Auteur : Baragon
Date de parution :
J'ai quitté la commanderie il y a quelques années. J'y été entré jeune et plein d'espoirs. Les histoires de preux et brillant chevalier affrontant le mal pour sauver la veuve et l'orphelin. Les doux rêves d'enfant ne devraient jamais être détruit, et pourtant c'est ainsi que l'on devient adulte. Les premiers moments d'émerveillement passé, on reconnaît les corvées subalternes que l'on vous présente comme entraînement. Dans l'actuel système, si on ne né pas noble, il faut en bavé pour progresser au sein de l'ordre. Le seul côté positif réside dans le physique qu'on en retire. Avec des journées de 16 heures à porter seaux et sacs, à frotter encore et encore les pavés de la courre ou des salles ou l'on arrive à "voler" quelques bribes d'entraînements en observant les autres entre deux corvées. Et c'est ainsi jusqu'à ce que vous soyez remarqué par un mentor et qu'il vous prenne sous son aile.
Ca a fini par m'arriver. Le frère chevalier Merron m'a pris pour disciple après 5 ans de bagnes… la moitié de ceux qui étaient rentré avec moi avaient fini par laisser tomber, et le quart avaient profité de leur naissance dorée pour être adoubé très rapidement.
Malgré son âge respectable et ses connaissances, mon nouveau maître n'était "que" frère… simplement parce qu'il a toujours exécré les manipulations politiques nécessaire pour s'élever dans l'ordre. J'ai commencé le véritable entraînement le jour même. Je pensais que ma situation s'améliorerait avec ce grand changement. Erreur douloureuse dans les premiers temps. Il suivait le code à la lettre. Les jours furent d'une longueur inédite pour moi. Fini les murs finalement rassurant de la forteresse, la nature prend un autre aspect quand on ne la voit plus depuis sa fenêtre. Les pierres sont infiniment plus lourde que les seaux d'eau et même courte, les nuits semble interminable à la belle étoile, surtout par gros temps… oh oui, les nuits sont longues quand le sommeil se fait attendre.
Et je me réveille en sursaut…
Ce n’est pas la première fois que je fais ce genre de rêve, mais d’habitude le souvenir en est moins intense, a peine une vague impression. Mais là ça me prend aux tripes, je sens encore l’odeur de l’humus, la texture de l’écorce centenaire…tout ça me paraît familier… et pourtant ce n’est pas à Pittsburgh que je pourrais l’avoir ressenti. Cette ville est un gigantesque poumon d’acier, inspirant fer et combustible pour exhaler acier et sombres émanations. Je ne me suis jamais sentie à l’aise dans cette ville, ni à mon poste de l’aciérie Tornton. Mais il faut bien vivre quelque part et gagner sa croûte. J’y ai laissé un œil dans ce boulot… 3 longues balafres me barrent l’œil droit, de longues traînées d’acier chauffé à blanc qui ont fini là. Ce jour me hante encore comme un cauchemar récurant, souvenir distant et irréelle dont la vérité me " saute aux yeux " à chaque miroir.
Une fois dehors, l’habitude prend le relaie, je m’engouffre dans le métro en direction de l’usine…
La silhouette aux cheveux d’albâtre disparaît alors dans la masse des usagés des transports en commun.
Un petit bar tranquille, presque désert en ses heures matinal.
*
**
- Z’êtes matinal vous, d’habitude j’ai une bonne heure avant le premier client.
- Matinal…
L’individu prononça le mot comme s’il en gouttait la sonorité.
J’avais pourtant l’impression qu’il est tard… très tard…
- Ah, je vois… vous travaillez de nuit je parie…
Sur le ton de la conversation, le barman remplissait parfaitement l’archétype professionnel que l’on pouvait en attendre, essuyant assidûment un verre.
- Hum… oui, je pense qu’on peut le dire ainsi.
Le mince sourire qu’il affichait avait quelque chose de dérangeant… des dents trop blanches peut-être… ou trop nombreuses ?
- Et qu’est-ce que j’vous sers alors pour finir votre journée ?
A moins que ce ne soit ses lèvres… enfin, leur absence surtout… sa bouche formait à peine un trait en travers de sa mâchoire. Pourtant il semblait avenant, bien que son regard soit dissimulé par les larges bord de son feutre.
- Voyons voir… un cocktail me semble tout particulièrement approprié… mais quoi donc…. Tant de choix et si peu de temps.
Il observait la plaquette derrière le bar, pensif, presque rêveur.
- Ah… un " purgatoire " serait parfait. Oui, vraiment…
- Purgatoire ? J’ai bien peur que ce ne soit pas sur la carte. Mais dites toujours ce qu’il contient, des fois que je le connaisse sous un autre nom.
- Hum… vous m’en voyez navré… tout d’abord il faut de Sanderton frais…
- C’est marrant ça, c’est exactement mon no…
L’inconnu enlevait son chapeau avec un sourire mauvais. Et ses yeux… ses yeux…
- Sainte Marie mère de D…
Sanderton n’allait jamais atteindre le fusil à pompe sous le comptoir…
*
**
Et pendant ce temps, l’homme à la chevelure de neige s’oublie dans le travaille. Engoncé dans sa tenue, protégé d’une partie de la chaleur suffocante des fonderies, de l’aveuglante lumière des métaux en fusion.
*
**
Les après midi d’automne sont fraîches, mais le soleil brille encore, pâle et de plus en bas sur l’horizon à mesure que l’hivers approche… d’habitude… mais dans le gigantesque poumon d’acier qu’est Pittsburgh, le ciel est d’autant plus gris que l’humidité de l’air ambiant retient les fumées. Les jours sont gris, long et uniforme, plus clair que les nuits… c’est une encre noire qui se répand sur la ville, emplissant le moindre espace sans éclairage. Nulle étoile ne perse la carapace grise de la ville.
Mais il n’est que 15 heures et il reste un long moment avant la nuit. Un homme promène son embonpoint jovial le long d’une rue… et pourtant il n’a rien de souriant. Son col le trahi comme ecclésiastique, au même titre que son sombre costume noir et ses sandales. Ce qui est visiblement une liste à la main, il observe les interphones de chaque entrée.
- Mrgglmbl… Michael Valley… combien peut-il y avoir dans ce foutu pays ?
Une sonnerie de plus parmi celles des derniers jours…
Bah… de toute façon c’est le dernier de la ville. Peut bien attendre ce soir. Je vais en profiter pour m’en jeter un petit loin du père supérieur.
Quelques centaines de mètres plus loin se trouvait justement un estaminet des plus engageant, la providence, pensa le père Gunther… la providence… sûrement ?
- Patron, un grand café.
Dit-il en entrant. Puis, une fois au comptoir, il ajouta sur un thon de conspirateur :
Et un demi pour le faire descendre mon fils.
- C’est parti mon… père…
Le café arriva fumant, la bière fraîche. Le prêtre vida le sachet de sucre dans la tasse puis, chaque fois d’une seule longue gorgée, vida tasse et chope. Le regard du barman ne semblait pas le quitter. Enfin son regard… difficile à dire avec la façon dont sa casquette le dissimulait.
- Alors père Gunther, vous n’avez pas encore livré votre colis ?
- Comment ?
- Ne faites pas l’innocent voyons…où avez-vous caché la croix ? Il vous reste si peu de temps, pourquoi ne pas me le dire ?
La casquette tomba sur le comptoir, révélant ce regard unique, ce regard qui vrillait l’âme à la recherche de la moindre noirceur, de la moindre faille. Ce regard rouge comme un soleil mourant…
- Tu n’as pas d’emprise sur moi créature ! Tu n’en as pas le droit, mon ordonnance t’interdit d’agir sur m…
Le prêtre tituba en arrière, une main étreignant sa veste au niveau du cœur.
- Qu’as-tu fais… AhTha-Tha… VADE RETRO SAT… cought ourgl !
- Allons, allons… ne soit pas insultant Gunther. Me penses-tu si triviale que je rompe les accords pour ta petite vie ?
Je ne t’ai rien fait petit prêtre… tu as toi-même mis le poison dans ta tasse avec tant d’entrain. Le café te tuera mon ami… surtout si tu continus à la sucrer avec ce genre de substance… soit donc coopératif, dis-moi où tu as caché la croix.
Il se tordait maintenant de douleur à même le sol, en nage, les traits crispés. Le souffle à peine porteur d’un murmure, obligeant son tortionnaire à se pencher pour l’entendre.
- Elle… elle est d… dans ton c…
C’est sur ces mots, peu digne d’un homme de foi mais empli de défie, que s’éteint le père-sergent Gunther.
- Ah le vieux saligaud, il a osé !
Encore accroupi auprès du corps, il partit d’un éclat de rire mauvais et tonitruant…
*
**
Dans le petit appartement miteux, Michael Valley épluche son courrier. Factures et publicités diverses se succèdent jusqu’à une petite enveloppe d’un fin papier jauni, à l’intérieur, une simple carte de visite.
- Père supérieur Weinsturb, église Saint Paul, Pittsburgh… c’est quoi encore ça ? Ils démarchent à domicile maintenant ?
Il allait jeter la carte sur la pile quand il vit le dos de celle-ci. Le symbole représentait une croix ouvragée sertie d’une imposante pierre rouge sang. Une masse de souvenirs semblait vouloir affluer… mais non. Où avait-il déjà vue cette croix ? Bien que l’image l’ait frappé, le souvenir lui échappait encore.
Bah… une légère collation, une bonne douche et une nuit de sommeil devraient lui éclaircir les idées. Le travail à l’aciérie est éreintant et abrutissant, impossible d’avoir une réflexion totalement claire après une journée d’un tel labeur. Oui il repenserait demain, après une bonne nuit de sommeil.
Si bonne il y avait.
Et bonne il n’y eut pas… les rêves étranges revinrent, toujours plus fort, plus réelle…
Et pourtant ce fut une période que je qualifierais presque d'heureuse. J'ai fortifié mon corps comme jamais auparavant. Et surtout, j'ai appris les valeurs du Code et de la philosophie. Merron me confia ma première tenue officielle de disciple après un an de ce traitement. Cette simple tenu de tissu blanc portant la croix de Dumas au col représentait tant pour moi. Un simple tissus… la preuve que les enseignements de mon mentor avaient porté leurs fruits…
Les cours ont continué. Et cette fois ils ouvraient sur un champ nouveau pour moi, maintenant que j'avais assimilé les bases, je pouvais enfin rentrer dans le vif du sujet. Quand on est enfant on s'imagine souvent brandissant une arme pour se battre… épée, hache, lance, arc … on s'imagine qu'il suffit de l'empoigner et que l'instinct et ce qu'on en a déjà vu suffiront à faire de vous des champions. Et bien mauvaise nouvelles les enfants, on se trouve dans la vraie vie et ça ne ce passe pas du tout comme ça…
Il faut un solide entraînement et des choix. On ne pas être un Parangon du combat dans toutes les disciplines. Maître Merron estimait que l'épée était l'arme de base dont le maniement devait m'être connu, la plus noble, presque un symbole de la charge de chevalier. Savoir utiliser une arme à distance semblait également un bon choix, même s'il n'était que moyennement du goût de maître Merron.
"Tu ne vois pas ton adversaire dans les yeux, tu ne sens pas sa présence, ses mouvements, la menace… ce qui fait un vrai combat… mais après tout… ces peut être ça la jeunesse… l'efficacité…"
Il me répétait cela à chaque fois que je m'entraînais au tir… ce qui ne l'empêchait pas de mener la leçon. Il n'aimait pas les armes à distance mais savait s'en servir.
C’est ainsi que mes jeunes années ont passé. Difficile et riche d’enseignement dont certain furent douloureux. Quand devient-on un adulte par exemple. Quand le devient-on vraiment ? Pas simplement parce qu’une date particulière est passé, mais dans son cœur. C’est souvent l’épreuve la plus difficile que l’on ait à croiser dans une vie. L’innocence de l’enfance et un don divin que nous sommes tous destiné à perdre un jour ou l’autre. Je pensais que c’était fait depuis longtemps, que j’avais eu mon content de désillusions. Je suis loin d’être infaillible malheureusement.
Il me restait alors une trace de rêve, un reliquat d’enfance. Maître Merron, que j’appelais encore ainsi bien après la fin de mon noviciat, était cette part de naïveté. Comme tout enfant j’avais l’impression que celui que je voyais comme un père était invincible, immortel. Il est des pertes qui font mal, c’est vrai. Mais les circonstances peuvent encore aggraver les choses.
Il se réveilla en sursaut ; courbaturé comme s’il avait été passé à tabac, couvert de sueur… la croix était là…
*
**
Un petit bar habituellement tranquille fait maintenant l’objet d’une activité fébrile, en y regardant bien, nous l’avons déjà visité…
Plusieurs voiture de police et une ambulance stationnent devant la vitrine, le traditionnel cordon jaune entoure l’établissement pou l’isoler des badeaux. Le balaie policier des scènes de crime se met en branle.
Auprès de l’inspecteur Appelthorn, le légiste commençait à exposer ses premières conclusions.
- Je pencherais pour une crise cardiaque… pas de trace de coups, crispation de la main au niveau du cœur… en même temps la teinte légèrement bleutée des lèvres donne à penser à une asphyxie. Vu le caractère différent des deux symptômes, il faudra faire une analyse toxicologique.
- C’est noté Isaac. Et le deuxième cas ?
- Alors là, Virginia, on donne dans le bizarre.
- Dis toujours.
- Et bien techniquement il est bien mort… mais son cœur bat toujours.
- Je ne te suis plus… soit il est mort, soit son cœur bat encore.
- Les deux Virginia… c’est bien le problème. Le plus simple c’est d’aller jeter un œil. Accroches toi à tes dessous, ça retourne les tripes.
- Occupes-toi des tient et allons-y.
L’inspecteur Virginia Appelthorn n’aimait pas ce genre de situation. Quand Isaac avait recourt à ce genre d’humour douteux, c’est que même lui avait du mal à encaisser. Et ce qui choque un légiste qui compte ses 20 ans de scène de crime n’est pas pour tous les regards.
L’arrière salle était à peine éclairée, une bâche plastique couvrait le billard transformé en table de morgue de fortune. L’ancien propriétaire des lieux reposait sous un drap vert.
Vous saviez pourquoi le vert a supplanté le blanc en chirurgie et donc en médecine légale ? Uniquement parce que les tâche de sang ne sont plus rouge et vive, passant à une espèce de mauve foncé, voir presque bleu. Les patients trouvaient les tabliers blancs trop proche de ceux des boucheries. Trop salissant et dérangeant pour se laissait opérer l’esprit tranquille.
Voilà en gros ce qui passait par l’esprit de l’inspecteur Appelthorn. N’importe quoi pour se convaincre que le drap ne bougeait pas lentement, comme si une petite portion était prise de soubresaut.
Le légiste avait des gestes lents, comme cérémonieux… ou réticent à l’idée de ce qu’il s’apprêtait à révéler.
- Bon, Isaac, tu me lève se foutu drap ou je te colle moi-même un pruneau !
- Tu l’auras voulu…
Virginia Appelthorn se dit soudain qu’elle aurait dû écouter sa mère et se lancer dans l’esthétique plutôt que dans les forces de l’ordre…