Urban Comics
  Ghost Rider #2 : La fin?
 
Auteur : Zauriel
Date de parution : 

Il avait dans la bouche le goût de l’amertume et de la déception. Un goût difficile à se débarrasser, un goût que l’on savourait malgré tout. Il avait fait un petit tour, à pied, mais cela ne lui suffisait pas pour se défouler. Non, il y avait mieux que ça. Il était revenu à la résidence et était descendu au garage. Là, sous une large bâche, elle l’attendait. Il ne l’avait pas encore touché qu’on aurait dit qu’elle s’était déjà mise à vrombir. Etait-elle douée de raison, était-ce seulement son imagination ? Qu’importe, après tout. C’était la seule qui ne l’avait jamais abandonné. Toutes ces années, malgré les coups durs, malgré les déceptions, elle avait toujours été là. Il retira la bâche. Et elle était là, sous ses yeux, toujours aussi belle que lorsque son père la li avait offerte, il y a combien de temps déjà ? Le temps n’avait aucune importance avec un engin comme celui là. Ses phare semblaient lui faire des clins d’œil. Alors, disait-elle, on y va ? Bien sûr que l’on va y aller, ma chérie. Il sortit la clef de sa poche et la fit tourner sur son index plusieurs fois. Il alla ouvrir la grande porte du garage. Comme il était resté de nombreuses minutes dans une obscurité quais totale, le soleil lui fit mal aux yeux et il mit sa main en visière devant ses yeux. Le temps qu’il faisait était idéal. Il enfourcha la moto et mit le clef dans le starter. Un son pareil, pour des connaisseurs, c’était du Mozart ou du Bach. Il laissa la clef sur la moto et partit chercher son casque dans les cartons qu’il avait entreposé là. L’excitation le gagnait, et il se sentit con. Totalement débile, même. Pourquoi avait –il arrêté d’en faire du jour au lendemain ? D’abord, parce que ça faisait flipper Rachel. Elle ne supportait pas de le voir chevaucher ce qu’elle appelait « ce putain d’engin de mort te tuera un jour, Johnny . » En fait, en y pensant bien, elle était certainement jalouse. C’est vrai, il s’éclatait plus avec sa bécane qu’avec elle. Elle lui avait toujours reproché de ne pas être assez vigilant, même s’il portait toujours son casque. Et pourquoi n’avait-il pas recommencé, quand il était avec Maria, tout simplement parce qu’il avait arrêté. Que la moto appartenait à son passé. Qu’il avait pris l’habitude, alors qu’il était avec Rachel, de ne plus penser au terme « moto » ou à tout ce qui l’approchait. Au fond, les femmes , non contentes d’être la source à problèmes la plus intarissable de l’univers, ne comprenaient rien aux besoins et aux envies des hommes. Et leur vie se résumait à une lutte implacable contre les hobbies machos de leurs homologues masculins. Qu’elles aillent toutes se faire foutre ! Johnny ne trouva pas son casque dans les cartons. Il avait trouvé de vieilles photos du chalet de ses grands parents, en Alaska, où il allait skier avec ses parents et des cousins. Il avait ressenti de la tristesse en regardant cette photo. Papa, maman, papy et mamie, plus une ribambelle de gosses qui souriaient avec une joie un peu naïve à l’objectif. Maintenant, qu’est ce qu’il restait de sa famille ? Ses parents et grands parents étaient morts. Les cousins avec qui il avait joué étaient éparpillés aux quatre coins du pays. Et sa tante Bertha n’oubliait jamais de leur rappeler qu’il était devenu « une personne de piètre qualité, un homme tout à fait inintéressant qui vit dans la débauche et la luxure . » Quelle emmerdeuse. Toujours est-il que casque, il n’y avait pas. Johnny soupira, agenouillé devant le grand carton entrouvert sur les souvenirs, qui, même s’ils n’étaient pas toujours roses, avaient fait de lui l’homme qu’il est aujourd’hui. Allait-il vraiment abandonner cette excitation qui le gagnait sous le simple prétexte qu’il n’avait pas de casque ? Allait-il ensuite aller se vautrer devant la télé, une bière à la main gauche, la télécommande dans la main droite, zappant entre un match de base-ball local, avec des commentaires de merde, et un feuilleton à l’eau de rose pour ménagères de moins de cinquante ans ? Certainement pas ! Non, il allait faire un tour, casque ou non. Avec défi, il enfourcha la moto et partit en trombe, laissant la porte du garage grande ouverte, et un concierge qui l’abreuva d’insultes devant cette « impardonnable » faute de locataire. Il était parti pour faire une de ces longues promenades, celle qu’il avait l’habitude de faire quand il venait d’avoir l’engin. Déjà, il avait quitté la ville, et le trafic avait diminué. Il passait entre les voiture avec une grâce et une vitesse indescriptibles. Ses longs cheveux noirs, sur lesquels on voyait apparaître, comme les prémices de la vieillesse, de minces filets d’argent, volaient contre le vent. C’était ça, la liberté. C’était prendre son engin, et aller où on voulait, ou plutôt, où il vous conduisait. C’était sûr. La moto avait une âme propre. Johnny avait pensé faire une petite balade en ville, et il était déjà en campagne. Il était libre, sans attaches, sans rien qui le retienne. Mais peut être que s’il avait su qu’en oubliant son casque, il avait signé son arrêt de mort, il serait peut être resté chez lui, vautré dans son canapé.


« Merde, qu’est ce qui s’est passé ? »
Wallace avait blêmi quand il avait vu son frère débarqué dans son bureau, le visage dégoulinant de ce sinistre liquide, un œil crevé. Il n’avait pas débarqué. On l’avait traîné. Il s’était barré de chez Blaze aussi rapidement qu’il avait pu, mais pas aussi rapidement qu’il l’aurait voulu. Et bien sûr, comme dans chaque coup dur, comme dans chaque situation quasi désespérée, Théodore était allé voir son frère, officiellement notaire dans la petite ville de Kenston City, mais aussi gros bonnet local, qui s’occupait aussi bien de filles, de coke, que d’armes. C’était de plus, selon certaines mauvaises langues qui voulaient nuire à Maître Henderbach, un sale enfoiré opportuniste. Mais cela n’empêchait pas à Wallace Henderbach d’avoir pour son frère un amour des plus fidèles, d’autant plus que le frère en question était un abruti fini doublé d’un boulet. Il l’avait déjà vu venir dans son cabinet dans un sale état, mais pas aussi amoché que cette fois là, Dieu merci. Il reconnaissait volontiers que son frère était un profond crétin, qui, depuis tout petit, se trouvaient dans des situations impossibles. Heureusement que le « frérot Wallace » était là, pour le protéger, et pour remettre de temps en temps quelques pendules à l’heure, histoire que l’on n’oublie pas que même si Théodore ne valait ni son frère, ni son père, il était quand même de la famille Henderbach. La visite de Théodore tombait vraiment au mauvais moment. Wallace était en train de s’occuper d’une affaire vraiment importante. Ses deux invités, Vitto Melani et Gregor Birchulov, qui travaillaient ensemble depuis des années et des années, avaient un petit ennui. En effet, ils voulaient faire construire un nouveau centre commercial, en ville. Mais le seul terrain sur lequel ils pouvaient le construire était déjà pris, par une vieille maison habitée par une femme qui refusait les offres que lui proposaient les deux hommes d’affaires. Rien à faire, la vieille tenait à sa baraque, et ne voulait pas qu’elle soit détruite. Ils avaient tout essayé. Le chantage, la menace, mais la vieille leur avait ri au nez. En ville, on racontait que c’était une sorcière, qui jetait des malédictions à qui s’en prenait à elle. Les deux hommes, malgré eux, avaient été impressionnés par ces ragots quelques peu inquiétants, et, d’un commun accord, avaient décidé de demander de l’aide à Maître Henderbach, pour qu’il règle le problème. Seulement là, Wallace n’avait pas eu le temps de prononcer un mot après le récit que venait de lui faire Vitto Melani que son frère surgit dans le bureau. Les deux associés avaient jeté un coup d’œil au nouvel arrivant, puis avaient jaugé Wallace d’un air dur. Qu’est ce que c’était que ce bordel ? Que foutait ce loser ici ? Wallace avait dit aux deux hommes qu’il réfléchirait à la question, et ils avaient pris congé, non sans observer le jeune Théodore qui dégoulinait sur la moquette. Quelle famille !
Après qu’ils soient partis, Théodore s’était assis sur la chaise qu’occupait Melani deux minutes plus tôt. Il avait penché la tête en arrière et inspirait péniblement. Wallace avait dit à Sharon, sa secrétaire, de ne recevoir personne cet après midi. Il était ensuite aller chercher de la glace qu’il avait appliqué avec attention autour de l’œil de son frère.
« Théo, qui t’a fait ça ? »
Théodore était à bout de forces. Venir jusqu’ici lui avait vidé les batteries. Il sentait qu’il s’en allait. Il sentait que c’était fini pour lui, qu’il ne reverrait plus le lever, ni le coucher d’ailleurs, du soleil. Non, il ne voulait pas partir si vite. Il y avait tant de choses à voir. Il leva la main, et chuchota à l’oreille de son frère celui qui l’avait défiguré. Ses yeux se fermèrent. Peut être la Grande Faucheuse eût elle pitié de lui, peut être que l’heure de Théodore Henderbach , n’était pas encore venue, car Elle le laissa en vie.

Dans sa chambre, Maria faisait sa valise. Elle avait eu le temps de prendre une douche, mais ses gestes étaient maintenant paniqués. Ils allaient débouler d’une seconde à l’autre. Bingo. La porte s’ouvra sur Wallace, qui était accompagné de deux de ses gorilles. Maria prit la poignée de sa valise et l’envoya dans l‘un d’eux, qui eut le souffle coupé par le choc. Elle se précipita derrière le lit et ouvrit son chevet. Merde, il avait disparu !
« C’est ça que tu cherches ? , cria Wallace en sortant de sa poche un 45. »
Foutue. Elle était foutue. Que ce salopard brûle en Enfer. Johnny ne pensait qu’à lui, tout le temps, et quand il avait blessé Théodore, il n’avait pas pensé à ce qui pouvait arriver à sa copine. Le deuxième gorille s’avança et lui chopa le poignet. Wallace s’assit sur le lit. Il jouait avec le 45, le pointant sur elle de temps en temps.
« Où est-il ? »
Maria regardait Wallace avec effroi. Où était-il ? Elle n’en savait rien. Elle l’avait vu partir à moto, du haut de son balcon, mais n’avait aucune idée d’où il était. Wallace la gifla.
« Dis moi où est Blaze ! »
Maria sanglota. Après tout, elle pouvait bien lui dire qu’il s’était barré à moto. Elle ne lui devait rien.
« Il est parti. Il a pris sa bécane et il est parti.
Où ?
Je n’en sais rien.
Il a quoi, comme engin ?
Une fazer 1100. Jaune, je crois.
Ca suffira. Barre toi, maintenant. »
Maria quitta la chambre. Le sourire de Wallace quand elle lui avait décrit la moto l’avait effrayé. Elle se surprit à prier pour Blaze.

Johnny, lui, ne se doutait pas du tout de la galère dans laquelle il s’était fourré. Il chantait « Highway to hell » à s’en briser les cordes vocales. Le ciel s’était obscurci , et le tonnerre s’ait mis à gronder.


Wallace Henderbach avait des amis partout. Aussi bien dans les banques, que chez les bookmakers, que chez les flics. Et c’était à ces derniers qu’il était aller rendre visite. Le shérif Garrestworth avait quelques dettes à payer auprès du Notaire, et il allait pouvoir les payer toutes aujourd’hui.
« Vous voulez que je quoi ?. »
Jim Garrestworth en était tombé de sa chaise. Il avait la fâcheuse habitude de se balancer dessus, et c’était donc un risque à prendre. Devant le bureau, Henderbach hochait la tête avec gravité.
« Mais c’est illégal. Quelqu’un risque d’en avoir besoin.
Ecoute, Jimmy pour l’illégalité, tu repasseras. A ton avis, c’était légal le out de chichon que je t’ai offert ? »
Cela avait suffi à Garesstworth pour demander à Tom McCully de s’envoler dans son hélicoptère, avec à son bord Wallace et deux de ses acolytes, armés jusqu’aux dents.


Johnny n’avait pas entendu l’hélicoptère. Celui ci s’était posté juste derrière lui. McCully avait vu Henderbach et ses hommes charger leurs mitraillettes et mettre en joue ce pauvre motard. Allait –il vraiment laisser faire ça ? La réponse était, tristement, oui. Oui, parce que s’il ne le faisait pas, sa femme et ses filles reverraient leur père, d’accord, mais qu’à l’enterrement. Les mitraillettes avaient commencé à rugir, et c’est là que Johnny s’aperçut qu’il avait un fan club à ses trousses. On aurait pu croire que ça allait être une folle course poursuite dans la campagne de Kenston City, digne de la scène de la mort aux trousses, où Cary Grant échappe à l’avion, mais non. Une seule rafale suffit. Johnny tomba, mais ne se releva pas. L’hélicoptère se posa et Wallace descendit, l’arme toujours en main. Il vérifia que l’autre était bon pour la morgue, mais une idée lui traversa l’esprit. Il sortit son portable de sa poche.
« Monsieur Melani, c’est Wallace à l’appareil. Je vous prie de m’excuser, mais je crois avoir trouvé une solution à votre problème. »
Il raccrocha. Il remonta dans l’hélicoptère avec le cadavre de Johnny Blaze, et partit pour la maison de la vieille folle.

« T’es sûre qu’elle est pas là ? ».
Les deux gorilles avaient pris chacun un bout du corps, et avaient entrepris de clouer Johnny Blaze à la porte de la maison que l’on disait hantée.
« Mais non. Je l’ai vu partir il y a une heure ».
Ils finirent de l’accrocher, tel un Christ grotesque, et sortirent les pots de peinture. Ils écrivirent un mot peu sympathique, et quittèrent les lieux. La vieille était bien là. Elle les avait vu clouer le corps du jeune homme sur sa porte. Elle les avait vu laisser le message
« tu ferais mieux de partir, vieille truie. »
Mais elle avait ricané, en caressant le corbeau qu’elle tenait entre ses doigts.
« Zaratos, nous avons un invité. »
 
 
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