Urban Comics
  Supergirl #3
 

Histoire : Lex
Date de parution : Mai 2007


-Bonjour, Monsieur Luthor .

La voix particulièrement froide de l’appareil fit sursauter l’homme à lunettes qui recula de deux pas, effrayé . La poigne du chauve en costar-cravate devant lui le rattrapa avant qu’il ait pu décamper et le ramena violemment à sa hauteur . Noah Kuttler en avait vu plus qu’il lui en fallait et manquerait de s’évanouir au prochain pas . Comment imaginer que les laboratoires pharmaceutiques d’un groupe comme Lex Corps travaillaient en secret sur des projets à faire pâlire les amateurs de science fiction les plus farfelus ? Au début, il n’avait pas cru son patron lorsqu’il lui avait révéler les dessous de Lex Corps mais la vue de ces ramassis humanoïdes déformés dans ces grands tubes de verre, baignant dans un étrange liquide vert, avait provoqué chez lui un sentiment de panique intense . Il était loin de penser à ces horreurs lorsqu’il avait pénétré dans les labos du groupe mais plus il progressait dans cet enfer génétique en compagnie de Luthor, plus il tentait de se persuader que tout ceci n’était qu’un cauchemar . Ca ne pouvait être réel, c’était impossible !

La poigne glaciale de Lex le força à faire face à la porte blindée qui n’attendait qu’un geste de l’homme d’affaire pour s’ouvrir . Ce dernier appliqua sa paume sur la plaque digitale encastrée dans le mur, provoquant l’ouverture de la porte . Luthor, tenant toujours fermement son employé par le bras, pénétra dans une salle étonnement sombre et vaste . Le malaise de Kuttler s’intensifia lorsqu’il aperçut une lueur verte brillée dans la pénombre . Éclairé par cette seule lumière, Noah tenta de discerner les contours de la pièce avant que son inspection ne soit interrompue par la soudaine lumière qui jaillit des néons tapissant les murs . S’étant de nouveau habitué à la clarté, Noah put enfin observer les lieux à son aise : C’était une salle circulaire au plafond en forme de dôme qui abritait plusieurs postes d’ordinateurs et d’appareils sophistiqués, étrangement vide d’individus, exceptés Lex et lui-même . Kuttler observa le caïd de New-York et suivit son regard, rivé sur la lueur verte qu’il avait remarqué dans le noir . Lorsqu’il vit la source d’intérêt de son patron, Noah chancela, les yeux écarquillés, la bouche grande ouverte dans une expression de béatitude fort risible qui ne tarda pas à faire sourire Lex, les mains dans les poches .

-Allons, Noah, arrêtez un peu de faire l’andouille, voulez-vous ?
-Mais… Murmura Kuttler, recouvrant la parole, c’est… au mon Dieu !
-Noah, ce que vous avez vu précédemment n’est rien comparé à ce qui est sous vos yeux et qui ne tardera pas à prendre vie . Je vous présente ma plus chère création, l’aboutissement de deux ans de travaux éreintants menés par les meilleurs scientifiques de Lex Corps, l’être qui me permettra d’acquérir puissance et destruction : Metallo .

Un bruit métallique arracha les deux hommes à leur contemplation qui les fit se retourner pour apercevoir un homme en blouse blanche, le visage osseux, un bloc note dans les mains . Instinctivement, le nouvel arrivant s’approcha de Luthor pour lui serrer la main, ignorant froidement Noah . Lex crut tout de même bon de faire les présentations et dit d’une voix frôlant l’ennui :

-Noah, je vous présente le professeur Emmett Vale, responsable du projet Metallo, sans qui rien n’aurait put être possible .
-Vous me faite trop d’honneur, Monsieur Luthor, répliqua Emmett d’une voix froide .
-Emmett, êtes-vous prêt à l’actionner ?
-Nous n’attendions plus que vous, Monsieur .
-Bien, bien, alors allons-y .
-Mais qu’est ce que Metallo et que voulez vous en faire ? Demanda subitement Noah, tiré de sa rêverie .
-Je n’attendais qu’une seule chose pour tester Metallo et ce Superman aurait fait l’affaire si je l’avais retrouvé, commença Lex . A la place de cela, vous m’avez présenté cette Yelena Starrskaïa, recelant les mêmes aptitudes que le monstre . Metallo est une machine de guerre prêt à être utiliser dans l’instant, il ne me fallait juste un cobaye à sa hauteur pour le tester . Si Metallo réussit à vaincre cette jeune fille, cela signifiera sans doute la mort de Kent et l’ouverture pour moi des portes de la gloire et de la postérité .
-Et s’il perd ? Risqua Noah .
-S’il perd, Cela voudra dire que Starrskaïa est bien au dessus de toutes mes espérances, une arme sur laquelle nous pourrons compter le jour venu .
-Monsieur Luthor, coupa le professeur Vale, je suis prêt à actionner Metallo .
-Oui, oui, professeur, faîtes, faîtes .

La douleur . Il ne sent que ça, la douleur . Le liquide qui s’engouffre dans ses poumons lui arrache de violents spasmes de souffrance, sa poitrine se convulse et ses membres tressaillent comme s’ils étaient stimulés par un puissant électrode . Il a l’impression que sa tête va exploser, que son cerveau va voler en éclat tellement la douleur est forte . La pression qu’il ressent au niveau de son crâne fait l’effet d’une presse géante et il s’attend à mourir dans de sinistres circonstances si ça continue . Puis, sans qu’il en donne l’ordre, ses yeux s’ouvrent avec une telle force qu’il sent sa peau s’étirer comme un élastique . Son regard ne discerne rien d’autre qu’une pastelle de couleurs floues qui virevoltent autour de lui . Est-ce que c’est ça le paradis ou l’enfer ? Ces tourments infernaux qui ne prendront jamais fin ? Mais les couleurs qui défilent sous ses yeux commencent à prendre des teintes différentes, à se stabiliser dans l’horizon, et le flou se précise . A présent, il distingue mieux son environnement, il remarque qu’il baigne dans une sorte de liquide et qu’une lueur verte domine dans le bocal où il se trouve . Puis il aperçoit à travers la paroi de sa prison de verre des formes humaines, un homme chauve, un autre avec des lunettes et un autre en blouse blanche, penché sur le côté . Ils bougent et semblent agités . Qui sont-ils ? Qu’ont-ils à voir avec sa situation ? Est-ce que c’est de leur faute s’il est là ? Un étrange sentiment de colère naît en lui tandis que ses poings se serrent à s’en faire saigner les paumes et ses muscles se crispent . Il sent vibrer ses cordes vocales mais aucun son ne sort de sa bouche . Qu’est ce qui lui arrive, bon sang ! Il ne comprend pas ce qui se passe, il ne sait rien, quelle horreur, il ne sait rien ! Bon Dieu, il ne sait rien ! Qui est-il ? Comment s’appelle-t-il ? Qu’est ce qu’on lui a fait ! Il voudrait pleurer mais il n’y arrive pas, ses yeux sont secs et desséchés malgré la présence liquide autour de lui . Soudain, un bruit strident fait vibrer sa cage, suivi du craquement singulier du verre qui explose . Sous ses yeux brouillés, il aperçoit les personnages s’agiter, excepté le chauve qui regarde dans sa direction . Puis le verre devant lui vole en éclat et le liquide qui l’entoure se déverse en un flot verdâtre qui inonde la salle .

Les personnages ont disparu et il se retrouve seul . Sans comprendre vraiment ce qui se passe, il avance un pas tremblant et passe la cloison brisée qui le sépare du monde extérieur . L’eau a disparu sans qu’il s’en aperçoive et son pied se pose sur le carrelage trempé . La souffrance a disparu au profit de… rien . Il ne sent strictement rien, pas même le carrelage qu’il foule, pas même l’ordinateur qu’il touche, il ne ressent rien ! Pas la moindre petite sensation, pas le moindre frisson, rien ! Mais qu’est ce qui s’est passé ? Un râle s’échappe de sa gorge et son poing frappe l’écran de l’ordinateur en face de lui qui explose dans un jet d’étincelles . C’est lui qui a fait ça ?

Il sent soudain une présence derrière lui . Il se retourne soudainement pour faire face à l’homme chauve qu’il a aperçu tout à l’heure . Qu’est ce qu’il lui veut ? Il sourit, l’ordure, se moque-t-il de lui ? Il voit ses lèvres bouger, remuer, il parle . Pourquoi n’entend-t-il rien ? Il secoue la tête pour chasser le bourdonnement qui obstrue son ouïe . Après quelques secondes, il parvient enfin à percevoir les sons qui l’entourent et la voix de l’homme en face de lui mais il ne perçoit que des bouts de phrases sans sens .

-Quoi ? Demande t’il violemment, étonné par la puissance rocailleuse de sa voix .
-Je m’appelle Lex Luthor, articula ce dernier . Vous avez subi une lourde opération qui a nécessité une longue hospitalisation .
-Pou…Pourquoi ?
-Vous ne vous souvenez pas ? Vous avez eu un terrible accident et vous avez dû être opérer d’urgence .
-Un accident ? Mais qu’est-ce que…Bon sang, je ne me souviens de rien !
-Calmez-vous, je vais tout vous expliquer . Vous vous appelez John Corben et êtes âgé de trente et un ans . Vous travailliez à la Lex Corps, une société pharmaceutiques qui emploie deux-cent personnes, chercheurs compris . Vous étiez avant votre accident gardien de nuit au laboratoire 128, divorcé, deux enfants…
-Des enfants ? Vous connaissez leurs noms, où vivent-ils ?
-Je suis désolé, John, mais…j’ai le regret de vous annoncer leur décès ainsi que celui de leur mère dans un accident de la route .
-Leurs noms !
-Votre épouse s’appelait Sarah Corben et vos deux enfants Kyle et Samantha . Ils étaient respectivement âgés de vingt-sept, douze et huit ans . Je suis sincèrement navré pour ce qui s’est passé, Sarah roulait trop vite, c’était peu après votre accident et…
-Qu’est-ce qui s’est passé, bon Dieu, qu’est ce qui s’est passé !? Qu’est ce qui m’est arrivé, pourquoi je peux détruire un ordinateur par un simple coup de poing, pourquoi je ne ressens aucune sensation, aucune émotion, excepté la colère ? Pourquoi je ne pleure pas ? Qu’est ce qui m’est arrivé ?!

Il n’en peut plus . En quelques secondes, il vient d’apprendre la mort de sa femme et de ses deux enfants et ça ne lui fait strictement aucun effet, il ne les connaît même pas et il ne ressent rien . Ce nom, John Corben, n’a aucun sens pour lui . A quoi rimes-t-il pour un amnésique qui semble avoir tout perdu ? Pourquoi ne ressent-il pas cette détresse singulière au deuil ? Et ce Luthor qui le regarde comme s’il n’était qu’un gamin perdu .

-John, John, calmez-vous, je vous en prie . Je vous l’ai dit, je vais tout vous expliquer . Une nuit, alors que vous étiez de garde, des voleurs se sont introduit dans le laboratoire pour y voler des composants chimiques . Hélas pour eux et pour vous, ils sont tombés sur un os : vous . N’écoutant que votre courage, vous avez foncé, pensant pouvoir neutraliser vos adversaires mais ils furent plus rapides et armés . Vous fûtes touchés par trois balles dans le thorax puis jeté dans une broyeuse à déchets . Quelques heures plus tard, un de vos collègues, Peter Geller, vous découvrit à moitié mort, votre corps en lambeaux mais encore en vie, et appela les secours . On vous amena aux urgences mais rien n’y fit, tout semblait amener à votre décès . Pourtant, je ne voulais pas abandonner la partie en apprenant la nouvelle et le courage dont vous aviez fait preuve face aux malfrats . J’ai alors contacté le professeur Vale qui m’a proposé l’unique solution qui s’offrait, la robotisation pure et simple de votre corps .
-La quoi ?!
-Ce fut un choix difficile mais votre femme finit par donner son consentement pour les multiples opérations qui allaient venir . Grâce aux progrès que nous avons fait en médecine et aux recherches du professeur Vale, nous parvîmes à vous tirer des griffes de la mort et deux ans après le début du projet, vous étiez opérationnel si je puis m’exprimer ainsi .

Il n’en croit pas ses oreilles, c’est impossible . C’est un robot ! Une machine ! Il n’est…même plus humain ! Quelle horreur ! Quelle genre de monstre est-il devenu ?

-Un miroir, je veux un miroir !
-Je comprend, lui répond Luthor en lui tendant une glace .

Il la saisit vivement puis sous ses yeux apparaissent les traits de ce qu’il est devenu, l’horreur sans nom, indescriptible . A moitié déchiqueté, son visage n’est plus que l’ombre de lui même, une mâchoire de métal naissant au dessus de son menton, un œil, un lueur verte plutôt, qui scrute la glace et s’y reflète . Quel genre de monstre est-il ? De rage, John jette son miroir qui explose contre le mur . Puis il se tourne vers Luthor qui a observé la scène d’un œil impassible et lui demande :

-Qu’est-ce que je suis, monsieur Luthor ? Quel horreur suis-je ?
-Vous êtes Metallo, un cyborg composé en intégralité d’adamantium, le métal le plus résistant qui existe dans ce bas monde . Vous disposez d’une force incroyable et d’une invulnérabilité qui font de vous l’homme le plus fort de cette planète . Mais j’ai le désagrément de vous annoncer qu’il y a un bémol à ça .
-Lequel ?
-Votre cœur est composé d’uranium et équivaut à une bombe à retardement dans votre organisme . Bien sûr nous pouvons envisager une nouvelle opération visant à vous donner un cœur plus sain mais…
-Mais quoi ? Rugit John en attrapant Luthor par le col .
-Et bien… Je vous promet de mobiliser mes meilleurs équipes pour vous soigner si vous acceptez de…faire un travail pour moi .

John lâche un Luthor tout souriant et sûr de lui et l’observe, prêt à lui fracasser le crâne .

-Quel travail ?
-Tuer Yelena Starrskaïa .

 
 
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