Histoire : Ben Wawe
Date de parution :
Frankenstein.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.
Rabelais.
« Qu’est-ce que tu lis ? »
Karl soupira. Il détestait être ennuyé au milieu d’un chapitre, mais il s’écoulerait trop de temps entre cet instant et celui où il finirait la page pour pouvoir se permettre le luxe d’attendre. Il releva donc les yeux vers la personne qui venait de lui parler, à savoir sa collègue Jane Zaledack.
« Mensonges et Compagnie.
- C’est quoi ? »
Il referma l’ouvrage et le déposa sur la petite table de leur salle de pause. Apparemment, la jeune femme à la longue crinière sombre et bouclée avait envie de discuter pendant les quelques instants de repos que leurs employeurs leur donnaient, et il savait que personne ne pouvait faire quelque chose contre ça. Quand elle avait décidé, rien ne pouvait la stopper. Mieux valait se soumettre et tenter de passer un bon moment malgré tout.
« Un roman. De Science Fiction. De Philip K. Dick, un des meilleurs.
- Et ça parle de quoi ? »
Jane s’assit en face de lui et colla ses genoux l’un contre l’autre pour éviter qu’il ne jette un regard sous sa jupe sombre. Jamais il ne se serait laissé aller à un tel geste, mais il savait qu’elle avait vécue des situations similaires et ça ne s’était pas toujours bien passé. Les réflexes avaient apparemment la vie dure chez elle, et il n’était pas sûr de vraiment vouloir en savoir plus.
« Hum…c’est compliqué. En gros, imagine le futur où la téléportation a été rendue possible et une Nouvelle Terre a été découverte grâce à ça. Des colons ont été envoyés, et une société, gérée par des Allemands, car le monde est plus ou moins contrôlé par l’Allemagne, s’occupe de ça. On pousse de plus en plus les habitants à partir sur l’autre planète, Whale’s Mouth, mais c’est un voyage sans retour possible : la téléportation ne le permet apparemment pas. Et un type, héritier d’un des derniers vaisseaux spatiaux, est sur la paille parce que son entreprise de voyage par appareil mécanique n’est plus rentable. Il veut donc aller à Whale’s Mouth par son vaisseau pour prouver que c’est possible et aussi éviter de payer ses dettes.
- Wow.
- Et il y a aussi des rumeurs sur Whale’s Mouth, et des gens pensent que c’est devenu une colonie tyrannique. C’est pour ça qu’ils fondent sur le type qui veut y aller en vaisseau de grands espoirs : ils veulent un vrai retour, pas la propagande du gouvernement.
- Wow. »
Elle but une gorgée de son café avant de le poser sur la table. Elle avait écouté avec intérêt ses paroles, mais Karl savait bien qu’elle n’était pas très friande de ce genre de choses. Pour Jane, tout ça était intéressant, mais la littérature, comme le cinéma ou les arts en général, n’étaient qu’une distraction. Et donc, ça ne devait pas lui prendre la tête. Elle avait bien assez de son travail pour ça.
« Et donc voilà, c’est assez sympa’ à lire.
- Ca ne fait aucun doute. »
« Ca ne fait aucun doute » était la phrase de Jane pour dire : « j’en ai rien à faire et je regrette d’avoir posé la question, mais je reste polie pour ne plus en parler ». Il sourit légèrement en pensant à quel point les intentions de sa collègue étaient claires, et combien il la connaissait maintenant. Ca faisait cinq ans qu’ils travaillaient ensemble, et ils avaient atteint un degré d’intimité que peu de vrais couples pouvaient se targuer d’avoir.
Même si il n’y avait jamais rien eu entre eux, et qu’il n’y aurait jamais rien, ces deux êtres se connaissaient énormément, et étaient plus que liés. Ca n’empêchait pas Karl d’être un peu fatigué par l’attitude de sa camarade, et d’espérer un peu de calme pour continuer à lire.
« Comment avancent tes travaux ? »
Il soupira encore, relâchant son livre sur lequel il avait posé sa main en espérant pouvoir recommencer sa lecture. Jane avait vraiment envie de parler, et il n’y couperait pas.
« Plutôt bien. Le matériau qu’on m’a donné à analyser est très intéressant, et je pense avoir découvert certaines choses qui vont nous permettre d’en savoir plus sur les patients. Ceux-ci refusent toujours de me parler, enfin de parler aux interrogatoires, je n’y suis pas, mais je fais sans. Je ne sais pas d’où viennent leurs capacités, mais en tout cas la clef du mystère n’est pas très loin. »
Karl sourit. Il était heureux de pouvoir parler de son travail avec fierté, lui qui avait ennuyé tant de gens avec ses travaux durant toute son existence. Il était un génie, un vrai, mais peu de gens pouvaient vraiment comprendre ce qu’il disait quand il ouvrait la bouche et qu’il se laissait gagner par sa passion pour la biologie et l’ADN.
Heureusement, Jane Zaledack était de ce nombre, et c’était bien pour ça qu’il l’appréciait autant.
« Pourquoi ne seraient-ils pas bêtement des mutants ? »
Alors qu’elle reprenait son café, il fronça les sourcils et se gratta la joue droite, signe qu’il était vexé par la question de sa collègue. Il savait que celle-ci n’était pas innocente, et il n’avait aucune envie de se faire traiter, même insidieusement, d’incapable et d’aveugle. Surtout pas par elle.
« Tu penses bien que c’est la première chose que j’ai regardé. Non, ils ne sont pas mutants. Même si beaucoup le pensent, nos quatre patients sont tout sauf des Homo Superior. Ils sont une branche dérivée de l’Humanité, je crois. Une autre espèce. Mais c’est récent. J’ai pu accéder à leurs dossiers scolaires et médicaux, et avant, ils étaient tout ce qu’il y a de plus normal. Sauf qu’il y a environ trois ans maintenant, quelque chose leur est arrivé et les a changé.
- Pour les faire devenir monstrueux.
- Monstrueux ? Tu les trouves monstrueux ?
- Oui. Pas toi ? »
Elle posa ses yeux pétillants sur sa face légèrement troublée par ce qu’il venait d’entendre.
« Non…pas vraiment. »
Karl se passa la main dans ses cheveux châtains et courts et soupira légèrement, alors qu’il regardait à nouveau la jeune femme.
« Je dirais plus que je les trouve…fantastiques. »
« Alors, Susan…toujours pas décidée à nous dire ce que tu sais ?
- Plutôt crever. »
Un jet de salive alla s’écraser dans un SPLASH sonore et dégoûtant sur la joue de Bastian Rodetta. Il sourit légèrement, en enlevant d’un geste le crachat avec le revers de sa manche. Il avait l’habitude. La jeune fille en sous-vêtements devant lui et recouverte de blessures plus ou moins légères était une dure à cuire, et ça faisait plusieurs jours qu’il tentait de la faire flancher. En vain.
« Tu sais, si tu nous disais où vous avez eu vos pouvoirs et comment ils fonctionnent, ça serait plus facile…vraiment plus facile. Nous pourrions te donner une meilleure cellule, te soigner, faire en sorte que ta vie soit meilleure. Le soleil, Sue…le soleil. Ca ne te dirait pas de le revoir ? »
Il s’accroupit devant elle, le sourire aux lèvres. Même si ça devait lui prendre des semaines, des mois, il la ferait plier. Il les ferait plier. Il ne savait pas pourquoi aucun de ces quatre petits enfoirés refusait de parler, mais il y arriverait. Jamais personne n’avait pu lui résister, et ce n’était pas aujourd’hui que ça allait commencer.
« Si tu me dis comment tes pouvoirs fonctionnent, je ferai en sorte que tu le revois, et même que tu puisses sortir à l’air libre. J’ai mes entrées ici, tu sais. Je suis quelqu’un d’influent. Si tu m’aides, je t’aide. Ca fonctionne comme ça. Ca te dit, alors ? »
SPLASH.
Nouveau crachat. Nouvel échec.
Bastian soupira en enlevant encore la salive de son visage. Il commençait à en avoir assez. Rien ne fonctionnait sur eux. Absolument rien. Tortures, chantage, menaces contre la famille, utilisations de techniques orientales ou autre…rien. Ca ne fonctionnait pas. Tous les quatre restaient fermement liés et muets. Et il perdait patience.
Les Architectes l’avaient chargé d’en apprendre plus sur leurs capacités après que leurs scientifiques se soient révélés incapables de synthétiser réellement les capacités de ces quatre jeunes gens. Evidemment, il n’était pas difficile de leur prélever du sang et de le transfuser à quelqu’un de normalement compatible, mais les résultats n’étaient pas vraiment bons.
Soit le cobaye n’avait rien dans le meilleur des cas, aucun changement. Soit il avait des pouvoirs, mais n’avait aucun contrôle sur eux et en mourrait. Et différemment selon les capacités.
En effet, ceux qui recevaient le sang de Richards voyaient leurs os se liquéfier et ils ne pouvaient plus bouger un muscle, devenant des êtres difformes et vivants une existence de douleur exceptionnelle. Ceux qui avaient celui de Tempest devenaient invisible totalement et ne pouvaient redevenir normaux, ou bien seuls certains éléments de leurs corps disparaissaient. Ils en devenaient en général fous.
Pour ceux avec l’ADN de Rainbow, ils brûlaient tout simplement : leurs corps ne sécrétait pas ce qui permettait à John de survivre. Et pour ceux avec celui de Grimm, leurs organismes ne supportaient pas la transformation et ils décédaient aussi.
Donc, vu que tout ça ne fonctionnait pas, on l’avait engagé pour les faire parler. Il avait d’abord pensé s’occuper seulement du cerveau, Reed Richards, mais ça n’avait pas fonctionné. Ce petit con s’était réfugié dans une sorte d’autisme impressionnant : ne bougeant plus, ne mangeant plus que sous perfusion, il restait toute la journée là, plongé dans le silence et les yeux écarquillés.
Au fond, Bastian était sûr que tout ça était un truc pour éviter de parler et de faire gagner leurs adversaires, mais ça n’empêchait que ça l’ennuyait grandement. Il devait utiliser les bonnes vieilles méthodes pour trouver la réponse aux questions de ses patrons, et il n’aimait pas vraiment ça.
Normalement, il ne faisait plus ça depuis longtemps. Avec l’avènement des télépathes, sa profession avait pratiquement été supprimée, sauf dans les montages pour la télévision et dans certains pays moins avancés technologiquement. A quoi bon torturer quelqu’un quand on peut lire ses pensées ? Il avait été mit au chômage à cause des mutants, et s’était donc retourné en devenant nettoyeur pour les Architectes. Ca, au moins, ça n’était pas encore totalement réservé aux mutos.
Mais là, il devait remonter ses manches et refaire ce qu’il faisait jadis. Tout simplement parce que ses patrons ne voulaient pas détruire le précieux cerveau de ces quatre gosses. Apparemment, ils en savaient beaucoup sur leurs pouvoirs et le crime à New York, et ça intéressait ses employeurs. Il devait donc revenir aux bonnes vieilles méthodes.
« Hum…d’accord, Sue. Tu ne veux pas parler. Nous allons donc employer des moyens un peu plus douloureux… »
Il soupira et sourit légèrement peu après en se relevant. Il craqua ses phalanges et claqua des doigts. Un assistant apporta alors un plateau recouvert de scalpels, barres de métal, couteaux, scies électriques et autres fers à souder. La jeune fille frissonna de peur en voyant tout ces instruments, dont plusieurs avaient déjà utilisés contre elle.
« Tu ne me laisses pas le choix, ma belle…j’en suis désolé. »
Mais ce n’était pas vrai, et tous deux le savaient. Il passa ses doigts tout doucement au-dessus du plateau, prenant tout son temps pour choisir et trouver l’instrument qui irait à merveille pour faire ce qu’il voulait, et arrêta sa main pour prendre une grosse pince qu’il fit claquer dans l’air avec un sourire triomphant.
« Très bien, jeune fille. Je ne vais pas te mentir… »
Bastian prit la main de Sue et malgré ses mouvements pour se dégager, elle ne put rien faire pour se dégager.
« …ça va faire mal. »
Et c’est là qu’elle commença à crier. Encore une fois.
« I'm the kid on the block
With my head made of rock
And I ain't got nobody
I'm the state of the art
Got a brain a la carte
I make the babies cry… »
Karl se déhanchait dans son laboratoire. Les yeux fermés, les mains faisant du air guitar, il fredonnait des paroles qui n’avaient apparemment pas beaucoup de sens, mais qui semblaient beaucoup lui plaire. En tout cas, il était totalement dans la musique qui se jouait à l’intérieur de son crâne.
« I ain't one of the crowd
I ain't one of the guys
They just avoid me
They run and they hide
Are my colors too br…
- Mais qu’est-ce que tu fais ?! »
Le chercheur fut stoppé dans son petit délire par la voix stridente de Jane. Immédiatement, il rouvrit les yeux et la vit à côté de la porte, avec encore un café dans la main. Elle portait des dossiers sous son bras, et ses grands yeux sombres étaient écarquillés après le spectacle qu’elle venait de voir. Et lui rougissait.
« Euh… »
Il ne savait plus où se mettre. Jamais il n’avait imaginé qu’elle puisse le voir en train de se lâcher ainsi. Jamais il n’avait imaginé que quelqu’un le voit comme ça, en fait.
« Euh…comment dire… »
Karl se passa nerveusement la main dans les cheveux en réajustant ses lunettes et en essayant de paraître digne, mais il savait bien que la lutte était perdue d’avance. La jeune femme l’avait vu en plein délire, et plus rien ne sera jamais pareil. Il y aura un avant et un après ça.
« Qu’est-ce que tu faisais ? »
Elle déposa son dossier sur une des paillasses de la pièce remplie de tubes, d’expériences en train de se dérouler et de microscopes d’un côté, et de dossiers, ordinateurs et autres simulations en trois dimensions de l’autre pour s’approcher de lui, le café toujours dans la main.
« Euh… »
Jane sourit légèrement. Elle avait apparemment du mal à s’empêcher d’exploser de rire, et il ne pouvait pas lui en vouloir. Il avait certainement eu l’air très stupide et pathétique, en faisant ça.
« Je suis désolé…
- Non…ne t’excuse pas. Mais…c’est que…
- Oui ? »
Il n’osait la regarder dans les yeux. Il n’en avait pas le courage. Pas encore. Dans deux ou trois siècles, ça changerait peut-être.
« C’est que…c’était…tellement…tordant… »
Le chercheur soupira tandis que les premiers éclats de rire commençaient à sortir de la bouche de sa collègue. Il savait qu’il ne pourrait pas y échapper, et lui fit un petit signe de tête pour lui dire qu’elle pouvait y aller, que ça ne le gênerait pas jusqu’à l’excès. Elle saisit le message et explosa dans un rire tonitruant et qui dura au moins deux longues minutes, durant lesquelles lui se remémorait toutes les raisons qui faisaient qu’il l’appréciait malgré tout.
Heureusement, tout cela se termina et après quelques secondes pour reprendre son souffle, Jane fut à nouveau elle-même. Elle réajusta son débardeur blanc, sa blouse de la même couleur et sa jupe, puis parla d’une voix où tout rire avait disparu pour ne pas humilier encore plus son ami.
« Mais qu’est-ce qui t’as pris de faire ça ? T’es pas bien ? On aurait dit que tu étais totalement saoul ou défoncé…
- Bah…j’étais heureux. Et j’ai donc voulu exprimer ma joie.
- Hum…si tu veux. Mais c’était quoi, ce truc que tu chantais ?
- Teenage Frankenstein. D’Alice Cooper.
- Et tu te défonçais sur un truc aussi vieux ?
- Bah…ouais. Je suis fan.
- Ah…c’est une façon comme une autre, hein. Mais un saut en l’air, ça peut être bien aussi, tu sais.
- Tu ne m’aurais pas pris pour un dingue ?
- Si. Mais là, on aurait dit un clone de Santana à 90 ans. Ca choque. »
Les deux chercheurs sourirent de la comparaison, et elle remit ses lunettes à l’endroit avant de reprendre encore la parole.
« Et…tu as dis que tu étais heureux. On peut savoir ce qui te met tellement en joie ? »
Un immense sourire apparut sur le visage de Karl. Immédiatement, le souvenir cuisant de cette humiliation s’évanouit, et il se tourna vers le microscope sur lequel il avait passé tant d’heures pour le montrer à Jane. Celle-ci s’approcha après avoir posé son café sur une table à côté, et regarda à l’intérieur des verres.
Elle resta ainsi de longs instants, avant de relever la tête et de s’attacher les cheveux avec un élastique pour éviter de la gêner si elle devait recommencer ça. L’incompréhension régnait sur son visage.
« Alors ? Qu’en penses-tu ?
- Euh…je n’en sais rien. Je ne suis pas biologiste, tu sais. Moi, je suis physicienne et je m’occupe plus des inventions mécaniques du patient numéro un que de leurs capacités réelles. Ce n’est pas mon rayon.
- Hum…pas faux.
- Qu’est-ce qu’il y a à voir là-dedans, alors ? »
Même si il n’y comprenait pas grand-chose, Jane était curieuse de nature, et si ce qu’il y avait dans le microscope excitait tant son collègue, c’est que ça devait être énorme. Et elle ne pouvait louper quelque chose comme ça.
« J’ai trouvé la solution, Jane. J’ai trouvé la solution !
- La solution ? A quoi ?
- Tu sais que nous ne parvenons pas, moi et tous les autres chercheurs, à faire en sorte que les capacités des patients soient reproduites sur d’autres ?
- Oui. Ca vous mine depuis des semaines. Je le sais, tu n’as pas l’air d’en dormir depuis.
- C’est vrai. Mais j’ai trouvé comment faire !
- Tu as trouvé comment greffer leurs capacités à d’autres sans les tuer ?
- Oui ! »
La bouche de la jeune femme s’ouvrit en grand. Elle ne pouvait en croire ses oreilles. Les plus grands cerveaux du monde n’arrivaient pas à trouver la solution à ce problème, et leurs employeurs leur avaient pourtant adjoints un budget illimité et toutes les informations qu’ils désiraient. Leurs collègues étaient des Prix Nobel, des gens qui étaient les meilleurs dans leurs parties, mais pourtant aucun d’entre eux n’y arrivait. Et c’était un petit Karl Rebeilyk qui parvenait à résoudre le mystère à plusieurs milliards de dollars !
« Tu…tu plaisantes ?
- Non ! Je te jure que non !
- Mais…comment ? Comment tu as trouvé la solution ?
- Je ne sais pas…en fait, je cherchais sans trop espérer quelque chose quand c’est arrivé à moi. Je me suis dis qu’il fallait analyser le problème à sa source, et savoir ce que leur avait fait Essex.
- Essex ?
- Celui responsable de leurs transformations. J’ai donc utilisé la base de données mise à notre disposition, et j’ai appris que ce type avait aussi créé des Sentinelles Humaines : il récoltait des clochards dans la rue et agissait sur leurs codes génétiques pour les rendre plus forts, plus résistants et plus rapides.
- Mais comment faisait-il ça ?
- La réponse était sous notre nez, en fait. Il faisait une déstructuration et une restructuration de l’ADN du cobaye.
- Il faisait quoi ?
- Il traitait le cobaye avec un rayonnement de son cru, un mélange de rayons X et autres, pour accéder à son ADN. Il avait des dizaines d’années d’avance sur la recherche civile, ce type.
- Je n’ai pas tout compris…
- En clair, il traitait le cobaye avec des rayons qui lui permettait de modifier l’ADN selon des données entrées dans l’ordinateur responsable des rayons. Ceux-ci changeaient selon le calibrage, tu vois. Et il leur donnait des pilules pour accélérer le changement et augmenter la résistance des patients. C’est grâce à ça qu’il a pu modifier nos patients et les clochards.
- Wow. Et…et les patients, ils se sont laissés traiter comme ça, sans rien dire ?
- Ils n’en étaient pas conscients. Essex était leur professeur, et il leur faisait faire des expériences sur la lumière, ce qui nécessitait des rayons. Même Richards n’a pas remarqué ce qu’il se passait.
- Hum…je vois. Et donc, tu as découvert tout ça ?
- Oui !
- Comment ?
- Il suffisait de fouiller dans les archives d’Essex à l’institut Masters et de voir dans son dossier qu’il était un mordu de rayons. Ce type adorait ça. Je n’ai plus eu qu’à faire deux plus deux !
- Et tu peux maintenant transférer leurs capacités à d’autres parce que… ?
- Je sais que Essex utilisait des rayons. J’ai le sang des patients. Il m’a suffit de le décoder, ce que je viens de faire, pour trouver l’équation génétique de leurs pouvoirs. Après, je n’ai eu qu’à transformer ça en rayons.
- Et…c’est possible ? Je veux dire, ça a l’air d’un truc de savant fou…
- C’est un truc de savant fou ! Complètement ! Mais j’ai réussi !
- Comment t’as pas transformer une équation en rayons ?
- Parce que j’ai ici tout le savoir nécessaire sur les rayons. Et parce que nos ordinateurs savent faire ça, aussi. »
Karl tapota un écran à ses côtés, l’air ravi. Jane n’avait pas tout compris, mais apparemment il était arrivé à ses fins, et c’était déjà bien.
« Et…ça veut donc dire que nous pourrions greffer leurs capacités à quelqu’un ? Sans rejet ?
- Sans rejet !
- Et c’est sûr ?
- Totalement !
- Hum…il faudra voir. Je ne suis pas certaine que ça fonctionne, mais nous pourrons toujours v…
- J’ai déjà testé ça. Et ça fonctionne. »
Les yeux de Jane s’écarquillèrent à nouveau quand elle entendit ça. Elle déglutit difficilement avant de laisser de longues secondes se passer pour que son cerveau comprenne bien ce qu’elle venait d’entendre, et reprit la parole d’une voix très faible.
« Tu…tu as fait quoi ?
- J’ai testé. Et ça fonctionne. Ce qu’il y a dans le microscope, ce n’est pas le sang des patients…c’est le test. Les cellules ne se détruisent pas. Les capacités sont greffées. Tout fonctionne.
- Mais…mais sur qui as-tu testé ça ? A qui est le sang dans le microscope ? »
Le sourire du chercheur augmenta encore plus.
« A moi. C’est mon sang. Je suis le cobaye. Et j’ai leurs capacités. »
Le cerveau de Jane décida alors de couper la lumière et elle sentit le sol se dérober sous ses pieds. C’était trop pour elle. Beaucoup trop.