Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Novembre 2005
Lentement, ses pas claquaient sur le sol en faïence de l’immense couloir blanc et propre. Lentement, il regardait chaque chose, chaque objet, chaque statue, s’imprégnant de l’atmosphère d’étrangeté, de fantaisie et de sécurité qui provient de ce petit musée. Lentement, le jeune Chris Stown regardait les différents éléments qui formaient le noyau central du repaire secret d’Eots, la Cave, située sous sa maison.
Eots…lentement, Chris se rappella tous les doutes, toutes les incertitudes qu’il avait eus sur lui…comment avait-il pu penser cela ? Comment avait-il pu remettre en cause l’innocence, la bonté et l’héroïsme de cet être ? Le jeune homme en souriait presque de se rappeler son ignorance d’avant.
Mais comment pouvait-il se blâmer ? Le complot était tellement bien fait…comme il l’avait pensé, on voulait salir Eots car il devenait trop entreprenant et risquait de regarder les affaires des « grands » de Washington, qui ne voulaient pas vraiment cela. Heureusement, cela allait s’arrêter…heureusement, Eots allait tout arranger…comme toujours…
« Chris ? »
L’adolescent se retourna presque au même moment que lorsque la voix douce et calme de son héros se fit entendre dans le petit musée qui comprenait toutes ses récompenses. Chris sourit alors à l’homme qui marchait tranquillement vers lui.
Eots. La cape au vent. Le costume nettoyé. Une classe folle, un charisme inégalé. Eots, un phare dans la nuit. Eots, le symbole de la Liberté, de la Justice et de l’Honneur. Eots, son héros. Eots, son…
« Père…
- Tu as visité ce que tu voulais, Chris ? Cela peut impressionner, la première fois, mais je m’y suis fais rapidement, même si j’éprouve toujours de la fierté et de l’honneur à regarder tout cela…
- Je n’ai pas tout regardé. J’en suis à peine aux souvenirs de tes premières années de carrière…
- Ah, oui…tiens, tu sais ce que c’est, ça ? »
Le protecteur de Washington montra calmement du doigt une armure en métal assez ancienne et qui semblait avoir vue des jours meilleurs. Elle était dans une vitrine et l’on pouvait lire sur un petit écriteau : « Fullzaro Armor ».
« Fullzaro Armor ? C’est quoi ce nom ? On dirait le pseudo d’un jouet pour gamins…
- Mmh, c’est vrai que maintenant ce nom prête à rire…mais il fut mon plus grand ennemi lorsque j’ai débuté, tu sais. Bien sûr, maintenant plus personne ne s’en souvient vraiment, mais il avait bien failli détruire Washington dans les premiers jours de mon établissement dans la ville. Heureusement, j’ai pu le vaincre…
- Comment ?
- Quoi ?
- Bah, comment tu l’as battu ? »
Simon Stown resta alors silencieux quelques instants, le regard dans le vide. Son fils comprit alors qu’il devait chercher dans ses souvenirs la façon dont il avait arrêté ce « Fullzaro » avec son armure…après tout, avec toutes ses aventures, tous les risques qu’il a prit, tous les dangers qu’il a vaincus…comment lui en vouloir quand il ne se rappelle pas de tout ? Son fils, en tout cas, n’avait même pas l’idée de chercher au-delà de cela, trop occupé à idolâtrer désormais cet être de majesté qui était à ses côtés.
« Mmh…en fait, je crois que je lui avais frappé dessus assez violemment, et que son armure était ainsi tombée en panne…oui, c’est ça…je l’ai beaucoup frappé, et il n’a plus pu m’arrêter…
- Ah… »
Chris était légèrement déçu par cette explication assez banale de la victoire de son père contre celui qui portait naguère cette armure. Le jeune homme avait déjà imaginé une brillante idée faite juste avant que l’ennemi n’attaque le capitole, une découverte scientifique majeure, un dépassement des limites d’Eots pour sauver le Président et pour finir la défaite flagrante du méchant…
Mais apparemment, cela n’était rien de tout cela…Stown remarqua alors la légère déception de son enfant.
« Il y a un problème ? »
La voix avait été dure et sèche, le ton cassant et autoritaire. Alors qu’avant, le jeune homme était en compagnie d’Eots, là il se sentait plus avec son père…ce père qu’il n’appréciait pas et qu’il n’hésitait jamais à dénigrer ou à maudire…
L’adolescent leva la tête vers l’homme en costume démasqué et lui fit un sourire, qui était un peu plus masqué que les précédents.
« Non, non…j’imaginais juste la tête du dingue qui pouvait créer ça…
- Ah ! ça…bah, je ne m’en souviens plus non plus…et cela n’a guère d’importance. Allez, viens avec moi, j’ai à te montrer certaines choses. »
Le ton de l’homme costumé était redevenu doux et calme, et son fils le suivit alors sans dire un mot.
Chris observa alors la stature et l’allure qu’avait son père quand il marchait : grand, fort, impressionnant, musclé…rien ne semblait pouvoir résister à cette force de la nature…le jeune homme allait-il aussi devenir ainsi ? Allait-il aussi avoir des pouvoirs ? L’adolescent ne s’était pas encore posé cette question depuis son réveil, mais maintenant il se demandait…et si il allait aussi devenir, comme son père, un super héros ?
« Viens, assieds-toi. »
Eots avait marché quelques instants pour déboucher sur le fond du couloir, une immense table ronde au centre de laquelle se trouvait un petit objet rectangulaire. Le héros s’était assit à la place qui était dos au mur devant eux, et invitait son fils à se mettre juste de l’autre côté, de façon à ce qu’ils soient face à face.
Chris obéit et joint les mains, regardant un peu partout autour de lui si il n’y avait pas encore quelque chose d’intéressant à observer. Et, bien sûr, c’était le cas.
La salle était en fait assez ronde et sur chaque mur, il y avait des photos, des posters, des cartes…mais rien ne semblait être familier à Chris, qui était pourtant assez doué en géographie. Ces images montraient des choses, des lieux et des continents qui semblaient ne pas exister sur Terre…comme si…comme si cela ne montrait pas la Terre…
Pris d’un fort pressentiment, l’adolescent tourna sa tête vers l’autre côté et regarda les autres choses qui étaient présentes dans la salle, tandis que son père commençait doucement à sourire. Il y avait plusieurs objets entassés : une mappemonde différente de celle que tout terrien connaissait, des bouts de terre étranges placés dans une vitrine, une sorte d’armure rougeâtre, une immense porte verte…tout cela…tout cela ne semblait pas très « normal » ou…ou terrien…
« Je vois que tu commences à comprendre, Chris… »
L’adolescent tourna alors une tête stupéfaite envers son père.
« Mais…mais c’est quoi tout ça ? D’où ça vient ?
- De chez moi.
- De chez toi ?!
- Oui. De ma terre natale. Kimota. »
Eots appuya alors sur un bouton sur le petit objet rectangulaire au centre de la table, et celui-ci fit alors apparaître au-dessus de lui une représentation en trois dimensions d’une planète qui n’était pas la Terre et qui comprenait, apparemment, les mêmes continents que ceux sur les cartes au mur. Chris avait la bouche ouverte de surprise tandis que Simon Stown continuait doucement de parler.
« Je ne suis pas né sur Terre, Chris. Je viens de cette planète désormais détruite, Kimota. Cet endroit se trouvait à des années lumières d’ici, et contenait ce qu’on peut facilement appeler la race la plus évoluée de l’univers. Mes congénères étaient des êtres forts, robustes et très intelligents. Ils avaient réussis à dompter leur nature guerrière et leur planète après des siècles de guerres et de massacres comme la Terre en a connus, et ils avaient décidés de tous se rassembler pour s’aider et aider l’univers.
Ainsi est née l’Union, un consortium de plusieurs planètes après que mes ancêtres aient utilisés leurs vaisseaux pour aller soumettre leur idée de paix et de coopération entre races sur les autres planètes de leur système stellaire. De longues années durant, l’Union a prospérée jusqu’à devenir la première puissance universelle, donnant à tous les être son programme de paix et de sérénité. Malheureusement, cela ne fonctionne pas toujours ainsi partout…
L’Union s’est faite de nombreux ennemis et peu à peu elle a commencée à perdre des batailles…puis des guerres…tant et si bien qu’un jour, même Kimota fut vaincue, et fut détruite par la même occasion par les peuples barbares qui continuent à se faire la guerre dans l’espace… »
Chris n’avait rien dit durant tout le discours de son père, et ne savait que penser maintenant. Que disait-il ? Avait-il perdu l’esprit ? Une histoire de planète extraterrestre, de peuples aliens, d’une Union universelle…qu’est-ce que c’était que tout cela ?!
Bien sûr, le jeune homme avait un esprit ouvert et pensait que les hommes n’étaient pas les seuls dans l’univers, mais il ne pensait pas que son père puisse être un extraterrestre…surtout après une telle histoire ! Même si il était prêt à croire tout ce que Eots lui disait, il avait énormément de mal à assimiler toutes ces informations qui étaient abracadabrantes…
Son père vit alors sa surprise et le petit débat intérieur qui se passait en lui sur son visage, et il lui sourit encore en lui parlant calmement.
« Oui, je sais…cela peut te paraître fou ou totalement débile, comme tu dis, mais…c’est vrai. Je suis né dans les étoiles, envoyé par l’Union sur Terre pour donner la bonne parole de l’organisation. Malheureusement, mon vaisseau eut des ratés et je ne vins que tardivement ici, tandis que l’Union était déjà détruite et Kimota presque vaincue. Je fus recueilli enfant par des fermiers de Virginie qui m’élevèrent comme leurs fils…
Ce n’est qu’à ma majorité que je remarquais que j’avais des pouvoirs supérieurs à ceux des humains. Mes parents adoptifs me montrèrent donc le vaisseau dans lequel j’étais arrivé, et j’appris tout ainsi de l’Union et de ma mission. Malheureusement, certaines informations étaient incomplètes, et je décidais donc d’utiliser mes pouvoirs pour aller dans l’espace chercher ceux de ma race. Bien sûr, je n’ai rien trouvé et j’ai appris l’horrible vérité…
Je suis alors revenu sur Terre et j’ai depuis juré de défendre l’Honneur et la Justice. »
Simon Stown se tu alors, tandis que son fils analysait tout ce qu’il venait d’apprendre sur lui…c’était totalement fou…totalement exceptionnel et presque impossible…mais…mais ça se tenait…c’était possible…même si c’était complètement tiré par les cheveux, Chris commençait à y croire…
Si n’importe qui d’autre lui avait dit cela, le jeune homme aurait ri comme un fou et se serait moqué de la personne…mais là…là, c’était son père…c’était Eots…c’était lui qui lui disait cela…lui qui pouvait faire des choses incroyables…lui qui était presque invincible…lui, son idole…son icône…celui qu’il admirait plus que tout sur Terre…
Il ne pouvait pas lui mentir…non…c’était obligatoirement vrai…
L’adolescent sourit alors. Il allait dire à son père à quel point il était fier de lui, à quel point il était fier d’être son fils quand il fut stoppé dans son élan par une violente explosion sur sa droite. Le mur qui contenait naguère l’armure rougeâtre et la mappemonde étrange de Kimota vola en éclats avec tout ce qu’il contenait.
En un geste, Eots fut debout, une expression de rage sur le visage. Il allait s’élancer lorsqu’un rire étrange, vicieux et pervers se fit entendre. Bizarrement, le héros stoppa et une expression de crainte et de peur s’afficha alors sur son visage tandis que l’on entendait des bruits de pas claquer dans la fumée de l’explosion.
« Alalala…mon cher Simon…quel ramassis de conneries tu peux inventer, quand même ! J’ai tout écouté, et je dois dire que je suis impressionné… »
La voix était aussi dérangeante que le rire, et Chris vit alors un être assez petit et rondouillard en costume Armani blanc s’arrêter juste après les gravats. Trois hommes en noirs étaient derrière lui, et deux hommes en costume cravates bleu foncés étaient à la droite et à la gauche du petit homme qui parlait.
Eots, lui, baissait peu à peu la tête et les poings qu’il serrait naguère, à la grande surprise de son fils qui ne comprenait pas ce qu’il se passait.
« Tu ne dis rien ? Ce n’est pas ton genre, pourtant. Ah, c’est vrai…tu ne veux rien dire devant ton fils…Chris, c’est ça ? Bah, après tout…pourquoi lui dire, hein ? Il peut bien vivre dans l’ignorance…mais bon…j’ai toujours pensé qu’il était bon que les gamins sachent vraiment comment est le monde…comment sont les gens…tu ne veux pas savoir qui est vraiment ton papa, Chris ? »
Le jeune homme ne comprenait rien…qui étaient ces types qui semblaient connaître son père ? Que voulait dire le gros en parlant de la véritable identité de son père ? Et pourquoi avait-il soudain un très mauvais pressentiment ?
« Euh…je sais qui il est…
- Ah ? Et qui il est ?
- Il est…il est le dernier survivant de Kimota…il est invincible…il est plus qu’un humain…il est héros ! Il est le protecteur de Washington ! Il est un être de Bien ! Il est Eots ! Et j’en suis fier ! »
Au fil des mots prononcés par Chris, l’adolescent s’était sentit plus fort. Ces types voulaient le piéger et avaient apparemment quelque moyen de chantage sur son père, mais il allait l’aider ! Il allait le sauver ! Comme il l’avait fait ! Et son père allait être fier de lui !
Malheureusement, ces belles illusions d’enfant commencèrent doucement à craquer tandis que le petit rondouillard explosait de rire après les paroles du jeune homme. Il ne reprit son calme qu’après de longs instants, tandis que Eots ne faisait toujours rien et avait les yeux baissés.
« Alalala…il est presque aussi doué que toi pour me faire rire, Simon ! Enfin bon… »
Le petit homme sourit vicieusement à Chris qui se sentit mal à l’aise face à ces petits yeux pervers qui le fixaient.
« Ouais, ton père c’est Eots…mais tout le reste est faux…totalement faux…c’est une fable qu’il a créée pour ne pas te dire la vérité…l’horrible vérité. Il ne vient pas de Kimota…il n’est pas un héros…il n’est pas un protecteur…il n’est pas un homme de Bien…c’est Eots…mais Eots, tu sais ce que c’est vraiment ? Nan, bien sur que nan…Eots, c’est une abréviation, l’abréviation de sa mission…un clin d’œil sympathique, une blague que seuls certains peuvent apprécier…Eots, ça veut dire Ennemy Of The State… »