Histoire : Cable
Date de parution : Octobre 2005
6 mois plus tard…
JT de la chaîne ABC – Reportage de Irène Merryweaver, envoyée spéciale.
« Lorsque vous visitez le Tennessee, vous avez l’étape obligatoire et incontournable de Memphis, berceau du King et du Rythme’n’Blues. Assez typique des villes américaines, il est facile de chopper le vertige au milieu des immenses building du centre, traversé du Nord au Sud par l’unique ligne d’un antique tramway. Puis, pour un peu plus vous déboussoler, les immeubles disparaissent net pour laisser place aux maisons de Beale Street, avec sa gigantesque statue du King (penchez-vous dessus pour y voir les inscriptions les plus farfelues, genre « Elvis appelle-moi, signée Stacy 655-849 »), sa gigantesque fresque représentant le King sous différents costumes (vue dans «Blues Brothers ») et le plus célèbre bar du coin de son autre star locale : le BB King’s Bar. Enfin, le top du top si vous venez en août (oh, c’est le cas !), vous pourrez assister au Grand Concours National de Barbecue ! Non, ce n’est pas une blague… des milliers d’Américains avec leur barbecue essayant de produire la meilleure et la plus originale grillade. J’espère que nous la décou …Oh, mon Dieu ! Qu’est-ce que c’est que ce truc… ? Bill ! Filme ça, grouille tes miches ! »
Irene file tranquillement sur ses 40 ans, un ex-mari, quelque part dans le Michigan, et deux gamins trop gâtés. Ça fait 15 ans qu’elle bosse pour la chaîne et elle bénéficie d’une petite notoriété nationale, la plaçant comme l’une des meilleurs reporters pour tout ce qui touche aux festivités locales. Bien sûr, elle se coltine souvent des bleds pour la fête de la marmotte, ou la fête du maïs doré…. Et encore, y’a pire ! Disons que le Grand Concours National de Barbecue à Memphis c’est le grand luxe. Toutefois, Irène, devant la caméra, est la parfaite américaine au visage éclatant (5000 $ pour lui ôter les traces disgracieuses de la quarantaine) et c’est sans doute ce qui fait sa popularité auprès des ménagères de 30 à 60 ans.
La journée promettait d’être banale : blabla devant la caméra, blabla avec des autochtones demeurés, autographes, blabla avec des lourdauds remplis de bières, blabla devant la caméra et gin martini à volonté au bar de son hôtel… et là, à 10 mètres d’elle, un truc dingue se produit. Une espèce de monstre de 2 mètres de haut avait déboulé au milieu du concours et saccageait tout sur son passage !
« Irène Merryweaver pour ABC. Mesdames et Messieurs c’est terrible ! Alors que le Grand Concours National de Barbecue battait son plein à Memphis, une espèce de… de monstre est venu bouleverser la savoureuse fête. Alors qu’il n’y a que quelques instants tout n’était que rires, grillades et pains à hot-dog, les cris, la destruction et le sang ont submergé le parc tel une déferlante de… je dirais, 2 mètres de haut. J’ai du mal à décrire ce que c’est, mais les images parlent d’elles-mêmes. Carole, je vous rends l’antenne… je crois que le… enfin, cette « chose » vient vers nous !
- Irène, faites attention à vous… Irène ? Mesdames et Messieurs, nous venons de perdre le contact avec notre journaliste. Nous ferons notre possible pour la retrouver… »
Quelques jours avant…
Harry Callaway avait toujours été un « bon gars », pas très futé mais suffisant pour savoir ce qu’il devait faire de sa vie. A la sortie du lycée, afin d’éviter à sa mère de payer une fac dans le vent, il s’était enrôler dans les Marines où, lui avait-on assuré, il ferait carrière. Harry avait en effet le profil du bon soldat… 2 mètres de haut pour 100 kg de muscles, noir comme l’ébène, et une volonté de fer comme seuls peuvent l’avoir les gars du Tennessee. Il avait vite trouver sa place dans son détachement : jamais malade, jamais blessé, rapide et fort, il faisait l’admiration de ses supérieurs et la fierté de sa maman.
Un jour pourtant sa vie changea. Il revenait d’Iraq après des mois de sable et d’occupation inutile et fêtait sa médaille du courage (il avait sauver plusieurs de ses camarades d’un attentat), quand un type bizarre vint l’aborder dans les chiottes du bar. Au début, Harry cru que c’était un vieux gay qui voulait se faire un jeune militaire, mais le type le connaissait ! Il l’avait appelé par son nom et il lui posait de drôle de questions….
« Bonsoir, Harry… c’est bien Harry, Harry Callaway ?
- Que… qui êtes-vous? Comment vous me connaissez ?
- Ça n’a pas d’importance, je connais tes états de service, je connais tes exploits…
- Oh, vous êtes un mec des Services Généraux ? ou un Fédé ?
- En quelque sorte… disons que tes actes t’ont distingué et que j’aimerais de proposer autre chose que simple troufion…
- Comme une promotion ?
- Oui, c’est un peu ça, Harry… je parlerai même d’une révélation ! »
A ce moment là, le type se tourna vers Harry. Il ne voyait pas bien son visage, baigné dans l’ombre du fichu éclairage de ces p….. de chiottes. Tout ce qu’il voyait c’était ces deux yeux rouges et le petit losange au milieu qui le perçait comme une lame de rasoir. Puis plus rien. Puis, comme une vague, une douleur dans tout son corps… une envie de crier, et une colère immense… et encore la voix de ce type, l’appelant bizarrement : « Bientôt Litterbug, bientôt… »
Là où avant se dresser mille barbecues fumants, ne s’élevait plus désormais qu’un amas sans forme nourrissant quelques feux de-ci de-là. Irène, quant à elle, avait l’impression d’avoir pris un bus en pleine face… son côté droit la faisait souffrir, sans doute quelques côtes cassées, mais il ne fallait pas qu’elle ramollisse, elle tenait le reportage de sa vie : un carnage mutant. Elle était persuadée que le « truc » qui avait déboulé en pleine partie de grillade était un de ces types dont on commençait à parler à la télé, elle avait vu les images d’un affrontement de deux groupes à New York. Ils semblaient normaux pour la plupart… pas comme celui-là. A bien y regarder, ça ressemblait à un gros scarabée et plus vraiment à un homme. Elle chercha Bill, trouva la caméra, pas trop amochée, puis elle aperçu enfin son coéquipier… enfin ce qu’il en restait. Irène n’avait été que « bousculée » par le monstre, Bill lui avait été droit sur son passage… La bonne blague : lui qui se plaignait de prendre de la brioche, son abdomen et sa cage thoracique étaient maintenant défoncés et lui donnait une taille de guêpe. Irène en rigolerait à se tordre le ventre si elle ne pleurait pas autant. « Oh, Bill… je suis si désolée… » Elle passa sa main crasseuse sur la joue et jeta un œil vers l’entrée du parc : le camion régie était toujours debout. Elle posa la caméra sur un banc, face à elle, l’enclencha et releva l’objectif avec sa main droite, tenant son micro de l’autre.
« Carole, vous m’entendez ? Carole, c’est affreux ce qui se passe ici… Bill, mon caméraman et ami, a été tué par cette « chose »…
- Irène, la liaison est mauvaise… sachez que nous sommes de tout cœur avec vous et avec la famille de Bill. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet du monstre ?
- Je… je dirais que c’est un mutant, mi-homme mi-scarabée…. Si on devait lui donner un nom, Litterbug serait sans doute le plus adapté !
- Donc, ce… Litterbug a débarqué comme ça, sans prévenir ?
- Oui, Carole, il semble mu par une espèce de rage aveugle. De ce que j’ai pu en voir, ses actes ne sont pas coordonnés ni prémédités, il agit au hasard…
- La police est-elle arrivée ?
- Oui, mais ils n’ont fait que raviver la colère de Litterbug. Il semblait s’être calmé quand les forces de l’ordre ont commencé à lui tirer dessus (sans effet), il s’est de nouveau énervé.
- Il semble impossible à arrêter, Irène… il y a t-il de nombreuses victimes ?
- Je ne sais pas Carole, je n’ai pas pu sortir du parc… je me fais discrète pour ne pas attirer son attention… je dirais qu’il y a plusieurs dizaines de personnes allongées au sol, mais je ne saurais dire combien sont morts ou simplement blessés !
- Nous allons contacter le responsable de la police locale, Irène, et le tenir au courant de votre présence, attendez-vous à être con…
- Carole ! Il se passe quelque chose… quelqu’un vient d’arriver et fait face à Litterbug… en volant…. ! »
Harry ne sentait plus que sa colère… même la douleur avait disparue. La colère est tout ce qui le faisait bouger. Quand il s’était réveillé dans la ruelle, quelques minutes plus tôt, l’homme bizarre était là, mais cette fois sans déguisement. Il avait la peau blanche comme la neige, des cheveux noirs (si c’était vraiment des cheveux), un costume de la même couleur avec une dizaine de longues lanières dans le dos. Au milieu de son front, le petit losange rougeoyait autant que ces yeux, dégageant une aura de pur sadisme… et ce sourire, aiguisé comme un rasoir…. C’est à ce moment là que la haine monta en lui. Quand il se releva, il sentit la rigidité de son corps et la lourdeur de ses membres. Une flaque d’eau à ses pieds lui laissa entrevoir sa nouvelle apparence. Il voulu crier mais seul une espèce de rugissement émergea de sa bouche. « Très bien, tu es prêt à présent, va faire ce pourquoi je t’ai révélé ! » L’homme sortit une petite télécommande et appuya sur l’unique bouton qui s’y trouvait : une douleur atroce le saisit alors dans tout son corps. « C’est désagréable, n’est-ce pas ? J’ai pris soin de parsemer ton corps de petites électrodes qui diffusent la fée électricité à volonté ! » Harry poussa un nouveau rugissement, l’homme sourit de plus belle puis s’effaça. Harry se mit alors à courir droit devant lui, déchaînant sa colère sur tout ce qu’il croisait. Sa course l’emmena jusqu’au grand parc où des odeurs familières et le bruit de la foule attisa d’autant plus la douleur qu’il subissait. Soumis par la torture, Harry se réfugia au plus profond de son esprit et laissa place à Litterbug.
« Je ne te veux pas de mal, Harry, je veux simplement t’aider. Tu n’es pas ce que les gens voient de toi aujourd’hui !
- Gaaaaaaaarrrrrrrh !
- Laisse-moi te venir en aide… »
Litterbug frappa l’intrus. Il venait de recevoir une nouvelle décharge. Le jeune homme se retrouva propulsé à plusieurs mètres mais se releva sans problème.
Irène, caméra sur l’épaule, n’en croyait pas ses yeux. Elle voyait un garçon, tout au plus âgé de 18 ans, pas si anodin qu’il en avait l’air, s’opposer à une montagne. Elle imaginait déjà le titre de son reportage sur sa réédition en DVD : le nouveau David contre Goliath à la barbecue party de Memphis. Ok, ça sentait plus le pop-corn frit que le Grammy Award… elle trouvera un titre meilleur plus tard, le moment était plus à l’action. Le jeune garçon se précipitait à nouveau vers Litterbug et, chose étrange, une espèce d’éclair sortait de son œil gauche. Mon Dieu ! Son bras gauche était bizarre aussi, elle le voyait… « vibrer » ? Non, il change, il se transforme en… arme ! Irène était perdue : qui était ce gamin ? Un autre mutant, une machine ? Merde, la batterie… elle s’empresse de changer le boîtier et réenclenche l’enregistrement tout en essayant de faire des commentaires.
« Je suis désolé, Harry, je n’ai plus le choix maintenant, je dois te stopper ! »
Mais pourquoi ce gamin l’appelle Harry ? Il le connaît ?
Le bout de son bras gauche s’illumine à son tour et il se met à tirer un puissant rayon aveuglant. Irène tente de se cacher les yeux tout en observant la scène, mais elle doit se résoudre à être aveugle quelques minutes. Après avoir récupéré un semblant de vision, elle constate que Litterbug est à terre et que le jeune homme est agenouillé à ses pieds. Sortant de son buisson, elle s’empresse auprès des deux spécimens de foire.
« Je suis navré, Harry, tu n’avais pas à souffrir ainsi…
- Jeune homme, qui êtes-vous ? Vous connaissez ce mutant ? Etes-vous mutant vous-même ?
- Ce mutant, comme vous l’appelez, se nommait Harry Callaway, et c’était un héros de la guerre en Iraq. Il a été la malheureuse victime d’un fou et ses actes d’aujourd’hui n’ont pas à entacher ce qu’il était.
- Qui est ce fou, de quoi parlez-vous… ?
- Bien des choses vous dépassent, Irène !
- Comment connaissez-vous mon nom, qui êtres-vous à la fin ?
- Je suis un lien entre tous les hommes, et je suis là pour lutter contre tous les actes criminels qui intenteront à la vie.
- Mais pourquoi ? Au moins donnez-moi votre nom…
- Appelez-moi Cable ! »
Irène ne pu rien ajouter de plus, le garçon s’envola comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. « Cable »… quel drôle de nom ! Et pourquoi pas après tout, il ressemble à un chaînon manquant entre l’homme et… autre chose ! Enfin soit, Monsieur Cable, je saurais qui vous êtes !
Ailleurs….
« Cable… c’est original. Ah, ah, ah… Nathan, tu me feras toujours rire ! »