Urban Comics
  FF Annual #1: La Fin d'un Monde (11) : Victor
 
Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Mai 2009

Cybertek, banlieue de New York.
Trois ans plus tôt.

« Cinq, quatre, trois, deux, un…go ! »

Il ouvrit calmement la porte principale de l’immeuble long de trois étages siège new-yorkais de la branche Recherche & Développement de Cybertek, en plein boum actuellement. Pas mal de rumeurs circulaient sur des expérimentations étranges dans leurs locaux, sur des travailleurs illégaux mais tout ça n’intéressait pas les deux jeunes hommes qui pénétraient tranquillement la réception pour se diriger vers le sous-sol ; ils étaient là pour une machine qui venait d’arriver et qui transiterait de l’Europe à la Russie pour finalement arriver au Moyen-Orient.
Cybertek ne faisait donc pas que des brevets pour l’aéronautique, les applications domestiques des recherches gouvernementales sur la robotique et d’autres petites inventions annexes : tout cela n’était que de la poudre aux yeux pour cacher leur véritable business, la vente d’armes illégales.

« Ton joujou a bien fonctionné, pour une fois.
- Pour une fois ? Il nous a déjà tirés de là où tu nous avais mis avec le CLT !
- Je m’en serai sorti sans toi, R.
- Bien sûr. »

Les deux hommes, à peine sortis de l’adolescence, étaient habillés d’une façon classique pour des voleurs : combinaison unique, noire, gants, bottes, ceintures remplies de petites poches pour contenir le matériel de base, une cagoule et des lunettes infrarouges, le tout volé évidemment. Ils avaient assez d’argent pour se payer tout ça, mais c’était bien plus drôle de le prendre et ils faisaient attention à leurs dépenses. Ils étaient sans attache, sans parents véritables et se savaient surveillés par la police : mieux valait être prudent – au moins sur leurs achats.

Ils s’accroupirent devant une grande porte dans le sous-sol, qui dénotait avec l’atmosphère classique ambiante : alors que tout était très banal, des stocks de feuilles, d’objets de bureaux ou des vieux dossiers près de vieilles machines, il y avait cette grande embrasure blindée, certainement dans un alliage de métal très résistant. Ils avaient réussi à pirater les bases de donnée de Cybertek quelques heures plus tôt et avaient appris ainsi comment passer outre tous les systèmes de sécurité ; ils avaient l’habitude.

Sans rien se dire, ils commencèrent à fixer autour de la porte une pâte molle de leur invention : il fallait faire exploser tout le pourtour autour d’elle pour qu’elle se déloge. Ils avaient endormis les quelques gardes du site avec du gaz dans les tuyaux d’aération et avaient environ une heure pour intervenir ; pas de problème à l’horizon, ils agissaient comme des professionnels. Ca faisait environ un an qu’ils travaillaient ensemble et tout se passait bien. Ils souriaient sous leurs cagoules, se frottant déjà les mains de leur trouvaille.

Evidemment, les deux jeunes hommes n’étaient pas là pour la beauté du geste et la protection des innocents du Moyen-Orient : ils venaient, voyaient, prenaient et revendaient à un prix exorbitant. C’était malhonnête, amoral et répressible mais ils s’en fichaient ; le monde était un terrain de jeux depuis qu’ils avaient découverts que leur intellect était supérieur à la normale et qu’ils étaient inadaptés au système scolaire et à la structure de la société. Ce monde n’était pas pour eux ; ils se devaient de créer le leur, et pour ça avaient besoin d’argent.

Sans un autre mot, ils reculèrent et l’un appuya sur le détonateur relié par un mince fil à la patte molle. Celle-ci se gonfla, passa du beige au vert avant d’exploser dans une explosion très discrète. Ils firent deux autres pas en arrière pour assurer leur sécurité, et observèrent avec satisfaction la lourde porte tomber devant eux ; un vacarme assourdissant empli la pièce tandis qu’ils étaient déjà en train de ranger leurs petites affaires et de sortir une lampe de poche.

« Tu passes devant ? »

Le dénommé « R » acquiesça et s’avança calmement, prudemment. Même s’ils étaient parvenus à pirater les fichiers de Cybertek, il préférait y aller doucement : cette firme était puissante, et même si elle était jeune elle était assez forte pour avoir un tel système de sécurité. Ils avaient eu quelques soucis pour faire tomber leurs défenses, et son collègue ne lui avait pas dis ce qu’il y avait vraiment de prévu dans ce siège local…il avait un peu peur, en fait, que tout ne se passe pas bien. Peut-être visaient-ils trop haut, pour une fois.

Mais évidemment, jamais il n’en parlerait à son camarade : il appréhendait qu’il se moque de lui, qu’il le rabaisse ou qu’il l’abandonne. Ils s’étaient trouvés dans la rue, abandonnés et incompris ; grâce à lui, « R » avait trouvé un compagnon de jeu, quelqu’un sur qui il pouvait compter et rebondir et…un ami, pensait-il. Il serait toujours là pour lui, ou du moins ferait-il le maximum pour y arriver.

« Va plus vite ! »

Il soupira : il n’aimait pas quand il le pressait. Alors qu’ils avançaient dans la pénombre, que leurs lampes ne parvenaient pas vraiment à éclaircir leur chemin, il voulait qu’ils aillent plus vite : il était toujours stressé par le timing. « R » était bien plus calme et détendu, mais il pouvait comprendre. Son camarade s’était déjà fait arrêter pour ça et en avait retiré une mauvaise expérience de la police new-yorkaise. Pourtant, tout devrait bien se passer aujourd’hui ; même si lui-même en doutait, il fallait qu’il se montre rassurant pour celui qu’il appelait dans ces moments-là « V ».

« Calmes-toi, ça va bien se passer…t’as fait tomber toutes les sécurités et j’ai piraté les fichiers pour. Il n’y aura pas de souci.
- Ouais, mais on n’a pas à se traîner non plus ! J’ai des armes à envoyer aux bronzés, moi ! »

Son collègue passa devant en trombes, au grand dam de « R » qui aurait préféré une observation plus assidue des lieux avant de faire quoique ce soit. Il était bien moins expérimenté que l’autre dans tout ça, mais il préférait quand même être sûr avant d’agir ; ça lui paraissait plus sain.

« Attends ! Je passe devant. »

« R » ne voulait pas que son camarade ait quelque chose au cas où ça se passerait mal. Se dépêchant de le rejoindre, baissant sa lampe de poche en marchant, il posa sa main sur l’épaule de « V » et lui fit un signe de tête pour lui faire comprendre qu’il serait second. Ca ne lui plairait pas mais mieux valait que l’expert en tout ça soit derrière au cas où ça tournerait mal : il saurait réagir pour le tirer de là.
Rassuré de le voir plus « sauf » et espérant rapidement tomber sur ces saloperies d’armes, « R » se mit donc en marche et ne fit pas attention au fait qu’il voyait devant lui une porte qu’il n’avait pas vu sur les plans. Il ne fit pas attention à son erreur de mettre sa tête en avant et d’avoir sa main près du corps, l’horizon devant lui encore éclairé par la lampe de « V ». Il ne fit pas attention à son instinct qui lui criait de reculer.
Mais il fit attention au champ d’énergie juste devant lui – mais trop tard.

Il cria, hurla alors que toute sa peau était brûlée et que sa cagoule se liait à ce qui restait de son crâne. Il recula pour chercher de l’aide auprès de « V » mais ce dernier n’était pas autour de lui, ne parlait pas même s’il ne pouvait rien entendre tant sa voix était poussée au plus fort par la souffrance. Il était à genoux, ne pouvant supporter la douleur…et seul. « V » l’avait abandonné : il l’appelait à l’aide mais il ne faisait rien, n’était pas là. Il était seul avec sa souffrance innommable et un charnier à la place du visage.

Reed était parti. Victor était seul.



Lower East Side, Manhattan, New York.
Deux ans plus tôt.


« Vous semblez aller mieux. »

Lentement, Victor tourna ses yeux fatigués par la lumière du soleil et recouverts de ses éternelles lunettes noires vers le médecin, le « docteur » Wagner. Celui-ci fit un léger sourire en finissant de noter quelque chose sur la feuille qui était toujours scotchée sur le bas de son pseudo lit d’hôpital, avant de le regarder à nouveau – comme d’habitude avec une petite moue d’horreur. Il avait appris à s’habituer.

« Vous pourrez peut-être sortir dans quelques mois, si vos yeux s’habituent mieux à la lumière. »

Il était optimiste mais Victor savait qu’il mentait. Il n’avait jamais été intéressé pour la médecine et n’y connaissait pas grand-chose, mais il n’était pas stupide : son visage avait été en contact avec un bouclier d’énergie qui n’était pas présent sur les plans piratés. Peut-être que Reed l’avait vu sur les systèmes de sécurité dont ils s’étaient occupés, peut-être qu’il n’avait rien dit…il n’en savait rien et essayait de ne pas y penser. Ca faisait un an qu’il était coincé ici, recueilli par une sorte de communauté médicale dans un immeuble pourri et abandonné ; ils le soignaient et essayaient de l’aider comme tant d’autres laissés pour compte, mais il savait que sa vie était fichue. Son visage n’était plus que ravages et le peu de chair qui lui restait donnait envie de vomir. Il aurait préféré mourir mais n’en avait jamais eu le courage.

« Si vous le dites. »

Sa voix était devenue rauque et froide, quasiment dénuée d’expression. Ses yeux avaient été miraculeusement sauvegardés par le « docteur » Wagner, mais ils ne supportaient presque plus les rayons du soleil ; et bien sûr, sans chirurgien plasticien par ici, il n’avait pas pu voir son visage être reconstruit. Il avait eu les meilleurs antidouleurs du centre « médical », mais ça n’avait pas suffi à la faire taire ; maintenant, la souffrance physique avait fait place à quelque chose de plus intérieur, de plus dur…vicieux.

Sa vie était fichue. Il passerait le reste de son existence dans ce lit sale et puant, à imaginer des choses qui n’arriveraient jamais. Drogué quasi-continuellement, il « voyait » parfois des événements qui n’existaient pas. Une fois, il crut apercevoir un monstre digne de H.P. Lovecraft attaquer les autres patients ; une autre, il fut sûr d’assister à l’attaque d’un « camarade » par des ombres, stoppées par une sorte de diablotin noir qui apparaissait et disparaissait ; une autre encore, il aurait parié avoir entendu des SDF se faire agresser par d’autres aux voies robotisées.
Il devenait fou. Il l’était déjà, finalement ; et il s’en fichait.

Reed l’avait abandonné, lui qui avait juré de toujours être son ami. Il l’avait laissé subir cette horreur seul, sans même l’assister, sans même l’emmener à l’hôpital. Il avait dû lui-même se sortir de Cybertek, il avait dû se coller contre un mur pour tenter de retrouver de mémoire la sortie, essayant d’aller aussi vite que possible pour ne pas être attrapé par les flics ; finalement, c’était une erreur de faire ça. La police l’aurait certes arrêté, mais il aurait bénéficié de meilleurs soins et aurait peut-être retrouvé plus d’humanité. Il s’était traîné dans les rues sales de New York, aveuglé par la douleur et la folie qui prenait possession de lui. Ce fut par chance qu’il fut recueilli par Wagner, qui apparemment « passait » par là où il se trouvait.

S’il n’avait pas été trouvé, Victor savait qu’il n’aurait pas survécu à ses blessures ; et il le regrettait.

Bien sûr, il n’osait pas l’avouer à Wagner ou aux autres : toutes les personnes de ce « centre » voulaient se battre pour survivre, étaient animées d’une terrible rage pour dépasser leurs problèmes et s’en sortir. C’était beau, implacable mais il ne pouvait partager une telle émotion. Même ceux avec des bras en moins, même ceux atteints d’un cancer avaient l’espoir d’une vie meilleure, ou au moins d’une vie avec le plus de normalité possible. Lui ne pouvait caresser une telle espérance ; sa seule envie, sa seule source de lumière était l’idée qu’un jour son corps s’habitue aux antidouleurs et que la souffrance soit si forte que son centre nerveux rende l’âme, et le fasse partir.

« Qui est Reed ?
- Quoi ? »

Une femme était assise à côté de son lit, il ne l’avait même pas entendu arriver. Pour le peu qu’il voyait avec ses yeux fatigués surmontés de ses lunettes de soleil, elle était jolie : brune, yeux très sombres, un visage un peu osseux mais non dénué de charme. Elle était habillée simplement mais pas pauvrement, ce qui indiquait qu’elle n’était pas une patiente mais sûrement une bénévole.

« Reed. Vous murmurez souvent ce nom dans votre sommeil. C’est un ami à vous ? Quelqu’un que nous devons avertir ? Nous connaissons beaucoup de monde, ici, nous pourrions le retrouver. »

Sans s’en rendre compte, Victor se crispa tant que sa perfusion craqua. Ses muscles étaient tellement tendus qu’il ne parvenait plus à bouger, et sa respiration devint plus difficile. Il ne supportait pas d’entendre ce nom…c’était au-delà de ses forces. Reed l’avait trahi, et il ne pouvait entendre ce nom ; l’être responsable de son malheur devait souffrir dans d’atroces souffrances, et ça aurait normalement dû suffire à le maintenir en vie…mais ça ne fonctionnait pas.

La haine était le meilleur moteur pour survivre, mais il n’y arrivait pas. Reed était son ami, celui qu’il voyait comme un esprit-frère : il ne pouvait le détester. Malgré tout ce qui était arrivé, il parvenait encore à lui trouver des excuses ; il pensait que Reed n’avait pas fait exprès, qu’il avait eu trop peur et qu’il était allé chercher des secours…mais il ne l’avait pas retrouvé parce que lui-même avait bougé. C’était la faute de Victor s’il était comme ça.
Ou bien Reed avait été arrêté par la police, ou bien il n’avait pas su quoi faire, ou bien…ou bien il ne savait pas. Victor savait que tout ça n’était que des mensonges, mais il ne parvenait pas à le haïr. Reed avait tant compté pour lui : même après une telle trahison, il l’aimait encore. Et il voulait mourir pour ça.



Lower East Side, Manhattan, New York.
Un an plus tôt.


« Alors, Victor ? Vous ne voulez toujours pas me dire qui est ce Reed ? »

Il n’arrivait plus à la supporter ; s’il avait la force de se lever et de dépasser sa souffrance continuelle, il l’aurait frappée jusqu’à ce qu’elle promette de ne plus jamais prononcer ce nom. Mais même avec ça, Victor était sûr que cette Valéria ne lâcherait pas et qu’elle continuerait à le harceler. Ca faisait un an qu’inlassablement elle le questionnait sur l’identité de celui qui le hantait encore, et ça faisait un an qu’il la haïssait pour cela.

« Toujours silencieux, n’est-ce pas ? C’est dommage, vous savez. Nous pourrions vraiment le retrouver, ça pourrait vous aider…ça pourrait vous redonner goût à la vie.
- Je ne le veux pas. »

Sa voix rauque tenta encore une fois de la faire partir, mais Valéria resterait et tenterait encore. Elle était « infirmière » bénévole, apparemment nommée quasi-exclusivement à son chevet par le « docteur » Wagner. Ce dernier devait sûrement vouloir se débarrasser de lui, et pensait que si Valéria le rendait fou, il dirait qui était Reed et ils pourraient le joindre pour qu’il l’emmène au loin ; seulement, jamais il ne dirait qui était l’être responsable de tout ça…jamais il ne voudrait le revoir. Pas comme ça.

« Ca a l’air pourtant d’être quelqu’un d’important. »

Elle avait tout tenté : le chantage, les avances, les menaces, l’indifférence, le mépris, les colères, la tristesse…tout. Victor pouvait lui laisser qu’elle était diablement déterminée, mais ça ne servirait à rien. Il voulait mourir, disparaître et était sauvé, jour après jour, par des médicaments qui devaient servir à d’autres. Il en avait parlé à Wagner, mais le « docteur » avait argué de sa conscience professionnelle et du serment d’Hippocrate pour rejeter en bloc toute euthanasie.
Stupide vieil homme aigri par un renvoi « injuste » de sa précédente affectation. Il se faisait passer pour un saint, mais il n’était finalement pas si différent de ceux qui voulaient gérer « efficacement » et « économiquement » leurs hôpitaux : lui envoyait Valéria pour qu’il parte d’ici, il avait envie de se débarrasser de lui.

« Peut-être est-ce votre frère…votre cousin…ah mais nous avons déjà parlé de tout ça…toujours une tombe, hein ? Ca n’est pas grave, je reviendrai ce soir. Vous serez peut-être plus loquace. »

Victor voyait ces séances comme une torture. S’il avait trouvé Valéria mignonne et même sympathique au début, il n’avait désormais plus la patience pour la supporter. Elle était certes animée d’une bonne volonté et d’une envie d’aider, mais elle n’arrivait pas à comprendre qu’il voulait juste disparaître. Il était passé de la tristesse à la colère puis au cynisme durant toute cette année passée, depuis l’arrivée de Valéria ; il était parvenu à la conclusion que Reed l’avait bien abandonné, et qu’il n’avait très certainement jamais été allé chercher des secours. Pourtant, c’était de sa faute à lui s’il se retrouvait ici : il aurait dû être plus prudent et vérifier les plans après Reed. Il était sûrement passé au-dessus de ce petit service de sécurité, sans le voir.

Victor était responsable de son propre malheur, mais Reed aurait dû l’aider. Seulement, il ne parvenait pas à lui vouloir totalement – il l’estimait trop pour ça. Il était son frère, après tout.


« Reed, c’est votre amoureux ? Votre prof’ ? »

Il s’était endormi. Comme souvent, son corps était tellement usé par sa souffrance, les médicaments qui le maintenaient loin de la douleur qu’il s’était avoué vaincu et était retourné dans le royaume des songes. Mais comme d’habitude, Valéria était revenue et le harcelait encore…et il en avait assez.

« Ou bien un camarade de classe ? »

Autour de lui, les patients dormaient. Il ne savait pas quelle heure il était, mais il devait être près de minuit vu que plus personne ne semblait réveillé ; Valéria devait être à la fin de son service, et elle avait voulu se garder un « bon moment » pour la fin. Sa torture quotidienne devait être vécue par elle comme un plaisir, une jouissance sadique. Elle devait adorer venir le voir, le réveiller, le forcer à répondre à ses questions qui étaient toujours les mêmes, et qui n’auraient jamais de réponse ; mais elle s’en fichait. Ce qu’elle devait aimer…ce qu’elle aimait, il en était maintenant sûr, c’était le rendre fou, l’harceler.
Elle était méchante, cruelle – folle. Il la haïssait.

« Allez, je suis sûre que vous voulez me le dire…vous n’osez juste pas… »

Victor en avait assez. Tous les jours, il se réveillait avec ses questions ; tous les jours, il mangeait avec ses questions ; tous les jours, il s’endormait avec ses questions. Il ne pouvait plus le supporter : ne comprenait-elle pas qu’il voulait juste être tout seul ? Qu’il voulait disparaître ? Si Wagner en avait assez de lui, qu’il arrête de le droguer ! Ou bien qu’il le jette dehors…la Nature fera bien vite son affaire.
Mais non, le « saint homme » voulait avoir la conscience tranquille et la réputation propre : il voulait que quelqu’un vienne le chercher et le fasse sortir. Comme ça, il dirait à tous combien son action a porté ses fruits sur un cas aussi désespéré que le sien. Victor en avait des nausées.

« Dites-le moi…dites-moi tout… »

Il ne s’en était pas rendu compte, mais Valéria s’était approchée et n’était plus qu’à une poignée de centimètres du visage de Victor. Elle usait cette fois-ci de la stratégie du charme, tentant de mettre ses atouts en avant ; il sentait son parfum tout autour de lui, avait ses cheveux qui retombaient sur ceux qui lui restaient. Elle était prête à le rendre fou, mais évitait bien son visage pour ne pas le blesser.

Mais lui ne pensait qu’à Wagner, qu’à cette année passée avec elle, à ces harcèlements quotidiens, au dégoût qu’il ressentait. Il savait qu’elle ne faisait ça, qu’elle ne le charmait que parce qu’on le lui avait ordonné. Il connaissait son visage, était conscient qu’il était devenu immonde. Il savait qu’elle voulait le manipuler, qu’elle ne faisait que remplir une mission, une mission née d’une envie égoïste de Wagner d’être bien vu par tous et de retrouver son emploi après avoir tenu seul ce « dispensaire ».

Il le savait et il ne le supportait plus.

« Dites-moi qui est Re… »

La poigne de Victor l’empêcha de dire ce nom qu’il ne pouvait plus, qu’il ne voulait plus entendre. Il ne supportait plus tout ça, il devait stopper tout ça. Il ne savait pas qu’il avait encore une telle force, une telle volonté mais sa colère était contenue depuis deux ans, elle était enfouie en lui depuis si longtemps qu’elle avait besoin de sortir. Valéria était allée trop loin, Wagner était allé trop loin et il était temps que quelqu’un paye.

Toute sa vie, Victor avait subi : il avait été abandonné, il avait été rejeté du système scolaire, il avait été esseulé par la société, il avait été trahi et vaincu…et il en avait assez. Alors qu’on le harcelait, alors qu’un travail de sape était fait sur lui, il devait réagir ; il était temps que lui impose sa marque, sa voie. Il était temps que son règne vienne.



Les docks, Manhattan, New York.
Six mois plus tôt.


« Ils…ils ont disparu…j’vous jure…ils ont disparu… »

Victor craqua la nuque de la petite frappe qu’il interrogeait depuis cinq minutes. Il avait vu la peur dans ses yeux, il lui avait cassé assez de doigts pour lui faire dire tout ce qu’il savait, il n’avait plus besoin de lui ; et il n’avait surtout pas besoin que quelqu’un vienne raconter à la pègre locale qu’un défiguré cherchait les p’tits jeunes qui s’étaient crus trop grands.
Il laissait donc retomber le corps sans vie de son informateur, mais n’était toujours pas avancé. Il avait remonté la piste de Reed depuis le commissariat où il avait été arrêté jusqu’à l’école expérimentale qui avait tourné à l’échec. Après, il avait eu beaucoup de difficultés à découvrir où était allé celui qu’il considérait encore comme son frère, mais dès qu’il avait entendu parler des « quatre terreurs » des docks, il avait fait le lien.

Ainsi, Reed avait décidé de se sociabiliser. Celui qui avait toujours refusé d’élargir leur duo, celui qui avait si peu confiance en le monde et les autres qu’il voulait toujours qu’ils échangent leurs surnoms, « R » et « V » pour éviter qu’on le retrouve lui, était ainsi devenu chef d’une petite équipe de cas sociaux et scientifiques. Une pute, une p’tite frappe, un gamin abusé – et Reed. Une bien belle équipe. Il la haïssait.

Cela faisait six mois qu’il avait quitté l’hôpital improvisé de Wagner, six mois depuis qu’il avait pris la vie de Valéria – la première d’une série désormais longue. Victor s’était découvert cette nuit-là, trouvant en lui la source d’une puissance incroyable et née d’une colère juste et légitime ; le harcèlement de la jeune femme avait été de trop, et il était passé de son état apathique à une rage indescriptible, qui lui fit étrangler Valéria en quelques secondes à peine. Et il ne regrettait rien.

Evidemment, il était toujours dommage de devoir prendre la vie de quelqu’un qui aurait pu l’aider, à retrouver Reed comme elle l’avait promis depuis toujours par exemple, mais grâce à cela, Victor était parvenu à dépasser ses blocages, ses complexes et à libérer cette hargne qu’il chérissait tant. Il avait de suite fui le « dispensaire », vivant depuis sans aucun antidouleur. La souffrance était innommable, mais il avait appris à la dépasser, à en faire une force.
Bien sûr, les premiers temps furent cauchemardesques, le faisant passer des remords aux envies suicidaires en passant par le déni, mais il était parvenu à user de sa colère envers ce monde qui ne lui avait jamais vraiment donné une chance de s’en sortir comme d’un moteur, pour avancer et retrouver Reed. Pour se venger.

En fait, même s’il avait passé deux ans à le nier, Victor en voulait à son frère : il le considérait toujours comme le seul être à même de le comprendre et de lui apporter ce dont il avait besoin, mais il ne pouvait accepter qu’il l’ait abandonné. Il avait bien songé que Reed avait été arrêté, ce qui avait été le cas, mais jamais il n’avait tenté de le retrouver, de savoir si Victor était encore en vie ou non ; il l’avait effacé de sa mémoire, le remplaçant trop rapidement par ses nouveaux camarades de jeu, ceux de la foire aux monstres. Et cela ne pouvait être pardonné.

Victor avait donc remonté sa trace, réapprenant à vivre dans la rue, usant de sa face pour terrifier ceux qui osaient s’en prendre à lui et impressionner assez ceux qu’il volait. Il avait, à sa grande surprise, réussi à s’en sortir et à apprendre comment tuer vite et bien ; quelques leçons par quelques petites frappes voulant user de son visage comme d’une arme avaient suffi, avant qu’il ne leur fausse compagnie pour parvenir à son véritable objectif : Reed. Et il sentait qu’il approchait.

En six mois, Victor était devenu un autre homme : plus froid, sombre, déterminé. Il avait l’impression qu’il avait passé deux années dans un rêve, entre illusion et réalité, incapable d’accepter la fin de son enfance et l’entrée dans l’âge adulte. Reed était son frère, mais il l’avait trahi ; ils devaient se rencontrer pour régler tout ça, pour qu’il puisse enfin faire la paix avec son passé et avancer. Mais il savait déjà que ça ne se ferait pas en douceur, et il s’y préparait.

Plus il en apprenait sur Reed, plus il se rendait compte que le cynisme, l’égoïsme et surtout l’égocentrisme de son frère avaient explosé. Il se prenait pour le maître officieux de New York, alors que tout observateur avisé savait que seul Luthor avait la capacité de véritablement diriger la Grosse Pomme ; Victor était dans la « partie » depuis six mois à peine, mais il avait déjà conscience des joueurs en présence et voyait les erreurs de son ancien camarade. Il croyait pouvoir tout réussir tout seul, en imposant sa marque grâce à ses nouvelles « capacités ». Il ne savait pas vraiment ce que c’était, mais apparemment Reed et sa foire aux monstres étaient dotés de certains pouvoirs ; néanmoins, cela ne pouvait suffire à mater New York : la ville comptait assez de surhumains ou masqués pour empêcher ça, et il fallait jouer sur la même table que la majorité pour l’emporter.

Ça, Victor le comprenait et comptait bien en faire une arme : Reed désirait ardemment tout contrôler, sûrement pour rassurer son complexe d’infériorité et sa paranoïa de plus en plus forte, mais il le prendrait à son propre jeu. Il continuerait à apprendre, à comprendre, à réfléchir, et il frapperait. Richards se faisait de plus en plus d’ennemis, il ne serait pas difficile de les rassembler après que Reed ait encore plus affermi sa position ; ça prendrait beaucoup de temps, mais plus son frère monterait, plus facilement sa chute serait orchestrée.
Jamais Victor n’avait été un grand stratège, mais il se découvrait quelques talents en réfléchissant simplement à la situation. Reed devait gérer un territoire, baiser sa pute, calmer les ardeurs de sa p’tite frappe, rassurer son gros monstre, envisager des alliances : il n’avait plus le temps pour analyser la situation, simplement user de sa réflexion. Victor, lui, avait tout son temps ; c’était ça qui le ferait gagner.

Ça, et bien sûr ce qu’il s’entraînait à faire chaque soir. Depuis qu’il avait rencontré un vieux fou en imperméable puant et brûlé par endroits délirant en pleine rue, avec la gorge ravagée comme s’il avait été égorgé, parlant de monstres, de « dimensions » cachées, de « damnation éternelle », de « piège » par un « Ancien », il avait écouté certaines de ses paroles avec attention ; d’abord, il l’avait pris bêtement pour un taré de plus, étonnamment insensible à son apparence. Mais au fil des jours, Victor s’était rendu compte qu’il ne disait pas forcément que des choses sans importance : ce type, un dénommé Constantine apparemment, était de retour d’un monde caché, différent, peut-être un asile finalement, où il avait été emprisonné par un homme qui l’avait usé pour une « mission sacrée », et où surtout il avait été ramené à la vie par des « démons » qui l’avaient torturé.
Et si ce Constantine avait depuis perdu l’esprit, il racontait encore comment invoquer des esprits, comment joindre des mondes annexes, qui semblaient contenir des pouvoirs terrifiants – pouvoirs que Victor voulait s’approprier.

Bien sûr, il avait d’abord été très sceptique et ne voulait pas croire au début les folies de cet aliéné, mais…il vivait dans un monde où Eots, Steelman existaient, où une sorte de bête immonde et vampirique terrorisait et amputait la pègre de Chicago, où les mutants avaient vu leur existence rendue officielle par un Président irresponsable. En quoi la Magie n’aurait-elle pas sa place ici ? Est-ce que la Science pouvait être la seule source de toutes ces apparitions ?
Victor ne savait pas grand-chose, mais il était sûr d’une chose : quelque soi la règle, il y avait toujours une exception. S’il avait une foi sans faille en la Science, il était conscient qu’elle ne pouvait pas tout expliquer et il était prêt à user d’autres moyens pour s’en prendre à Reed, même sans les comprendre.

C’était ainsi qu’il voyait son plan d’action, et il savait qu’il ne pourrait plus faire grand-chose ce soir-là : il venait de tuer, encore une fois, un indic’ et devrait rentrer pour se reposer avant les vols du midi pour manger. Ca ne valait pas la peine de chercher quelqu’un d’autre, il en saurait plus sur Reed le lendemain. Il n’avait plus rien à faire, mais la nuit était encore jeune…il pourrait peut-être tenter quelque chose que Constantine lui avait montré.

Apparemment, ce dernier était « sorti » de sa prison quelques semaines plus tôt, selon lui parce que son sacrifice avait finalement servi : la « menace » que son emprisonnement devait empêchée avait été évitée, et après des années d’enfer – au sens propre selon lui, mais Victor songeait plus à un asile où il serait tombé sans le savoir sur une source magique – il était enfin revenu, mais complètement fou. Victor l’avait recueilli, le nourrissait et apprenait de ses délires, ce après avoir appris grâce à ses contacts que l’homme avait jadis été un employé du gouvernement.
En fait, il pouvait savoir énormément de choses grâce à ses « collaborateurs » : les criminels et délinquants étaient autant dégoûtés que les autres de son apparence, mais ils voyaient en ce visage détruit, ravagé une force ; pour eux, c’était un signe de courage, de noblesse : il avait dû souffrir beaucoup pour avoir ça, il avait donc dû faire beaucoup.

Victor avait ainsi acquis une certaine « renommée », même s’il tachait d’être discret. Il ne voulait pas que Reed apprenne son existence ; pas encore.

Avant, il devait être en pleine possession de la puissance promise par Constantine. Et pour ça, il devait s’entraîner à invoquer des « forces occultes », des « êtres de l’ombre »…et pourquoi pas essayer un sacrifice humain. Il avait d’abord été terrifié à cette idée, mais elle commençait à faire son chemin dans son esprit. Il tuait beaucoup, il avait du sang sur les mains : où était la différence entre prendre une vie et en user ? L’horreur était-elle plus complète ? Sûrement, mais il s’en fichait. Il avait atteint un point de non-retour, mû par sa rage et son sentiment d’abandon. Il en voulait à la Terre entière, et laissait enfin sortir sa colère. Il pouvait tout faire.

Calmement, il sortit donc le couteau qui ne le quittait jamais et s’accroupit devant le corps sans vie de son indicateur, lui qui avait été au mauvais endroit au mauvais moment. Il réfléchit quelques secondes à ce qu’il allait faire : c’était mal, irrémédiablement ; il serait damné à jamais pour cela, et dépasserait une ligne que peu osaient franchir. Seulement, il considérait ne plus avoir le choix : il avait déjà tué, il avait déjà tant sacrifié pour retrouver Reed…il ne pouvait pas s’arrêter là.
En fait, Victor ne savait pas vraiment ce qu’il ferait quand il reverrait son frère : il l’aimait toujours, voulait finalement son « bien » mais ne pouvait être qu’en colère contre lui. Il se sentait trahi mais sentait en lui les germes du pardon ; en fait, Victor voulait juste le revoir et savoir pourquoi il l’avait abandonné lui alors qu’il avait toujours tout fait pour protéger sa foire aux monstres. Ils avaient un lien plus forts, ils étaient frères…comment avait-il pu agir ainsi ? Il n’avait jamais cherché à avoir de ses nouvelles, il l’avait occulté de son esprit.

Victor se sentait trahi et déçu, il avait perdu ses illusions et ses repères. Il était entré dans l’âge adulte et n’acceptait pas la manière dont ça s’était fait. Quelqu’un devait payer, Reed ou un de ses monstres.

Il commença donc à tracer sur le corps de la p’tite frappe les signes que Constantine lui avaient gribouillés dans son délire. Il savait que ça n’était pas forcément une bonne idée, mais il ne pouvait qu’essayer de réussir à invoquer une des horreurs dont parlait Constantine, qui avait parfois du mal à parler à cause de sa blessure à la gorge ; si ça ne fonctionnait pas, ça ne serait pas grave, et si ça tournait mal…il serait peut-être enfin en paix, alors.

Victor passa donc la demi-heure suivante à s’acharner sur le corps bientôt entièrement tailladé de son informateur, avant de se relever, couvert de sang mais satisfait. Il se mit alors à psalmodier comme Constantine le lui avait appris, n’étant pas sûr que tout cela était bien sérieux mais faisant confiance. Il croyait en la Science, mais acceptait que des choses ne puissent pas être expliquées par elle. Reed avait toujours été meilleur que lui sur ce terrain, il se devait d’en trouver un où il serait si novice qu’il ne pourrait que perdre. Et la Magie n’était pas le pire des domaines, finalement.
Plusieurs longues minutes passèrent ainsi, entre irritation, ennui, espoir et incompréhension. Victor ne savait pas comment cela fonctionnait, mais il avait la Foi : il voulait croire…croyait que le monde n’était pas régi que par la physique. Le monde était plus compliqué, plus étrange, plus vicieux ; quelque chose devait le complexifier, rendre mystérieux une structure que la Science s’évertuait de simplifier. Il y avait autre chose, il en était persuadé et il voulait juste y croire. Et cela suffit.

Alors qu’il continuait d’être persuadé de la présence de la Magie, une gerbe jaunâtre apparut juste devant lui, formant une sorte de « porte » d’énergie claire. Il n’avait aucune idée de ce que c’était, mais il y croyait : il savait que la Magie était à l’œuvre, et c’était tout ce qui importait. Il continua donc de se concentrer, de prier intérieurement, de vouloir être touché par la grâce de ce monde inconnu, et finalement son vœu fut exaucé.

Après quelques secondes, une forme apparut dans la « porte » : très grande, la silhouette impressionnait mais l’être semblait blessé, las. Il avait une grande corne sombre sur son crâne nu, et une autre qui était brisée. Son visage était recouvert de cicatrices, et son torse avait été maintes fois brûlé. Il lui manquait deux doigts à la main droite, et trois à la gauche. Il était étonnamment d’allure humanoïde, mais son œil droit était terrifiant : rouge, froid…inhumain. L’autre semblait grisâtre, sans vie : sûrement percé, aveugle. Enfin, tout son corps était recouvert de tatouages et il avait une grosse marque entre les deux cornes : quelque chose avait dû être arraché.
La silhouette se traîna sur le sol. Malgré son aspect pathétique, elle irradiait encore de puissance et Victor en fut impressionné. Il croyait en la Magie, et la Magie y répondait ; il adorait ça, c’était si simple, si beau…parfait.

« Je peux te faire entrer en ce monde…mais je peux aussi te renvoyer d’où tu viens.
- Qu…quoi ? »

La voix de l’être était encore plus inhumaine que celle de Victor, mais il ne se démonta pas. Il ne savait pas si le Destin existait, si l’existence avait un sens mais il voulait croire : il était décidé à être un croyant, à prendre ce qu’on lui donnerait sans poser de question. Il avait souffert, souffrait encore trop pour manquer de telles occasions.

« Tu es blessé, las mais tu es sûrement très puissant : je peux te faire rester dans ce monde, mais tu devras m’obéir.
- Personne…personne ne parle ainsi à un démon intérieur du 7e cercl…des Arcanes du…de l’Enfer Destructeur d’Amunhkla…
- Je me fiche de savoir d’où tu viens, tout ce qui m’intéresse c’est ce que tu peux faire pour moi. »

L’être tenta de marcher, très difficilement. En s’approchant, Victor put alors découvrir que le « démon » était violet ; cela ne l’affecta pas.

« Je…imprudent freluquet…tu…je…
- Un geste de moi et tu retournes d’où tu viens. »

Le « démon » releva son œil rouge, apparemment terrifié par cette perspective. Il avait dû être impressionnant, lors de sa splendeur, mais devait subir les affres de la défaite et de la torture depuis un bon bout de temps, Victor ne saurait dire combien. D’ailleurs, cela ne l’intéressait pas.

« Je…j’accepte…je…te…servirais…je le jure…
- Bien. Approche. »

Il prit la main de l’être, presque brûlante. Il le tira du portail dans lequel il semblait coincé jusque-là, et celle-ci disparut dès que toute la silhouette en eut réchappé. Le « démon » s’écroula alors sur le sol, visiblement exténué mais…libéré.

« Ton nom ?
- Furlarak…
- Tu as juré de me servir : je contrôle ton destin. Le reconnais-tu ?
- Je…oui…
- Parfait.
- Mais…que…que veux-tu ? »

Victor songea alors à ses parents, qu’il n’avait jamais vraiment connus, à ce sentiment d’exclusion qui le rongeait encore, à tous ceux qui ne l’avaient jamais pris au sérieux ; à…Reed. Il pensa beaucoup à Reed, oui. Et tout fut facile.

« Je veux tout. »
 
 
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