Histoire : Zauriel
Date de parution : Juillet 2007

« Je croyais que tu lui avais ordonné de se retirer, Alex. »
Nikolas s’était précipité vers son ancien mentor et lui agrippait le col. Fairchild, derrière ses lunettes, ne broncha pas. Nikolas le secoua un peu.
« Je croyais que tu l’avais forcé à arrêter ce job foireux. »
Alex le gifla. Nikolas ne le lâcha pas.
« Tu m’avais donné ta parole.
- La ferme. Elle est libre de ses choix. Je lui ai dit de se retirer des affaires, comme tu me l’avais demandé. Je pensais qu’elle m’avait écouté. Quand je suis revenu, je me suis aperçu qu’elle n’en avait rien eu à foutre et qu’elle continuait de bosser comme agent de Stormwatch. »
Nikolas le lâcha. Il considéra son mentor d’un œil suspicieux et plein de colère.
« Quand tu es revenu ? T’étais passé où ? Merde, on était en pleine mission quand t’as disparu. Tu nous as littéralement plantés. »

Ca devait faire trois ans, trois ans et demi, tout au plus. Une météorite s’était écrasée au Japon, près de Tokyo. Les autorités avaient fermé l’accès à la zone, à cause de la haute radioactivité que les résidus de la météorite généraient. Quelques surhumains bien équipés avaient construit un dôme pour contenir les vapeurs toxiques, et éviter ainsi qu’elles se propagent. Mais il fallait bien sur pouvoir étudier les roches qui provenaient de la météorite. Et même les agents les plus puissants de Stormwatch ne pouvaient supporter plus de trois minutes le taux surélevé d’uranium de la zone. Seule une personne pouvait y accéder. Cette personne, c’était Toshiro Misawa. La mère de Misawa avait été exposée au champignon nucléaire de la catastrophe d’Hiroshima, alors qu’elle n’avait pas trois ans. Son corps a réussi créer des anticorps suffisamment nombreux et tellement nombreux qu’il avait « endormi » les radiations qu’il avait absorbé. Elle n’avait pas muté, les cellules restant latentes dans son organisme. Des années plus tard, Oana Misawa s’était mariée. Elle eut son premier enfant. Son unique enfant. Elle mourut en couches. Toshiro était normal, à première vue. Contrairement à de nombreux mutants à travers le monde, son apparence n’était pas altérée par sa différence génétique. Le seul ennui, c’est que Toshiro générait, involontairement, une chaleur terrible. Il passa son enfance dans une chambre forte, avec son père, un scientifique reconnu qui avait fait ses études à San Francisco avant de revenir au pays. Des tests. Encore des tests. Avec le temps, Toshiro apprit à réguler sa chaleur corporelle. On découvrit qu’il était insensible à toutes les conditions extrêmes. La chaleur, le froid, la pression, les radiations. Tout ça n’avait aucune prise sur lui. Stormwatch contacta son père quand on sut que le gamin savait contrôler ses pouvoirs. Il fut enrôlé très tôt. Toshiro était rentré dans le dôme. Il avait découvert que la météorite n’était pas ce qu’elle semblait être. C’était une sorte de porte entre les dimensions. Des créatures d’un autre monde l’avaient projeté sur terre à travers une fissure provoquée par une éclipse de leur soleil. Les créatures kidnappèrent Toshiro, agréablement surpris par sa résistance. Ils ne pensaient pas trouver sur Terre un être aussi pugnace. Jackson King avait convoqué Fairchild. Le dôme radioactif avait disparu d’un coup, laissant place seulement à un fossé insondable, qui ne menait on ne savait où. La priorité, c’était de tirer Toshiro de là. Stormwatch pensait qu’il aurait pu être victime d’expériences. Certains avaient même envisagé les dégâts que Toshiro pouvait causer s’il était tombé sous le contrôle des créatures. King avait demandé à Fairchild de monter une équipe de choc, qui n’aurait pas peur d’éliminer Toshiro si le besoin s’en était fait sentir. Les meilleurs amis de Toshiro s’étaient portés de suite volontaires. S’il devait mourir, ça devait être de leurs mains, pas de ceux d’agents inconnus ou indifférents à son sort. Lauren, Nigel, Nikolas et Fairchild étaient donc de la partie. Ils avaient plongés dans l’abîme, avaient découvert un monde au-delà de toute imagination. Les créatures étaient en fait des hôtes pour des saletés de la pire espèce. C’étaient des symbiotes, de minuscules puces qui se collaient aux crânes de leurs victimes pour pouvoir les contrôler. L’équipe de Fairchild détruisit ce monde corrompu, sauvant du même coup le pauvre Toshiro, qui avait résisté tant bien que mal à ces saletés qui tentaient de le posséder. Fairchild tenait ce pauvre garçon quand ils tombèrent dans l’abîme pour rentrer dans leur monde. Ils avaient laissé le jet à coté du cratère. Alors que la terre s’effondrait autour d’eux, Fairchild restait devant le fossé, à contempler les profondeurs. Toshiro, Lauren, Nikolas et Nigel étaient montés à bord du jet. Ils faisaient des signes désespérés à leur mentor. Celui-ci ne bougeait pas. Il ne leur accorda qu’un bref adieu de la tête avant de se faire engloutir sous terre.

« Je savais bien que tu t’en étais tiré. Stormwatch le savait. Ils avaient des relevés du moindre de tes déplacements. Mais c’était juste histoire de savoir si tu allais faire du grabuge. Merde, Alex. C’est toi qui m’as embarqué là dedans. Oh, Nikolas, rejoins le monde du super espionnage, c’est tellement bandant. Et puis tu demandes à ma petite amie, totalement hors du coup, de se plonger là dedans à son tour, sans m’en avoir parlé. Et puis tu te casses sans apporter la moindre explication à tes « protégés chéris ». Et maintenant, je te retrouve en train de protéger l’un des agents les plus dangereux de l’histoire de Stormwatch. C’est marrant, j’ai l’impression que tout ça fait très confus, mais ce n’est que mon ressenti.
-J’avais des affaires à régler. »
Nikolas leva les yeux au ciel.

McArest s’était approché de son ami dès que Nikolas l’avait empoigné. Il était juste derrière le jeune homme, qui ne l’avait pas entendu bouger.
« Comment ? La chaleur que vous dégagez…
- Est régulé par mon champ de force momentanément, dès que je le désire. Je sais ce que tu peux faire avec tes pouvoirs, petit. Je ne suis pas né de la dernière pluie. »
Le ciel s’était couvert et la pluie n’avait pas prévenu. Une longue averse les surprit. Pas un des trois hommes ne fit un pas pour s’abriter sous un arbre. Nikolas observait les deux briscards. Les deux briscards observaient Nikolas.
« Tu sais ? Remarque, je ne devrais pas être étonné. Nous sommes trois espions. »
Le regard lourd de reproches qu’il adressa à Alex ne surprit pas son mentor.
« Je te l’ai dit dès le début, Nikolas.
-Ouais, je sais. Pas de pitié dans ce monde là. Bref, on s’entretue ? »

Les regards de McArest et de Fairchild se croisèrent. Ils pouffèrent et explosèrent de rire, en se tapant sur les cuisses. Nikolas soupira.
« Je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de drôle.
- Tu n’es pas de taille, répondit McArest entre deux rires. Et si jamais tu l’étais, ça ne te satisferait pas. J’ignore qui est la jeune femme dont parlait Alex, tout à l’heure, mais j’ai cru comprendre que vous aviez tous les deux des liens privilégiés, je me trompe ?
-Non. »

McArest tomba sur les genoux en hurlant comme un damné, tenant sa tête à deux mains. Nikolas et son mentor se précipitèrent.
« Jim, qu’est ce qu’il se passe ? »
McArest s’était arrêté de crier. Son visage était couvert de sueur. Il haletait. Il regarda Fairchild dans le blanc des yeux.
« Nos amis de l’agence sont rentrés en contact avec mes anciens collègues. Il va falloir qu’on trouve le quatrième. »
Croisant les bras, Nikolas s’adressa à lui avec désinvolture.
« Ce serait peut être plus simple si tu nous disais tout simplement qui c’est, non ? »
McArest se releva et adressa un regard rempli de condescendance au jeune homme. Il s’essuya le visage avec une feuille.
« Bien sûr. Encore faudrait-il que je sache qui c’est. »
Les mains dans les poches, Nikolas grommela.
« Génial. Un super soldat qui se souvient d’assez de choses pour vous buter, mais pas suffisamment pour trouver le vrai méchant. Je ne pensais pas dire ça un jour, mais si. Je regrette les missions de sauvetage.
- Tu te plains autant qu’à l’époque. »

Nikolas se retourna brusquement. Une jeune femme blonde vêtue d’une chemise blanche et d’un blue-jeans, un couteau à la ceinture, le fixait, sourire aux lèvres, bras croisés.
« Christine. »
Nikolas la prit dans ses bras et la souleva du sol. McArest et Fairchild conversaient dans leur coin, mais Nikolas s’en contrefichait.
« Qu’est ce que tu deviens ? »
Il reposa la jeune femme à terre. Il regretta de la voir épousseter son jean avec un semblant de mépris à son égard.
« Je joue au bon dieu. Je booste les pouvoirs de certaines personnes, et j’en confisque d’autres. L’agence m’envoie aider quelques personnes, et en supprimer d’autres.
- L’agence ? Je croyais que tu étais en free-lance.
- Désolé, Nikolas. Je n’ai pas pu te dire certaines choses.
- Te fatigues pas à m’expliquer, je commence à avoir l’habitude des mauvaises surprises.
- Bien, de toute façon, je n’ai pas de temps à te consacrer.
- Oh que si, fit Nikolas en lui prenant le poignet. Attends que je te résume la situation, beauté. Tu vis avec moi. Tu bosses avec moi après qu’Alex te l’ait demandé. Tu deviens froide à mon égard, puis tu disparais de la situation sans prévenir. Je pense que tu me dois du temps, au contraire. »
Elle fit volte face. Son regard aurait pu le tuer, si elle avait voulu.
« Lâche moi. »

Il s’exécuta.Elle laissa Nikolas, un peu déçu de cette douche froide, et fila sur McArest, qui s’était remis à chanceler. Alex le soutenait en le prenant par l’épaule. Elle posa la main sur le front du super soldat et ferma les yeux. Nikolas vit les poils de ses bras se hérisser d’un coup, comme s’ils étaient parcourus d’un courant électrique.
«Christine, chuchota Nikolas, tu es sûre de ce que tu fais ?
- Laisse la, gamin, gronda Alex. Ce n’est plus une gosse. »
Nikolas voulut répliquer, mais son mentor fronça un peu plus les sourcils. Sa bouche se referma d’un coup.
« Christine, qu’est ce que tu vois ? »
Le visage de la jeune femme était secoué de tics. Ses paupières tremblaient. De la sueur se formait à la racine de ses cheveux. Sa poitrine se soulevait de plus en plus rapidement.
« Je n’arrive pas à voir le quatrième dont vous m’aviez parlé, Alex. Mais j’arrive à voir dans quelle situation se trouve Backlash et Deathblow.
- Qu’est ce que tu vois ?
-Slayton est en colère. Il se bat contre une femme rousse. Une pyrokinésiste.
- Lauren…, murmura Nikolas.
- Et Cray ?
- Un homme constitué d’énergie. Et un agent de police invincible. »
Les regards d’Alex et de Nikolas se croisèrent. Ils avaient reconnus Nigel, mais ne connaissaient pas le flic dont parlait Christine. Nikolas posa sa main sur l’épaule de la jeune femme. Elle tressaillit, mais il n’enleva pas sa main.
« Dis nous ce que tu vois. »