Histoire : P'tit Lu
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Résumé : Alors qu’Annita Schaffer, mutante surnommée Mimic dotée du pouvoir d’absorber ceux d’autres mutants, pensait avoir trouvé de l’aide en Charles Xavier, mentor des X-Men, celui-ci envoie l’agent spécial Pete Wisdom du FBI veiller sur elle. Wisdom lui explique que Xavier l’a menée en bateau et que l’agent du FBI fera désormais office d’intermédiaire en elle et le mutant télépathe qui ne veut pas avoir de lien officiel avec la mutante accusée de terrorisme. La situation allait en rester là quand le président des Etats-Unis annonça officiellement à la télévision l’existence jusqu’alors secrète des mutants…
- Dire que j’ai voté pour cet abruti, j’en reviens pas ! s’exclamait Wisdom, les yeux rivés sur l’écran de télé et le téléphone collé à son oreille.
Annita était d’une nervosité extrême qu’elle exprimait en marchant de long en large sans pouvoir s’arrêter.
- Comment ça va se passer ? demanda-t-elle. Vous arrivez à joindre votre ami ?
- Les lignes du FBI sont saturées, nos bureaux doivent être bombardés d’appels. Argh ! Et arrête de marcher comme ça !
Annita se mit à lui tourner autour d’un air menaçant :
- C’est de votre faute, tout ça ! Le FBI et son département de surveillance des mutants, sans vous Bush n’aurait jamais été mis au courant de notre existence !
- J’espère que tu piges à quel point ce que tu racontes est con, petite mutante, rétorqua-t-il en tentant une nouvelle fois de joindre son bureau.
- Ne m’appelez pas comme ça, sale humain ! éclata-t-elle en déployant ses ailes d’anges au maximum et en prenant un air menaçant.
Wisdom sortit un petit appareil de sa poche et le lança à Annita, qui l’attrapa en vol : un disque gris en plastique de deux centimètres de diamètre.
- Ça vient de Xavier, j’ai le même ; il nous permet de rester en contact permanent, alors évite de le laisser traîner. Je dois rejoindre nos bureaux, on a sûrement besoin de moi là-bas à cause de la réaction de la population au discours de Bush. J’imagine même pas l’angoisse que ça doit être en ville…
- Vous me laissez en plan comme ça ? Vous rigolez ?!
- Tu restes cachée ici tranquillement jusqu’à mon retour, ok ? Je ne sais pas quand je serai là, cette histoire risque de me faire passer quelques nuits blanches.
- Allez rejoindre vos amis humains qui flippent maintenant qu’ils ont découvert qu’ils ont des monstres parmi eux…
- Pas de bêtise.
- Je vous ai dis de vous tirer, humain.
* * * * * * * *
Wisdom se gara à toute vitesse sur le parking des locaux new-yorkais du FBI.
- Qu’a dit la Maison Blanche ?! s’écria-t-il au téléphone en sortant de son véhicule. Millar a réussi à joindre au moins un conseiller du président, non ? Est-ce qu’il a expliqué pourquoi cet enfoiré a balancé l’info en bloc sans prévenir personne auparavant ?! De toute façon, je suis en bas.
Il raccrocha et entra dans le bâtiment fédéral ; il ne fut pas surpris de trouver dans le hall spacieux une dizaine d’agents armés sur les nerfs, qui pointèrent leurs armes vers lui.
- Laissez, leur ordonna un homme qui rejoignit Wisdom, agent du FBI d’après son costume et son badge. C’est l’agent Wisdom.
Wisdom serra la main de Sammy Silke et le suivit jusque dans l’ascenseur.
- Alors ? demanda Wisdom en s’allumant une cigarette. Comment vous gérez la situation ?
- C’est l’horreur, on a été pris par surprise, lui expliqua Silke. Depuis la connerie de notre cher président il y a à peine une demi-heure, tous les édifices gouvernementaux sont agressés par des hommes et des femmes terrifiés qui veulent des explications. C’est la terreur dehors, et nos supérieurs n’ont pas encore réagi parce qu’ils ont la trouille. Envoyer des hommes calmer la foule dehors par la force ou la parole, c’est couper l’herbe sous le pied de la Maison Blanche, ce qui n’apporte jamais rien de bon à personne.
- Il n’y a pas encore eu de vraie réaction à la nouvelle, rétorqua Wisdom. Les gens sont encore sous le choc, mais on peut craindre des émeutes en centre-ville d’ici quelques heures – avant la tombée de la nuit en tout cas. Surtout si CNN et Fox News multiplient les putains de flashs spéciaux titrant une « invasion mutante ».
L’ascenseur s’arrêta au niveau 8, aux bureaux des Affaires mutantes.
- Qu’est-ce que ça veut dire ? s’étonna Wisdom.
- Tu viens d’avoir une promotion temporaire, Pete. On a cruellement besoin de monde, tu quittes la Com pour quelques jours. Ton supérieur direct est l’agent Steve Traynor, il est surnommé Jetboy mais ne me demande pas pourquoi. Bye, et bon courage…
L’ascenseur se referma et descendit sans Wisdom. Celui-ci avait envie de hurler mais réussit à se contenir.
- Salopard. Putain, j’ai horreur des mutants.
* * * * * * * *
A travers les yeux des passants, Annita observait les policiers affairés à maintenir l’ordre, à éviter tout débordement dans les rues new-yorkaises. Vêtue d’un imperméable cachant ses ailes, elle avait rejoint le centre-ville quand les flashs d’info avaient commencé à faire état de combats en pleine rue et de vitrines brisées une heure plus tôt. C’était idiot à dire, mais elle savait que la situation était historique et elle… avait envie d’être là, de « voir » ça. Réaction purement humaine, non ? Pourtant qu’avait-elle d’encore humain, en dehors de son nom ?
Elle marchait dans les rues, mimant un humain aux yeux bandés qui traînerait dans les rues (ce qui, à New York, est loin d’être une extravagance…). Elle entendit un message sortant d’une radio d’une voiture de police proche, et comprit que la situation était bien plus compliquée que prévue : lors d’émeutes, les policiers étaient entraînés à contenir un quartier, ou en tout cas une zone spécifique, mais dans ce cas ? Ce n’était pas le quartier noir de Harlem ou hispanique ou de toute autre ethnie qu’il fallait surveiller, mais la ville entière ! Les mutants pouvant être n’importe qui, les débordements viendraient aussi bien des quartiers noirs que des quartiers blancs !
Un jeune homme masqué par une capuche de l’autre côté de la rue jeta un pavé dans la vitrine d’un magasin et fut aussitôt neutralisé sans ménagement par trois agents de police. Un exemple pour les autres.
- Idiot d’humain… murmura-t-elle.
Elle perçut distinctement de la peur venant de l’esprit d’une femme proche. Elle tourna la tête et perçut mentalement à trois mètres d’elle une jeune femme de 17 ans, blonde et belle, prête à se rendre au lycée. Mais surtout, son esprit était rempli de terreur et Annita en était la cause. Annita contrôlait encore mal sa télépathie, elle ne sut donc pas si la jeune femme l’avait entendu prononcer ces deux mots, mais ça n’avait aucune importance puisqu’elle venait de baisser les yeux pour voir le bout des deux ailes de Mimic dépasser du bas de son imperméable ! Quand la vitrine avait été brisée, Annita n’avait pas fait attention que ses ailes avaient bougé d’elles-mêmes !
D’une pensée, elle redressa ses deux membres supplémentaires mais il était trop tard : la fille savait ce qu’elle était ! Elle était pétrifiée, la peur la paralysait. Les deux jeunes femmes se regardèrent dans les yeux l’espace d’une minute (enfin, d’œil à bandeau) aucune ne sachant que faire. Annita pouvait clairement lire la peur de la jeune femme, et réalisa qu’elle était elle-même terrifiée. La gamine – Nicol Bergmann – n’était pas un danger en elle-même, mais il suffisait qu’elle prévienne d’autres humains pour qu’elle soit traquée. Elle avait refusé de l’admettre jusqu’à maintenant, préférant feindre l’arrogance, mais les humains la terrifiaient. Combien de cauchemars avait-elle fait dans lesquels elle était pourchassée et mise à mort par des hommes et des femmes ?
Nicol, elle, craignait que des mutants hideux viennent à défoncer la porte de chez elle et tuent sa famille grâce à leurs pouvoirs. Ou pire, qu’elle et sa famille soient envoyé dans des camps où les monstres mutants les laisseraient crever sur place. Comme ses grands-parents pendant la Deuxième Guerre Mondiale.
Chacune craignait et détestait l’espèce de l’autre de la même manière.
Une autre vitrine explosa, mais cette fois les policiers ne purent rien faire : les belligérants étaient une vingtaine et armés d’armes à feux ou de pieds de biche. Une autre vitrine explosa, puis une autre.
- Mort aux monstres ! cria-t-on parmi eux. Mort aux mutants !
- Aidez-nous à les trouver !
La police les mit en joue et leur ordonna de poser leurs armes, mais d’autres slogans virent de derrière eux :
- Les monstres mutants ne sont pas des créatures de Dieu, mais du diable !
Un cocktail Molotov explosa près des agents de police. Deux vitrines explosèrent et des chaises furent lancées avec fureur dans la rue. Nicol pointa alors Annita du doigt et s’écria bien fort :
- C’en est une ! C’est une mutante !
« Salope ! » lâcha celle-ci bien fort dans l’esprit de l’humaine, qui réagit en poussant un cri d’effroi. Annita retira son imperméable et la fit tomber à la renverse d’un geste de ses ailes et s’envola pour échapper à l’hystérie collective. Arrivée sur le toit d’un immeuble, elle ne put que constater les faits : les émeutes venaient de commencer.
* * * * * * * *
- Où est Moonstar ?! s’écria Traynor au milieu des bureaux. Je veux qu’elle ramène son petit cul d’indienne jusqu’ici !
Il ne portait plus sa veste, rien que sa chemise, et des gouttes de sueurs tombaient de ses quelques cheveux gris sur les verres de ses lunettes.
Derrière lui, des postes de télévision montraient les flashs d’information en direct des différentes chaînes de télévision. Tous donnaient en spectacle des scènes de violence, de destruction et d’agression. Traynor reposa violemment la question à un des agents non loin de lui.
- On… On ne l’a pas revu depuis qu’elle est allée à l’institut Xavier à propos du dossier Cable, monsieur. Mais elle a demandé un groupe d’intervention, dont nous n’avons plus eu de nouvelles non plus. En clair… euh, elle a disparu, monsieur.
- Je veux qu’on la remplace ici immédiatement ! Sa disparition n’est pas notre priorité, on est suffisamment dans la merde.
A quelques mètres de là, dans une pièce à part, Wisdom étudiait un plan de la ville avec d’autres agents. Ils étudiaient les points stratégiques à bloquer en cas de débordement exceptionnel. Wisdom rejoignit Traynor devant les postes de télé pour lui communiquer leurs idées, c’est alors que ça se produisit : en direct, à la télévision, une jeune femme blonde dite mutante par la population fut pendue dans une rue au milieu d’une centaine de personnes. Les caméras la filmèrent en train de se débattre, d’essayer en vain de se libérer alors que des dizaines d’hommes et de femmes l’insultaient et lui crachaient dessus. La peau de la mutante vira alors au orange, puis son corps prit toutes les teintes orangées possible alors que ses cheveux semblaient en feu. La terre trembla, provoquant la panique chez ses persécuteurs, et de la lave jaillit comme par magie du sol maintenant fissuré. Ça ne sauva malheureusement pas la victime, qui mourut asphyxiée en quelques secondes.
Wisdom fut pétrifié par ce spectacle, et sa cigarette tomba par terre sans même qu’il ne s’en rende compte : ses pires estimations prenaient vie. Il tendit rageusement son plan de la ville à son nouveau supérieur, qui lui répondit simplement sans même le regarder :
- Allez-y. Faites-moi le ménage.
* * * * * * * *
Elle était morte ! Morte ! Annita se mordit les poings pour ne pas crier, et ses larmes coulaient malgré ses yeux imperturbablement fermés. Elle avait perçu mentalement les cris mentaux de la fille qui venait d’être pendue, Amara, pendant toute la durée de son agonie. La pauvre avait mentalement hurlé jusqu’au bout, jusqu’à ce que son cerveau ne meurt faute d’oxygène, et Annita avait dû endurer tous ses cris. Du premier au dernier…
Réfugiée sur le toit désert d’un immeuble, elle finit par crier de toutes ses forces de honte et de rage. Elle n’avait rien pu faire, si elle était intervenue, elle se serait faite tuer. N’est-ce pas ?
Des hurlements provinrent du bas de l’immeuble, des émeutiers traquaient apparemment une nouvelle victime. Annita ne réfléchit pas et sauta du toit en déployant ses ailes : il était hors de question qu’elle laisse à nouveau mourir un de ses compagnons mutants. Sa télépathie détecta douze personnes au moment où elle atterrit entre les poursuivants et la petite fille qui était désormais dos au mur. Ils poussèrent tous des cris de surprise, y comprit la fillette.
- Laissez-la tranquille, les menaça-t-elle.
- Un autre mutant la protège ! souffla-t-on.
- Je suis pas une mutante ! se défendit la fillette en pleurant. C’est pas de ma faute si je me suis pas fait de mal en tombant hier ! Je veux voir ma maman !
- Laisse-la nous, monstre, lança un humain à Annita. On te laissera partir.
- Tu peux toujours rêver…
Des rires fusèrent et les assassins attaquèrent. Annita en projeta en arrière grâce à sa télékinésie mais, par manque d’entraînement, certains purent passer et l’un d’eux lui enfonça un pied de biche dans le ventre. Elle en eut le souffle coupé et se sentit tomber sans pouvoir y faire quelque chose.
Elle essaya de rester consciente, de rester en vie, mais sentait inexorablement son esprit s’embuer et fuir son corps…
Suite dans Urban Howard the Duck #6.