Histoire : Cable
Date de parution : Mai 2005

Interlude
Une ruelle du Lower East Side.
4 silhouettes s’écartent d’un corps en piteux état… mort sans aucun doute.
L’un d’eux, grand mince aux cheveux argentés, jette un dernier regard en arrière : « Aller, on s’en va les gars ! »
Quelques temps après, une ombre s’approche.
« Tant de gâchis… ton génie malfaisant peut tellement me servir… il te reste tant de chose à réaliser ! Mais tu ne seras plus le même… plus jamais ! Ton corps continuera à pourrir dans cette triste ruelle que déjà ta destinée sera en route. Laisse moi faire de toi mon plus grand prélat ! »
L’ombre se baisse sur le corps et y appose une petite boite pyramidale. Un œil égyptien se met à luire d’une intense blancheur sur une des faces, aspirant une fumée s’échappant du corps.
« Désormais, Nathaniel Essex n’est plus, seul reste le sinistre génie qui m’aidera à épurer ce monde et à asseoir mon règne ! Seul reste SINISTRE ! »
L’ombre s’enfonce dans la ruelle, disparaissant dans un rire qui glacerait l’enfer.
Fin de l’interlude

« Seattle. 15 mars 2005

Il pleut. C’est un peu le même temps tous les jours. Les gens ici disent que l’été est plus agréable… bah, ce n’est pas pire que l’Alaska.
3 mois après mon arrivée, j’ai réussi à me créer une vie… j’ai aussi beaucoup appris. Mes… pouvoirs (c’est comme ça que j’appelle ça maintenant) me sont fort utiles. Je puise dans la tête des gens comme dans des bouquins et je retiens tout. C’est assez excitant et effrayant à la fois. Mes mots de tête se sont estompés… peut-être est-ce lié à mon contrôle grandissant sur mes capacités.
Comme je le disais, je me suis créé une vie… ce n’était pas trop difficile. Je me suis rendu dans différentes administrations, j’ai trouvé des « créneaux libres » afin d’obtenir un numéro de sécurité sociale, un extrait d’acte de naissance, une carte d’identité et même un permis de conduire !
Ah, oui, mon nouveau nom… Dayspring… Nathan Dayspring. J’ai trouvé les Dayspring dans les faits divers d’il y a 15 ans… un jeune couple avec un enfant qui a eu un accident mortel de voiture. Une erreur d’enregistrement des actes n’a pas confirmée la mort de l’enfant. Je me suis donc attribué des parents morts et une enfance en orphelinat dans un bled paumé où personne n’ira vérifier mon histoire.
Maintenant, je suis serveur dans un café du port qui tourne plutôt bien… les gens ici ont une passion pour le café, ils en consomment à longueur de journée. Si ils savaient ce que ça fait à leurs artères… au moins 80% de ma clientèle risque l’infarctus dans les 10 prochaines années.
J’ai aussi un petit appart qui donne sur la plage… le bruit de la mer me calme. En plus c’est assez discret. Pour l’instant je n’ai pas revu les hommes en noirs. Je n’ai rien capté de suspect et, en apparence, Seattle est un lieu calme. C’est pas plus mal. Je peux me préparer pour mes recherches… j’ai d’ailleurs trouvé plusieurs choses sur mon père. Il semble être aussi dingue que ceux qui m’ont
Créé
élevé en Alaska. Un article d’un journal de New York le décris comme un savant fou. Il aurait fait des expériences sur un groupe de 4 jeunes. Ils disent aussi qu’il est mort à la suite de cette histoire, ça remonterait à quelques semaines seulement… Un autre article parle aussi de sa chasse aux « mutants »… je crois que j’en suis un. Souvent, quand on parle d’eux, on les appelle aussi monstre… et ce nom on me l’a déjà donné… je suis un mutant ! Ai-je raison de vouloir retrouver un tel père ? De plus, il est vraisemblablement mort… Mais j’ai besoin de savoir. Il faut que je sache qui je suis… CE que je suis réellement et pourquoi je le suis ! il le faut…
Les alentours de Seattle regorgent de petits coins tranquilles, c’est l’idéal pour m’entraîner un peu… J’ai énormément développé mes capacités de lire dans les esprits au contact des gens, en ville et à mon boulot, mais j’aimerai savoir jusqu’où je peux aller avec mon pouvoir de déplacer les objets.
J’ai lu quelques parts que j’étais un télépathe et un télékinésiste. Apparemment ces deux pouvoirs sont les plus répandus parmi les mutants, mais à des niveaux de puissance très différents. Je ne sais pas si je suis puissant…
J’ai essayé de soulever tout ce que je pouvais trouver, du plus petit caillou au plus gros… ça semble simple, j’y arrive sans même trop y penser. J’ai vu un film il n’y a pas très longtemps à la télé dans lequel un mec se concentrait avec « la Force » pour sortir son vaisseau spatial d’un marais. C’était cool mais il avait l’air d’avoir du mal. Moi j’ai déraciné un arbre et j’ai à peine sourcillé… peut-être suis-je plus puissant que je ne le pense.
J’ai aussi tenté une autre expérience : voler ! Après tout, si je peux soulever des objets je peux sans doute me soulever moi-même dans les airs ! Je ne pense pas qu’il faille être kryptonien pour fendre les airs… en plus je trouve ça débile de porter une cape rouge.
J’ai réussi à décoller et à survoler la ville. C’était génial ! Une fois là-haut, le monde et ses problèmes semblent loin… Toutefois, le moment de détente s’est vite arrêté. Un brusque mal de tête ma cisaillé le crâne, les « voix » sont revenues… confuses, du sang coulait de mon nez, mon bras gauche s’est mis à me brûler atrocement et j’ai vu des choses bouger sous ma peau. Dans la panique, j’ai fait un atterrissage catastrophe sur le toit d’un gratte-ciel du centre. Je ne sais même pas comment je m’en suis sorti indemne… je pense avoir créé une bulle de protection instinctivement pour amortir ma chute. Et je suis resté là environ deux heures, inconscient.
Je ne sais absolument pas ce qui s’est passé. Je ne comprends pas… ou plutôt j’ai peur de comprendre. Le professeur, quelques temps avant mon départ, m’a implanté des choses dans le corps et elles semblent réagir à mes pouvoirs, mais pas seulement. Le problème est que je ne connais pas le stimulus qui provoque leur mise en marche. Encore une chose que mes recherches sur mon « père » pourront sans doute expliquer.

Je me sens parfois perdu, seul au monde. L’autre jour j’ai vu un truc aux infos, une attaque de mutant à New York. Je ne suis pas si unique en mon genre apparemment. Je ne sais pas trop quoi penser du mec qui se fait appeler Magnéto… mais l’autre, Xavier, semble plus… ouvert. Il faudra que j’aille lui parler, peut-être qu’il m’aidera… »

« Threnody, que fais-tu ? »
La voix avait grésillé dans l’implant dissimulé derrière son oreille, mais on devinait toute la noirceur de l’être dont elle émanait.
« Threnody !?
- O…oui, Mmaître, je suis là.
- Que fais tu ? as-tu trouvé le jeune Nathan ?
- Non, il n’est pas chez lui… son… son appartement a été saccagé… il y a du avoir un combat…
- Ce n’est pas grave, nous le retrouverons… Cherche le Threnody, ne me déçois pas, tu sais ce qu’il t’en coûtera !!
- Ooui, Maître. »

La jeune femme essaye de se calmer. De grosses gouttes de sueur perlent sur son front d’ébène. Elle ferme ses grands yeux noisette et passe une main dans ses longs cheveux corbeau, comme le faisait sa mère pour la rassurer après un cauchemar. Chaque intervention de son « Maître » provoque en elle une peur panique. Quand il s’agit de le voir en personne, elle est mortifiée. Elle lui doit tout cependant… c’est grâce à lui qu’elle a pu maîtriser son pouvoir d’empathie. Avant, dès qu’une personne ressentait de la douleur, de la tristesse ou même mourrait dans un rayon d’1 km, elle transformait cette énergie de désespoir en décharge tk, tout en éprouvant, 1000 fois amplifiée, la douleur de ces gens. Ses parents s’étaient résolus à l’enfermer dans un asile où elle est restée près de 5 ans, totalement shootée, à baver sur sa camisole.
Puis Il est arrivé, un jour, avec ses promesses… avec son marché… Il lui a posé des implants de chaque côté de son visage et depuis les voix se sont tues, la douleur aussi… elle peut choisir d’entendre que celles dont elle a besoin pour se défendre… Mais désormais, d’autres chaînes la retiennent. Elle doit exécuter les ordres de son Maître.
Depuis quelques semaines, il l’a chargé de retrouver Nathan… Nathan Dayspring. Cela n’a pas été trop dur de retrouver sa trace. Elle s’est d’abord rendue en Alaska, sur le lieu de sa « naissance ». Il y a laissé tant de peine et de souffrance… c’était comme suivre une route éclairée en pleine nuit.
Puis, il y’a deux jours, elle est arrivée à Seattle. Là, ce fût plus difficile… la confusion des peines et douleurs des habitants d’une grande ville lui ont fait perdre ses repères. Par chance, un pic de rage de Nathan lui a permis de le localiser… trop tard cependant. Elle n’a trouvé que son journal dont elle feuillette encore les pages. Elle tombe sur la date d’aujourd’hui, le 26 mars…
« Je crois que je suis espionné… je ressens une menace mais je n’arrive pas à la visualiser. Ce n’est peut-être pas des hommes mais des machines. Ce matin, au café, j’ai mis la main sur une espèce d’émetteur dissimulé sous le comptoir. Je l’ai trouvé en nettoyant le perco… j’ai fait tombé un filtre et en voulant le ramasser j’ai aperçu le « bidule » planté dans le bois. Je l’ai immédiatement détruit… je n’aurai pas dû. Maintenant, ils savent que je les ai repéré… ça va les faire sortir.
Quelque chose n’est pas normal »
C’est la dernière phrase. Threnody se demande ce qu’il s’est passé. Elle pourrait le savoir mais elle a peur. Vu la migraine que lui a filé la rage de Nathan tout à l’heure… et elle était à l’autre bout de la ville…
Non, il faut qu’elle sache… sinon le Maître lui fera plus mal encore.
Elle lève une main vers son implant gauche, presse un petit bouton pour diminuer le blocage et se laisse envahir par les émotions rémanentes. Des flashs commencent à se succéder dans sa tête, de plus en plus vite, accentuant la douleur, elle résiste le temps de tout assimiler puis dans un cri déchirant elle tend les mains devant elle et libère toute l’énergie accumulée, faisant exploser la dernière baie vitrée encore intacte.
Elle a vu se qui s’est passé… elle a vu les Sentinelles. Elles sont donc prêtes ! elle a vu Nathan en train d’écrire les quelques mots qu’elle venait de lire. Elle a vu la porte d’entrée exploser et laisser passer trois êtres qui n’avaient plus rien d’humains. Elle a vu le combat et la puissance de Nathan. Elle a vu son bras gauche se transformer et son œil flamboyer. Elle l’a vu atomiser ces Sentinelles… puis plus rien, plus d’images.
Le Maître avait raison. Nathan est très puissant. Doit-elle continuer à le poursuivre et laisser son Maître s’emparer de lui ? Elle ne sait que faire, perdue entre ses obligations et sa morale.
Et si Nathan pouvait l’aider ? Quoiqu’il en soit, elle doit le retrouver, pour sa propre survie.
Elle glisse le journal de Nathan dans sa sacoche, jette un dernier regard à l’appartement puis se glisse par la porte brisée qui laisse entrer le lointain chant des sirènes de police.