Urban Comics
  Episode 11 : Me, Myself and I
 
Histoire : Shala
Date de parution : Juin 2006


Tiens, vous êtes toujours là. C'est que je dois pas être aussi barbant que je l'pensais. Vous savez, ça n'a l'air de rien comme ça, mais ça fait du bien de parler à quelqu'un. Garder tout pour soi, c'est le meilleur moyen pour devenir encore plus barge qu'on ne l'est déjà. Enfin, j'vais pas vous ennuyer avec mes réflexions philosophiques de comptoir, j'vais plutôt continuer mon histoire. J'en étais où déjà? Ah oui, la morgue et la surprise du légiste...


- Pas un mutant? Expliquez-vous...
- Regardez ces deux images. A gauche des gènes humains, à droite des gènes mutants. et voici l'analyse des gènes de notre macchabée.
J'avais beau fixer ces soi-disant images, moi tout ce que j'voyais c'était des barettes les unes à côté des autres dans différentes teintes de gris. Bref ça m'évoquait pas grand chose. J'étais obligé de faire confiance au doc.
- Vous êtes sûr qu'il n'y a pas d'erreurs?
- Certain, j'ai refait l'analyse trois fois.
- C'est quoi alors? Un super-héros qui a absorbé des rayons gamma? Un extraterrestre?
- On est pas dans un Comics, Inspecteur. Ce garçon est un junkie.
- Ca je le savais déjà, c'est quoi le rapport?
- Le rapport, c'est qu'il est positif à plusieures drogues, mais à des niveaux étranges. Je n'arrive pas à déterminer de quelle drogue il s'agit, et j'ai trouvé ça aussi dans son organisme.
Voilà qu'il me tendait une feuille encore plus indéchiffrable que les images d'il y a deux minutes. Des couleurs, des colonnes, des chiffres, des petites croix, bref, rien que je puisse comprendre.
- Traduction?
- Des gènes, mutants.
- Faut savoir ce que vous d...
- ...Qui ne sont pas les siens. Comme si on avait essayé de les lui implanter par la force, ou à son insu.
- J'ai peur de pas vous suivre.
- Suite à la drogue qu'il a pris, il y a eu une réaction chimique. Réaction qui a permis la fusion de ses gènes avec les gènes mutants. Mais fusion très instable, d'où la perte de contrôle. La tête de ce garçon devait être une vraie bombe à retardement, il a du souffrir énormément...
- Vous êtes en train de me dire qu'il s'est fait un fix de gènes?
- Je n'ai jamais rien vu de tel, mais théoriquement ce n'est pas impossible.
Là ça dépassait tout ce que j'imaginais. Même ma paranoïa ne m'aurait pas permis d'imaginer un truc pareil. Une drogue, capable de donner des caractéristiques mutantes à un homme "normal". J'étais pas dans la merde...

Avant d'aller au commissariat, j'suis rentré chez moi. J'avais besoin d'une douche, froide. Après j'suis bien resté un quart d'heure à poil devant mon miroir. J'appelle ça une pause souvenir. Me suis rappelé du sourire de ma femme, du rire de ma gosse, et je l'ai comparé à ce que je vivais en ce moment. Autrement dit à travers le mirroir je voyais celui que j'étais, celui que je suis, et celui que je ne deviendrai sans doute jamais. Ensuite j'ai pris mon beretta et je l'ai placé sous mon menton. A chaque fois c'est pareil, j'me pose des questions. "Et si je les rejoingnais?", "Et si j'en finissais, histoire de me reposer un peu (beaucoup)". Mais à chaque fois, je retire le doigt de la gachette. J'ai encore des trucs à faire. Un tas de trucs à faire. Et cette affaire, je dois la boucler, quitte à raviver des souvenirs trop laids pour être expliqués...

Evidemment en arrivant au poste, j'ai eu droit au sermon quotidien par le roi des emmerdeurs, Jim Bravura, mon boss.
- Payne! Il est 9h30! Vous auriez dû commencer à bosser à 7h! J'peux savoir où vous avez vu que l'on faisait des horaires flexibles?
- On fait bien des heures sup', alors la flexibilité elle pourrait fonctionner dans les deux sens non?
- Je vais faire comme si j'avais rien entendu... Evidemment je suppose que vous n'avez pas profité de votre nuit pour rédiger votre rapport sur les incidents d'hier soir, je me trompe?
- Y a pas écrit "automate" là, chef...
- Magnez vous le cul Payne, vous avez une demie-heure pour me tapper ce foutu rapport!
Contrairement aux apparences, j'adore ce mec. Je l'ai jamais entendu parler sur un ton calme. A mon avis, il carbure à la caféine. Lui aussi ça lui ferait du bien de parler à un psy... Ah non merde c'est vrai... Bon ben à quelqu'un en tout cas.
Bref, je me suis installé à mon bureau, j'ai commencé à mettre la date et l'heure sur le rapport, et au moment de commencer mon récit, j'ai eu un éclair de génie (enfin, si on peut appeler ça comme ça). J'ai foncé vers la sortie, sans écouter le brouaha qui sortait de la bouche de Bravura. J'ai mis le cap pour le 13è District, section stups...

Je dois bien avouer que j'ai hésité quelques minutes... Bon d'accord une bonne demie-heure; avant de pénétrer dans le bâtiment. J'ai vécu tellement de choses ici. Mes meilleurs souvenirs sont ici, ainsi que les pires. J'ai franchi la porte d'un pas tendu, et me suis direct mis à comparer avec mes souvenirs. Ils avaient refait la peinture, changé l'emplacement des bureaux, changé le mobilier aussi, ça n'avait plus rien à voir avec les locaux de mon époque. Y avait beaucoup de nouvelles têtes, mais heureusement encores quelques anciennes.
- Payne? C'est bien toi? Wow ça fait un bail!
- Trois ans, John. Je t'avoue que je pensais pas remettre les pieds ici un jour.
- Qu'est-ce qui t'amène vieux?
- J'ai besoin d'un renseignement. C'est pour une enquête que je mène.
- T'avais besoin de te déplacer pour ça? Tu sais on a le réseau intra-police depuis deux ans maintenant, t'aurais pu le faire de ton bureau.
- Pas ce genre de renseignement. C'est à propos d'un de mes anciens indics, Vinnie Cogniti.
- Oh, je vois. Ben viens à mon bureau, j'vais voir ce que j'peux faire.
John semblait prêt à m'aider, mais il a été coupé dans son élan. Une femme est apparue dans son dos, en tailleur blanc. elle devait avoir la quarantaine bien tapée.
- Oh, patron, je vous présente...
- ... Max Payne, je sais qui c'est merci. Capitaine Winterson, je dirige ce cirque. Qu'est-ce qui vous amène Payne?
Je sais pas ce que j'lui avais fait, mais on voyait tout de suite qu'elle ne me portait pas dans son coeur. Quelque chose me disait que je pouvais dire adieu à l'aide de John.
- Je suis venu pour quelques renseignements, pour mon enquête.
- Dans ce cas faites une requête en bonne et due forme. Vous remplissez le formulaire adéquat et vous le donnez à votre patron. Ce n'est pas parce que vous avez bossé ici que ça vous donne le droit à des privilèges.
Qu'est-ce que j'disais... Bravura il gueule, mais au moins il est drôle. Avec elle j'aurais plus facile de réussir la quête du Graal que de lui arracher un petit sourire.
- Au revoir John... Capitaine...
J'allais donc sortir bredouille de cet endroit où j'ai eu tant de mal à entrer. mais après m'être éloigné d'une bonne centaine de mètres du bâtiment, une fille, celle qui était à l'acceuil, m'a rattrapé en courant.
- Monsieur! Monsieur! On m'a dit de vous remettre ceci...
- Euh... Merci.
Sacré John. Dès que Winterson lui ait lâché la grappe, il s'est empressé de me trouver mon info. Sur le papier que la gamine m'a donné, y avait un bref résumé des activités de Vinnie. Il n'était plus indic, et il était monté d'un échelon dans la hiérarchie de son clan maffieux. En gros au lieu de n'être qu'une petite frappe qui refourgue de la came, c'était devenu une petite frappe qui dirige un groupe d'autres petites frappes, toujours pour refourguer de la came. Y avait aussi une adresse sur le papier, celui d'une boîte de nuit, le "Vodka"...

En attendant le soir, je suis retourné au poste pour tapper mon rapport. Les résultats du légiste ont eu pour effet de laisser tomber la machôre de Bravura sur son bureau. C'était clair que la pilule était assez dure à avaler. On est habitué aux affaires étranges depuis quelques temps, mais là c'était quand même le bouquet. J'ai demandé si j'pouvais prendre ma journée, il a dit oui sans même décoller les yeux du rapport. De toute façon je l'aurais prise quand même, je suis pas à une sanction près...


Le soir, j'suis resté dans ma caisse (wai, je l'ai récupérée en attendant) devant le Vodka à observer ceux qui entraient et sortaient du club. Vinnie a débarqué accompagné de quelques gros bras vers 23h30. Enfin, gros bras, j'me comprends. Disons plutôt des gars tout droits sortis de la série "Les Sopranos", dégarnis, bedonnants et fringués encore plus mal que moi. Bref, l'info de John était bonne.
Me suis approché de l'entrée une fois qu'il était à l'intérieur, le portier m'a tout de suite barré la route.
- Désolé, c'est une soirée privée.
- J'ai une invitation.
Je lui ai dit ça en lui montrant mon insigne. Ca fait effroyablement cliché mais c'est super efficace. Il m'a laissé entré et s'est empressé de prévenir de mon arrivée par talkie-walkie.
En tout cas pour une soirée privée, y avait foule. C'est à peine si il y avait moyen de se placer sur la piste de danse. Vinnie siégeait au fond de la salle, dans le carré VIP. Il m'a vu arriver, et il a pété les plombs.
- Oh merde Payne... Merde! Merde! Merde! Abbatez-le, abbatez-moi ce connard!
Il a commencé à prendre la fuite, pendant que ses hommes de main sortaient leur artillerie. Mais il faisait trop sombre, j'ai pas tilté tout de suite. C'est lorsque les premiers coups de feu ont retentis que j'ai réagi.
Il se passe un truc étrange depuis mes problèmes mentaux. A chaque fois que l'adrénaline monte, tout se ralentit autour de moi. Je n'ai plus qu'a mettre mon corps en "automatique". Tout l'effet contraire qu'est censé produire l'adrénéaline en gros. C'est peut être les médocs qui me font cet effet là, à moins que j'ai toujours eu ce "don" sans le savoir.
Quoi qu'il en soit, éviter les balles semblait presque facile, et viser leurs points vitaux avec mon beretta l'était encore plus.
En quelques secondes, j'avais déjà tué cinq de ces types. Avec des gars comme ça, je n'ai pas le blocage que j'ai eu avec le jeune Mike. Je les tue d'abord, et je me rends compte du carnage ensuite.
L'adrénaline partie, tout a repris une vitesse normale. Cinq tués, trois qui gémissaient encore. Moi, une balle dans l'épaule gauche et la trace d'une autre qui a effleuré ma joue. Ca faisait mal, mais j'avais pas le temps de me lamenter. Vinnie était entrain de franchir la porte de service. J'ai galopé vers cette porte, et l'ai poursuivi dans les couloirs de service à peine éclairés. Un seau vide sur mon chemin, je l'ai agrippé et l'ai balancé à la tête de ce trou duc'. Il a trébuché, il couinait comme un gosse. Je l'ai pris par les cheveux pour le mettre debout.
- Hé Payne... Ca faisait une paye. Ecoute j'suis désolé pour ce qu'il vient de se passer, c'est mes hommes ils ont cru bien faire. Des fois ils sont hors de contrôle...
- Ta gueule Vinnie.
- Ecoute Payne je sais rien du tout, l'époque "indic" c'est fini...
- Tu sais même pas de quoi je vais te parler.
- Wai ben même, je sais rien.
Cette petite voix nasillarde, ce regard de cochon d'inde à la con, ce type me gonflait. J'avais oublié à quel point il était gonflant. Il ne restait plus de balles dans mon flingue, mais ça il le savait pas. Je lui ai mis dans l'oeil. Et devinez-quoi? Il couinait encore plus fort...
- La nouvelle drogue qui fait péter les plombs façon mutantville, accouche tout ce que tu sais...
- Merde Payne, je peux rien dire! Ils vont m'flinguer sinon!
- De toute façon t'es mort, j'suis plus aux stups Vinnie, rien à foutre du protocole...
- "V"! Cette came s'appelle "V"...
- Mais encore...
- C'est tout! je sais rien d'autre!
J'ai tiré sur le percuteur pour le faire pisser encore plus dans son froc, mais on a été interrompu.
- Max Payne, la fine crème de la police New-Yorkaise... C'est un honneur de vous recevoir en ces lieux...
Ce type avec cet accent russe, c'était Vladimir Lem. Le Vodka est à lui. Un gars très sûr de lui, toujours fringué en blanc, très chic. Il est louche mais n'a pas de casier. Blanc comme neige, comme son costard quoi...
A cause de son intervention, Vinnie s'était fait la malle. Mais comme je venais de sacager la boîte à Vlad, j'avais pas interêt à me la jouer "Ah bravo, il a filé maintenant!". J'avais assez d'emmerdes comme ça...
- Désolé pour le... "grabuge"
- Ne vous en faites pas pour ça, ça arrive souvent avec Vinnie. Il est un peu trop... Impulsif. La clientèle est fidèle ici, ce n'est pas une fusillade de temps en temps qui va la faire fuir. On vit dans un monde dangereux, on s'y fait à force...
Quand j'vous disais qu'il était louche, il m'a gentillement raccompagné à ma caisse, en me filant de quoi compresser la blessure par balle avant. J'suis rentré chez moi, en me demandant si j'avais pas rêvé...


La blessure était superficielle, je ne suis donc pas allé à l'hosto. Un peu de désifectant et c'était bon...
J'avais pas avancé énormément, mais au moins je conaissais le nom de cette foutue drogue. Ca allait m'aider, mais ça voulait surtout dire que j'allais une fois de plus devoir reprendre mes habitudes de flic des stups pour mettre la main dessus. Et je me répète mais, je déteste ça...
J'allais me coucher quand on a frappé à ma porte. Qui pouvait bien venir me faire chier à 3h du mat? J'ai pris le glock planqué sous mon évier et j'suis allé voir. Y a un judas, mais je m'en sert jamais. Paranoïa quand tu nous tiens...
J'ai ouvert la porte en me cachant derrière, et j'ai jeté un coup d'oeil furtif. Personne. Est-ce que j'avais rêvé les "toc toc"? J'en savais trop rien. J'ai refermé la porte et eu une drôle d'impression, une espèce d'intuition. j'ai couru me planquer derrière la porte de ma salle de bain et j'ai bien fait. Ma porte d'entrée fût éventrée par plusieurs coups de feu. Et vu le bruit, c'était pas du petit calibre. Me suis précipité dans ma chambre pour aller chercher le fusil à pompe sous mon pieu. Un des avantages d'être parano, c'est qu'on planque des armes partout chez soi, même où il faut pas.
Bref, j'ai ouvert la porte qui donne sur mon salon, et suis sorti d'un bond. Manque de bol, le tireur m'attendait. Son flingue sur ma tempe, j'ai été obligé de poser les miens. Me suis retourné lentement et...
- M... Mona?
- Bonjour Max... Et adieu.
Et BANG! Elle a tiré...
 
 
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