Histoire : Zauriel
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« Prends à droite, disait la voix dans sa tête. »
Stephen obéit. Agamotto avait une voix douce, apaisante, mais il y régnait de la colère à l’état pur. Cela faisait frissonner le jeune homme. Se faire posséder par une entité millénaire, même si elle est bénéfique, est une expérience assez troublante. L’être, cependant, n’avait pas pris totalement le contrôle. Il n’avait que renforcé sa perception du monde et l’avait aidé à neutraliser les nombreux hommes qui gardaient l’entrée des appartements de Beneccetti. La pièce était plongée dans le noir. La fenêtre ouverte laissait le vent balayer les rideaux. Soudain, Stephen eut un sanglot. Merde ! Qu’est ce qu’il foutait là, en train de s’occuper des affaire de dieux qui revenaient à la vie, de mystères enfouis avec des reliques bizarres ? Pourquoi lui ? Pourquoi un branleur de son âge avait été choisi pour régler un vieux compte qui durait depuis le début des temps ? Pourquoi ça devait être lui de monter sur le ring ?
« Suffit, souffla la voix dans sa tête. Tu es destiné à un grand destin, enfant des Vishantis, et tu sanglotes comme un bébé. Beaucoup d’hommes auraient vendu leur âme pour détenir le pouvoir que tu détiens aujourd’hui. Acceptes ton sort. Détruis Dormammu. »
Quelque chose bougeait derrière le bureau. Stephen s’approcha et vit le mafieux qui convulsait. Ses yeux sortaient des orbites et sa bouche s’étirait sans fin. Il se remit debout et fixa le garçon avec une expression morbide. Dans ses yeux dansait une lueur folle. Bennecetti avait quitté le navire. C’était à Dormammu qu’il faisait face. Dans sa main apparût une lance, longue de deux mètres. Il coupa Strange à la joue. Celui ci recula.
« Ainsi donc voici l’enfant des Vishantis, l’héritier de l’Ancien. J’ai lu une de tes destinées, jeune homme. J’ai lu que ta vie sera extraordinaire, pleine de chagrins et de joies, de luttes, de combats. La vie d’un guerrier. Mais je vais t’enlever cela. »
Stephen se sentit tomber à genoux, vidé de ses forces. Devant lui, Dormammu chantait dans une langue morte depuis des milliers d’années, en faisait tourner sa lance autour de lui. Stephen perdit connaissance.
« Stephen, réveille toi. »
Il ouvrit les yeux, d’un coup, et jura. Il les referma et les rouvrit petit à petit. La lumière du soleil venait lui brûler les yeux. Le soleil ? Où était-il ? Que s’était il passé ? Il se leva et plaqua sa main en visière devant lui. L’endroit était un lac, bordé d’arbres. Des gens pique-niquaient en famille. Des enfants riaient. Stephen eut un sanglot. C’était l’endroit où il venait se promener avec ses parents, quand il était plus petit, quand les temps étaient meilleurs. Les larmes lui montèrent aux yeux. Il marcha dans l’herbe, quelques instants, et se mit à regretter. Il regretta d’avoir tué A.J, d’avoir combattu Mordo, d’être parti de chez lui. Il s’assit à une balançoire, et son regard se perdit dans le vide. Puis son attention se dirigera vers une famille.
Le père tenait le petit sur ses épaules, lui faisait faire l’avion. La mère les regardait, les jambes tendues, en souriant. Le gamin riait, criait, faisait semblant d’avoir peur mais savait que son père ne le lâcherait pas. Sauf par maladresse, ce qui arriva. Mais dans un éclat de rire cristallin. Stephen sentit les larmes couler sur ses joues. Il se détourna de cette vision. Un ricanement se fit entendre derrière lui. Il se retourna et vit Dormammu. Non en tant que Beneccetti. C’était au démon sous sa forme pure qu’il faisait face. Une sorte de brume rouge recouvrait le monstre, mais Stephen pouvait voir ses yeux qui l’observaient. Des yeux de serpents, reptiliens, qui restaient fixes, qui ne bougeaient pas, qui ne cillaient pas. Et la voix qu’il entendit n’était pas une caricature de voix humaine, mais une puissance venue du fond des âges.
« Cette époque semble te plaire. »
Stephen leva les mains et récita une incantation que Dormammu balaya d’un geste.
« Tu aimes cette période de ta vie, insecte. Ton père ne te battait pas. Il n’avait pas d’alcool qui courait dans les veines. Quant à ta mère, elle n’avait pas le regard vide qu’elle a maintenant et qu’elle doit à la coke. Cela te plairait, hein, de revenir en arrière ? De pouvoir recommencer. De faire durer ces moments de bonheur. D’empêcher que ces poisons qui les rongent. Ce serait si simple, de me laisser Agamotto. De me laisser le combattre. En échange, regarde ce que je te laisserais. Ta famille, heureuse. Tu la veux immortelle ? Je la ferais immortelle. Tu veux des esclaves ? Je te donnerais des esclaves. Je te donnerais tout ce que tu veux, si tu ne mets pas de barreaux dans les roues. »
Stephen baissa la tête. Ce serait si simple. Une parole. Une syllabe. Et son bonheur serait total, pour l’éternité. Il avait droit au repos. Mais ce fut la rage qui répondit au démon. Il fit volte face et cria :
« Tu me prends pour un idiot ? Je sais très bien ce que tu feras quand tu auras vaincu Agamotto, si jamais tu le vaincs. Tu détruiras tout »
Sans crier gare, il plongea sa main dans le torse du démon, éparpillant la brume rouge sur l’herbe. Dormammu fut surpris, mais sourit au jeune homme.
« C’est comme ça que tu veux mourir, petit impudent ? »
Strange souriait lui aussi. Il regarda le vieux démon, mais ne dit rien. Celui ci commença à sentir son pouvoir décliner et commença à paniquer quand il vit son corps se désagréger et se faire absorber par le torse du jeune. Il cria.
« Alors, lui fit Strange. C’est une étrange sensation de se faire absorber par un insecte, mon pote ?
- Comment ?
- C’est simple. Tu es venu sur mon terrain. On est dans mes souvenirs là. Donc, quand t’es dans mon esprit, c’est moi le chef. »
Stephen saisit la tête du démon et lui envoya un coup de genou. Il vacilla sous le choc. Stephen frappa, s’acharna, sentant une joie mauvaise et forte lui remplir les veines. Le démon soufflait, écroulé sur le sol. La puissance des coups d’accroissaient, quand la brume rouge réapparut.
« Je t’ai sous estimé, lança Dormammu dissimulé derrière les vapeurs. Mais je ne ferais pas deux fois la même erreur. La prochaine fois, je te tuerai et prendrai ton âme. »
La démon tourna sur lui même et disparut. Le paysage, les gens autour de lui, tout autour de Stephen se troubla et le bureau de Beneccetti réapparut. Le bandit était allongé sur son bureau. Sa peau avait cuit et une désagréable odeur de fumée régnait dans la pièce. Stephen tituba et s’accrocha à une chaise. Son sentiment d’impuissance avait disparu. Sa victoire sur le démon, bien que temporaire, lui avait donné un espoir qui grandissait en lui. Il sauta par la fenêtre et ralentit sa chute. En souriant, il se dirigeait vers un nouvel avenir.