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  Witchblade #10 : Resist or Die (2)
 

Histoire : Ben Wawe
Date de parution : 

DRIIIIIIING. DRIIIIIIING. DRIIIIIIING.

Au bout de trois sonneries, une main sortit de sous la couette pour prendre le combiné et l’approcher d’un visage rongé par les efforts physiques et psychologiques des derniers jours. Et à cette fatigue s’ajoutait la frustration de ne pas dormir aussi longtemps qu’elle le désirait, ce qui expliquait donc le sale caractère de Sara Pezzini à ce moment-là.

« Quoi ? »

Sa voix était froide et cassante, et elle n’avait aucune envie d’être sympathique. Elle était usée par tout ce qui lui était arrivé dernièrement, et voila qu’un imbécile l’appelait tandis qu’elle dormait. Cet crétin allait passer un mauvais quart d’heure, pensa la jeune femme en serrant la téléphone contre son oreille, toujours emmitouflée sous la couette.

« Sara, c’est moi.
- Ah. »

C’était Danny. Danny ShanLi. Son meilleur ami. Son coéquipier. La seule personne de confiance qui lui restait encore sur cette Terre. La seule qui n’avait pas juré sa perte et ne faisait pas tout pour la retrouver et la tuer. Elle appréciait Danny. Plus que tout au monde. C’était une sorte de frère, pour elle.
Mais là, maintenant, elle le détestait, et n’avait aucune envie de lui cacher ça.

« Qu’est-ce que tu veux ?
- Il est quinze heures, Sara. »

La voix de son ami était douce et calme, mais ça n’arrivait pas à calmer la colère de la jeune femme. La conscience revenait lentement en elle, et avec elle les douleurs dans tout son corps. Avant, elle était encore un peu endormie et ne sentait donc pas toutes ses blessures, mais maintenant qu’elle se réveillait à cause de Danny, tout lui revenait…et ça ne faisait qu’attiser sa colère contre celui à qui elle devait sa survie.

« Putain. Fais chier. »

La policière soupira. Il n’appellerait pas si ce n’était pas le cas, et si cette heure n’était pas extrêmement importante pour elle. Oui. Il était sûrement quinze heures. Et ça faisait chier, comme elle l’avait si bien dis.

« Putain, ouais. »

Pezzini n’avait pas l’habitude de jurer, eût égard à son éducation religieuse assez stricte. Mais dans certaines situations, dans certains moments où toute la rigueur de ce qu’on lui avait appris étant jeune disparaissait pour laisser place à la vraie Sara, elle ne se retenait plus. Et là, c’était bien le cas, alors qu’elle enlevait avec difficulté l’énorme couette qui l’avait protégée du froid jusque là.

« Je passe te prendre dans quinze minutes, d’accord ?
- Euh…vingt. Vingt minutes.
- Sara, l’avion décolle à quatre heures et demi…
- Dix-sept minutes. Pas avant. »

Sans rien dire de plus, la jeune femme raccrocha le téléphone et se leva avec difficulté. Ses cheveux étaient sales et n’avaient plus vus d’eau depuis quelques jours, son corps montrait les stigmates de ce qu’elle avait vécu ces dernières heures, et ce n’était pas beau à voir. Son visage lui-même présentait parfaitement toute sa fatigue physique, et ses cernes avaient la taille d’énormes valises tant ils étaient importants.
Non, Sara n’était pas belle à voir. Mais au moins, elle était vivante, et c’était un miracle vu ce qui lui était arrivé.

Elle s’approcha de la salle de bain qui n’était qu’à quelques mètres, et se jeta dans la douche. Lentement, elle sentit le liquide tiède couler sur son corps usé et blessé, et un sourire de béatitude apparut sur son visage. Ca faisait du bien. Et ça faisait longtemps.

Après tout ce qu’elle avait vécu, après tout ce qu’elle avait subi, elle trouvait dans cette simple satisfaction hygiénique une relaxation qu’elle ne connaissait plus depuis des semaines. Peut-être était-ce dû à ce qu’elle avait vécu. Peut-être était-ce dû à ce qu’elle avait traversé ces dernières heures. Peut-être était-ce tout simplement parce qu’elle n’avait autant rêvée d’une douche que depuis qu’elle était arrivée ici, dans cette chambre d’hôtel de la Petite Italie, en plein cœur de Montréal.
Oui. Peut-être était-ce à cause de ça. Mais surtout, Pezzini aimait cette douche parce qu’elle lui rappelait un fait qui avait failli disparaître : elle était en vie. Elle survivait. Et elle aimait ça.

Même si sa discussion avec la Question n’avait pas apportée les résultats escomptés par l’homme masqué, cela avait au moins permis à la jeune femme de retrouver un goût à la vie. Bien sûr, elle n’était pas sûre que ça continue, maintenant qu’elle n’était plus avec lui, mais au moins elle avait retrouvée une sorte de joie de vivre, et pour le moment, elle était toujours là. Elle continuait d’être là. Et ça, la policière adorait, étant donné que ça faisait des semaines qu’elle se traînait comme une âme en peine, à la recherche d’un quelconque but à son existence.

Après plusieurs minutes, Sara coupa l’eau et s’emmitoufla dans une douce serviette. Elle aimait ça. L’hôtel ne payait pas de mine, mais au moins était-il propre et bien fréquent, et ça lui suffisait. Pas besoin de luxe ou de paillettes : une douche, une bonne serviette, un petit-déjeuner, et ça lui allait. Elle n’était pas très regardante, et ça tombait bien.

Danny lui avait trouvé cet hôtel, en fait. Comme il avait trouvé son billet d’avion pour l’Europe. Comme il avait trouvé une autre identité pour Pezzini en quelques heures à peine. Comme il lui avait trouvé une cache en France. Comme il l’avait trouvé elle, finalement. La jeune femme lui devait tout, et elle commençait lentement à s’en rendre compte.

C’était grâce à lui qu’elle était ici, finalement. Après son départ avec la Question, Danny avait apparemment remué ciel et terre pour la retrouver. Usant de ses meilleurs indicateurs et de ses plus grands talents d’enquêteur, il avait découvert que c’était l’homme masqué qui avait emmené Sara, et que c’était sur lui qu’il fallait se concentrer si il voulait la retrouver. Et ça avait payé.

En quelques heures à peine, et surtout grâce à des moyens vraiment peu légaux, le jeune homme avait réussi à trouver le site de la Question et surtout qu’il se trouvait désormais au Québec, et très au Nord. Grâce à ses contacts, il était parvenu à se trouver une voiture tout terrain et s’était dirigé vers la zone où devait normalement être l’homme masqué, même si il n’avait eu aucune idée de quoi faire si il se trouvait en face de lui.

C’était tout lui ça, pensa Pezzini en commençant à s’habiller avec des vêtements achetés évidemment par Danny. Il était un franc tireur, un aventurier qui croyait que la vie était simple et qu’il fallait toujours aller de l’avant pour s’amuser et sauver tout le monde.
Il était naïf, pensa-t-elle. Mais elle aussi l’avait été. Et c’était fini, maintenant.

Elle ne savait pas si ça venait de la mort de Matthieu ou bien de ce que lui avait montré la Question, mais Sara avait perdu une grande partie de ses illusions. C’était sûrement l’action conjuguée de ces deux événements, mais la jeune femme savait désormais que le monde n’était pas beau, qu’il n’était pas blanc ou noir.
Oh, bien sûr, elle avait toujours ses valeurs et c’était bien pour elles qu’elle n’avait pas rejoint la Résistance de la Question, mais quelque chose avait changé en elle, maintenant. Quelque chose qui faisait que désormais, elle savait que la vie était moche et qu’il fallait se battre pour la moindre parcelle de bonheur qu’on pouvait avoir.

Tout n’était pas donné dès le départ, et elle le savait désormais. Trop longtemps, la policière avait pensé que le destin était quelque chose de bon, et que quoiqu’il arrive, tout le monde s’en sortait toujours. Sûrement un reste de son éducation religieuse, avec la main de Dieu qui guiderait les bons et les gentils pour leur permettre d’avoir, malgré leurs malheurs, une juste récompense.
Conneries que tout ça, pensa-t-elle en mettant un jeans moulant et un pull à col roulé rouge. Conneries.

Elle savait désormais que rien de tout ça n’était vrai. Même si elle l’avait déjà compris quand Matthieu était mort, les vidéos et paroles de la Question lui avaient montrées que le monde était encore pire qu’elle ne le pensait. Oh, évidemment, elle savait que tout ça pouvait être trafiqué et changé, mais elle sentait au fond d’elle que ce n’était pas le cas…que tout ce qu’il lui avait montré était vrai. Et c’était bien ça le pire.

Les Architectes existaient. Ces enfoirés existaient. Ils avaient faits tout ce que la Question avait dit, et ils allaient continuer. Même si ils étaient contents d’avoir fait tant de mal aux justiciers en en tuant énormément et en enlevant certains, Sara connaissait assez la psychologie des criminels et des fous pour être sûre qu’ils ne s’arrêteraient pas en aussi bon chemin…surtout pas avec ce qui allait arriver.

La Question avait déjà organisé une Résistance, et il avait dit que tous les justiciers avaient chacun reçus une vidéo semblable à celle qu’elle avait vue. Ca voulait donc dire que tous ceux qui étaient la cible des Architectes savaient désormais qu’ils étaient surveillés et menacés, et pourquoi leurs collègues étaient morts ou portés disparus. Tous savaient maintenant ce qui risquait de leur arriver, à eux et à leurs proches. Tous étaient donc informés de la menace, et on leur livrait toutes les informations utiles pour se protéger…et préparer une riposte. Et il était évident que riposte il y allait avoir.

Et, au fond, Pezzini ne pouvait pas condamner ça. Bien sûr, elle continuait de penser que les justiciers étaient des êtres dangereux à arrêter au plus vite et à faire analyser, mais ça n’empêchait pas qu’elle pouvait comprendre leur sentiment de vengeance…leur envie de justice suite aux actions des Architectes.
Après tout, elle aussi cherchait vengeance et justice pour Matthieu. Elle aussi voulait la mort de Kenneth Irons. En quoi était-elle vraiment différente d’eux ?

Cette question lui faisait vraiment peur, en fait. Depuis sa rencontre avec la Question et la découverte de tout ça, elle savait que la limite entre la policière qu’elle était la justicière qu’elle se refusait d’être était très, très proche…trop proche, même. Elle ne voulait absolument pas être comme l’homme masqué ou Betty Ross, mais n’était-elle pas condamnée à devenir comme eux, finalement ?
Eux aussi avaient perdus des êtres chers, et savaient que ceux qui étaient responsables ne seraient jamais arrêtés par la police et jamais jugés pour leurs crimes. Et ils avaient donc décidés de passer à l’acte pour venger leurs proches et ainsi faire justice. Elle pouvait parfaitement comprendre ça, vu qu’elle vivait la même chose…sauf qu’elle n’était pas encore passée à l’acte.

Pezzini avait en elle une puissance sans égale, et elle le savait. La Question lui avait globalement expliqué le fonctionnement de son bracelet, du moins ce qu’il en savait, avant de la laisser partir dans la plaine québécoise après qu’elle ait refusée l’aide de la Résistance pour rentrer. Au final, c’était une décision stupide vu qu’elle avait failli mourir, mais Danny avait été là et elle avait donc survécue…par chance. Uniquement par chance, et elle le savait.

Elle avait survécue à une tempête de neige parce que Danny était venu la chercher, et parce que son bracelet avait étrangement créé une lumière qui avait attiré son ami. Pour ne pas l’alarmer, elle mentit en disant qu’elle avait eu une lampe torche, mais elle savait qu’il ne la croyait qu’à moitié. Elle n’avait pas le courage d’en dire plus…elle ne voulait pas l’alarmer, et savait très bien qu’il poserait trop de questions.
Et elle n’avait pas besoin de ça, maintenant. La jeune femme était encore perdue et sentait qu’elle était en train de changer, et elle voulait tout sauf une pléthore d’interrogations auxquelles elle ne pourrait pas répondre. Danny comprendrait qu’elle ne pouvait pas tout lui dire, elle en était certaine.

Soudain, on toqua à la porte. C’était sûrement lui. Elle soupira. Rien qu’à l’idée de quitter ce quartier pratiquement italien où le jeune homme lui avait trouvé une piaule, elle était fatiguée. Les derniers jours avaient été terriblement éreintants pour elle, et elle devait avoir une mine affreuse, même après la douche.
Mais, étrangement, elle s’en fichait. Elle se fichait complètement de son apparence physique. Seul comptait son état moral et sa nouvelle vie. Sa nouvelle vie sous l’identité de Danielle Baptiste, jeune canadienne d’origine française qui retourne dans le pays de ses ancêtres. Tout un programme…

« J’arrive. »

La policière soupira en pensant tout ce qu’elle abandonnait en partant du continent. Bien sûr, elle ne serait plus sous la menace de Kenneth Irons, serait en sécurité et pourrait donc entièrement se concentrer sur les recherches sur son étrange bracelet et comment faire en sorte de s’en libérer, étant donné qu’elle n’arrivait plus à l’enlever, malgré tous ses efforts et ceux de tous les objets qui lui étaient tombés sous la main.
Oui, elle ne serait plus en danger et pourrait même oublier Matthieu et tout ce qu’elle avait vécu ici. C’était même, c’était la meilleure solution pour elle…c’était la plus sûre. Elle savait tout ça. Mais étrangement, elle n’arrivait pas à se dire qu’elle faisait le bon choix…elle n’arrivait pas à accepter ce qu’elle était en train de faire.

« Et puis merde. »

Mettant son sac sur son dos, elle balaya une dernière fois la pièce avant d’ouvrir la porte pour voir le visage souriant de son meilleur ami, qui avait néanmoins quelques cernes sur le visage, signe qu’il n’avait pas beaucoup dormi de la nuit. Peut-être Pezzini n’était-elle pas sûre de ce qu’elle faisait, mais elle devait le faire. Elle ne pouvait pas agir autrement. Elle ne le pouvait vraiment pas, même si quelque chose en elle la poussait à aller rejoindre la Question et à aller combattre les enfoirés qui avaient faits tant de mal à ceux qui défendaient la justice…ou au moins essayaient de le faire.

Néanmoins, elle chassa ces idées de son esprit pour partir avec Danny prendre le petit-déjeuner à l’aéroport. Elle faisait le bon choix…du moins l’espérait-elle.






« Biiip…Biiip…Biii…Allo ?
- C’est moi.
- Tu ne devrais pas appeler. Tu n’appelles jamais. Et c’est très bien ainsi.
- Je sais. Mais la situation est grave.
- Elle l’est. Tu as appelé. Tu ne devrais pas.
- Je sais, je sais…mais la situation est grave. Elle échappe à mon contrôle ?
- Que veux-tu que ça me fasse ? Ca ne me regarde pas. Ce n’est pas mon problème si tu n’arrives pas à retrouver une petite imbécile qui t’a dérobé ton bracelet préféré.
- Tu sais ?
- Bien sûr. Pour qui me prends-tu ? Je surveille les activités de chacun des membres de notre petit groupe. Il faut bien ça pour savoir si vous ne préparez pas un mauvais coup dans mon dos.
- Je fais de même. Du moins, sur ceux que je connais.
- Je n’en doute pas, Kenneth.
- J’ai besoin de toi, Anton.
- Tu sais bien que notre organisation n’inclut pas dans son règlement la possibilité d’entraide entre certains membres. C’était tous ensemble, ou bien personne.
- Arrête avec ça. Le règlement ne permet pas non plus les surveillances, et c’est ce que nous faisons pourtant. N’oublie pas que je sais aussi ce que tu fais. Un petit coup de fil à un certain jeune homme de Los Angeles lui ferait comprendre bien des choses, non ?
- Tu es comme moi. Dis ce que tu me proposes pour mon aide.
- L’amitié.
- Sois sérieux, je n’ai pas de temps à perdre. Je n’ai que faire de ton amitié, surtout quand je sais ce que tu fais à ceux qui ont la folie de te croire quand tu leur dis que tu seras toujours là pour eux.
- Hé, hé…oui, tu as raison, ma proposition n’était là que pour détendre l’atmosphère. Je veux t’aider, et je te donnerai ce que tu veux en échange de certains de tes agents.
- Tout ce que je veux ?
- Oui.
- Même dans ta collection ?
- Oui.
- Même celle secrète ?
- Je n’ai pas de collection secrète.
- Pas à moi. Celle rangée sous terre. Celle que tu gardes jalousement.
- Je…
- C’est la possibilité de choisir quelque chose dedans ou rien. Choisis.
- Je…d’accord. Tu y prendras l’objet que tu veux.
- Bien. Tu veux certains de mes agents, donc. Les tiens ne sont plus assez performants ? Et ceux de la Main pas assez doués ?
- Les miens ne sont pas taillés pour ça, et la Main…je commence à m’en méfier.
- Nous te l’avions dis qu’ils n’étaient pas dignes de confiance.
- Je sais. J’ai besoin de tes hommes pour un travail bien précis.
- Lequel ?
- Tuer quelqu’un.
- Pezzini ?
- Non.
- Non ? Qui, alors ?
- Quelqu’un dont tu seras heureux de connaître la mort. Quelqu’un que tu rêves de tuer chaque nuit.
- Ah oui ? Et qui ça ? Qui veux-tu que mes hommes s’occupent ?
- La Question. Je veux que tu tues la Question. »






L'aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal était en fait situé dans une petite ville à côté, Dorval. Il fallait au moins quarante-cinq minutes pour y arriver normalement, mais grâce à la très bonne connaissance des lignes de métro de Danny et surtout grâce à une grande chance d’avoir à chaque fois des correspondances, les deux Américains arrivèrent pile cinq minutes avant quatre heures, ce qui leur laissait donc un tout petit peu de temps pour boire un café et enregistrer leurs bagages.

ShanLi s’occupait de tout, ce qu’il faisait depuis qu’il avait récupéré son amie dans la tempête de neige, et Sara rêvait vaguement en regardant les différents passagers attendre leurs avions ou sortant des énormes appareils qu’elle voyait au dehors. Elle ne savait pas quoi faire, en fait. Bien sûr, la solution la plus logique serait de suivre les indications de son ami et de se faire oublier, mais quelque chose au fond d’elle refusait ça…quelque chose voulait se révolter et montrer à ses ennemis qu’elle n’était pas morte.

Pezzini n’avait jamais été une grande révolutionnaire, même si elle avait toujours été une certaine rebelle à l’autorité. Néanmoins, son éducation stricte et l’exemple de son père avaient faits en sorte qu’elle reste toujours quelqu’un de « bien », quelqu’un de très intégrée dans la société et qui faisait donc finalement peu de vagues.
Bien sûr, elle s’était voilée la face en pensant être différente des autres étant donné qu’elle poussait parfois un coup de gueule, mais ce n’était rien. Elle était comme les autres : un mouton qui se laissait guider par les Architectes et les autres. Et elle ne voulait plus de ça.

Maintenant, elle savait que le monde puait et que seul un bon coup de pied au derrière pouvait le faire changer. Bien sûr, elle condamnait toujours les actes de la Question et de ses alliés, mais elle n’était vraiment pas différente d’eux à la base : ils avaient tous un drame qui les forçait à changer et à devenir des justiciers qui violaient les lois, mais suivaient celles de leurs valeurs.
Et alors que, jadis, la jeune femme eût réprouvée ardemment ça, là…là, elle commençait à se dire qu’ils n’avaient peut-être pas torts.

Kenneth Irons et les Architectes ne seraient jamais arrêtés. Ils ne seraient jamais jugés. Leurs victimes ne seraient jamais vengées. Comment ne pas être attiré alors par la voie de la Question, qui préconisait de rendre une justice qui ne le serait pas par des autorités corrompues ? Comment ne pas être séduite par quelqu’un qui disait tout haut ce qu’elle pensait et savait déjà, et qui en plus lui proposait de donner à l’assassin de son coéquipier ce qu’il méritait ?

Sara se sentait lentement glisser du côté de la Résistance, et ça lui faisait peur. Elle savait qu’elle pourrait un jour les rejoindre, mais elle ne le voulait pas vraiment…elle le craignait, en fait. Parce que si elle devenait comme eux, si elle changeait assez pour être comme ces êtres, ça voudrait dire qu’elle tuerait, qu’elle irait au-delà des lois qu’elle avait jurée de protéger et de suivre à la lettre.
Et ça, la jeune femme ne le pouvait pas. Elle ne pouvait pas tuer. Même si elle sentait, au fond, que ça lui arriverait peut-être un jour…et un jour qui semblait se faire de plus en plus proche, malheureusement.

Soudain, alors qu’elle en était là de ses pensées, son regard fut attiré par un écran de télévision qui diffusait des informations. Sans faire de signe à Danny, elle s’en approcha pour mieux écouter et voir ce qui était en train d’apparaître au poste.

« …n’en savons pas plus pour le moment. Ce qui est certain, c’est que cette femme a été retrouvée morte il y a peu, et… »

Mais Pezzini n’écoutait déjà plus. Toute son attention se portait sur le visage de l’être sans vie qui avait été apparemment retrouvé dans la plaine québécoise, à quelques centaines de kilomètres de Québec. Et elle frissonna alors que sa bouche prononçait le nom de cette femme sans qu’elle y fasse attention.

« Betty…
- Quoi ? »

Danny se trouvait derrière elle et venait d’entendre ce nom qui ne lui disait rien.

« Qu’est-ce que tu veux dire ?
- Betty. C’est Betty Ross.
- Qui ? »

Sara montra d’un geste l’écran et se tourna vers son ami, une détermination nouvelle et étrange sur le visage.

« C’est Betty Ross. Une des alliées de la Question. Elle est morte.
- Oh…
- Annule le billet, Danny.
- Quoi ?!
- Annule le billet et va chercher une voiture.
- Tu déconnes, là ? Dis-moi que tu déconnes !
- Non. Je ne pars plus. Je me fiche de cette fausse identité et de tout ce que tu as prévu. Je ne pars plus. Et nous allons au repaire de la Question.
- Mais pourquoi ? »

Elle plongea son regard dans le sien et il comprit alors qu’il ne devait pas continuer, sous peine de se prendre un mauvais coup…un vrai mauvais coup.

« Parce que j’ai compris quelque chose d’important, Danny. Quelque chose de fondamental.
- Quoi ?
- Que je ne peux pas changer ce que je suis. Que je ne pourrais jamais changer ce que j’ai au fond de moi. Et qu’il est temps maintenant de laisser sortir ça. »

Et après ces mots, la policière se dirigea vers la sortie de l’aéroport à un rythme dynamique, caressant son bracelet en imaginant déjà ses futures utilisations.

 
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