Histoire : Zauriel
Date de parution : Septembre 2007
Beaucoup pensaient que la deuxième peau qui recouvrait l’ancien agent Team One du nom de Backlash était dû à son pouvoir mutant. En fait, à l’époque, personne ne se posait la question. Personne ne voulait poser la question, ça paraissait tellement naturel que ce soit à cause de sa mutation. Ces personnes là étaient en tort. Initialement, Marc Slayton était un mutant. Un simple mutant, si on pouvait se permettre l’expression. Des faibles dons de télépathie et la possibilité de se volatiliser pendant quelques secondes. Voilà ce que lui offrait son gène X, rien de plus. Mais les fouets télékinésiques ne résultaient pas de sa mutation non plus. C’était un cadeau de son symbiote.
Lauren avait du mal à respirer. Elle étouffait, même. Le fouet de Backlash l’avait prise à la gorge, et la maintenait à un mètre du sol. Elle sentait l’énergie qui s’en irradiait. Elle avait peur. Elle avait peur parce qu’elle ne comprenait pas comment le symbiote pouvait avoir retrouvé son ancien hôte alors qu’il aurait dû être gardé au sous sol de Stormwatch, comme une des armes les plus dangereuses sur Terre.
Slayton n’avait pas intégré Team One dès à son entrée à Stormwatch. Il avait fait parti d’une mission spatiale,avec quelques autres agents de l’Institut dont les dons permettaient de survivre aux conditions difficiles et au stress engendrés par le Vide. Cela se passait en tout début de l’année 1982. L’URSS commençait à tourner de l’œil, mais essayait de se rattraper aux branches, notamment par le développement de ses super-soldats, comme la Dynamo Pourpre, ou Vanguard ; mais aussi par l’objectif d’alors : contrer les USA dans la course à l’exploration spatiale. Des projets parallèles à l’élaboration et à l’amélioration de Spoutnik virent le jour. Les portails interdimensionnels étaient au goût du jour à l’Est, d’après les huiles, et ça ne plaisait pas du tout à Washington. A vrai dire, Washington avait beaucoup de mal à le tolérer. Très rapidement, Stormwatch, avec l’appui financier de l’ONU, put créer une station relais, à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres au dessus des Grands Lacs. Un scientifique du nom de John Colt avait réalisé le rêve de tout amateur de science fiction. Il avait conçu une sorte de porte pour une autre réalité. Cette porte avait été initialement crée pour contenir une brèche qui déformait la réalité et qui menaçait de se répandre et de détruire l’univers tel que nous le connaissons. Cette brèche était s’était produite pendant l’affrontement entre le héros Britannic, aujourd’hui disparu, et un extraterrestre banni de son monde, Mercurio. Personne ne savait où cette porte menait. A vrai dire, on était quasiment certains qu’en la franchissant, on découvrirait le monde de Mercurio, mais un doute subsistait. Slayton avait donc été sélectionné pour faire parti du voyage. Il commandait le Nostromo, construit pour l’occasion. Le voyage ne se passa pas bien. Pas bien du tout. Le Nostromo eut des complications et l’équipage mourut dans le crash sur une planète inconnue. Seul survécut Marc Slayton, qui découvrit une Terre pas si différente de la nôtre. La composition atmosphérique était aux trois quarts de l’oxygène. Quant à sa faune et flore, elle était presque identique que celle de la Terre . Cependant, cette planète ci était couverte de jungle. Ce monde était un véritable champ de bataille entre deux clans humanoïdes, Khérubims et Daemonites, qui se battaient avec hargne et férocité. Slayton s’aperçut très vite qu’il était pourchassé par les uns comme par les autres. Aussi, il se réfugia dans la jungle, se faisant passer pour morts, et laissant ces dégénérés à leur conflit millénaire. Il avait réussi à tracter jusqu’à sa cache les restes du vaisseau, et avait conservé les plans de Colt pour confectionner un téléporteur. Pendant ses quelques mois d’exil, il ne se rendit pas compte qu’un organisme étranger s’était glissé en lui. Ce fut qu’une fois qu’il fut rentré sur Terre que les savants de Stormwatch le découvrirent. Désormais, Slayton n’était plus seul. Le symbiote lui donnait une sorte d’armure, et les fouets qu’il arrivait à créer était une projection offensive de l’organisme étranger, du symbiote. Ce fut un plus pour son profil, et grâce à cela, Marc Slayton fut incorporé à Team One.
Après le désastre de leur dernière opération à Athènes, Team One fut désactivé. Ce ne fut pas très difficile de gommer les pouvoirs et souvenirs de Cray et Majestic, même si celui ci était résistant au traitement. Ce fut beaucoup plus compliqué pour Slayton. Pendant les vingt et quelques années durant lesquelles il officia à Team One, son « invité » s’était développé dans tout son système nerveux et ne semblait pas vouloir que son hôte lui soit ainsi arraché. On dût mettre le colonel dans un tube en vibranium et le bombarder de rayons soniques pendant plusieurs heures avant que la créature ne quitte son propriétaire. Quand Slayton fut renvoyé à la vie civile sous le nom de Francis Herald, on tenta de détruire le symbiote. Rien n’y fit. Il résistait à toutes les conditions climatiques. Et sans hôte, à l’état pur, les rayons soniques étaient inefficaces. A défaut de le tuer, on l’emprisonna.
Voilà ce qui terrifiait Lauren. Son esprit partait dans tous les sens, tentant de comprendre quand et comment la créature avait quitté Stormwatch. Seule ? Avec de l’aide ? Mais qui pouvait avoir accès aux codes de sécurité du sous-sol aleph, où étaient stockés les objets dangereux, et qui profitait à la fois de l’évasion du symbiote ? Lauren n’en savait rie. Elle sentit l’étreinte se desserrer au niveau de sa gorge. Slayton, qui avait abaissé son masque organique, la regardait dans les yeux, tout en se servant un verre de whisky. Son symbiote avait pris l’apparence de vêtements civils. Il portait un pantalon en jeans et un Tshirt Donald Duck. Il s’assit dans un fauteuil. Il avait bien la cinquantaine tassée, selon les dossiers, mais Lauren lui trouvait un air juvénile, l’air d’un homme d’un trentaine d’années à peine. Elle essaya de concentrer son énergie dans son point, mais elle fut surprise de ne pas pouvoir produire la moindre étincelle. Slayton but une gorgée de son verre et s’assit.
« N’essayez pas, miss Pennington. Je canalise votre énergie par ce fouet et il vous est impossible d’y accéder. Si vous persistez, vous risquez de plonger dans un profond coma. »
Lauren arrêta dès que ces paroles furent prononcées.
« Comment savez vous mon nom ? »
Slayton éclata de rire. Il rougit et se gratta la tête, un peu gêné.
« Oh, ça date un peu, Miss. Bien avant que vous ne sortiez avec le Big Boss, en fait. A cette époque, vous veniez d’entrer à l’Institut. Et je vous ai croisé à un cours de mon ami Michael Dane. »
Lauren se rappela l’événement. Le professeur Dane était expert en armes de poing. Ce jour là, l’exercice était du tir sur cibles mouvantes, dans une cour de l’Institut. Slayton venait de rentrer de mission. Sauvetage d’un agent infiltré dans une mafia chinoise qui avait volé des plans très sophistiqués à la Stane International, le principal fournisseur d’armes de l’armée américaine, donc par conséquent de Stormwatch. L’agent en question était une grande gueule de Chicago, qui avait fricoté avec les gangs locaux durant son adolescence. Un transmutateur spécialisé dans le métal. Max Cash, qu’il s’appelait. Ou plutôt, qu’il se faisait appeler. On n’a jamais su le nom de ce gars là. Tout ce qu’on savait sur lui, c’est qu’il avait des liens familiaux avec le parrain de Chicago, Cole Cash. Le mec se trimballait tout le temps avec un grand imper rouge et des lunettes jaunes, parce qu’il avait vu ça dans un manga qui le bottait bien, dans lequel un homme sans passé était traqué par des crimes qu’il ne se souvenait plus avoir commis. Cash s’était fait appelé Condition Red. Allez savoir pourquoi, parmi une centaines d’agents plus discrets les uns que les autres, le conseil supérieur demanda à ce blaireau d’effectuer la mission. Certains pensaient qu’on voulait qu’il se fasse tuer. Toujours est-il que Cash réussit à s’infiltrer dans le gang et à gagner la confiance des patrons. Mais il en a trop fait. Du coup, ses journées en détention lui parurent longues, très longues. Les Orientaux ont une culture de la torture très raffinée, beaucoup plus développée qu’en Occident. Quand Slayton débarqua pour le ramener, Cash avait perdu vingt kilos et ses beaux mots. Il n’arrêta pas de s’excuser durant le trajet de retour. Et quand il revint à l’Institut, il demanda à devenir enseignant.
Slayton rentrait donc de cette mission. On lui avait dit que Michael Dane était avec ses élèves au champ de tir. Il avait ouvert la porte sur la cour et était atterri dans la zone de tir. Personne n’avait bronché. A l’exception de Lauren Pennington qui, croyant à un stratagème de son professeur, avait vidé son chargeur sur ce qu’elle pensait être une cible mouvante. Surpris, Slayton s’était précipité derrière un rocher en appelant Michael, qui rigolait comme un tordu. Pennington, tête baissée, n’en finissait plus de rougir sous les rires de Michael Dane et sous les menaces de Slayton, qui s’était aperçu tout de même qu’elle était de bonne foi. Aussi s’était-il excusé de s’être ainsi emporté contre elle. Il était parti avec Michael, parler en privé « de trucs importants qui devaient rester entre grandes personnes. » Lauren n’avait pas arrêté de s’excuser.
Dans la salle à vivre de Francis Herlad, l’agent Fahrenheit se souvint de cet instant, sans amusement. Elle n’aimait pas se rappeler combien elle était naïve et effacée à cette époque. Elle fit une moue qui interpella Slayton.
« Je ne voulais pas être désagréable, miss. Si cette époque vous est désagréable, excusez moi de vous la faire remémorer. »
Slayton n’avait pas fait attention que, pendant qu’il racontait cette histoire, absorbé par le passé, Lauren avait réussi à contrer son champ de force, et par la même occasion, avait rechargé ses batteries. Ce ne fut qu’à la dernière seconde que Slayton réalisa qu’il avait commis une très grosse erreur en sous-estimant la jeune femme. Avant de s’évanouir, il sentit la vague de chaleur lui couper tout oxygène. Il resta conscient quelques secondes, avant de s’écrouler aux pieds de Lauren, libérée des fouets bio-télékinésiques.
« Désolé, colonel. Mais j’ai des ordres. »