Auteur : Zauriel
Date de parution :
La secrétaire de Wallace Henderbach était rentrée dans le bureau de son patron avec la peur gravée sur son visage. Elle ne tenait plus sur ses jambes et devait s’appuyer contre la porte pour rester debout. Ses lunettes pendaient sur son nez. Miss Arbogast était une vieille fille qui donnait tout son temps et sa passion à son travail. C’était une femme qui avait montré dans le passé qu’elle avait la tête sur les épaules, et qu’elle savait réagir à n’importe quelle situation, aussi imprévisible fût-elle. Aussi la voir dans cet état inquiéta énormément son patron. Il se leva de derrière son bureau et s’approcha. Le visage de la femme était en larmes, et du mascara avait coulé sur ses joues.
« Bambi, vous allez bien ? »
Une violente crise de larmes secoua son corps. Elle tremblait comme une feuille. Elle chuchota :
« Dans le hall, Monsieur. C’est dans le hall. C’est horrible.. »
Que s’était-il passé dans le hall ? Pourquoi était-elle dans un tel état ?
« Bambi, vous allez rester ici. Vous allez attendre mon retour. Dans le premier tiroir du bureau, il y a un revolver. Si jamais quelqu’un que nous ne connaissons pas pénètre dans ce bureau, n’hésitez pas à tirer. Si c’est moi, je dirai « Bambi, j’ai vu le hall », ça ira ? »
Elle hocha la tête et alla prendre la place qu’occupait son patron quelques minutes plus tôt. Wallace sortit dans le couloir. L’endroit lui paraissait désert. Remarquez, à cette heure de la nuit, il ne restait dans l’immeuble que quelques vigiles, Miss Arbogast, et lui même. Mais une impression d’isolation lui serra le cœur tandis que lui, il serrait l’arme qui pendait dans sa poche-revolver. Il appuya sur un interrupteur. Une décharge électrique lui arracha un grognement. Les néons refusèrent de s’allumer. Que se passait-il ici ? Il sortit son arme et la prit en main. Collé au mur, il continua à descendre. Dans le hall une faible lueur régnait. Cependant, elle ne venait pas du plafond, mais du sol. Et elle semblait être du feu, et non de l’électricité. Il finit de descendre les escaliers et ce qu’il vit le foudroya d’horreur. Ses deux hommes de main, les frères Jones, étaient écroulés devant la porte d’entrée. On leur avait retiré leurs yeux de leurs orbites et on les avait remplacé par de petites bougies. Ils tenaient dans leurs mains des chandeliers, qui créaient une lueur blafarde autour d’eux, une bulle de lumière un peu grisâtre qui les emprisonnaient. Leur ventre avait été arraché et leurs intestins traînaient par terre. Wallace porta la main à sa bouche, puis se pencha brusquement à la barre de l’escalier et vomit. Sur la porte, on avait écrit, avec le sang des deux frères, une sinistre épitaphe.
« Les deux Bourreaux sont maintenant les éclaireurs. Prépare toi, Wallace Henderbach, tu as fait un pas de plus vers l’Enfer. »
Wallace se demanda comment celui qui avait fait ça avait réussi à écrire tant de choses. Puis l se rappela Bambi Arbogast, totalement morte de peur ans son bureau, qui devait serrer dans ses petites mains le revolver qu’il lui avait indiqué avec une telle force qu’elle devait s’en péter les jointures. Il revint sur ses pas et, la voix étranglée par la peur et la colère, il chuchota :
« Bambi, j’ai vu le hall . »
Johnny Blaze aimait beaucoup la moto que lui avait offert son nouvel ami. Enfin, ce n’était plus vraiment une moto. Après l’avoir « allumée », il n’avait pas besoin de la contrôler manuellement, puisqu’elle était totalement liée à son esprit, et répondait à la moindre de ses pensées. Mais pourquoi vous parle-je donc de Johnny Blaze, alors que j’avais laissé ce dernier en mauvaise posture face à sa nouvelle connaissance ? Remontons une heure en arrière.
Blaze avait contemplé le massacre avec un mélange de fascination et d’horreur. Prisonnier de la chambre violette, il avait réussi à s’ouvrir une fenêtre sur le monde, pour observer les faits et gestes de celui qui s’était emparé de son esprit. Zaratos n’était pas vraiment ce qu’on pouvait appeler quelqu’un de subtil. Il préférait la force brute, et cela se voyait. Johnny avait déjà connu un mec dans ce genre là, un mec qu’il appelait Moe le bourrin. Moe, dès la maternelle, était différent des autres enfants de son âge. Il était plus grand, plus fort, plus rapide, et en lui sommeillait ce que certains psychologues appellent la « graine du mal »
Bref, Moe avait passé sa scolarité à terroriser les autres enfants, à leur faire du mal, à leur faire peur. Bien sûr, il n’était pas le seul à occuper le poste de « bourreau des bac à sables », mais ce qui les différenciait des autres enfants, c’était les raisons qu’il avait de torturer. La plupart des bourreaux sont des gamins qui n’ont rien d’autre pour se faire reconnaître que leur force brute, et préfèrent l’utiliser au lieu de développer les intellect. D’autres cherchent à se faire un instinct commercial : « bon écoute minus, si tu ne me files pas ton argent de poche, je te dérouille. T’as pigé ?. » Moe, lui, torturait par pur plaisir. C’était un prédateur dès son plus jeune âge. Johnny l’avait connu au lycée. Moe faisait partie avec lui de l’équipe de football de son lycée. Il était une de ses ordures qui plaquaient juste pour le plaisir de faire mal, en se foutant totalement de la marche à suivre et de la stratégie. Mais personne n’osait lui en faire part. Deux ans plus tard, alors qu’il zonait à droite, à gauche, Johnny avait entendu parler de Moe. Ce dernier avait eu trop foi en sa force et de la peur qui émanait de lui. Il avait violé une fille, une nana qu’il avait dragué au bar. Il l’avait ramené chez elle, et il l’avait étouffée avec une chaussette. Oui, une chaussette. Mais Moe n’était pas surnommé le Bourrin pour rien. Il avait laissé des empreintes partout, se foutant totalement des risques qu’il courrait. La police est venue le pêcher chez lui. Il a envoyé trois flics à l’hôpital avant que l’un d’eux ne l’abatte. Moe avait été victime de sa trop grande confiance en lui, et il en avait payé le prix.
Blaze avait vu Zaratos enfoncé la porte de l’immeuble d’Henderbach. Deux mecs avaient accouuru, et Zaratos avait montré à Blaze, par télépathie, que ces deux mecs étaient ceux qui l’avaient crucifié. Avec un mélange d’amertume, de regret, et de haine, Johnny avait chuchoté à son double « vas-y » et Zaratos s’était occupé d’eux. Il leur avait donné leur ticket pour l’Enfer, il leur avait monter le chemin. Les deux gars, deux grosses brutes épaisses, avaient hurlé. Ils avaient mis du temps à mourir. Ils étaient encore vivants quand Zaratos leur avait arraché les yeux. Ils étaient encore vivant quand il leur avait découpé le ventre. Ils étaient morts en éparpillant leurs restes sur le sol, souillés. C’était la peur qui les avait tué. C’était la vengeance.
Avec un ricanement de satisfaction, Zaratos était sorti de l’immeuble en s’essuyant ses mains couvertes de sang sur son jean. Johnny lui avait demandé pourquoi il n’avait pas liquidé Wallace. Le démon, si c’en était bien un, ce dont doutait de plus en plus Blaze, lui avait répondu que la mort de Henderbach viendrait, et que ce n’était pas pour rien qu’il lui avait laissé le petit message. Johnny avait paniqué. C’est vrai, après tout, on risquait de le choper, et Zaratos semblait être assez une ordure pour laisser la place à celui à qui il avait pris son enveloppe pour que les flics le cueille. Zaratos avait lu dans ses pensées. Il avait répliqué qu’il ne ferait pas ça. Premièrement, parce qu’il n’avait plus d’empreintes. Donc, même s’il le voulait, il ne pouvait pas piéger Blaze avec ça .De deux, Zaratos avait besoin de Blaze, il avait besoin d’accomplir sa vengeance. Mais cela n’avait pas rassuré Johnny. Au contraire, cela avait fait germer de nouvelles questions dans son esprit. Une surtout. Pourquoi l’esprit avait-il besoin d’exécuter cette vengeance ? Quelle était son but, ses objectifs ? Zaratos avait ressenti les doutes et les interrogations de son hôte. Il lui avait répondu qu’il ne ferait rien à Johnny. Et pour lui prouver, il lui fit un cadeau.
Il lui avait redonné le gouvernail. Blaze était revenu de la pièce aux murs violets à la vie, la vraie cette fois, et non en tant que spectateur, mais en tant qu’acteur. Après tout, il devait bien quelques explications à une certaine demoiselle.
Rachel Holiday s’ennuyait ferme. Elle était resté des heures au bar, à commander des cocktails, seule au comptoir. Elle avait espéré que quelqu’un puisse venir la réconforter, lui parler, mais aucun homme dans la salle n’osait l’approcher. Elle buvait pour boire, pour oublier celui qui avait volé son cœur, à jamais. Johnny Blaze. Celui qui voulait être un bad boy, mais qui restait quand même, quoiqu’il en dise, un parfait gentleman. Celui qui l’avait emmené danser, celui qui l’avait sauvé d’elle même. Johnny… Rachel se sentît toute petite. Elle n’avait pas été à la hauteur. Elle n’avait pas réussi à garder Johnny près d’elle, et en le laissant partir, elle avait laissé partir son unique chance d’être heureuse dans cette vie. Les lumière du bar étaient tamisées, et c’était tant mieux. Rachel ne voulait pas que l’on voit les larmes qui coulaient sur son visage taché de son. Les portes du bar s’étaient ouvertes sur un Johnny Blaze revenu de l’Enfer. A son entrée, quelques hommes présents se signèrent. N’était-il pas mort, celui là, flingué par ce cinglé de Henderbach ? Nul ne savait qu’en dire. Son visage était blanc comme la craie, et sur sa main apparaissait un signe plutôt bizarre. Une sorte de tête de mort. Il s’approcha de Rachel, qui ouvrit de grand yeux. Puis son visage se ferma. Il l’avait fait souffrir. Il l’avait blessé. Que cherchait-il auprès d’elle maintenant ? Johnny l’avait salué, elle n’avait pas ouvert la bouche. Elle regardait simplement le fond de son verre. Il lui avait pris la main. Elle l’avait giflé. Mais elle regretta rapidement son geste. Le visage de Johnny était couvert de larmes. Il lui demanda de venir avec lui. Elle lui répondit pourquoi. Il dit qu’il avait des choses à lui dire, des choses importantes. Rachel n’avait jamais pensé qu’elle craquerait encore. Mais il fallait regarder la réalité en face. Elle l’avait dans la peau. Elle n’avait pas résisté à son regard, et ils étaient sortis tous les deux.
« Je te croyais mort. »
Ils étaient tous deux assis sur le trottoir, et fixaient tous les deux la même plaque d’égout, avec un intérêt presque sordide.
« Je l’étais. »
Rachel tourna la tête vers lui, surprise.
« Tu m’expliques ?
- T’es la seule personne à qui je peux faire confiance. Tu te rappelles vendredi soir ?
- Oui, le soir où tu m’a envoyé promener.
- C’est ça. Je suis rentré, et Maria se tapait Théo. »
Rachel ricana. C’était normal. Tout le monde le savait, tout le monde sauf Johnny, qui se voilait les yeux.
« J’ai viré Théodore, mais pas après lui avoir mutilé un peu le visage. J’ai rompu avec Maria, qui essayait de se trouver des excuses. Théo m’a juré que son frangin me buterait, et j’ai pris ça à la rigolade. J’ai sorti la Fazer, et suis allé faire un tour. Sauf que j’avais oublié mon casque. »
Malgré elle, Rachel éclata de rire. Un rire mal assuré, et nerveux, puis elle sortit son paquet de cigarettes. Elle s’en prit une et en proposa à Johnny. Elle alluma les deux avec son briquet, et Johnny vit la lueur se refléter dans les yeux verts de Rachel.
« Ce n’est pas ça qui m’a tué. Entre temps, Wallace avait appris que j’avais plus ou moins fait mumuse avec son frère. Il a piqué un hélico, et m’a fusillé en pleine route. Ca a suffit. Je suis tombé, et là j’étais mort. Tu vois le manoir à la sortie de la ville ?
- Celui de la vieille sorcière, fit Rachel en souriant
- Oui. Eh bien ils m’ont crucifié à la porte.
- Tu rigoles ?
- J’ai une tête à rigoler ? »
Rachel réfléchit un instant.
« Montre moi tes mains. »
Johnny les lui montra. Aucune marque. Rien. Rachel se mit en colère.
« Pourquoi tu te fous encore de moi, Blaze ? Tu crois pas que tout ça a suffit ? Tu as disparu pendant deux jours. Tout le monde pensait que tu étais mort. Tu réapparais comme ça, et tu dis que t’es mort et que t’es revenu à la vie, après t’être fait crucifié . Tu te prend pour Jésus ou quoi ? »
Mais Johnny n’avait pas l’air de rigoler. Il jeta la cigarette qui s’étais consumé entre ses doigts.
« Rachel, je comprends que ça ait l’air dingue. Mais c’est vrai. Je peux te le prouver. »
Il prit la jeune femme par la main et la força à se lever. Ils allèrent dans la ruelle à côté du bar où Johnny avait laissé le chopper.
« Eh alors, lança Rachel. T’as piqué le petit bijou de Clut le taulier. Qu’est ce que ça peut me foutre ? »
Johnny s’était approché de la moto. Un courant d’air s’était engouffré dans la ruelle. Rachel serra ses bras contre elle. Les poubelles se mirent à voler. Soudain, la moto changea d’aspect. Un revêtement fait de métal et de chair mêlées remplaça le cadre. Des tiges de fer apparurent entre les roues, et le guidon fut remplacé par deux grands yeux noirs. Rachel avait l’impression de se trouver devant une gargouille qui orne les églises.
« Comment ? »
Johnny sourit tristement. Il ne pouvait pas lui dire. Il ne pouvait pas lui confier cela. Elle serait en danger. Il lui toucha la joue.
« Ecoute, Rachel. Je suis mort. Je ne suis plus qu’un cadavre ambulant. Mais j’ai des choses à faire. Des choses que je dois régler en ville. »
Rachel commença à s’agiter.
« Johnny, on peut fuir, loin. Les Henderbach n’auront jamais besoin de savoir si tu es vivant ou non. Viens avec moi, Johnny. On pourra tout recommencer à zéro. »
Si elle savait à quel point il en avait envie. Si elle savait à quel point il voudrait partir avec elle sans jamais avoir à accomplir ce qu’il devait accomplir.
« Je ne peux pas. Je suis désolé mais je suis lié à … quelque chose. Quelque chose qui veut que je me venge, et qui n’arrêtera pas de me harceler pour que je le fasse. Va-t’en, Rachel. Ils savent que je te connais. Va-t’en. »
Rachel gifla encore une fois celui qui était revenu d’entre les morts.
« Imbécile. Tu as toujours eu le choix. Je m’en vais. Adieu. »
Il la regarda partir. Durant leur entretien, la pluie avait commencé à tomber. Il ferma les yeux. Dans sa tête, l’autre lui dit qu’il avait fait le bon choix. »
Wallace Henderbach avait demandé à tous ces hommes de trouver le salopard qui avait fait ça. Celui qui avait osé déboulonner les frères Jones dans son propre immeuble. Il avait mis une prime sur sa tête, qui il fût. Dans son bureau, il ressassait les derniers événements étranges qui s’étaient déroules les derniers jours. Un branleur avait marqué son frère, et Wallace s’en était occupé. Ils l’avaient ensuite utiliser pour faire déguerpir la vieille, mais cela n’avait pas réussi. D’ailleurs, le corps de ce mec avait disparu. Il était impossible que la vieille ait pu le décrocher elle même. Peut être avait-elle appeler des amis. Il avait ensuite trouver les frères Jones, ceux qui s’étaient occupés de la crucifixion, mutilés dans une mise en scène macabre. Un proche de Blaze savait-il ce qu’il s’était passé ? Et ce proche était-il assez barge pour faire ça ? Ca ne collait pas. Blaze connaissait peu de monde, ici. A part la nana qu’il avait dégoté dans son appartement, et son frangin Théo, Wallace ne voyait personne. Soudain, le récepteur sur son bureau se mit à grésiller, et la voix de Miss Arbogast se fit entendre.
« Monsieur, il y a quelqu’un pour vous. »
Il n’attendait personne.
« Un certain Stryker. »
Deux minutes plus tard, l’inconnu était dans le bureau. Il portait un long imper gris. Ses cheveux roux étaient retenus en catogan. Il avait un air sinistre, malgré le sourire commercial qu’il essayait d’afficher.
« Bonsoir, Monsieur Henderbach. On m’a dit que vous aviez certains problèmes. Je pense savoir de quoi il s’agit. »