Urban Comics
  Vigilante #8
 
Auteur : Lex
Date de parution : Avril 2009

« J’ai la preuve que le lieutenant Harry Stein n’est pas coupable. »

L’avocat du policier s’assit à côté de son client, et sortit de sa serviette un magnétophone.

« J’ai enregistré la déposition d’un témoin ayant conversé avec mon client la nuit du meurtre de Gina Lake. Monsieur Stein se trouvait à l’appartement de Adrian Chase à l’heure approximative du décès, c’est à dire entre 22h et 1h, dans la nuit du 2 au 3. La concierge de l’immeuble où réside monsieur Chase et divers autres témoins oculaires vont dans le sens de ce témoignage. Messieurs, je vous demande la relaxe de mon client. »

Grant Wilson regarda l’avocat, éberlué. Non, ça ne pouvait être vrai. Encore ce misérable Adrian Chase. A croire qu’il se trouvait toujours sur son passage. A présent, le coupable désigné s’en sortait, par un habile stratagème. Tout le plan du commissaire tombait à l’eau, autant les échantillons sanguins étaient une preuve contestable puisque pouvant être invalidé par un jury, autant les témoignages d’une bonne vingtaine de personnes consistaient en un argument de poids que personne, pas même lui, ne pouvait négliger. Intérieurement, il brûlait d’une colère sourde. Ce fils de pute allait payer. Ce fils de chienne d’Adrian Chase allait souffrir. Et Grant avait déjà sa petite idée sur la façon dont il s’y prendrait pour le détruire. Il croyait pouvoir l’arrêter ? Lui ? Le terrifiant Trigon ?

Il se trompait.
Et lourdement.
Son heure était venue et le démon allait se venger.

*

Victor Stone n’appréciait que peu l’idée que la réunion des « troupes » du Vigilante ait lieu dans le gymnase de son club. Cela mettait en danger, et son action pour la collectivité, et sa propre sécurité, ainsi que celle de Hank Hall et Mal Duncan, ses deux amis qui l’aidaient du mieux qu’ils le pouvaient à extirper les racines du mal qui assaillaient Bayview. Après réflexion, des suites de la discussion qu’il avait eu avec le justicier extrême, l’athlète avait décidé de les mettre au courant, ne pouvant leur faire prendre des risques sans qu’il sache pourquoi, et sans leur aval, bien sûr. Lorsqu’il les avait mis au courant, il avaient réagi plutôt bien, ce qui lui parut surprenant. Hank n’avait jamais apprécié les justiciers quand il était encore en poste, mais il ne fut pas difficile pour Victor de lui soutirer son accord, puisqu’il l’avait donné à cœur joie, avec un grand sourire. Il avait même ajouté que c’était la seule manière de se débarrasser de pourritures de l’espèce de Kovar. Ne racontait-on pas qu’il avait exécuté de ses propres mains Frank Moretti, l’ancien parrain italien ? A vrai dire beaucoup de rumeurs circulaient à son sujet, et Hank semblait toutes les connaître, que ce soit son extraordinaire cruauté, ou bien une sorte de grâce divine qui l’aurait touché et offert des pouvoirs. La réaction de Mal avait valu à Victor une surprise encore plus grande. En effet, son ancien indic lui avait proposé, et son aide sur le terrain, et un nouveau soldat dans l’armée levée par le Vigilante. Estomaqué, l’ancien titan avait mis quelques secondes pour encaisser. Mal n’avait jamais était très courageux, et voilà qu’il souhaitait maintenant combattre à ses côtés et lui présenter une de ses connaissances ? Et cette dernière serait, selon lui, dotée de pouvoirs ? Là, Victor demandait à voir.

Et il la verrait ce soir, alors que Hank fermait les portes du gymnase à clef, en veillant à éloigner les quelques clochards qui avaient élu domicile dans le coin. Elle était sensationnelle selon les dires de Malcolm. Encore fallait-il qu’elle se présente, et qu’elle ait des capacités hors du commun. Ca ne serait, en effet, pas de trop pour battre Leonid Kovar et ses hommes. Une longue et difficile bataille s’annonçait et savoir l’échéance proche le mettait de plus en plus mal à l’aise. Ses amis souhaitaient prendre part aux plans du Vigilante. Quelque chose disait à Victor que ce denier ne devait pas être étranger à leur étrange comportement. Ce type était décidément sans gêne, et le quaterback l’appréciait de moins en moins. Il lui avait imposé le rendez-vous de manière brutale, avait parlé à ses amis de ses projets et de sa lutte contre le crime, avait de son côté contacté des personnes plutôt douteuses dans les bas-fonds de la ville. A croire que cet homme était prêt à tout pour réussir son coup. Le Vigilante devait avoir un compte à régler avec la pègre et plus spécialement Kovar. C’était flagrant.

« Ils arrivent. »

Victor sursauta et ses deux compagnons se retournèrent. Les quelques mots prononcés avaient jailli de l’ombre et les trois hommes connaissaient cette voix. Apparu à la lumière le justicier que tous attendaient : le Vigilante. Vêtu d’un jean renforcés par des protections qu’on imaginaient sous le tissu, d’une veste bleue marine vaguement militaire et une cagoule masquant son visage, il semblait prêt à affronter ceux qu’il devait affronter.

« Combien sont-ils ?
- Quatre. »

Hank hocha la tête d’un air satisfait. Si ces types que le Vigilante avait recruté disposaient de capacités surhumaines, alors ils avaient leurs chances face à la garde rapprochée de Kovar. L’ancien capitaine connaissait bien Leonid, un orphelin d’origine russe qui avait grandi on ne sait où, et soit disant doté de pouvoirs surnaturels. Il l’avait pourchassé quand il était simple inspecteur, dans les rues de Frisco. A l’époque, Leonid n’était qu’un gosse. Mais déjà, il avait décelé chez lui des talents incroyables pour échapper à ses poursuivants et s’imposer dans sa bande. Maintenant, il semblait être devenu le nouveau maître de la pègre, les chinois de Monsieur Choo s’étant ralliés sous sa bannière pour mieux régner. Leonid avait attendu son heure patiemment. Joe Fixit, son ancien patron, avait disparu. Puis ce fut le tour de Neil Richards, vainqueur de la guerre des gangs, d’être évincé. On l’avait retrouvé mort, une flèche dans la poitrine, et l’archer des Titans avait été suspecté. Son concurrent direct à l’accession au trône, Trinidad Salvador, était maintenant en prison, sans doute dorloté par son compagnon de cellule. Cette dernière disparition avait permis au russe d’étendre sa toile sur toute la ville et de prendre le contrôle de toutes les activités illégales, sans s’opposer à qui que ce soit, et sans faire couler de sang. Un véritable exploit lorsqu’on connaissait les différends naturels qui opposaient chaque clan mafieux. Et Hank en connaissait un rayon à ce sujet.

« Vous êtes sûr de vouloir participer, vous deux ? »

Victor s’était tourné vers ses deux amis. Leurs visages étaient tendus mais on n’y décelait aucune trace de peur ou de panique. Ils étaient prêts. Victor soupira. Pourquoi est-ce que le Vigilante les avait entraîné dans sa vengeance ? Ne pouvait-il pas en être autrement ? Mais maintenant, c’était trop tard pour les dissuader de participer. Était-ce finalement une si bonne idée que ça que d’aller assassiner Kovar, pour des dossiers ? Ces derniers changeraient peut être sa vie, mais le sacrifice de ses compagnons en devaient être forcément le prix à payer ? L’ancien footballeur ne supportait pas cette idée et préféra penser à autre chose. Il devait rester concentré, évacuer son stress et se calmer. De toute façon, il ne pouvait plus rien changer à la situation actuelle. Il espérait juste qu’ils auraient un espoir face aux mercenaires de Kovar et à ses homes de main. Surtout si deux êtres normaux étaient de la partie.

« Salut. »

Le Vigilante sourit à la vue de la petite Kole Weathers. Elle n’était âgée que de douze ans mais possédait la force de volonté d’une adulte. Amaigrie par des années passées dans la rue, elle n’en restait pas moins fière et gardait la tête haute. Une telle preuve de courage servirait ses plans. Derrière elle apparut un imposant gaillard. Il ne s’était pas rasé depuis belle lurette et ne devait pas avoir pris de douche depuis fort longtemps, au vu de l’odeur qui régnait maintenant dans le gymnase. Kole lui avait révélé à leur première rencontre qu’il était une force de la nature, capable de soulever une voiture et de supporter sans broncher les pires coups. Et le Vigilante savait que Kole était une fille de parole. Elle l’avait déjà aidé plusieurs fois, contre de l’argent qu’il lui remettait à chaque service rendu. Des dollars pleins les poches, elle courrait s’acheter de la drogue. Mais ce n’était pas ses affaires et si ça la rendait heureuse, alors tant mieux.

Un bourdonnement se fit soudain entendre. Les personnes présentes levèrent alors les yeux et découvrirent une jeune afro-américaine qui volait au ras du plafond. Deux ailes d’insecte semblaient jaillir de ses omoplates. C’était donc cette étrangeté de la nature qui lui donnait le pouvoir de voler. Elle finit par se poser à côté de Malcolm, qu’elle gratifia d’un baiser sur la joue. Il était difficile de ne pas deviner qu’il existait entre eux deux bien plus qu’une simple amitié. Cela accrut l’angoisse et le malaise de Victor. Malcolm mêlait maintenant sa petite-amie à leur escapade, ce qui ne présageait rien de bon.

« Je vous présente Karen Beecher. Elle peut voler et a quelques particularités bien à elle. »

Malcolm sourit tandis que Karen montrait relevait les manches de son petit top bleu. Sur sa peau se trouvait de minuscules crochets.

« A quoi servent-ils ?
- mes cellules sécrètent un poison mortel. En pénétrant la peau, ces crochets le diffusent, ce qui conduit à une mort violente, en quelques minutes à peine. »

Victor était déjà plus rassuré. Elle semblait pouvoir rivaliser avec ses comparses.

« Où se trouve le clou du spectacle, Vigilante ?
- Mais ici, Victor. »

Victor fut étonnée que la nouvelle arrivante connaisse son nom. Rousse, elle était plutôt jolie et ne semblait rien avoir à faire ici, parmi des monstres comme lui ou Karen.

« Je suis plus particulière que tu ne le penses.
- Lilith est télépathe. »

Le Vigilante sourit sous son masque devant l’air abusé de l’ancien Titan. Décidément, c’était la soirée de toutes les surprises pour lui. Le justicier s’en voulait presque de lui faire de telles frayeurs. Presque.

« Et bien nous sommes au complet. Nous allons pouvoir commencer. Je vous rappelle le nom de notre cible : Leonid Kovar. Certains d’entre vous le connaissent sûrement sous le pseudonyme de Red Star. Beaucoup de rumeurs circulent au sujet de cet homme et elles sont fondées pour la plupart. Leonid cache bien son jeu. Il est patient, charmeur et charismatique. Un vrai leader qui a en plus la particularité d’avoir une sorte de don. Quelques esprits farfelus attribuent ce don à un cadeau de Dieu mais pour ma part, je pense que Leonid est un mutant. Je ne sais pas vraiment la nature de ses pouvoirs. Peu de gens le savent en fait. Mais je sais qu’ils sont destructeurs et de nature offensive.
- Cela ne nous avance pas vraiment.
- Je sais Victor. Mais je connais très bien ses gardes du corps. Ce sont cinq redoutables
mercenaires : Gizmo, un ancien informaticien de génie capable de pirater n’importe quel système de sécurité, Simon Jones, un être aux pouvoirs psioniques puissants, Selinda Eight, capable de vous transformer en poussière d’un simple touché, Baran Stovoyev, doté d’une force surhumaine et Arthur Light, un attardé mental qui utilise la lumière comme arme.
- Joli programme. Et c’est sans compter, je suppose, les innombrables gangsters qui nous canarderont lorsqu’on attaquera.
- Exact, Victor. Mais nous avons ici une très bonne équipe capable de rivaliser avec ces salopards : Kole peut transformer sa peau en diamant, son ami a une force au moins égale à Stovoyev, Karen peut voler et dispose d’une panoplie de pouvoirs dus à sa mutation, Lilith qui est une télépathe très efficace malgré son jeune âge et bien sûr vous, Victor, dont les capacités ne sont plus à démontrer. On pourra aussi compter sur le soutien de monsieur Hall et de monsieur Duncan, bien sûr, à qui j’ai fournis un armement efficace.
- Et comment se présente votre plan ? On fonce chez Kovar et on détruit tout ?
- Allons, vous me connaissez maintenant. Je connais bien nos cinq redoutables et leurs failles. J’ai mon plan pour les attirer à nous.
- Et Kovar ?
- Ce cher Leonid voudra voir ma carcasse morte. Et nous allons la lui montrer. »

Le Vigilante éclata de rire. Il avait un plan infaillible et personne ne l’arrêterait dans sa vengeance contre l’homme qui avait assassiné son fils.

*

Adrian poussa la porte entre-ouverte de l’appartement de Marcia. La lumière du salon était allumée, mais les lieux semblaient déserts. Pourtant, la journaliste avait été formelle sur le fait qu’il ne devait pas être en retard. Elle avait concocté un repas et une soirée des plus romantiques et Chase s’était laissé convaincre d’y participer. Pourtant, ce n’était pas le genre de Marcia de laisser toutes les portes ouvertes, sans explications. Adrian écuma le salon, puis la chambre à coucher et les couloirs mais sans succès. Qu’est-ce qu’elle avait bien pu lui réserver ?

Finalement, l’ancien inspecteur arriva dans la cuisine. Il alluma la lumière et s’aperçu alors de la présence d’un mot collait sur le frigo. Chase soupira. Elle aurait pu laisser un mot dans le salon pour lui éviter de chercher partout la moindre trace d’elle. Il décrocha le post-it jaune et ce qu’il y lu lui glaça le sang.

« Tu as entravé mes plans, Chase. Et je déteste ça. Si tu veux la revoir vivante et entière, retrouve-moi sur les quais à Candlestick Point. »

Lentement, Adrian poussa la porte du frigo et il découvrit, parmi les glaçons, trois doigts amputés à la cisaille, qui baignait dans un sang noirâtre et gelé.

*

Plus tard dans la nuit.

« Ils refusent toujours de réintégrer Stein. »

Pat Trayce soupira. Elle ne comprenait pas que l’administration s’en prenne encore à un lieutenant de police qui avait fais ses preuves et qu’elle savait être un type bien et intègre. On avait voulu lui faire porter le chapeau pour les sept meurtres du serial killer de la ville, et pour se venger du fait qu’il ait été innocenté, il se retrouvait suspendu jusqu’à ce que le véritable meurtrier soit retrouvé. Le sort voulait que ce soit de son enquête que Harry soit privé. Une drôle d’ironie, aux faux airs de complot. Ce coup bas ne pouvait provenir que des hautes instances qui souhaitaient une résolution rapide du problème. Quoi de mieux qu’un bouc émissaire pour régler définitivement ce même problème ? Un innocent va en prison mais c’est pour la bonne cause. C’était un procédé à vomir et Trayce comprenait maintenant pourquoi son ancien équipier, Adrian, avait une vraie aversion pour les bureaucrates qui gouvernaient la police. C’étaient des politiciens véreux, pas des hommes de terrain, pas des idéalistes. Des pragmatiques corrompus qui masquaient à la populace la vérité, c’est à dire l’augmentation du crime et la corruption, par des démonstrations de force et es arrestations faisant les gros titres. Pendant ce temps là, ils s’enrichissaient sur le dos des citoyens, abandonnant à leur sort mutants et pauvres. Avec leurs conneries, Bayview était devenu un quartier encore plus malfamé qu’avant. San Francisco n’allait vraiment pas bien.

« Quelle bande d’ordures. Heureusement que votre ancien équipier nous a aidé à le sortir du pétrin. »

Jeff Sanders avait pris l’arrestation de son supérieur très à cœur. C’était un homme qu’il respectait énormément malgré sa sévérité et ses remontrances. A présent, l’enquête n’avait plus aucune chance de progresser.

« Oui, Adrian est un chic type. »

Pat soupira en pensant à son ami, au plus mal, étant condamné à la mort, quoiqu’il arrive. Elle n’avait plus eu de nouvelles de lui depuis son diagnostic mais le fait qu’il aide un ancien collègue de cette manière laissait à présager qu’il se remettrait des coups durs qui l’avaient frappé. D’ailleurs, elle mourrait d’envie d’aller le retrouver, de lui dire ce qu’elle ressentait pour lui. Comme pour mieux briser son rêve, la radio annonça des coups de feu dans Bayview.

« Prépare ton gilet pare balle, le bleu. il va y avoir du grabuge ce soir. Toi aussi Trayce. »

Pierce se saisit de son arme de service tout en attendant la réaction de ses deux collègues. Jeff était déjà debout, armé et prêt à suivre les autres. Mais Trayce restait assise. Elle finit par dire :

« Allez-y vous deux, je vous rejoindrai plus tard.
- Le nouveau lieutenant va pas être content.
- j’emmerde le nouveau lieutenant, Pierce. »

Pat soupira. Quelque chose lui disait que cette nuit lui réserverait bien des surprises.
 
 
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