Auteur : Lex
Date de parution : Août 2008
Le poing s’écrasa sur sa figure tuméfié et un craquement sonore se fit entendre. Buck chuta lourdement sur le ring, son crâne rencontrant avec violence le sol rugueux tandis qu’un tonnerre de cris et d’applaudissements envahissait le gymnase. Assez vaste, il accueillait plus d’une centaine de spectateurs installés sur des gradins spécialement aménagés pour l’occasion et entourant l’espace où se déroulait le combat, un simple carré placé en estrade. Majoritairement masculin, le public suivait le match qui s’offrait à ses yeux avec envie et plaisir, fasciné par les capacités hors du commun des deux combattants. Parmi eux, le patron autoproclamé de cette ville, Jaxon, un moustachu d’une cinquantaine d’années au visage fermé observait son poulain avec intensité, ne participant pas aux élans d’encouragements qui fusaient de toute part.
A moitié groggy par les coups qu’il venait de recevoir, Buck put l’apercevoir brièvement et croiser son regard d’une froideur à glacer le sang. A ses côtés se trouvait la belle et farouche Aurora, objet de ses désirs les plus ambiguës, la femme pour qui il avait immédiatement éprouvé un amour sans bornes et une envie de la posséder que rien ne pouvait satisfaire, et qui avait fait ressurgir par là même ses instincts les plus primaires. Elle était là, silencieuse et interdite, portant sur lui un regard de pitié qu’il ne pouvait supportait plus longtemps.
Grognant comme un animal, Buck se releva d’un seul et même mouvement, les dents serrés, se frottant les poings et se mettant en position face à son adversaire, tout sourire. Pour Hudson, tout était couru d’avance. Il allait gagner, cela ne faisait aucun doute. Aux manches précédentes, il avait exploser ses adversaires sans aucune difficulté, blessant gravement l’un d’eux. Oui, il était persuadé , comme toutes les autres fois, qu’il remporterait la compétition et empocherait le pactole. Et le pacte qu’il avait passé avec Buck ne contrarierait pas ses plans. En effet, il avait promis la somme de cinquante mille dollars à la fin de ce combat, si le fugitif qu’il croyait être Jason Wyre se couchait et le laissait remporter la victoire. Et à ce stade du combat, tout laissait à penser que la victoire était acquise pour Hudson.
Mais Buck n’allait pourtant pas se laisser faire, comme il l’avait fait préalablement croire à son ennemi et s’apprêtait à retourner le match en sa faveur à l’aide de ses dons mutants. Aussi lorsque Hudson engagea le combat, le jeune mutant esquiva le coup qui lui était adressé et lança son poing dans les côtes de son adversaire qui recula, légèrement désemparé par cette attaque soudaine. Mais il n’eut pas le temps de poursuivre son interrogation que Buck était déjà reparti sur une nouvelle attaque, assénant un puissant crochet du droit suivi d’un coup de pied bien placé puis d’un nouveau coup de poing violemment adressé au receveur. Celui-ci fut sonné par le choc mais se reprit en chargeant. Sur son visage avait disparu toute trace de sourire et d’humanité. Il venait de comprendre que Wildheart lui avait menti, que Wildheart voulait réellement sa peau, que Wildheart allait se battre jusqu’au bout pour l’étaler.
Rugissant comme un lion, le mercenaire de la Jaxon Company enfonça la défense de Buck et le cogna comme un forcené pendant cinq bonnes minutes, sous le regard médusé de l’assistance. Mais Buck tenait bon. Il était un coriace et sa nature biologique lui conférait une résistance hors du commun et une hargne décuplée, faisant de lui un adversaire plus redoutable qu’il en avait l’air. Et cela contrariait Hudson au plus haut point. Il faisait des erreurs, il se laissait submerger par sa colère. Et cela profitait à ce maudit étranger qui venait mettre son grain de sel dans ses affaires. Buck, d’une agilité surprenante, évitait ses coups désordonnés avec facilité et savait frapper au bons endroits, là où ça faisait mal. Souffrant dans sa chair, Hudson ne tarda pas à plier un genoux avant d’être envoyé au tapis par un coup de pied dans la tronche, explosant les os de son nez avec un fracas horrible qui emplit la salle. Le public s’était tût. Leur champion était à terre, Wildheart encore debout après dix minutes de combat. C’était anormal. Il se passait quelque chose et tous le savait. Jaxon, au premier rang, fronçait les sourcils et semblait surpris. Aurora restait choquée par la violence engagée par ses deux prétendants et son cœur battait anormalement, partagé entre une attirance pour ce jeune loup fougueux et une compassion certaine pour son petit ami qu’elle avait appris à aimer.
Lentement, James Hudson se releva, le visage en sang, le cerveau embrumé par le choc des frappes. Mais à peine fut-il debout qu’une déferlante de coups plus âpres les uns que les autres s’abattit de nouveau sur lui comme une ouragan. Une gerbe de sang s’échappa de sa bouche et il s’écroula une seconde fois. Une fois de trop. Il était en train de se faire humilier par un étranger devant son patron, sa petite amie et un public qui le vénérait comme un demi-dieu. Combien de temps un homme pouvait-il supporter cette situation ? Il était invincible. Il était le meilleur. Et cette petite pourriture allait très vite le comprendre. Il était fort ? Soit. Mais ça ne l’empêcherait pas de lui mettre une raclée, comme il l’avait fais avec ses autres concurrents.
S’aidant de ses avant bras pour se remettre debout, Hudson se frotta la tête et sautilla pour reprendre ses esprit. Sa carrure musculeuse était couverte d’hématomes bleutés mais bientôt, tout ceci ne serrait qu’un mauvais souvenir. Hurlant comme une bête enragée, James se lança contre son ennemi à corps perdu, le percutant de plein fouet et le renversant au sol. Se jetant sur lui, il se mit à le frapper avec une hargne sauvage, faisant gicler le sang à chaque coup.
« Tu as voulu me doubler, fils de pute ! Mais c’est moi qui vais t’avoir ! »
Buck n’était pas de cette avis. Dopé par l’adrénaline, il bloqua l’attaque de Hudson puis lui donna un coup de genoux dans les parties génitales. L’agrippant au cou, il appuya sur la carotide, privant ainsi le cerveau d’oxygène.
« C’est toi qui va crever, Hudson. »
Un sourire animal apparut sur le visage du mutant tandis que ses doigts resserraient peu à peu leur étreinte et que le visage de son adversaire viré au rouge sans qu’il ne puisse rien faire. Il allait mourir et Buck serrait le nouveau roi de la ville. Il aurait Aurora pour lui tout seul. Et cette perspective le rendait fou. Grisé par le parfum de la victoire, il ne perçu pas à temps l’attaque psychique qui le frappa brusquement. En quelques secondes, Buck sombra dans les bras de Morphée.
*
« Salut Kyle… »
Buck ouvrit un œil, puis l’autre. Solidement attaché à une chaise, mains et pieds liés, tout mouvement lui était impossible. En face de lui, un individu qu’il connaissait bien. Roux, de grande taille, avec son éternel chapeau sur la tête, il ressemblait au cow-boy Marlboro, sans la moustache. Apparemment fier d’être reconnu, l’australien souriait de toutes ses dents et se permit même de passer une main dans ses cheveux d’une manière paternaliste que Buck ne pouvait supporter.
Remarquant le regard noir qu’il lui lançait, l’australien éclata de rire.
« Allons Kyle. Tu devais bien t’imaginer qu’on réussirait à te chopper un jour ou l’autre, non ? Ca fait un an qu’on te pourchasse. On a traversé quoi… une bonne quinzaine d’états ? Ca a été dur, ouais, c’est vrai. Mais finalement, on t’as mis le grappin dessus, hein, Kyle ? On t’as maté comme tout les autres avant toi.
- Ferme un peu ta gueule, tu veux ? »
Un homme sortit de l’ombre. Brun, la quarantaine, il respirait la cruauté. Dans ses mains, deux couteaux aux lames effilées. Sur son visage, nulle trace de plaisir. Non, tout était à l’intérieur de lui, là, au fin fond de l’obscurité de son âme. Son regard froid et dur transperça Buck pendant quelques instants avant qu’il ne reporte son attention sur l’australien.
« Pourquoi n’est-il pas encore mort ?
- Le msieur Hudson voulait qu’on le cuisine pour savoir où il a cachait le pognon qu’il lui devait.
- Et en quoi cela nous concerne ?
- Bah il a promit qu’il nous donnerez une bonne part et …
- Et alors ? Ta paye ne te satisfait pas ? On est pas là pour contenter les pechnos locaux en torturant à la tout va. Le sujet n°1983 doit être éliminé au plus vite et sans témoins extérieurs. Dois-je te le rappeler ?
- Oui, mais j’ai pensé que…
- Tu n’es pas payé pour penser ! »
L’australien baissa les yeux et disparut dans l’ombre. A présent, il ne restait que le quadragénaire aux tempes grisonnantes qui observait Buck comme on observe un animal, s’interrogeant sur la façon dont il le mettrait à mort. Buck ne connaissait pas son nom mais ce n’était pas utile. Il savait qui il était. Il savait quel traqueur bestial il avait en face de lui. Ses patrons lui avait ordonné de retrouver et de supprimer un sujet disparu, et c’est ce qu’il allait faire. Depuis deux ans, lui et ses hommes le pourchassaient sans relâche. Au départ, ils étaient dix. Mais les aléas de l’existence avaient décimé sa petite équipe. Composée exclusivement de mutants, il était le seul humain de la bande, le chef, le supérieur. Et il avait d’excellentes raisons de tuer le fugitif responsable du massacre de ses soldats.
« Vous allez me buter alors ? »
La question de Buck le surprit quelque peu.
« Tu t’imaginais que je te laisserai en vie, 1983 ?
- Appelez-moi Buck ou Kyle, ça ferra plus « famille ». On en a partagé des bons moments, toi et moi.
- Si tu parles de l’assassinat de mes équipiers, cela n’a en rien affecté mes opinions et ma mission, et sur ton compte. Tu es une cible à éliminer, et c’est ce que je vais faire.
- Tu bosses pour des pourritures. Ce qu’ils m’ont fais, tu ne peux même pas te l’imaginer… C’est tellement horrible… Des nazis. Voilà ceux que sont tes fils de putes de patrons. Des putains de nazis !
- Ca n’est pas mon problème. N’espère pas de moi que je m’apitoie sur ton sort.
- C’est absurde.
- C’est ainsi et tu n’y échapperas pas. Je vais te tuer et tout serra régler.
- Tu crois qu’ils te remercieront ? Ils te tueront à la première occasion. Tu ne sais pas de quoi ils sont capables. Ils buteront ta famille, tes gosses, il te feront disparaître à jamais.
- Il faut savoir vivre dangereusement, 1983. »
Il n’en tirerait rien. Cet homme allait l’abattre comme un chien et il était impuissant.
« Chef, on a un problème. »
La voix provenait du fond de la pièce, dans l’ombre.
« Qui y a t-il, Vincent ?
- C’est msieur Hudson. Il veut entrer.
- Qu’il aille au diable.
- Il insiste.
- Qu’il aille se faire…
- Faire quoi ? »
Une nouvelle voix. Buck la connaissait bien. Hudson. Quelques secondes plus tard, celui-ci apparut à la lumière. Son visage portait encore les séquelles du combat qui l’avait opposé au prisonnier. Sans un regard pour Buck, il se planta face au quarantenaire.
« Je suis dans ma ville. Vous comprenez ? J’ai droit de vie ou de mort sur tout ce qui a deux pattes dans ce putain de bled. Les vieux, les femmes, les mioches. Alors, si je veux que cet enfoiré soit torturé jusqu’à ce qu’il crève, c’est ce qui arrivera, sans que vous ayez quoique ce soit à dire. »
Six autres hommes apparurent alors, armes à la main prêt à tirer sur un simple mot de leur chef.
« Vous faîtes une énorme connerie. Vous ne savez pas de quoi 1983 est capable.
- Je m’en tape. Je veux faire souffrir cette saloperie et je vais le faire. Maintenant dégagez, vous et vos copains. On prend le relais.
- Vous faîtes la pire des erreurs. Il est capable de tout. »
Le canon du revolver de James Hudson se posa sur la tempe du traqueur.
« Ne me forcez pas à ça.
- Soit. Nous attendrons dehors. Mais vous venez de signer votre arrêt de mort.
- Sortez ! »
Un sourire carnassier apparut sur le visage de Buck. Un sourire de prédateur. Un sourire de tueur.