Histoire : Zauriel
Date de parution : 
Note : Le crossover débute dans Urban Hawkeye #38 et se termine dans Urban Hawkeye #39

Dane Whitman avait bondi sur la scène et la flèche qui avait pris Clark Duncan pour cible vint se briser contre son armure qu’il dissimulait sous son manteau gris. Il dégaina son épée, appuya sur la garde pour que la lame laser se dévoile, et regarda la fenêtre d’où avait été tiré le projectile. Il vit Tommy qui faisait face à un homme blond d’une carrure moyenne, mais il ne pouvait pas voir le visage de l’agresseur. Un doute l’assaillit.
Se pourrait-il que… ?
Il ne réfléchit pas plus longtemps sur l’identité de l’agresseur. Il avait des responsabilités. Il emmena Duncan à sa voiture dissimulée dans la ruelle derrière la scène. Les vitres étaient blindées, et il n’y risquait rien. Dane ouvrit la portière en regardant partout autour de lui, sens en alerte. Calé dans la banquette, Duncan transpirait à grosses gouttes. Sa poitrine se soulevait et s’affaissait rapidement.
« Ca va, monsieur ? »
Duncan s’essuya le visage avec un mouchoir blanc qu’il sortit de la poche intérieure de son costume.
« Ca va. Pas de bobo. Qu’est ce que c’était ? »
Dane regarda un instant à l’extérieur, songeur. La rue se vidait. Il sentait que quelque chose n’allait pas. Que quelque chose clochait. Ce n’était pas que le projectile. Il n’aurait pas dû accepter ce job.
« Une flèche, monsieur. Je vais devoir aider mes collègues. Vous êtes sûrs que ça va ? »
Duncan expira, et reprit son souffle.
« Oui, allez-y »
Dane regarda dehors, ouvrit la portière, la referma, et courut vers la scène que les manifestants fuyaient avec crainte.

Dans sa voiture, Duncan esquissa un sourire mauvais. Son air angoissé disparut aussi rapidement qu’il était venu.
« Une flèche. Eh eh. J’espère que tu vas me donner du spectacle, mon petit Dane »
Il posa son coude sur la portière, afin de pouvoir observer le combat à loisir.

Dehors, Dane dégaina le sabre laser que lui avait bricolé Elizabeth. La lame rougeâtre brilla dans la nuit qui tombait maintenant sur la rue. Tous les badauds venus observer et écouter Duncan s’étaient dispersés. Dane arriva devant la scène, devant laquelle quelques secondes auparavant se pressaient encore de nombreuses personnes. C’était la première fois qu’il parlait avec Duncan, et sa voix lui avait donné la chair de poule, sans qu’il puisse savoir pourquoi. Il sortit son micro de sa poche et chuchota dedans.
« Brian, où es-tu ? »
Son micro grésilla quelques secondes. Puis les paroles de Brian ressortirent de l’émetteur, hachées.
« Tommy… Problème… immeubles…d’en face… Danny…parti…
l’aider.
- Et Jack ? »
Dane régla la transmission pour mieux comprendre ce que disait son équipier.
- Jack se bat contre un colosse qui dégage le même type d’énergie que lui. »

Il y eut soudain un choc. Brian vint atterrir devant lui. Son menton heurta le bitume avec un bruit sourd. Dane se précipita à son secours. Il se pencha et lui releva la tête. Brian avait perdu son casque dans sa chute. L’objet se trouvait à quelques mètres de lui, brisé. Britannic cracha. Il avait du sang dans la bouche. Son sang. Il s’appuya sur Dane pour se relever, et toucha son visage ensanglanté du bout de ses doigts. Du sang coulait sur son œil droit. Il passa sa manche dessus. Il sentait son œil le brûler, et il priait pour que ce soit juste à cause du sang qui s’écoulait de son front. Il se pencha et ramassa son épée. Il demanda à Dane de le lâcher. Le Chevalier Noir le lâcha, restant tout près de lui, au cas où il s’effondrerait encore. Après avoir flageolé un instant, ses jambes se stabilisèrent.
« C’était qui ? »
Britannic n’eut pas le temps de répondre à sa question. Son agresseur se matérialisa derrière Dane.
« Derrière toi, hurla Brian. »
Mais la femme vêtue de blanc ne laissa pas au Chevalier Noir le temps de se retourner. Elle sauta, jambes arquées, et lui décocha un coup de pied d’une formidable violence dans la tête. Dane partit s’affaler quelques mètres plus loin. Assommé. Evanoui. Brian leva la lame de son épée au niveau de son visage. Son casque lui serrait le crâne, Il l'enleva et le jeta plus loin. Il rebondit dans un bruit mat. La femme vêtue de blanc portait également un masque en tissu qui lui recouvrait totalement le visage, à l'exception de ses yeux noirs. Elle avait elle aussi une épée à la ceinture. Elle la dégaina, poussa sur ses jambes, et se jeta sur Brian avec un cri d'une fureur incroyable. Birna para avec difficulté. La puissance du coup l'avait quelque peu déstabilisé. La femme s'accroupit. Elle tendit sa jambe droite, la fit tourner, tentant de faire tomber son adversaire .Brian sauta. La femme se releva aussitôt, et profita du manque d'appui pour arracher à son adversaire son arme, d'un coup de sa propre épée. L'arme de Brian alla rejoindre son casque. Il tendit les poings, dans une expression de boxeur, attendant que son adversaire se serve de sa lame. Le tissu de son masque se tendit. Elle souriait. Elle fit tournoyer son épée au dessus d'elle, s'apprêtant à la laisser retomber dans la ferme intention de lui fracasser le crâne. Brian n'allait pas avoir beaucoup de temps. Il recula ses épaules, ne perdant à aucun moment son appui. Il leva les yeux, fixant avec intensité la lame qui tournoyait au dessus de sa tête. Elle semblait tournoyer au ralenti. Soudain, il la vit se figer dans l'air, et fondre sur lui tel un oiseau de proie. Il plia les genoux, mit les mains en coupe, et attrapa la lame entre ses paumes, mettant un genou à terre. La force que déployait cette femme était vraiment extraordinaire, mais Brian réussit à tenir le coup. Il sentait le sang couler de ses mains et un peu le long de ses bras avant de tomber en gouttelettes sur le sol. Sa mystérieuse ennemie eut une exclamation de surprise en le voyant ainsi résister. Brian soufflait sous l'effort. Il sentait la lame descendre peu à peu, ses mains lâcher sous la force de son ennemie. Il attrapa la lame, se fichant totalement de la douleur, et l'arracha des mains de la femme en blanc. Désarmée, elle n'en restait pas moins redoutable. Brian la saisit à la gorge, et la souleva de terre.
« Mais qu'est ce que c'est que ce bordel, nom de Dieu? »
Silver Sable eut une désagréable sensation de déjà vu. Il y a quelques temps, c'était Clint qui la soulevait ainsi, et elle voyait dans les yeux de Brian un grain de folie qui lui fit penser à l'archer. Etait-ce son imagination, ses souvenirs qui se superposaient à son présent? Quelque chose à sa droite bougea, mais le mec habillé en Union Jack ne fit pas attention.
« Tu vas répondre, oui? »
Elle sentit ses doigts se resserrer, et essaya de gigoter. L'ombre qu'elle avait vu passé se détacha du mur. Elle essaya d'articuler quelque chose, voyant l'ombre se rapprocher, tel un mauvais augure. C'était une silhouette voûtée, dont elle n'arrivait pas à déterminer les traits. Elle portait un costume de soirée, et fumait avec un porte-cigarette.
Brian secoua Silver Sable. Celle ci sentait la terreur la gagner. L'Union Jack ne voyait pas le monstre qui se profilait derrière eux. Ou ne voulait pas le voir.
« Mais tu vas parler, salope? »
L'ombre était maintenant derrière Brian. Celui ci sentit des doigts glacés sur sa nuque. Il frissonna, se retourna, et hurla. L'homme ne présentait pourtant aucun attribut physique terrifiant, mais il dégageait de lui une force et un malaise communicatif. Il lâcha Sable qui tomba sur les fesses, et qui aspira l'air à grandes bouffées. Elle reprit son épée et fonça sur l'intrus, tentant de maîtriser sa peur. En la voyant fondre sur lui, il ne fit que rire. Il plaqua la main contre son visage, et Sable sentit son énergie la quitter petit à petit.
« Camilla, dit l'homme sans visage. As tu abandonné Simon quand il avait le plus besoin de toi? Tu as fait de lui cette chose adulée de tous, mais crainte par chacun. Tu as fait de sa vie un enfer. »
Le visage de l'homme d'ombre se mit à apparaître. C'était Simon, le fameux jour de l'expérience, quand le baril de liquide chimique avait explosé près de lui. Comme ce jour là, le visage de l'usurpateur se mit à fondre, laissant comme des traînées de terre glaise sur son crâne maintenant nu. Silver Sable cria de terreur.
« Tes hurlements me fatiguent, très cher. »
Il posa ses mains de chaque côté de sa tête et lui brisa la nuque, d'un coup sec. Silver Sable s'écroula sur le sol, sans vie, inerte.
« Yaaargh »
Brian avait récupéré son épée, et fondait à son tour sur l'inconnu, qui changea encore une fois de visage. Brian cessa net son attaque, regardant bouche bée le nouveau personnage qui était apparu à ses yeux. Il avait du mal à réfléchir, se sentait confus, apeuré.
«Meggan? »
La jeune fille blonde, qui ne devait pas avoir plus de vingt ans, qui se tenait devant lui, prit une pose suggestive à la limite du vulgaire.
« Tu te souviens de moi, Brian. Tu te souviens comme je t'aimais? »
Brian lâcha son épée. Il porta la main à la joue rose de la jeune fille. Il était en pleurs.
« Meggan, je ne voulais pas...
- Me laisser mourir? Bien sûr que non. Tu n'as pas voulu ça. Tu te rappelles certainement pourquoi tu m'as retrouvée dans la baignoire en train de me vider de mon sang? »
Brian avait bu, ce fameux soir. Il s'était disputé avec Meggan, parce qu'elle lui avait dit qu'il travaillait, et qu'il s'occupait trop de ce gamin, ce sauvage de Dane Whitman. Il était parti se saouler. La fille qui l'avait dragué, cette nuit là, avait réussi à le ramener chez lui. Meggan les avait surpris ensemble, comme dans l'un des pires épisodes de Dallas. Elle était partie, avait pris une chambre à l'hôtel, et Brian l'avait retrouvée, morte.
« Brian, tu m'aimes encore?
Oui, mon ange.
Tu te rappelles, l'épée? L'épée d'ébène que Dane t'avait montrée avant de la brûler?
Oui.
Tu as senti la puissance de l'être qui l'habitait. Tu as effleuré son potentiel, mais il est toujours là. Tu as assez de pouvoir pour me faire revenir de ce côté de la mort, Brian. Ton esprit est devenu cette épée. Nourris la, tue tes amis, et les gens costumés qu'ils affrontent en ce moment, et je reviendrai. Et nous vivrons ensemble à jamais, Brian »

Oui, à jamais. Il laissa là Meggan, qui redevint une ombre. S'il voulait qu'il réapparaisse, il devait tuer. Il devait donner du sang, pour qu'elle revienne. Suffisamment de sang. »

Meggan regardait partir son ancien amour avec un sourire carnassier. Ses cheveux blonds se mirent à raccourcir, à noircir. Ses formes diminuèrent, sa nuisette disparut au profit d’un costume masculin. Ses traits se durcirent. Et l’homme que Clint Barton connaissait sous le nom d’Andrew Breckman, et que les Enforcers connaissaient sous le nom de Clark Duncan, apparut. Il épousseta un instant son costume.
Ah, Sebastian. Je te remercie grandement pour tes informations sur Proctor. Un peu de télépathie, et le tour est joué. Quel dommage que tu n’ais pas pu voir ça.
Breckman songea longuement à son mentor. Cet immortel qui lui avait enseigné à manipuler les autres. Il faut avouer que ce talent, conjugué avec ses dons de métamorphose, avait fait de lui un criminel dangereux, et respecté. Et voilà qu’il aurait pu devenir maire de New York, si Hawkeye ne s’était pas pointé. Breckman secoua la tête en riant. Il savait très bien ce qu’il faisait. Sinon, pourquoi aurait-il dévoilé son vrai visage à la télévision ? Il voulait que Hawkeye vienne. Et il y était parvenu. Quand il avait tué le masque, après avoir éliminé Karla, il avait senti le feu sacré quitter le héros. Mais s’il savait que Barton reviendrait tôt ou tard, il ne pensait pas que celui-ci viendrait avec des renforts. Il avait dû se passer quelque chose, durant son bref exil. Quelque chose qui avait achevé ce que Breckman avait commencé. Quelque chose qui avait terminé par le détruire réellement. Breckman sentit un frisson d’excitation lui remonter dans le dos. Il avait bien fait d’attendre. Quand on l’avait payé pour tuer Hawkeye et le Chevalier Noir, il ne savait pas encore que l’archer était à l’origine de la déchéance de son maître. Privé des énergies que lui procurait Proctor et l’esprit de l’arc d’Olenor, Sebastian, que tout le monde croyait mort, s’était réfugié dans les égouts, tel un paria, ou un ange déchu qui avait voulu le pouvoir absolu, mais que Dieu avait foudroyé et jeté aux plus bas niveaux de la terre. Sebastian avait vécu avec une communauté de rejetés, des mutants aux difformités physiques et mentales qui faisaient d’eux des bêtes de foire à la surface. Il n’avait pas appelé Andrew. Il était beaucoup trop orgueilleux pour ça. C’était Andrew qui l’avait trouvé, juste après que Hawkeye quitte la scène. Sebastian était mourant. Il ne pouvait plus survivre sans les énergies fournies par les armes maudites. L’homme vigoureux et fort qu’il fût était devenu un mort en sursis. Diminué, osseux. Breckman avait eu l’impression de revoir des photos sur les déportés. Sebastian était allongé sur une couchette que lui avait préparé Caliban, guérisseur des Morlocks, qui n’avait pas trouvé de remèdes à son mal. Comment aurait-il pu ? Sebastian était un être qui avait parcouru les siècles comme un homme traverse une année. Quand il était descendu dans les égouts, il avait trouvé les Morlocks agressifs. Ils pensaient que l’intrus voulait du mal à leur maître. Mais ils n’ont rien pu faire contre son entraînement mental. Ils le menèrent au Maître, qui mourait lentement. Quand il le vit, Sebastian se cacha le visage avec son oreiller.
« Ne me regarde pas, avait-il dit. »
Andrew avait posé la main sur celle de son maître.
« Depuis combien de temps vous cachez vous ?
- Cela ne te regarde plus, avait grogné Sebastian, la voix étouffée par l’oreiller. »
Andrew avait pris l’oreiller. Ce qu’il vit lui souleva le cœur. Il baissa la tête, honteux.
« Que s’est-il passé ?
- J’ai perdu à mon propre jeu. Les possesseurs des armes d’Olenor se sont révoltés contre moi, et je n’ai pas pu contrer. J’en ai corrompu plusieurs, mais les successeurs de ces « héros » se sont montrés plus vaillants et plus braves que leurs pères et leurs frères. Ils ne se sont pas avilis. »
Le mot héros avait fait tiquer Andrew.
« Qui était-ce, Maître ? »
Sebastian se redressa sur sa couchette, avec un effort surhumain. Dans ses yeux se reflétait la terreur à l’état pur.
« Barton. Clint Barton ne s’est pas soumis. Il a réussi à rejeter le mal, à combattre sa propre corruption. »
Au nom de l’archer, Andrew resta sans voix. Il l’avait eu à sa merci, il y avait à peine dix jours, et il ne l’avait pas tué. Il l’avait fait souffrir, mais il ne l’avait pas tué. Sebastian haussa les sourcils.
« Tu le connais ? »
Tête baissée, Andrew souffla.
« Oui.
- Alors, venge moi, mon fils. Fais le souffrir comme il aurait dû souffrir. Fais le plier face à sa propre colère. Fais lui désirer la mort comme seule paix. »
Ce furent ses derniers mots. Des mots de haine, à l’encontre de l’archer, le seul homme qu’il n’avait pu corrompre. Et des mots d’amour, pour son élève. Pour son fils. Caliban s’était approché. Il avait relevé le drap pour couvrir le corps. Sa face blanche comme de la craie, ridée comme du papier froissée, s’était tournée vers Andrew.
« Maître Sebastian mort. Toi élève de Maître Sebastian ne peut rester ici. Toi élève de Maître Sebastian doit partir. »
Andrew hocha la tête. Il comprenait. Il avait rendu hommage à son maître. Il devait laisser les Morlocks accomplir le leur. Il remit son chapeau sur la tête, et remonta à la surface. Il allait faire revenir Clint Barton. Il allait le faire souffrir. Il allait accomplir les dernières volontés de son maître.

Le présent
Dane releva la tête, encore allongé. Il avait mal au crâne. Il se releva avec beaucoup de difficulté, comme si son corps était de plomb. Il ramassa son épée et appuya sur la garde pour faire jaillir la lame laser. Il remercia encore Elizabeth de son invention. Il vit quelques mètres plus loin le corps de la femme, qui gisait morte. Dane regarda autour de lui. Brian avait disparu. La rue était déserte, totalement vidée des spectateurs qui s’y pressaient plus tôt. Pourquoi avait-il l’impression que la vie qu’il connaissait allait bientôt s’effondrer ?


La nana qui n’était pas plus vêtue qu’une stripteaseuse était toujours assommée. Tommy avait toujours détesté frapper une femme. Bien sûr, il en avait tué quelques unes, mais ça n’avait jamais rien eu de personnel, et il avait toujours détesté faire ça. Mais il faut dire qu’il avait été bien obligé. Elle avait sorti de son sac à dos une batte en fer avec laquelle elle menaçait de le décapiter. Il avait sorti son flingue, avait concentré son énergie psychique sur la crosse, et lui avait donné un coup sur la tempe avant même que la batte ne se soit mise à tourner. Il avait vu dans ses yeux bleus sa conscience la quitter d’un coup. Il en avait la gorge serrée. Bah, il s’en remettra. Ce qui l’avait plus mis en colère, en revanche, c’était le gus qui se prenait pour Guillaume Tell. Il n’avait pas cillé quand l’ancien tueur à gages avait pénétré dans la pièce. Il n’avait même pas cillé quand il avait assommé sa copine. Il avait juste essayé de lui balancer une putain de lance dans la gueule, pour pouvoir tirer sur le client. A croire que l’archer lui en voulait vraiment. Mais ce n’était pas son boulot de le savoir. Il était payé pour protéger. Ca le changeait pas mal, d’ailleurs. Quand on est payé pour tuer, on peut se la jouer suicidaire, là non. Parce qu’en plus de ne plus tuer, il bossait avec d’autres gard. Des collègues. Des… amis ? Bah, un paria parricide, extra-terrestre de surcroît, n’a pas le droit à l’amitié. Qu’aurait dit Jack ? Qu’il se trompait. Jack était son ami. Tommy se concentra sur l’instant présent. Ce n’était pas le moment de tomber dans le mélo. Il toussa, avant de jeter sa réplique.
« Faut qu’j’te dise. Suis content que tu sois là. Pensais que c’ serait un contrat chiant comme la pluie. Mais mon boss m’a pas déçu. T’aurais pas dû te pointer, mec. Car les Enforcers vont te botter l’cul. »


La résidence de Brian Braddock.
Elizabeth était en train de lire quand elle sentit quelqu’un taper à la porte de son esprit. Brian. Elle se leva, lâchant le livre qui tomba à terre. Elle sentait que son frère avait besoin de lui. Joshua Barton, cet inconnu dont ils ne savaient presque rien, parut dans l’encadrement de la porte. Il avait l’air sonné. Gêné, aussi. Il essaya de ne pas croiser son regard.
« Excusez moi, mais j’ai ressenti quelque chose… d’étrange. A propos de mon frère. Et du vôtre. Je pense que l’on ferait mieux d’aller voir ce qu’il se passe. »
Elizabeth hocha la tête, prit les clefs de sa voiture, et entraîna Joshua dans le garage.
« Vous conduisez un 4x4 ? »
Elizabeth la regarda un instant comme un débile mental.
« Et alors ? ».
Elle mit la clef dans le contact. Le moteur rugit, et ils partirent rejoindre les Enforcers.


L’archer se jeta sur lui avec un hurlement de rage. Le tueur à gages fut surpris par un tel déchaînement de violence. Il essaya de lancer son esprit comme attaque, afin de se dégager de la poigne de ce ciglé qui le rouait de coups. Mais y’avait pas moyen. Il était allongé sur le sol, à la merci de son agresseur Celui-ci le releva par le col de sa chemise. Il lui cracha à la figure en rigolant.
« T’essaies de faire quoi, mec ? De me lancer une sonde mentale ? T’inquiètes pas, je suis vacciné. »
Il continua à le rouer de coups. Tommy sentait les poings tels des marteaux piqueurs qui tombaient inexorablement sur sa face. Mais le martèlement cessa soudain. Il ne sentait plus le poids de l’archer sur lui. Il ouvrit les yeux.
« Danny ? »
Masqué par un immense bandana jaune, vêtu seulement d’un kimono orné d’un grand dragon noir, Danny avait viré Clint Barton de son pote. Il canalisait dans son poing son énergie intérieure pour assommer l’archer. Celui-ci esquiva le coup en plongeant sur la droite. Mais il perdit l’équilibre. D’un coup sur la nuque, Danny lui fit perdre connaissance.
« C’est moi. »
L’expert en arts martiaux tendit la main à son coéquipier. Tommy se releva et regarda l’archer. Inconscient, son visage était parcouru de tics. Nerveux, le garçon.
« Qu’est ce qu’on fait d’eux ? »
Tommy resta un instant silencieux, les yeux dans le vide, bouche entrouverte. Danny le poussa doucement. Tommy cligna plusieurs fois des yeux, ses pupilles dilatées reprenant leur taille normale.
« Ca va ?
- Je viens d’avoir le Chevalier Noir. Brian a eu des problèmes avec une femme. Sûrement une copine à lui, fit-il en pointant Hawkeye du doigt. Il a voulu intervenir, mais elle l’a mis hors jeu trop rapidement. Quand il a repris ses esprits, il était seul, la femme morte près de lui. On ne sait pas où est passé Britannic. On le rejoint avec cet empaffé et sa pouffe. »
Danny se frotta le menton. Il prit Hawkeye sur son épaule, Tommy prit Barbara. Ils descendirent les étages de l’immeuble avec Tommy qui les couvrait de ses flingues aux résonances étranges.
Ils retrouvèrent Dane dans la rue. Le ciel s’était couvert, et des éclairs parcourraient les nuages noirs et lourds. Chouette ambiance. Dane semblait à bout de force. Quand il reconnut Clint sur l’épaule de Danny, il courut à leur rencontre. Danny déposa leur prisonnier à terre. Clint commençait à reprendre ses esprits. Dane s’agenouilla à côté de lui.
« Clint, qu’est ce qui se passe ? Qu’est ce que tu fais ici ? »
Clint toussa. Il reprit sa respiration avec peine et difficulté.
« Votre client, souffla-t-il. C’est celui qui t’a fait ça. »
Il toucha la manche vide de son ancien associé, et Dane sentit une grosse boule lui tomber dans l’estomac. Il aurait dû le savoir. Sa voix…
« Clint, je suis désolé. J’ai vu que tu n’étais pas venu seule. »
Clint se mit debout, et toucha le front de Barbara, encore inconsciente. Dane le rassura.
« Elle n’a rien, mon ami. Mais la femme en blanc est morte. »
Camilla. Encore un ami qui paye pour mes erreurs.
Il toussa, cracha un mélange de sang et de morve.
«Où est Simon ? »
Dane se tourna vers ses associés.
« Il y a un problème avec Jack, je crois. »


Simon avait remarqué que l’un des gardes du corps de ce fameux caméléon dégageait le même type d’énergie que lui. Cagoulé, l’homme trahissait dans ses mouvements un manque de confiance en soi. Simon avait envisagé la possibilité que, comme lui, homme put être victime d’un accident chimique. Son adversaire avait lui aussi senti une affinité entre leurs énergies, et quand la foule s’était dispersée, il s’était jeté sur lui avec violence, telle une fusée humaine. Depuis, ils se battaient dans les nuages qui se gonflaient de vent et d’électricité, attaquant, parant les coups de l’autre, envoyant de leurs poings des pics d’énergie, qu’ils repoussaient en dressant des boucliers télé kinésiques. Ils s’essoufflaient tous les deux. Aucun ne prenaient le dessus.

Du sol, Clint, Danny, Dane et Tommy regardaient ces deux titans s’affronter dans le ciel, tels des mortels incapables d’intervenir dans le choc des dieux. Ils virent tous les quatre les deux adversaires foncer l’un vers l’autre, n’essayant même plus de dresser des parades. Il y eut soudain une explosion, dans les nuages. Dane dut se couvrir les yeux pour ne pas être aveuglé par l’éclat que dégageait le choc. La main en visière, il osa poser un regard sur la scène des cieux. Là où se trouvaient deux surhumains, ne se dressait plus qu’une silhouette sur laquelle dansaient des flammes bleues.

Les tuer. Tous les tuer. Pour te ramener, mon amour. Pour que nous vivions encore ensemble, à jamais.
Totalement hors de lui, son épée grinçant contre le sol, Britannic se dirigeait vers le groupe des quatre hommes qui regardait vers le ciel. Il sentait monter en lui un pouvoir comme jamais il n’en avait goûté. Soudain, son ancien apprenti, ce petit con morveux et pleurnichard de Dane, se retourna.
« Attention. »
L’épée que Britannic avait levée bien haut pour pouvoir fracasser le crâne de Tommy s’abattit sur le sol. L’ancien héros du Royaume Uni poussa un hurlement de rage et son épée se mit à faire des cercles en l’air.
Il n’est pas comme d’habitude. La dernière fois que j’ai vu cette lueur de rage incontrôlée, c’était dans les yeux de…
Tout se fit clair. Dane repensa à la fois où il avait montré le bout de bois à son ancien mentor, et se rappela de la convoitise que Brian avait eu pour l’objet maudit. Tout était clair.
« Brian, arrête ».
Pour contrer la lame de son ami, qui semblait se teinter de mauvaises ondes, Dane fit sortir le laser de son épée. Il sentait Brian qui poussait de toutes ses forces pour le déséquilibrer. Danny sauta derrière leur allié devenu fou, et commença à concentrer son énergie dans son poing. Dane sentit soudain la pression contre sa lame diminuer. Brian dégagea son épée, fit volte face, et plongea la lame dans le thorax de l’expert en arts martiaux. Celui-ci resta tout d’abord interdit, les bras pliés comme ceux d’une vulgaire marionnette. Ses mains prises de convulsions vinrent prendre et serrer la lame. Il eut un haut le cœur, et vomit du sang, avant de s’écrouler.
« Merde. »
Dane se jeta sur son ancien mentor, mais celui-ci était beaucoup trop puissant. Il le repoussa comme un vulgaire fétu de paille.
« Tu vas mourir, Whitman ».
Sa voix même avait été altérée par l’esprit de l’épée. Mais ça ne collait pas. L’épée avait été détruite. Et Brian n’avait pas fait couler le sang avec elle.
Brian s’apprêtait à abattre une nouvelle fois son épée. Et cette fois, trop effondrée par la mort si soudaine de leur coéquipier, dont ils savaient si peu de choses, ses adversaires ne le remarquèrent pas.
« Brian ? »
Brian baissa son épée. Un sourire niais se dessina sur son visage.
« Oui, mon amour ».
Dane vit une jeune fille apparaître de nulle part. elle portait un ensemble de collégienne. Elle portait un sac à dos.
« Brian, tu en as déjà tué un. Laisse moi ces deux là. »
Cela semblait irréel. Cette adolescente qui semblait être la candeur incarnée pointait du doigt et regardait d’un œil gourmand le Chevalier Noir et Hawkeye.
Brian n’avait sans doute pas entendu. Il leva son épée, pour la énième fois, mais la foudre tomba sur lui. L’être qui était apparu dans les airs à la place de Simon et de Jack avait lancé un éclair. Brian, foudroyé, s’effondra aux côtés de sa victime. L’image de la jeune fille se brouilla. Breckman/Duncan se trouvait maintenant à la place de la jeune fille. Il leva la tête pour voir d’où provenait le rayon.
« Qu’est ce que c’est que cette merde ? »


Elizabeth appuya sur la pédale de frein quand elle vit le rayon rouge frapper son frère. Elle sortit de la voiture et braqua le canon à impulsion sur la créature qui avait tué son frère.
« Salopard. »
Elle tira. La créature, qui n’avait qu’un seul œil rouge, sans pupille, et une crête bleue sur la tête, arrêta de sa main le projectile. Il descendit sur le sol, face à Elizabeth. Celle-ci tentait en vain de recharger son arme. La créature posa sa main sur son front, avec une infinie tendresse.
« Non, souffla-t-elle. »
Elle tomba à genoux en pleurant. La créature avait enregistré les dernières minutes de la vie de son frère, sa déchéance, et les lui avait transmises. Elle releva son visage baigné de larmes vers l’inconnu qui semblait débarquer de Star Trek
« Merci, chuchota-t-elle. »

Joshua courra vers son frère qui n’en croyait pas ses yeux.
« Joshua. »
Clint se précipita vers lui, abandonnant Dane qui venait de perdre deux amis. Breckman soupira de consternation.
« On se croirait dans un mauvais épisode de la petite maison dans la prairie. »
Il sortit de sa poche un revolver minuscule, tendit le bras, et tira une seule balle. Joshua la vit ressortir par la tête de son frère.
« Non, hurla-t-il. »
Breckman secoua la tête, faussement triste.
« Retrouvailles annulées, mon cher. Dommage. »
Dane se tourna alors vers ce monstre.
« Mais merde. Pourquoi nous ? Tu m’as déjà coupé un bras, tu as tué ta propre femme pour faire disparaître Hawkeye. Cela ne suffisait pas ? »
Breckman rangea son flingue.
« A l’époque, ç’aurait suffi. Mais je ne savais pas que vous étiez responsables de la mort de mon maître. Shaw. »
Cela ne finirait donc jamais. Le père maudit, le fils vengeur, le frère ressuscité. Il regarda les trois cadavres qui n’étaient pas éloignés les uns des autres. Des pièces d’un jeu d’échecs éternel.
Barbara se réveilla à ce moment. Dane se précipita vers elle et la serra dans ses bras. Elle tenta de se débattre.
« Non, Barb. Ne regarde pas. Pas maintenant. »
Elle pleurait, se débattait, mais finit par arrêter de gesticuler pour laisser aller sa tristesse dans les bras du Chevalier Noir.
La créature apparu de la fusion de Simon et de Jack s’approcha en lévitant de Breckman, qui tenait de la repousser en tirant balle sur balle. Mais les projectiles tombaient à terre dès qu’ils la touchaient sa poitrine. Elle prit la tête de Breckman dans ses mains, et planta son regard dans le sien.
« Non, hurla l’assassin. Non, pitié arrêtez ça. »
Puis il s’écroula à son tour, blanc comme un linge, pris de convulsions.
« Que lui as-tu fait ?, demanda Dane. »
La créature se tourna vers lui. Sa bouche ne bougea pas, mais tous entendirent ses paroles.
« Je lui ai fait ressentir la souffrance qu’il avait causé. Il n’a pas supporté le choc. »
Joshua contempla avec fascination le corps de son frère. Sa tête avait littéralement explosé. Il ne restait plus qu’un amas sanguinolent d’os et de chair.
La créature quittait le sol et prenait de l’altitude.
« Eh, fit Tommy. Où tu vas ?
- Vous n’avez plus besoin de moi. Je pars aider les autres.
-Mais Jack ? Et l’autre, Simon ? »
La créature eut un ton lugubre.
« Ils sont morts. Adieu. »
Elle partit comme une flèche dans les cieux, laissant ainsi ce qui restait des Enforcers sur un champ de bataille presque jonché de cadavres. Tommy sortit son paquet de cigarette, et s’en alluma une, avec son zippo.
« Et nous, qu’est ce qu’on fait ? »
Dane regarda les morts autour de lui. Barbara était serré contre lui, secoué par les sanglots. Brian Braddock, Danny Rand, Clint Barton, Camilla Sable, Jack Hart, Simon Williams. Morts. Il désigna à Tommy le cadavre de Andrew Breckman.
« Brûle moi ça, d’abord. Dis moi, à ton avis, pourquoi les flics ne sont pas intervenus ?
- Ils ont essayé. Je les ai empêchés avec ça, répondit Tommy en tapotant de son index et de son majeur son front.
- Je vois. Il ne nous reste plus qu’à enterrer nos morts. »

                                          Suite et fin dans Urban Hawkeye #39