Urban Comics
  Wildstorm #10 : Les hommes de paille
 

Histoire : Zauriel
Date de parution : Janvier 2008

L’homme de main de Christian Walker s’était précipité sur Nigel qui avait peine à respirer et à comprendre ce qui se passait. Allongé sur le macadam, il sentait la pression des doigts de son agresseur s’accentuer sur son cou. Il n’allait pas tarder à perdre connaissance, et ce fils de pute pourrait achever le travail. Ses jambes battaient dans tous les sens mais l’autre le plaquait fermement au sol. Il avait mal. Il souffrait le martyr. D’ordinaire, son pouvoir le protégeait de toute violence physique ou psychique. Et il était habitué à ne pas ressentir ce genre de sensations. Là, il les découvrait, et on ne pouvait pas dire que la découverte se fasse véritablement dans la joie. Il essayait de focaliser sur quelque chose et vit l’inhibiteur accroché à la ceinture de l’homme. Il le saisit de sa main gauche, tira un grand coup sec et l’envoya aussi loin qu’il le put. Il sentit ses pouvoirs revenir petit à petit. L’agresseur eut une marque d’interrogation débile dans le regard, accompagnée du tout aussi débile.
« Huh ? »
Ce fut le tour de Nigel de prendre le dessus. Il envoya son genou dans les parties du mec, qui grimaça et roula sur le côté. Il se leva prestement, tout en regardant alentour pour voir si d’autres hommes de mains n’allaient pas surgir pour lui faire sa fête. Mais non, personne. La rue était déserte à peine éclairée par des lampadaires défectueux. Il posa un genou à terre et prit le col de son adversaire, tout en le secouant vigoureusement.
« Ecoute moi bien, tête de nœud. Tu vas me dire où est passé ton patron, sinon je te jure que je t’explose la tronche à petit feu. »
L’encapuchonné ne répondit pas. Il fit glisser quelque chose dans sa manche, le long de son bras droit. Surpris, Nigel tomba en arrière. L’agresseur sortit un flingue de sa poche et le braqua sur l’agent de Stormwatch, qui eut le temps de donner un coup de pied dans le poignet de l’autre, qui lâcha son arme. Nigel se remit debout, hors de lui. Mais l’agresseur se remit lui aussi sur ses pieds, plongea sur le flingue. Nigel plongea à nouveau à terre, se méprenant sur les intentions de l’autre. Plaqué à terre, il entendit un coup de feu, mais n’en mesura pas les conséquences. Etonné de ne ressentir aucune douleur, il ouvrit les yeux et vit le cadavre de l’agresseur, assis contre une poubelle publique, la tête éclatée, son flingue encore fumant dans sa main gauche, qui commençait à se détendre peu à peu. Nigel s’appuya contre un lampadaire et vomit longuement. Il avait vu de nombreux cadavres, mais rien n’y faisait. En voir un de plus, un de moins, et c’était le retournement d’estomac à l’arrivée. Il cracha le reste de bile dans sa gorge et s’assit sur un banc, tentent de reprendre ses esprits. Il se frotta le visage en considérant le cadavre à côté de lui.
« On n’est pas vraiment avancé. »
Il sentit le canon d’un flingue se poser sur sa nuque. Il leva doucement les mains en l’air, sans un mot.
« Merde, Nigel. »
Le canon quitta prestement son cou. Toshiro Misawa s’assit à côté de son ancien partenaire.
« Comment tu vas, vieux ?
- Aussi bien qu’un mec peut aller alors qu’il vient de perdre toute foi en son boulot. Pourquoi tu te trimballes cette vieille pétoire sortie de Dirty Harry, avec tes pouvoirs capables de neutraliser n’importe quoi ? »
Toshiro grimaça.
« Je ne sais pas vraiment. Enfin si. J’ai les jetons. J’ai peur que mes pouvoirs disjonctent un de ces quatre. Avec ça, je suis à l’abri. »
Il fit sauter l’arme dans sa main, le canon pointé sur Nigel, qui le repoussa dans une autre direction.
« Fais gaffe, tu veux ? »
Toshiro rangea l’arme dans son étui, en hochant la tête. Puis il se leva et se mit à faire les cent pas autour du banc. Nigel se frotta les yeux, encore un peu groggy. Et quelque chose s’alluma dans son esprit.
« Qu’est ce que tu fais là, Toshiro ? »
Toshiro haussa les sourcils. Le géant asiatique, qui portait des jambières et des protections métalliques aux bras pour entraver ses émissions de radioactivité, n’avait pas l’air de comprendre la question de son associé. Nigel se redressa contre le banc et se pencha sur ses genoux, les poings appuyés contre ses cuisses.
« Eh, Toshiro. Je t’ai posé une question ? »

Le Japonais grimaça d’incompréhension.
« Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Fous toi de moi. Je viens tout juste de me sortir d’un mauvais pas et tu apparais comme par magie. Dans notre métier, on trouve ça louche. »

Toshiro semblait extrêmement gêné. Nigel fouilla dans ses poches, se tortillant pour trouver ce qu’il cherchait. Il en sortit un paquet de cigarettes tout abîme et en tendit une à son collègue. Le Japonais refusa en levant sa main gauche. Nigel s’en ficha une entre les lèvres et l’alluma avec son doigt.
« Ca accélère mes mutations. Ca te gêne pas, toi, la fumée ?
- Non. De toute façon, on a beau être des super-agents, on n’est pas éternels. Tu vas mourir, je vais mourir. Tout le monde mourra un jour et quelques millénaires plus tard, quand l’espèce dominante sur ce foutu caillou sera des crapauds géants avec d’énormes casques en peau de léopard mètrera la main sur nos restes ou sur un document de Stormwatch, ils riront beaucoup. »

Toshiro écarquilla les yeux, subjugué par ces paroles.
« Tu es ivre ?
- Non, mais je devrais l’être. On t’a demandé de me suivre, c’est ça ? »

Nigel se tourna vers lui, toujours penché. C’était marrant de voir quelqu’un comme Toshiro réagir comme un enfant de cinq ans qui déteste décevoir les personnes qu’il apprécie. Le Japonais regardait ses baskets comme si elles étaient devenues l’objet le plus intéressant de cette partie du globe. Nigel lui donna un coup de coude.
« Allez, dis moi.
- Oui, on m’a demandé de te suivre. Mais on m’a dit que tu étais au courant, que c’était pour ta sécurité.
- Foutaises, mon pote. Tu sais que je n’étais pas au courant. Alors tu ferais mieux de t’expliquer, Toshiro. J’ai manqué ma mission, je me suis fait trahir par un flic, on m’a devancé, Stormwatch est infiltré… La liste des désillusions est déjà longue pour ce soir, mon ami. Alors expliques toi. Fissa.
- Je ne voulais pas t’énerver, Nigel.
- C’est ce qui est chiant chez toi. Cette volonté de ne vouloir blesser personne.
- Arrête, tu me le dis à chaque fois.
- Parce que t’en tiens jamais compte. Alors dis moi, Toshiro, je suis ton ami ?
- Bien sûr.
- Je suis même venu te chercher dans une dimension parallèle avec Lauren, Nikolas et Fairchild ?
- Oui, je m’en souviens.
- Alors dis moi pourquoi tu me suivais. »


Deux jours plus tôt. Bureau de Jackson King

Toshiro a toujours été quelqu’un de timide, de réservé. En faisant face à son boss, il n’arrivait même pas à relever les yeux plus de cinq secondes. Il se triturait les mains depuis une bonne minute quand King l’invita à s’asseoir. Le regard de Toshiro allait de son boss à la fenêtre, de la fenêtre à son boss. Il n’arrivait pas à rester en place, son pied droit tapant convulsivement sur le sol. King essayait d’être le plus avenant, mais il semblait que ça n’ait aucun effet sur Toshiro.

« Alors, jeune homme. Qu’est ce que ça fait d’avoir réintégré les équipes actives ? »
Son rapt par les extra-terrestres avait profondément bouleversé le jeune homme et plusieurs équipes de psychiatres l’avaient suivi. Il avait repris l’entraînement dès le départ, avec de jeunes recrues, afin d’être pleinement opérationnel. Ca lui avait fait drôle de s’asseoir et de prendre des notes à côté de jeunes adultes qui avaient près de huit ans de moins que lui. Il avait tenu le coup, repasser les examens, et était rentré dans l’escadron Bêta du groupe, c'est-à-dire l’escadron qui comptait les membres les plus jeunes de l’Organisation. Les missions d’entraînement s’étaient déroulées très vite et il s’était très vite remis à nouveau. Enfin, plus vite que ce à quoi on s’attendait.
« Je suis très heureux, monsieur. Je ne voulais surtout pas être un point mort, monsieur
- Mais tu n’es pas un point mort, Toshiro. Tu es un membre à part entière de notre staff et on regretterait de ne plus te compter parmi nous.
- Merci monsieur.
- J’ai une mission pour toi. »

Toshiro fit la grise mine. Il ne voulait plus de missions à deux balles comme celles qu’il avait effectuées la semaine dernière.
« Une vraie mission, insista King en hochant plusieurs fois la tête.
- Je vous écoute.
- J’ai envoyé un contingent de membres appréhender des individus très dangereux. La plupart sont tes amis. Lauren, Nigel et Nikolas.
- Oui monsieur.
- Je voudrais que tu suives Nigel lors de sa mission. Que tu fasses en sorte qu’il ne lui arrive rien.
- Très bien. Où dois je le rencontrer ? »

King tiqua.
« Tu ne dois surtout pas le prévenir.
- Mais monsieur, c’est le processus. L’agent couvert doit forcément être au courant.
- Pas cette fois. L’homme que va tenter d’appréhender Nigel est très dangereux. Il ne faut surtout pas qu’il soupçonne ta présence.
- Très bien. Mais s’il lui arrive des problèmes ?
- Reste dans l’ombre et enregistre.
- Quoi ?!
- Tu m’as entendu, Toshiro. Je veux que tu enregistres les moindres faits et gestes, toutes les actions de l’individu. Et à vrai dire, je ne suis pas très sûr de Nigel. Il a l’air de manquer de confiance en lui, en ce moment. Et j’ai peur qu’il ne soit un traître et qu’il s’acoquine avec l’individu qu’il est censé appréhender. Si jamais tu le vois partager des informations, tu l’abats. C’est clair ?
- Ne pourriez vous pas envoyer un autre agent, monsieur ?
- Tu refuserais un ordre direct ?
-Non, monsieur, répondit Toshiro d’une petite voix. A vos ordres, monsieur. »



Retour au présent. Devant le domicile de Michael Cray, alias Hugh Stevens.

Nigel jeta le bout de son mégot sur le trottoir et l’écrasa vigoureusement du bout du pied. Jackson King, cet espèce d’enfoiré, avait sorti les pires âneries sur lui, dans le but de le discréditer aux yeux de l’un de ses meilleurs amis dans l’agence. Mais pourquoi ? Nigel ne se rappelait pas avoir été un élément suffisamment perturbateur ou retord pour justifier la décision d’envoyer un autre agent l’abattre au cas où il pactiserait avec l’ennemi. C’était louche. Cray n’était pas le super-soldat dont on avait parlé. Il était loin d’être la menace décrite par les grandes pontes. Cray avait les jetons parce que quelqu’un au dessus tirait les ficelles et avait besoin de sa cervelle, quelqu’un que Cray était sur le point de nommer, avant que Walker ne l’embarque. Sa cervelle… Ses souvenirs…
Nigel se leva d’un bond, époussetant son grand imperméable et faisant craquer ses cervicales.
« Je suis désolé de t’avoir embarqué là dedans, Toshiro
- Tu n’y es pour rien, Nigel. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de retourner tout de suite au QG.
- Moi non plus.
- Alors qu’est ce qu’on fait ?
- On va au cimetière, répondit Nigel avec un sourire morbide. »

 
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