Urban Comics
  Episode 6 : Pouvoir (2) : Peur
 

Histoire : Ben Wawe
Date de parution : 

Emy avait peur.
Coincée sur le siège passager de la voiture de son amie Clara, elle avait la jambe broyée par la masse métallique qui s’était écrasée contre l’arbre. Elle n’avait même pas eu le temps de remettre son soutien gorge et de reboutonner son jeans…Qu’allait-elle dire ses parents quand ils viendraient la chercher à l’hôpital ?
Elle en tremblait déjà…

Mais elle avait surtout peur. La jeune femme crevait littéralement de trouille, et sa vessie ne pouvait retenir une telle émotion. Pour la première fois depuis ses 3 ans, Emy Jones s’urina dessus. Et elle n’eut même pas honte de cela. Elle ne voulut même pas nettoyer le liquide jaune qui descendait lentement le long de ses cuisses et sur le fauteuil en cuir tâché de sang. Non. La jeune fille était trop choquée et apeurée pour cela…

« Oh, tu pleures jeune fille ? Je n’ai même pas encore commencé…Attends quelques heures…tu sauras ce qu’est alors que la peur… »

Emy faillit éclater en larmes, mais elle se retint. Le monstre devant lui ne devait pas la voir pleurer…non, il ne devait pas. Elle serait plus forte que ça. Elle arriverait à passer la honte de s’uriner dessus. D’avoir plus peur que jamais. Elle passerait outre la douleur de sa jambe coincée et presque perdue. Elle irait au-delà du corps sans vie de sa petite amie, Clara…morte à ses côtés, nue…
Oui, elle y arriverait. Ou tenterait, au moins.

« Ah, tu veux être brave ? Tu veux faire ta courageuse ? Parfait, j’adore ça…Tu vas connaître la peur, jeune fille. Tu vas pleurer, supplier et implorer la Mort. Mais elle ne viendra pas. Il faut que quelqu’un connaisse la peur, en te voyant subir ce que je vais te faire. Il faut que ce cher monsieur Jordan sache que je suis sa plus grande peur… »

Un rire démoniaque sortit alors de la gorge de l’homme en imperméable qui était en face d’Emy, accroupit sur ce qui restait de l’avant du véhicule. La jeune fille tenta alors de calmer son cœur et de ne pas pleurer, mais, alors que l’être monstrueux et sinistre s’approchait d’elle, jamais ce ne fut aussi difficile de ne pas se réfugier là-dedans…








« Mais puisque je vous dis que j’ai l’autorisation ! »

Alvin Sur commence à s’énerver. Lentement, mais sûrement.
Cela fait déjà dix minutes qu’il était coincé à la douane de l’aéroport international du Caire, Egypte. Et cela fait dix minutes que l’envie d’utiliser ses terribles pouvoirs contre cet imbécile d’agent des douanes se fait de plus en plus pressante…

« Là, regardez ! Autorisation de passage dans votre pays sans passeport ! C’est écrit, non ?
- Passeport, s’il vous plaît.
- Mais c’est écrit, là ! Ecrit !
- Passeport, s’il vous plaît. »

Dix minutes…
Dix minutes qu’il ne fait qu’entendre cela…
Dix minutes que son pouvoir se rassemble et veut détruire le visage et le corps de cet imbécile…
Dix minutes qu’Alvin Sur, un des professeurs du Green Lantern Corps envoyé en mission secrète pour sauver le monde et son groupe, tente de se calmer…et n’y arrive que difficilement.
Mais il doit réussir. Il ne doit pas se laisser aller aux sentiments. Cela ne serait pas bien. Cela ne serait pas être un Green Lantern.

Lentement, l’Américain soupire et ferme les yeux. Il doit expulser le stress. Il doit se calmer. Il doit voir les vastes prés de son enfance, où il gambadait jadis. Il doit se rappeler ces moments simples et doux qui font de ses souvenirs des instants à chérir. Il doit calmer la rage en lui…

Doucement…Calmement…Petit à petit…
Là…Alvin y arrive doucement. Peu à peu, le calme revient dans son être, et calme la fureur qui aurait pu lui faire déchiqueter le pauvre homme devant lui. Le Green Lantern se surprit même à sourire à ce qui aurait pu arriver. Mais cela ne dura pas.

En effet, alors qu’il tentait encore de se calmer, quelqu’un avait fendu la foule. Son pas lourd et déterminé, sa prestance impressionnante et son costume au prix défiant tout réalisme avaient fais évidemment fuir les différentes personnes devant lui, perturbées par une telle vision. Mais lui n’avait pas bougé de son objectif, ne s’était pas émut de la réaction des passagers de l’avion. Il avait l’habitude, et n’avait pas que cela à faire dans cet endroit pourri et aride.

Arrivé à la hauteur d’Alvin Sur, l’homme posa sa lourde main sur l’Américain au crâne rasé, qui se retourna immédiatement, prêt à se défendre et à user de ses terribles pouvoirs. Mais il n’en eut jamais le temps, vu qu’il comprit, en voyant qui l’accostait, qu’il avait déjà perdu.
Cette impression se répercuta alors sur son visage, qui devint blême et presque désespéré.

« Killowog...
- En général, on m’appelle Bill en public, Alvin. Mais vu que nous allons être très…intimes dans les heures à venir…Je pense que tu peux utiliser mon surnom, oui. Je t’y encourage même. Ca m’excite, parfois… »

Un sourire vicieux s’afficha alors sur le visage du conseiller de M. Sin, tandis que ses hommes, habillés dans d’étranges armures rouges très voyantes, créaient un cercle autour de lui et d’Alvin Sur. Celui-ci soupira lourdement, et baissa les yeux quelques instants.

« Je ne peux rien faire, et tu le sais. Emmène-moi et fais ce que tu veux de moi. Mais je sais que je serais vengé. Et que vous payerez pour tout ça.
- Ah ? Et par qui ? Ton petit Rayner ? Ah ! Rassures-toi, Alvin : en ce moment même, mieux vaut être à ta place qu’à la sienne… »

En croisant son regard mauvais, le Green Lantern comprit qu’il ne mentait pas. Et comprit aussi que tout espoir était peut-être terminé, pour le GLC et pour le monde…








Centre de l’Utah.
Kenny est un adolescent d’une quinzaine d’années. Il vit seul avec son père, à travailler durement la terre et à aller à l’école pour s’instruire. Le père de Kenny veut que son fils soit quelqu’un d’intelligent. En fait, il veut qu’il soit quelqu’un tout court. Mais Kenny ne comprend pas bien ça. Faut dire, Kenny n’est pas très intelligent.

En fait, on appelle ça…enfin, Kenny ne s’en rappelle plus. Il sait juste que beaucoup de méchants enfants l’appellent « débile ». Il ne comprend pas pourquoi son père n’aime pas ça, et va donner des coups à ceux qui disent ça. Mais Kenny ne veut pas comprendre, en fait. Il veut juste vivre tranquillement, avec ses vaches, ses chevaux et toute la ferme que lui léguera son père, plus tard. Kenny n’a toujours pas comprit il lui donnera, mais il ne cherche pas à comprendre.

Là, Kenny s’ennuie.
Il devrait être à l’école, mais il n’a pas envie. Il veut aller courir dans l’herbe, mais son père ne veut pas. Il pense que c’est dangereux pour Kenny. Qu’il y a beaucoup de monstres, de bêtes et de méchants dans les herbes. Mais l’adolescent n’a pas peur. Il sait se défendre : il a vu tous les films avec Chuck Norris et le Gouverneur de Floride. Ou de Californie, Kenny ne sait plus. Il n’a jamais été trop doué avec les noms. Il n’a jamais été trop doué tout court, en fait.

Kenny commence alors à marcher dans les hautes herbes des champs. Il cherche l’Endroit Maudit, là où les vieux du village interdissent d’aller. Là où même son père ne semble pas être aller, lui qui est allé partout. Partout, partout. C’est lui qui le lui a dit. Et qui est Kenny pour ne pas croire son père ?
Il cherche, donc. Il cherche le trésor de l’Endroit Maudit. Tout le monde en parle à bas mots, espérant un jour que quelqu’un d’assez fou irait le chercher. Car oui, il y a un trésor. Un immense et superbe trésor qui rend, selon la légende, puissant n’importe qui arrive à le trouver. C’est le cousin à Kenny qui l’a dit à Kenny. Et il y croit. Il y croit très, très fort, même.

Soudain, Kenny s’arrête.
Il ne peut plus bouger. Son corps refuse.
En face de lui, il a trouvé l’Endroit Maudit de la légende. En face lui se trouve…quelque chose. Kenny ne sait pas quoi, mais il en a peur. Très peur. Il sent au fond de lui que quelque chose de malsain est dans ce lieu. Qu’il est en danger, et qu’il n’aurait jamais dû venir ici. Non, jamais.

Kenny voudrait partir. Courir le plus vite possible, pour rentrer chez lui, dans sa chambre avec des posters de Chuck Norris. Mais il ne peut pas. Il n’y arrive pas. Son corps refuse de bouger…comme si il était emprisonné dans une prison invisible. Comme si une sorte d’armure l’empêchait de fuir…comme si il n’était plus maître de son corps.

« Tiens donc…un débile de l’Utah a trouvé ma cachette ? Mais c’est que c’est mignon, ça…Deux visites dans la même journée… »

La voix est terrible pour Kenny.
A la fois jeune et douce, il entend aussi tout le vice et tout le mal qui y réside. Kenny a peur, très peur. Il sent qu’il va bientôt craquer et pleurer…mais il sent aussi qu’il n’y arrivera peut-être pas. A cause de cette maudite prison…

« Malheureusement, gamin…C’est un autre qui a déjà remporté le gros lot. Et ce corps a beaucoup plus de possibilités que le tien… »

Kenny ne peut toujours pas bouger. Il ne peut toujours pas regarder celui qui lui parle et qui est derrière lui. Mais, étrangement, il sait déjà ce qu’il va se passer. Il sait qu’il ne reverra plus jamais ses copains de l’école. Il sait qu’il ne reverra plus jamais sa chambre. Il sait qu’il ne reverra plus jamais ses films de Chuck Norris. Il sait qu’il ne reverra plus jamais son père…et Kenny n’arrive pas à pleurer. Il va mourir, mais on ne lui permet pas de pleurer, de crier sa colère et son indignation.
Et, alors qu’un monstrueux rayon énergétique vert détruit à jamais son corps…un rire monstrueux et inhumain s’élève d’une gorge jeune et désormais vicieuse. Le Mal est lâché sur Terre, et a fait sa première victime. Parallax est de retour. Et rien ne sera plus pareil.

 
 
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