Urban Comics
  X-Files #3 : La Cible
 
Histoire : Ben Wawe
Date de parution : Mai 2006

Il est prêt.
Il a étudié le terrain.
Les habitudes de la cible lui sont désormais familières.
Il a noté son raisonnement, sa routine, ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas.
Pour lui, il est devenu plus qu’une cible, maintenant qu’il l’observe depuis des semaines. Il en sait plus sur lui que sa femme, ses enfants, ses collègues de travail. Il connaît tout de lui.

Il sait qu’il aime observer les fesses des femmes qui passent près de lui.
Il sait qu’il met toujours son pied gauche en avant en sortant de sa voiture pour aller au bureau.
Il sait qu’il préfère manger de la viande rouge que de la viande trop cuite à chacun de ses repas.
Il sait qu’il aime le parfum Amazo avec l’après rasage Channel, même si le résultat est assez violent pour les nez sensibles comme le sien.
Il sait qu’il évite toujours de s’arrêter aux feux oranges, espérant gagner du temps et arriver plus vite à ses rendez vous ainsi. En pure perte, évidemment.

Il sait tout de lui, oui. Et ça va lui servir à mettre fin à ses jours.

Il s’appelle Logan.
C’est un tueur, un mercenaire.
Engagé pour tuer des hommes et des femmes sans conscience.
Depuis toujours, il ne sait faire que ça : prendre la vie des gens. Il n’aime faire que ça, en fait.

Sa cible s’en va. Elle sort de son bureau, se dépêchant pour arriver au parking qui renferme sa voiture, une Jaguar dernier cri. Joli engin. Logan se la payerait bien, si il pouvait se permettre le luxe d’avoir une telle voiture, alors qu’il restait moins d’un mois dans chaque logement qu’il occupe.
Il sourit doucement en regardant le PDG de Grayson Industries marcher vite dans les rues de Détroit. Il veut rentrer rapidement, il se presse. Il espère être à l’heure pour profiter un peu de sa femme avant que leur enfant ne revienne de l’école. Il espère aussi qu’elle sera douce et un peu perverse, comme il l’aime.
Mais plus jamais il ne passera la porte de sa maison…plus jamais il ne profitera de sa femme et de son fils. Car dans quelques minutes, il va mourir.

Logan bouge.
Pour la première fois depuis six heures qu’il attend Henry Grayson, le tueur fait mouvoir ses muscles et son corps. Evidemment, il n’a pas mal. Ses étranges capacités ont réglé ce problème qui handicape tant ses confrères.
Lui n’a jamais de mal à rester des heures sans bouger le moindre muscle, à épier sa cible. Il ne sait pas bien pourquoi il peut faire ça, pourquoi il n’a pas ce problème. Il est peut-être un Mutant, comme ceux qui sont poursuivis dans la rue. Peut-être qu’un jour, on viendra le chercher pour le foutre dans un camp. Mais il s’en fiche. Il est ainsi, et il aime ce qu’il est…et gare à ceux qui voudraient le stopper ou le remettre dans une cage.

Hop, Henry regarde les fesses d’une jeune femme de moins de vingt ans qui passait à côté de lui. Vêtue d’un jeans très moulant pour orienter le regard des hommes, elle semble sourire de l’émotion qui passe sur le visage et l’entrejambe du PDG.
Pas mal, pense le mercenaire en posant lourdement son regard sur sa poitrine et le reste de son corps encore ferme. Son parfum est doux et pur comme une orange au soleil, et cela donne de grandes envies au tueur à gages. Il la suivrait bien pour passer quelques doux moments avec elle, dans son appartement, mais il a autre chose à faire.
Une cible à supprimer. Un contrat à honorer. Un homme à tuer. Même si ça lui coûte de laisser partir une telle femme…

Evidemment, il faut que ça soit discret.
Logan doit faire attention à qu’il n’y ait personne autour d’eux, et pour qu’il puisse agir en paix, comme on le lui a demandé. Bien sûr, il sait tuer avec rapidité, vitesse et discrétion. Il a supprimé énormément de gens ainsi, en moins de trente secondes et sans que personne ne puisse le voir. Non, ce n’est pas lui qui s’oblige à faire ça…c’est son patron.

Celui qui le paye pour tuer Grayson.
Celui qui a mit la bonne annonce codée dans le bon journal.
Celui qui lui a donné un million de dollars cash en avance pour liquider le PDG.
Celui qui a tout fait pour que son nom reste ignoré par le tueur à gages, même si il a tout tenté pour connaître ce nom…en pure perte. Logan s’est d’ailleurs énormément interrogé sur ça : d’habitude, ses sources trouvaient toujours l’identité de ceux qui l’employaient…il aimait bien savoir pour qui il roulait, histoire de comprendre pourquoi cet homme ou cette femme voulaient la disparition d’un autre être humain. Mais là, personne n’avait pu l’informer…et il n’aimait pas vraiment ça.
Ça l’inquiétait, même.

Mais Logan devait chasser ces idées de son cerveau. Il devait se concentrer sur ce qu’il avait à faire, et sur comment il devait le faire. Son nouvel employeur avait spécifié clairement comment Henry Grayson devait mourir, et si le mercenaire voulait l’autre million, il fallait qu’il le fasse comme il le voulait…et qu’il le filme. Son patron voulait avoir une preuve que Grayson soit bien mort dans les conditions voulues, et il lui avait donc donné une caméra amateur.
Le mercenaire était d’ailleurs prêt à filmer, si ça plaisait à son boss. Seul l’argent lui importait, et ce qu’il allait en faire. D’ailleurs, cette affaire allait bientôt être réglée. Sa cible était à l’endroit même choisi par le tueur à gages. Il sourit doucement en s’approchant. Il allait intervenir.

Après être passé devant le vigile et les caméras de surveillance du parking privé dans lequel sa voiture résidait chaque jour depuis des années, Henry Grayson ouvrit doucement sa voiture. En pensant à ce qu’il allait faire ce soir, il s’avança pour ouvrir la portière, dans un geste banal que tout le monde avait répété des centaines de fois.
Mais cette fois-là, jamais sa main ne toucherait la poignée. Jamais il n’entrerait dans sa voiture, jamais il ne rentrerait chez lui. Dans un bruit aigu et sourd, quelque chose venait de…de couper son avant bras droit, qui tombait lourdement sur le sol. A partir du coude, toute la chaire de son bras avait été coupée avec agilité, expérience et rapidité, sans qu’il ne puisse faire quelque chose. Chaque nerf, chaque veine, chaque millimètre de peau avait été coupé en un coup, et il n’avait rien pu faire.
La scène ne s’était passée qu’en quelques millièmes de secondes, et l’homme n’avait rien vu…

En voyant sa blessure, le PDG ne crie pas. Il ne tente pas de fuir. Il ne court pas partout. La peur prend le pas sur toutes ses autres émotions. La peur contrôle entièrement son corps, qui reste bloqué. Il est terrifié. Terrifié par l’apparition devant lui. Terrifié par l’idée qu’il va mourir dans ce parking désert alors que son avant bras est désormais entouré d’une mare de son propre sang à ses pieds…

Devant lui…un homme.
Ou une sorte d’homme, plutôt.
Vêtu d’un jeans troué et sale, d’un t-shirt jadis blanc et devenu gris, et d’une casquette bleue des Yankees de New York, l’homme ressemblait plus à un SDF qu’autre chose. Mais ce qui était vraiment étrange, outre sa présence dans un parking ultra surveillé par caméras et vigiles et le fait qu’il portait dans sa main gauche une caméra amateur, c’était ce qu’il avait sur les mains…

Six griffes.
Six griffes sortaient du haut de ses mains.
Trois sur chacun de ses avants bras, et elles semblaient extrêmement coupantes, comme l’indiquait son moignon et le bout de chaire qui traînait sur le sol. Il a peur. Il est totalement terrifié, et ne peut ni bouger ni parler…

Logan, lui, va bien.
Tout s’est déroulé comme prévu jusqu’à maintenant. Jusqu’à ce qu’il commence à craquer, et qu’il ressente les préludes à sa rage. Une lueur de folie danse dans les yeux de Logan. Il veut le déchiqueter. Il veut lui arracher les tripes et tous les organes du corps avant de le tuer définitivement, et ce après d’immenses souffrances. Il veut s’acharner sur lui, repeindre le parking en rouge sang. Porter ses entrailles comme un collier.
Mais il ne le peut pas. Il n’a pas le droit. On lui a dit comment le tuer. Et ce n’est pas comme ça.

« Henry Grayson ? »

Sa voix est dure, et aussi tranchante que les lames qui défient les lois de la Nature sur ses mains. Sa victime n’ose bouger, elle n’ose parler. Son regard hésite entre la vision du moignon et les griffes de Logan, et son cerveau semble aux abonnés absents. Le mercenaire soupire. Il détestait quand ça prenait du temps…
Le tueur à gages pose un de ses avants bras sous le cou du PDG. Celui-ci sent la froideur et la dureté des lames sur sa peau, et ne peut retenir le liquide jaune qui descend le long de son pantalon. Il a peur, mais il ne veut pas mourir…Alors il tente de se reprendre. De parler, de calmer son cœur et sa peur. Ou du moins, il essaye…

« Ou…oui…
- Bien. Je vais te tuer.
- Je…payer…Je…
- Tais-toi. On me paye assez pour que je te tue, et j’ai pour habitude de toujours remplir mes contrats. Toujours. Alors n’essaye pas de m’acheter, ça marchera pas. Compris ?
- Ou…oui… »

Henry est désespéré.
Il n’arrive pas à articuler, et sent que sa dernière heure a sonnée.
Devant lui, le monstre aux griffes allume la caméra, et commence à le filmer. Après avoir cadré la caméra, il s’approche lentement de lui. Il ne s’arrête qu’à quelques centimètres de son corps, et plonge son regard dans le sien.
Mon Dieu, pense l’homme d’affaires. Jamais il n’a vu une telle sauvagerie, une telle rage dans les yeux de quelqu’un. Cet…cet homme devant lui n’est pas un vrai être humain. Il a plus de l’animal que de l’homme, et…et on ne peut le contrôler…Même lui-même ne le peut, sûrement…

« Henry Grayson. Tu es accusé d’avoir licencié des dizaines de personnes, dont Max Fisher. Celui-ci a perdu sa femme après être tombé dans l’alcool, et son ex épouse s’est retrouvée sur le trottoir. Elle a été tuée après avoir été violée sauvagement. Etant donné que tu es responsable de la mort de Maria Fisher-Garcia, du coma éthylique profond de Max Fisher, tu es condamné à mourir.
Mais à mourir dans d’épouvantables souffrances. Adieu, Henry Grayson. Tu es mort. »

D’un coup vif et violent, Logan entre sa main droit dans le ventre du PDG.
Il a bien récité ce que son patron lui a demandé de dire, et il filme bien la fin de l’homme d’affaire. Le tueur à gages ne comprend pas vraiment pourquoi quelqu’un se préoccupe du sort des Fisher. Il pensait que son employeur était un enfant du couple, mais ils n’en ont jamais eu. Et leurs familles sont désunies et loin.
Mais au fond, Logan n’a pas à savoir ça. Il a été payé pour couper les tuyaux qui relient la prostate et l’estomac au reste du corps, et il le fait. Le mercenaire sait que Grayson n’en a plus que pour une quinzaine de minutes à vivre, et que ce seront les plus longues de son existence.
Même si il aurait voulu le déchiqueter lui-même, au moins peut-il se consoler en se disant qu’il souffrira bien par sa faute…

Lentement, Logan retire sa main.
Il filme tranquillement les quinze minutes de l’agonie de Henry Grayson, et referme doucement la caméra quand c’est terminé. Il s’essuie sur la veste coupée par un grand couturier du mort, et part. Il n’a pas peur qu’on utilise ses empreintes, il n’en a plus depuis longtemps. Le mercenaire sait que son existence est secrète, et que beaucoup de « grands » dans le monde ont besoin de lui. De ses talents uniques.

Il est Logan. Il est un tueur, sans morale ni conscience. Aussi loin qu’il s’en rappelle, il ne sait que tuer. Et alors qu’il sort discrètement et en trompant la surveillance high tech du parking, comme à son arrivée, le mercenaire se dit qu’il voudrait bien retrouver la jeune fille d’avant…
En souriant, il renifle dans l’air, et retrouve la trace de son parfum. Parfait, se dit-il…Quoi de mieux après un bon petit meurtre qu’une bonne petite partie de baise ? Même si il n’était pas très classe, Logan savait comment avoir ce qu’il voulait de ceux qui devenaient ses victimes…

Le tueur à gages partit alors dans la nuit, tel un animal en quête de sa proie, tandis qu’une pauvre jeune femme allait passer les pires heures de son existence avec lui, et qu’elle n’y survivrait pas...
 
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