ne put être reconnu et ses ailes étaient déjà dévorées par les vers. Personne ne le différencia des Nubiens et il fut brûlé comme tous les autres Barbares, sans gloire, mais plein de fierté, sous l’œil bienveillant d’un Faucon.