Auteurs : Firediablo et Ben Wawe
Date de parution : Mars 2005
We are living in the Yellow Submarine, Yellow Submarine, Yellow Submarine…
Frank fredonnait la célèbre chanson des Beattles ses écouteurs sur les oreilles et les yeux fermés tandis qu’il nettoyait lentement et sans trop se presser le carrelage du couloir entièrement blanc du 9 Wellington Street à Los Angeles. Los Angeles, la Cité des Anges. Los Angeles, la cité du bonheur. Los Angeles sourit le jeune afro-américain de 22 ans… Ah ! Cité des anges ? Cité des démons, ouais, pensa-t-il alors qu’il essayait vainement de rendre propre un parterre salit depuis des années par de la crasse ou autre chose…
Tandis qu’il avançait un peu sur le long corridor désertique de ce labo apparemment top secret, le jeune homme se demandait vraiment ce qu’il foutait là…né dans les quartiers modestes de la ville frontière, il était tout destiné à devenir un commercial ou un cadre moyen, à vivre une vie moyenne, à épouser une femme américaine moyenne, à avoir des enfants moyens, à avoir des loisirs moyens et à mourir dans la moyenne d’âge américaine. Fun, nan ?
Mais à l’époque…pff, à l’époque, cela devait faire maximum 4 ans, pensa-t-il, il n’avait pas voulu de cette vie…il n’avait pas voulu devenir comme ses parents, des débiles à bosser dur pour pas grand-chose, pour finalement se faire baiser par le gouvernement après…non, il n’avait pas voulu ça…mais ce soir, dans ce grand bâtiment vide, seul et froid, Frank commençait à regretter…
Il avait claqué la porte familiale le jour de ses 18 ans…il avait son permis, une voiture, de bonnes chances aux études, mais il en avait marre…il s’était rebellé et avait envoyé baladé ses vieux, sûr de se trouver une vie qui lui conviendrait…mais il était allé de désillusions en désillusions…
Au début, tout allait bien, il voyageait de villes en villes, ne se souciant peu de son avenir, de là où mènerait ses pas. Il était libre, ça lui plaisait et il ne voulait plus faire un pas en arrière, il était trop fier pour cela. Mais la vie te rattrape bien vite, tu peux pas courir, juste attendre qu’elle te fauche.
Ses parents, furieux d’être reniés par leur propre fils, gelèrent son compte en banque. Frank du alors apprendre à vivre de peu de choses et travailler. Mais un « black » sans thunes et seul, ça n’inspire ni pitié ni confiance. Il était devenu livreur, portier, domestique même. Mais les CDD, ça te permet pas de vivre et son salaire de misère, il le passait dans un loyer surélevé, une bouffe malsaine et de l’alcool pour oublier.
Voilà 3 ans qu’il était seul dans son studio, n’ayant pas effleuré la peau d’une femme depuis des années. Auparavant, il vivait dans un squat, où drogue, violence et films pornos étaient consommés sans modération. Puis, après avoir vu un pauvre mec faire une overdose, il a préféré partir avant que cela n’empire.
-Et merde !
Plus de piles. Son baladeur était encore naze. Son seul passe temps dans ce boulot sous payé l’avait lâché. Nettoyer le sol toute la journée, ce n’est pas très valorisant, mais le patron de la boite est plutôt sympa avec ses employés et il a désormais le meilleur salaire qu’il ait eu depuis plus de 8 ans. Avec ça, il pouvait aller chez ces dames parcourant les trottoirs de LA et s’acheter quelques CD. Mais c’était pas la grande vie et il se demandait souvent si il n’aurait pas du rester chez ses connards de parents pour vivre une vie monotone et luxueuse.
« I can’t believe the news today… »
Frank chantonnait maintenant le célèbre tube de U2, un de ses groupes préférés. De tous temps, il avait beaucoup aimé ce groupe irlandais, qui alternait chansons sympas et chansons engagées, comme Bloody Sunday. Le jeune homme aimait bien voir en eux les derniers représentants de la musique plus ou moins engagée…mais bon, Frank était encore un peu idéaliste en pensant cela, il savait bien que U2 comme les autres pensaient surtout à faire du fric maintenant…
C’est ce qu’il avait aussi voulu faire, avant. Quand il avait monté son groupe : les Darkness, avec 3 potes de lycée. C’était quelques mois avant son départ de chez lui, son ultime tentative d’indépendance à la maison. Avec Rick, Steve et Jack, Frank s’amusait beaucoup et ils jouaient assez bien, Rick étant à la batterie, Steve à la basse et Jack à la guitare tandis que le jeune black chantait des textes assez anarchistes et révolutionnaires. Ils s’entendaient bien, ils avaient fait quelques scènes, tout allait bien…trop bien…
Ses parents étaient venus à un de ses concerts, et n’avaient pas du tout aimés ce qu’ils y avaient vu. Eux qui croyaient Frank sérieux, gentil et bien sur lui, ils avaient découverts que leur fils était un rebelle, un anarchiste et un métalleux. Ils avaient été profondément choqués, mais n’avaient rien dit le soir même…
Le lendemain, après une nuit de folies en tous genres, Frank se leva, prit son petit déjeuner normalement. Mais quand il voulut aller voir le matos dans la cave de ses parents, il ne vit rien ! Tout avait disparu !
Les premiers mots qu’il prononça à l’époque furent diverses insultes et quelques menaces Son père, qui faisait le double de sa taille l’avait envoyé en pension pour une telle grossièreté. Et là, il fut libre. Rebelle, détesté des surveillants et souvent collé, mais libre. Il ne voyait ses parents que de temps en temps, certains Week-End, les pires Week-End de son internat. Dans cette pension, il perdit son civisme, son sens de l’honneur et pour sa plus grande joie son pucelage avec Jeanne Marie, la petite brune élève aussi avec lui…mmh, quelle nuit…et quelle coquine, sourit-il…
Et lorsqu’il rentrait chez lui, tous sourires, ses parents se posaient des questions. Ils comprirent bien vite la raison de ce bonheur, et lorsqu’ils le retirèrent de cette école, Frank compris que ses parents seraient pires qu’il ne le pensait. Cela accentua sa haine envers ces égoïstes, ne pensant qu’à lui donner du job valorisant et bien payé pour le laisser partir et qu’il les laisse en paix. Mais il avait décidé de ne pas se laisser faire, et avait donc prit son indépendance…
« Bon, et ben voila, encore une de tirée, Nigger Boy… »
Nigger Boy, le surnom qu’on donnait avant aux noirs d’Amérique…un surnom raciste que Frank se donnait parfois pour irriter sa famille, qui avait été une des grandes têtes de pont de la lutte pour les droits civiques des noirs…son grand père avait été un proche de MLK, il fut un temps…
Mais le jeune homme s’en foutait un peu…certes, il avait admiré ce grand combat, mais quand il voyait ce qu’étaient devenus les combattants : des larves au service des blancs…rien n’avait changé, sauf que l’esclavage était devenu le capitalisme, voila tout…
Soudain, alors qu’il rangeait son balai dans l’armoire prévue à cet effet, le jeune homme entendit un léger clac. Clac, pensa-t-il ? Clac, ce n’est pas un bruit courant. Mais Frank l’entend régulièrement dans ces bureaux. Il avait appris à reconnaître la plupart des bruits après tous ces mois de travail au 9 Wellington Street. Ce clac est la porte située au fond du couloir à droite au troisième étage. Cette porte étant vis à vis d’une fenêtre mal isolée, et que Frank avait tant de fois nettoyée, elle était soumise à des courants d’air plus ou moins violents. La porte avait donc claqué tout simplement. Mais les bureaux était fermés depuis un moment et lui seul avait le droit d’entrer pour faire son boulot. La porte d’entrée était verrouillée électroniquement et seul le boss pouvait l’ouvrir. Et ce dernier n’avait en aucun cas oublié de la fermer, il en était sur. Mais la porte de service était restée ouverte.
Tout de suite, il pensa à des malfrats, peut être de jeunes délinquants, venus cambrioler la boite. Les heures supplémentaires n’étant guère appréciées à Los Angeles, ce ne pouvait être des employés. De plus, le patron de l’entreprise possède 2 villas, 1 ranch et 3 voitures, les cambrioleurs n’auraient pas frappé au hasard. Il doit bien y avoir un peu de liquide dans son bureau pour payer une demoiselle qui lui donnerait autant de plaisir que lui en avait donné Jeanne Marie. Ou alors, c’est un des prototypes top secret qui, selon certaines rumeurs, seraient construits dans ce bâtiment, qui les intéresseraient. Franck ignorait complètement ce qui se trouvait dans les bureaux du troisième, c’était les seuls bureaux où il lui était interdit d’entrer, ce qui accentua son opinion que le troisième étage contenait quelque chose de précieux, voire dangereux.
Les Beattles et U2 avaient complètement disparus de son esprit. Il semblait perdu, piégé entre le désir de s’enfuir de peur et celui d’accomplir son devoir de citoyen envers la société qui le renie et appeler la police. Il se dirigea finalement vers un bureau, dans le but d’appeler les flics. Mais le doute le prit. Si c’était un employé qui aurait oublié ses clés, qui serait entré par la porte de derrière et les auraient récupérées ? Peut être même que quelqu’un avait mal fermé la porte de ce bureau, un coup de vent et clac ! Crise de paranoïa pour Frank. Toutes ces années dans la rue lui faisaient voir le danger partout. S’il appelle la police pour un employé tardif, il serait viré. Et c’était la chose qu’il redoutait le plus, perdre son boulot qui lui permettait d’avoir à manger quand il avait faim. Apres maintes réflexions et possibilités envisagées à la vitesse de la lumière (notamment sa mort par la main d’un de ces possibles cambrioleurs) il décida d’aller vérifier et si il y aurait un problème, de prévenir immédiatement la police.
Frank marchait vers l’endroit suspect. Il allait tourner la porte, quand soudain, elle explosa, projetant dans un immense boum fracassant l’adolescent black à l’autre bout de couloir !!!