Auteur : Baragon
Date de parution :
L’inspecteur Appelthorn se rendait à l’église avec sa Pontiac Firebird. En bonne protestante elle se rendait à sa paroisse chaque dimanche, là ce n’était pas pareil. Premièrement c’était une église catholique, ensuite c’était pour le travaille qu’elle était là. Le prêtre retrouvé mort la veille, le père Gunther, dépendait visiblement de cette paroisse.
En arrivant, elle fut reçue par un jeune prêtre.
- Que puis-je pour vous ma sœur ?
- Inspecteur Appelthorn, je souhaiterais rencontrer le responsable, j’ai cru comprendre que l’église dépendait d’une abbaye attenante.
- En effet oui, si vous vouliez bien attendre quelque peut ici, je vais voir si le père supérieur peut vous recevoir.
- Merci.
Alors que le jeune prêtre s’éloignait vers une porte au fond de l’église, Virginia observait la grande salle. Exception faite du crucifix au dessus de l’autel, la décoration et le mobilier était très simple, mais pas de cette simplicité qu’apporte le manque de moyen, plutôt une austérité sévère et calculée.
Le prêtre revint l’air plutôt embarrassé.
- Le père supérieur Weinsturb est déjà en rendez-vous ma sœur. Ne pouvez-vous revenir un autre jour ?
- Je ne suis pas ici en visite de courtoisie, je peux attendre que son rendez-vous se termine
De plus en plus mal à l’aise, le jeune prêtre finit par acquiescer.
- Euh… dans ce cas je retourne le prévenir que vous l’attendez.
- Très bien.
*
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Le père supérieur finit par entrer dans le vaste bureau, c’était un homme de taille moyenne, les cheveux poivre et sel coupé très court, presque plus une coupe au carré militaire qu’une coiffure ecclésiastique, le visage sec et sévère soutenu par un regard gris bleu d’une intensité à plier les herses. Le physique idéale pour un acteur qui aurait hérité d’un rôle d’inquisiteur fou.
- Bienvenue monsieur Valley.
Bien qu’il fasse visiblement des efforts pour être cordiale, sa voie gardait quelque chose de glacé et tranchant.
- Euh… merci… j’ai reçue un courrier sans autre indication que le nom de l’église et le votre. Je dois avouer que ça a piqué ma curiosité.
- Je le conçois mon ami. Mais n’y a-t-il pas un autre détail qui vous ait attiré ?
- Et bien…
A ce moment on frappa à la porte. Les traits du père supérieur se figèrent en un masque qui n’avait rien d’amical. Appuyant sur un interrupteur il débloqua la porte. Le jeune prêtre qui entra était celui qui l’avait accueillit un peu plus tôt. Cette fois, il semblait marcher sur des braises, visiblement la nouvelle qu’il apportait n’était pas aussi bonne que la précédente. Il chuchota quelques mots à l’oreille de son supérieur. Celui-ci resta quelques instant pensif.
- Très bien, je m’en occuperais ensuite. Veuillez rester près d’ici mon fils.
Où en étions nous déjà ?
- Hum… en fait je pense que c’est surtout la croix imprimée au dos de la carte qui m’a intriguée.
- Intéressant… et dans quelle mesure cela vous a-t-il influencé ?
- Et bien… c’est difficile à dire. Une sorte de souvenir, quelque chose d’ancien mais d’impossible à cerner…
- Je vois, je vois. Et peut être puis-je vous aider.
Ouvrant l’un des tiroirs de son bureau, il en sortit une croix, grande comme la main. Elle semblait d’or, ornée d’une imposante et lisse pierre rouge, d’une teinte si intense qu’elle avait presque l’air opaque. Les reflets sombres de la pierre avaient un effet presque hypnotique sur l’homme à la crinière de neige. Enlevant d’une main tremblante la paire de lunette de soleil qu’il mettait généralement pour dissimuler ses cicatrices, il tendait la main vers la croix. Son regard s’éclairant soudain au contact du métal, non pas froid comme on pourrait s’y attendre, mais tiède et presque palpitant. Alors que connaissance et conscience semblait à portée, elles le fuirent rapidement… sa conscience filant comme l’eau entre ses doigts, lentement, presque au ralenti, il s’écroula sur le bureau. Derrière lui, le jeune prêtre tenait une seringue.
- Bon timing mon fils, je regrette la perte du père Gunther, mais nous tenons enfin notre homme. Sanglez le sur le divan et tirez les panneaux. Nous recevrons notre inspectrice ensuite.
Et alors que son corps inconscient était ballotté d’un endroit à un autre, Michael Valley rêvait.
*
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Je portais alors la livré blanche ornée de la croix rouge des chevalier de plein droit comme un accomplissement. Que l’une de mes premières missions me permette de retrouver mon maître m’emplis alors de joie. Il avait lui même fait la demande, ce que je n’appris que plus tard bien sûr. Il avait « quelque chose à finir », une vielle histoire à boucler avant de prendre sa retraite… je savais bien que ce n’était pas la première fois qu’il disait être sur le point de se retirer, c’était devenu comme un jeux pendant mon noviciat : « Tu n’as aucun avenir… je prendrais bientôt ma retraite et tu ne sera toujours qu’un apprenti… » combien de fois l’ai-je entendu avant de donner tout ce qu’il me restait dans les tripes et de voir un sourire se dessiner ?
Cette fois il semblait vraiment vouloir en finir, j’avais un mauvais pressentiment. Mais comme je l’ai déjà dis, on crois les pères immortel. Et la vie possède un sens de l’humour particulier pour vous prouver vos tords… un humour noir.
Nous sommes donc partie pour sa « vielle affaire » avec un quelques autres chevaliers, un voyage plutôt tranquille. Nous sommes arrivé dans une vallée boisée au cœur des montagnes. De loin ça ressemblait à un coin de paradis, un tableau au dessus d’une cheminée dans un foyer accueillant. Mais une fois descendue dans la vallée nous étions face au vrai visage des lieux. Quelques fermes semblaient avoir prospéré il y a longtemps, ne laissant que des moellons épars et des pans de mur écroulé. Ici les reste d’un moulin, là un champ en friche qui aurait bien pu donner du blé à une époque révolue. Au centre de ce décor étrange, sur un petit promontoire rocheux, dominant à peine le reste de la vallée de la hauteur d’un homme, les ruines d’un manoir de taille modeste mais robuste en son temps. Sur le fronton, les armoiries personnel de maître Merron.
Une courte histoire en suivie. Ce fut pourtant l’un des plus long discoure que j’entendis de la par de mon laconique maître. Quand il était plus jeune il était parti fièrement vers la forteresse de l’ordre la plus proche pour devenir chevalier, comme chaque aîné de sa famille depuis des générations. Régulièrement il recevait des plis lui apportant des nouvelles de la maison de son père. Jusqu’au jour de son adoubement ou aucun des sien ne paru. L’amertume le partageait à l’inquiétude pour cette absence et le silence qui suivait. C’est le cœur tiraillé qu’il reprit le chemin de ses terres.
J’avais longtemps cru que mon maître était comme moi de basse extraction, ayant gravi les échelon un à un en un temps ou la naissance avait moins d’importance, que c’est pour ça qu’il m’avait prit sous son aille. En fait c’était simplement un homme infiniment juste qui croyait aux valeurs qu’il portait. Comment ne pas être fier d’avoir côtoyé un tel homme ?
Le retour de mon maître en ses terres lui avait procuré un spectacle similaire à celui que nous avions traversé dans la journée, mais plus frais, horriblement plus frais. La plupart des serfs de son domaine avaient trouvé la mort. Des deux cents âmes que comptait le petit duché, seul une trentaine de survivant se terraient encore dans le manoir. Une poignée de garde, paysans et son père, affaibli et malade. Une sombre terreur c’était abattu sur ces terres une semaine avant son adoubement. Une créature décimait les troupeaux et les gardes envoyés ne revenaient jamais. Elle s’en prit alors aux serfs eux même, en à peine quelques nuits la moitié de la population avait disparu sans laisser de trace… ou alors trop horrible pour que l’on veuille les mentionner. Le manoir fortifié devint le refuge des survivants. La cour et l’abri précaire des maigres remparts c’était alors peuplé de tente et d’abris de fortune. Et même ainsi les disparitions avaient continuée. Le frère cadet de maître Merron avait décidé de mener une expédition avec une partie des gardes valide. Aucunes nouvelles de leur petit groupe n’étaient parvenues aux « assiégé ». Cela faisait maintenant deux semaines que les événements avaient débuté et mon maître arrivait parmi les siens dans un moment peu enviable pour des retrouvailles.
Bien que cela leur en coûte, maître Merron avait convaincu son père de tenter de mener les survivants hors de leur terre. Ils prendraient ensuite le temps qu’il faudrait pour retrouver le ou les responsables et leur faire expier, alors tous pourraient retrouver leur terre perdue. Ainsi les derniers Waltenberg et leur liges préparèrent ils leur maigres paquets. Alors qu’ils prenaient la route, convoi hétéroclite de chariots et d’hommes portant leurs effets, les ténèbres s’abattirent sur eux. Une masse d’ombre plus épaisse que la nuit, déchirant les chaires de la tête du convoi avant que celui-ci ne se stoppe. Presque un quart des exilés avait encore disparu dans cet assaut avant que mon maître n’ait engagé le combat contre la chose. Au cœur de la bataille, il exhortait les autres de continuer, qu’il retiendrait leur agresseur le temps qu’il faudrait. La nuit durant il tenta de retenir la chose qui avait semble-t-il décidé de ne s’occuper que de lui, cruel et immense chat le prenant pour un amusant rongeur. Le matin vit mon maître inconscient sur le bord du chemin…
*
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Le moinillon revint la chercher dans la grande salle. Le teint plus rougeaud, il devait avoir fait un effort il y a peu.
- Le père supérieur vous attend inspecteur.
Tout en suivant le moinillon, une pensée amère lui traversait l’esprit, ce sont toujours les gens importants qui vous attendent, même quand vous venez de poireauter pour leur bon vouloir.
Bien que séparé en deux par des panneaux de marqueterie, le bureau restait bien plus grand que le cagibi qu’elle occupait au commissariat, privilège du pouvoir. Bien qu’ayant le corps d’un vieillard chenu, il possédait un profil de faucon, dur et acéré comme une lame, le regard perçant et sévère.
- Bienvenue inspecteur, que nous vaux l’honneur de votre visite ?
La cordialité de ses propos tenait bien plus de la formalité froide que de la volonté d’accueille.
- J’ai peur que ce ne soit de mauvaises nouvelles mon père. Le nom de Gunther Hieldbrandt vous dit-il quelque chose ?
- Le père Gunther, oui. Il n’est pas rentré hier… et je suppose que votre présence n’augure rien de bon ?
- En effet, vous pouvez craindre le pire. Je suis venue vous annoncé une mauvaise nouvelle, un homme que les papiers identifie comme le père Gunther est mort empoisonné hier en fin d’après midi. Nous aurions voulu savoir si vous pouvez envoyer une personne pour authentifier l’identification.
- Bien entendu, un frère vous sera détaché à cette fin. Dès votre départ même si vous le désirez.
- Merci bien…
C’est marrant cette façon de me pousser vers la sortie, se dit-elle.
La question peut vous paraître étrange mais… je suppose que vous ne lui connaissiez pas d’ennemi ?
- Non ! Bien entendu. Vous ne vous adressez pas ici à un temple impie d’une quelconque secte. Vous êtes dans la maison du seigneur.
- Je le conçois mais…
- NNNOOOOOOOONNNNNN…
Stoppant la scène dans une immobilité glacée, un cri venait de retentir de l’autre côté des panneaux de marqueterie.
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Le petit groupe avait pénétré le reste de la forteresse à l’abandon sans y rencontrer âme qui vive. Les fenêtres claquaient sinistrement et une brise glaciale parcourait les tentures en d’infimes soubresauts. Le silence pesant semblait même étouffer nos pas, alors que chacun se souvenait de la répercussion du claquement de talon dans un grand hall. Par binôme nous nous séparions, au côté de mon mentor la progression dans le bâtiment méconnaissable avait quelque chose de dérangeant.
Un cri étouffé au loin… chaque groupe convergea en ce qui semblait son point d’origine, horriblement identifiable alors que la taille de la forteresse aurait due le noyer dans les réverbérations et autre écho.
L’un de nos camarade était tombé, gisant a terre, pantin désarticulé dont les files avaient cédé. Son compagnon de recherche se balançait au bout d’un étendard… pendu alors que son sang gouttait encore le long de sa jambe… il était maintenant indubitable qu’un ennemis rodait encore dans la place.
Tous se regroupèrent, avançant en ordre de bataille dans les corridors, y traquant désormais le responsable probable de ces ruines.
C’est alors que les ténèbres elles même s’abattirent sur le groupe, disloquant la formation alors qu’une l’obscurité compacte nous projetait comme fétus de paille. Un autre camarade été tombé devant l’assaut furieux de cette nuit vivante, le craquement de ses os contre le mur ne quitterait jamais nos mémoire… si nous nous en sortions un jour…
Je recouvrais à peine mes esprits pour assister au carnage. La plupart de mes compagnons avaient mordu la poussière, dans des états que ma mémoire se refusera longtemps à imprimer. Mon maître était encore debout et bataillait autant qu’il le pouvait pour contenir la chose, tache blanche et dérisoire face la masse obscure, étincelle dans les ténèbres. C’est alors que la lumière vacilla… une excroissance de ténèbre vive lui traversa le corps de part en part. Lentement, retenu par les articulations de son armure devenu inutile, il s’affaissait sous mes yeux.
D’infinis effort pour me relever, brandir ma lame. Un combat futile peut être… mais dicté par l’honneur, plutôt tomber ici et maintenant que vivre une vie de regrets et de honte.
Lentement, méthodiquement, mon armure fut mise en pièces, ma vie s’écoulant de maints blessures insignifiantes couvrant mon corps, les ruisselets se joignant pour formé d’écarlate rivière. Ballotté de droite et de gauche, projeté sur les murs… chaque coups calculé pour me gardé en vie en vue des suivant, alimentant la douleur mais refusant le refuge de l’inconscience. Ne laissant en ma place qu’une masse de douleur, la vision trouble, les jambes flageolantes, la longue lame inutile contre cette adversaire formidable gisait à terre.
Ne restait plus qu’une arme, une alternative… la foi… en dieu ou en un idéale, je ne saurais jamais le dire… à moins que ce ne soit simplement dans une chance de survie ? La croix qui pendait encore miraculeusement à mon cou finit dans ma main pour l’ultime assaut. Arme dérisoire investi de ce qui me restait de foi, de volonté, d’envie de vivre…
Un dernier saut sur la chose palpitante, prêt à la poignarder de mon arme risible… de mon âme portée en ma main…
Un revers, et le sang inonde ma vue, une douleur fulgurante me traversant l’œil. Une dernière prière, un dernier cri inarticulé au moment de frapper.
La chose éclate, s’enfle et se disloque en même temps. Occupe tout l’espace, mais s’effondre sur elle-même. Puis le silence, lourd, presque palpable. La mort vient prélever son due. Ma vue se trouble de plus en plus, l’inconscience vient enfin et mon œil valide se ferme lentement. Une silhouette semble parcourir le grand hall, se pencher sur moi… je ne serais pas en train de mourir, je jurerais que des ailles de flamme ornent ses épaules…
*
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Au moment où, plus rapide que le vieux prêtre, Virginia se jetait sur les panneaux de bois et les écartaient, l’homme sanglé sur le divan ouvrait les yeux…