Urban Comics
  Wildstorm #12 : La tombe
 

Histoire : Zauriel
Date de parution : Avril 2008

Le colonel Slayton s’était caché tout le jour durant chez Jacob Marlowe, en compagnie de celui ci et de sa charmante nièce, Lauren Pennington, qui l’avait arraché à sa pseudo vie de cadre commercial et alcoolique notoire. Il avait eu besoin de sommeil et était parti s’allonger dans une chambre que Marlowe réservait aux « grandes occasions. » A peine avait-il touché l’oreiller qu’il s’était endormi, épuisé par son retour à l’existence de Marc Slayton, alias Backlash.

Au rez-de-chaussée, Lauren prenait une tasse de thé avec son oncle, le bourru Jacob. Elle avait quitté son uniforme de Stormwatch, l’avait jeté dans une poubelle dans le jardin derrière la maison, et y avait foutu le feu. Les larmes aux yeux, elle avait regardé disparaître en fumée l’habit qu’elle avait porté avec fierté, qui avait symbolisé ces dernières années tout ce en quoi elle croyait. Et tout ça, tout ça pour rien.

Jacob était resté en retrait, son chat dans les bras. Il avait senti la détresse de la jeune fille, mais dans un deuil comme celui là, l’aide des autres n’était sûrement pas conseiller. Après avoir pris une douche, la jeune femme s’était changée avec des vêtements qui avaient appartenu à sa tante décédée. Vêtue d’un jeans et d’un t-shirt à l’effigie d’Elvis, elle avait préparé du thé à la demande de son oncle, qui avait souhaité lui parlée.

Elle s’assit sur le canapé en lui tendant une tasse. Il la remercia d’un bref signe de tête et éteignit la télévision.

« Tu vas me dire ce qu’il se passe ? »

Jacob se gratta la joue. Aux yeux de sa nièce, il n’était que le « gentil tonton », le « gnome » un peu renfrogné, veuf, armurier de son état, plutôt inoffensif sauf quand on commençait vraiment à lui taper sur le système. Il n’était pas censé avoir de lien avec Stormwatch, et encore moins avec Team One.

« J’ai fait parti de Stormwatch il y a un bon moment.
- Pourquoi ne m’as tu rien dit ?
- Je n’ai pas quitté les services dans les meilleures conditions. »

Nerveusement, il fit craquer ses phalanges. Il avait posé son fusil à pompe sur la table, car il savait très bien que Stormwatch pouvait débouler à tout instant. Et si ce n’était pas Stormwatch, ça pourrait être lui. Il était toujours sur la trace des anciens de Team One.

« Je crois que t’as certains trucs à me dire, au lieu de rêver, fit Lauren en lui tapant sur l’épaule. Après ce que j’ai vécu ces trois derniers jours, tu me dois bien ça. »

Jacob caressa son bouc distraitement, prit une inspiration profonde et commença.

« J’étais à Stormwatch en tant que fantassin. Comme Fairchild, Boomer O’Shea, Philip Chang et Stephen Callahan. Tous les cinq, on était censé s’occuper de l’arrière ligne des missions de Team One. Au cas où, comme on dit. Mais dans la plupart des cas, on ne servait pas à grand-chose. On était plus là pour repérer les sentinelles potentielles, les pièges, les otages à libérer. Les Team One ne connaissaient pas l’existence de notre groupe. Enfin, on se connaissait d’avant. Je veux dire, on se fréquentait à l’extérieur. J’ai connu Slayton au Vietnam. Et quand on s’est recroisés à Stormwatch, on s’est plus trop lâchés. Mais ils ne savaient pas qu’ils étaient suivis durant leurs opérations.
- Mais pourquoi vous les suiviez ? Ils ne pouvaient pas faire attention à eux tous seuls ? D’après ce que j’ai compris, c’était la crème de la crème, ces gars là. Ils pouvaient très bien se démerder tous seuls, non ?
- C’est ça le problème. On nous a fait croire, aux fantassins, qu’on était là en cas de dernière ligne. Mais depuis quand on donne à des gars de dernière ligne des astuces pour dégommer les agents sur le terrain ?
- Quoi ?
- T’as bien entendu. On était là pour les couvrir, soi-disant, mais ce n’était pas le problème. On n’était pas là pour ça mais pour les éliminer, c’est ce qu’on a pigé plus tard.
- C’est Stormwatch qui vous a donné les infos ?
- Le grand Craven en personne. Tu te doutes que ça ne me plaisait plus vraiment de bosser comme ça. Surtout avec l’amitié que j’avais tissé avec Slayton. Toujours est il qu’une mission ne s’est pas déroulée comme prévu.
- La mission en Grèce de 2000. Celle qui a foirée, c’est ça ? Putain, Jacob, tout le monde sait que cette foutue mission a foiré, mais personne n’est capable de nous dire pourquoi. Pourquoi McArest et Cray se sont-ils battus ? Pourquoi on a retrouvé Slayton complètement gaga ? D’accord, ces types étaient des psychotiques, mais il y avait autre chose. Qu’est ce qu’on leur filait comme drogue, d’abord ?
- Du neuro-lideum. »


Lauren resta sans voix. On avait utilisé le neuro-lideum dans la plupart des conflits de type guérilla, de l’Afrique Occidentale à l’Asie du Sud Est, en passant par les Balkans. On shootait les enfants soldats avec cette saloperie pour qu’ils deviennent encore plus agressifs. Même chose en Yougoslavie. Assez ironique de constater que, bien que l’ONU ait formellement interdit son usage dans ses forces armées, son service d’espionnage et d’assassinat le plus secret en usait et abusait.

« Ils en prenaient depuis combien de temps ?
- Depuis le début. Et ils ne le savaient même pas. Jusqu’à ce que Slayton me demande d’analyser sa bouteille d’eau en cachette, quand on était dans l’hélicoptère, pour une mission au Cambodge. Il m’a dit qu’il avait des doutes, mais il ne voulait pas en parler aux trois autres.
- Il t’a donc prévenu en 1995.
- Pourquoi dis-tu ça ? , fit Jacob en fronçant les sourcils. Il m’a dit ça bien après, bien après le départ de Lynch. »

Lauren se leva de sa chaise et sortit son paquet de cigarette. Elle s’en alluma une nerveusement.

« Il y avait bien un cinquième homme, alors ? La légende était vraie ? Tout le monde le savait depuis le début et personne n’a rien dit. Et je présume que c’est lui qui est responsable de leur échec, n’est-ce pas ? »


Jacob ne répondait pas, la honte lui brûlait le visage. Lauren continuait.

« Pendant tout ce temps, tu savais. Vous saviez tous les cinq, toi et tes copains les fantassins, que trois hommes étaient innocents. Tu savais qu’ils ont été lobotomisés à tort, et tu n’as rien dit ? »


Jacob gardait le silence. Lauren tremblait de fureur devant lui.

« Mais quelle espèce d’enfoiré es-tu ?
- L’espèce d’enfoiré qui a une famille à sauvegarder, fit Marc Slayton en sortant de l’ombre. »


Il n’avait pas fait de bruit en descendant l’escalier. Il avait enfilé des affaires qui avaient appartenu au frère de Jacob avant sa mort. Il s’était coiffé et rasé, et ressemblait beaucoup moins à un détenu en cavale.

« Votre oncle, Miss Pennington, a tout fait pour nous tirer de là. Ainsi que ses amis. Mais quand Fairchild et lui ont survécu à la mort terrible qui les attendait s’ils parlaient, leurs trois compagnons sont morts. Ils ne pouvaient pas nous défendre car aux yeux de la loi, nous n’existions plus. Nous n’étions plus que des ombres. Comment défendez vous quelqu’un qui n’a aucune existence, Miss Pennington ? »


Lauren ne sut répondre et se tourna vers Jacob qui avait gardé les yeux baissés. Elle murmura des excuses à son attention.

« Mais pourquoi ne pas vous être défendu ? Le cinquième homme était-il si fort, pour que vous ne puissiez même pas vous défendre, pour qu’on vous retrouve dans cet état à la limite de la mort cérébrale ?
- Le cinquième homme, comme vous l’appelez, ne faisait pas à l’origine parti de notre groupe. Il possédait de fabuleux pouvoirs psychiques. Et était également très agressif. Du moment que nous étions tous les quatre, nous ne pouvions rien craindre de ses attaques mentales. Mais le départ de Lynch nous a fragilisé et au fil du temps, on a failli par perdre face à lui.
- Et vos supérieurs n’ont rien fait ?
- Ils pensaient que ça nous motiverait. Ils se sont trompés. On a rasé une ville, en Grèce, cette nuit là. Cray a failli détruire un centre culturel en Tunisie quand McArest l’a projeté jusqu’au Sahara.
- Mais qu’est ce que veut ce type, désormais ? Pourquoi vous recherche-t-il tous ?
- Si sa personnalité était aussi forte, c’est parce qu’il a réussi à la calquer sur les nôtres. Ses pouvoirs grandissaient au fur et à mesure qu’il parvenait à casser nos barrières mentales. Quand on nous a lobotomisés, il a disparu puisqu’il n’avait plus rien à quoi se raccrocher. C’était aussi le but. Stormwatch s’est rendu compte qu’il était trop dangereux pour qu’on le laisse aller et venir. En nous lobotomisant, ils l’ont détruit.
- Jusqu’à Galactus.
- Jusqu’à Galactus, oui. Nous récupérons notre mémoire petit à petit. Je ne sais pas où il est, ni comment il fait, mais il a senti que notre lobotomie n’était plus d’actualité. Seulement, il avait besoin que nous soyons totalement redevenus nous-mêmes pour nous aborder et retrouver sa puissance perdue. »


Slayton enfila le blouson que lui avait prêté Jacob.

« Et je sais où il va se rendre désormais.
- Où ça ?
- Sur la tombe de Lynch. Même s’il est mort, il pourra lire son empreinte psychique sur lui.
- Mais qui est ce type, colonel ? Pourquoi lui courir après alors que vous pourriez vous enfuir et trouver une nouvelle vie ? Ce type vous fait peur, colonel. Vous avez déjà changé de vie une fois, refaites le.
- Je ne peux pas
- Mais pourquoi ?
- Je suis responsable de ses actes
- Non, vous vous trompez, Marc. C’est Stormwatch qui est responsable. Laissez les s’occuper de ça, pour une fois. Qu’ils nettoient le bordel qu’ils ont foutu, pour une fois.
- Je ne peux pas m’en aller comme ça, Lauren. C’est plus compliqué que ça en a l’air. Le cinquième homme, c’est… C’est mon double. »

Avant de mourir des mains du justicier controversé nommé « la Question », John Lynch n’a pas eu le temps de faire la paix avec son créateur. Il n’a pas eu le temps de se souvenir des villages vietnamiens qu’il a regardé brûler sous les douches de napalm en mâchouillant un chewing-gum à la fraise. Il n’a pas eu le temps de se rappeler qu’il fut responsable de la torture et de la mort de soldats dont l’âge n’excédait pas la vingtaine. Il n’a pas eu le temps de voir les visages de ses victimes alors qu’il officiait comme assassin pour la CIA, puis pour Stormwatch, quand il leur plantait son couteau dans la colonne vertébrale. Il n’a pas eu le temps de le faire, car il était terrifié que tous les actes qu’ils avaient commis dans sa vie reviennent le hanter sous une seule image : un justicier au masque de point d’interrogation. Malgré tous ses actes cruels, de son premier contrat à l’enlèvement d’Ivana Baûl, la seule chose a l’esprit était la phrase que lui avait chuchoté à l’oreille son assassin avant de lui porter le coup de grâce.

« Tout se paie »

Une phrase qu’il avait répétée avant le soupir final. Une épitaphe que la Question aurait bien voulu inscrire sur sa tombe, mais ni la casquette de prêtre, ni celle de croque-mort ne figuraient dans ses attributions.

On n’aurait pu penser, qu’une fois mort, que John Lynch ne serait rien d’autre qu’un symbole de la luette contre les grosses sociétés. On se trompait. Il était bien plus.


On avait inhumé John Lynch au Trinity Church Cemetery, le plus vieux cimetière de New York, situé entre Broadway et Wall Street. Il n’avait aucune famille : il avait survécu à ses enfants, à sa femme. On ne lui connaissait aucun frère, aucune soeur. Les seules personnes en costumes et en robes noires étaient ses associés, héritiers d’un empire qui se mesuraient en milliards d’euros. Des gens qui ne l’avaient connu que dans un cadre strictement professionnel, qui ne connaissaient ni sa boisson préférée, ni la couleur du papier peint de sa cuisine. Aucun d’eux, qui gardaient un visage fermé, un visage d’occasion alors que le prêtre faisait les derniers sacrements, n’eut le visage transformé par l’émotion, par l’affection. L’enterrement de John Lynch n’était pour eux qu’une corvée par laquelle on devait obligatoirement passée pour pouvoir toucher ce qui leur revenait. La case départ d’un Monopoly géant, c’est tout.


Personne parmi eux n’aurait pu affirmer, même s’ils connaissaient tous pertinemment les raisons de son décès, ce que fut la vie de John Lynch avant 1995. Avant qu’il n’apparaisse au grand jour avec une fortune colossale dont on ignorait la provenance. Et aucun agent de Stormwatch, du FBI ou de l’armée américaine n’était là pour le dire. C’est comme si John Lynch n’avait jamais existé avant 1995.


Ce ne fut que quelques mois plus tard que John Lynch, bien que décédé, retrouva de l’intérêt aux yeux de ses anciens employeurs, et d’un collègue que tout le monde croyait mort.


Trinity Church Cemetery. 22h30

Le cimetière fermait ses portes à 19h15. Mais cela n’empêcha pas Nigel et Toshiro de grimper par par-dessus les grilles et d’atterrir lentement dans l’enceinte du cimetière. Ils restèrent quelques secondes adossés au mur, repérant d’où pourrait provenir le danger. Mais le cimetière était aussi silencieux qu’un cimetière pouvait l’être à cette heure de la journée. Nigel enflamma son bras pour qu’il puisse servir de torche pendant leurs vagabondages entre les allées. La flamme verdâtre éclairait les noms et les dates des personnes qui reposaient sous leurs pieds. C’était toujours la même écriture dorée et statique. Et toujours les mêmes annotations, les mêmes hommages. A notre père, à notre sœur, notre frère, à notre… Nigel ne peut réprimer un frisson en pendant que bientôt, ce serait à son tour d’être sous terre, pour l’éternité, jusqu’au Jugement Dernier. Il continuait de balayer de sa torche improvisée le nom des tombes quand il finit par tomber sur celle qui intéressait tant de monde en ce moment. Celle de John Thomas Lynch. Né en 19.. et mort en 2006. Sur sa tombe, aucune marque d’affection de la famille. Pas de à notre père ou à mon cher époux. Pas même de fleurs. Ce mec là ne devait compter pour personne, à part pour ses actionnaires.

« Tu peux me rappeler ce qu’on fait ici, Nigel ?
- Chut ! »


Nigel, penché sur l’emplacement, passait ses doigts sur la tombe. Elle était froide. Il semblait chercher quelque chose, pensa Toshiro. Nigel se redressa prestement et se tourna vers Toshiro avec un regard étrange, si froid et ensommeillé que Toshiro crut prendre peur.

« Dis moi, l’ami, tu penses que l’on pourrait sortir le cercueil de là-dessous sans toucher à la tombe ? »

Toshiro fit la moue.

« Je ne suis pas sûr, Nigel… »

Mais Nigel n’écoutait pas ce qu’il disait. Il était parti dans son idée.

« On peut toujours rendre le cercueil intangible et le faire léviter jusqu’à nous, non ?
- Nigel, je ne sais pas si je peux…
- T’inquiètes, bonhomme. Si tu penses ne pas avoir assez d’énergie, c’est moi qui te servirai de batterie.
- T’es sûr que je ne risque pas de débloquer ?
- Mais tu ne débloqueras pas, Toshiro. Allez, sors l’artillerie »


Toshiro vient se placer devant la tombe et ferma les yeux. Il leva les mains devant lui, tremblant. Il ouvrit l’œil droit et vit Nigel qui le surveillait. Nigel cligna plusieurs fois des yeux en penchant légèrement la tête, l’incitant à continuer. Toshiro sentit l’énergie monter en lui. Quand il vit Nigel se concentrer pour qu’il ne perde pas son énergie, il ferma les yeux à nouveau et laissa ses pouvoirs s’emparer de son être. Il grimaça d’effroi et de douleur. Il sentait ses articulations craquer tout le long de sa colonne vertébrale. Puis vint sa nuque, ses chevilles, ses bras, ses poignets, ses mains. Il sentait qu’il brûlait, et qu’il craquait de partout. Il se mit à gémir, ses genoux fléchissaient, mais il ne voulait pas ouvrir les yeux avant que Nigel ne le lui dise. Il avait peur de découvrir un monde en cendres par sa faute. L’énergie reflua, repartant aussi rapidement qu’elle était apparue.

« C’est bon, Toshiro. Tu peux rouvrir les yeux. »


Soulagé, Toshiro soupira et rouvrit doucement les yeux. Rien n’avait changé pendant les quelques secondes où il les avait fermés. Pas d’Apocalypse, pas de tueries, pas de cadavres. Rien n’avait changé, sauf qu’intangible, le cercueil de John Lynch avait traversé la terre sous laquelle il avait été enfoui et il reposait maintenant sur la tombe. Nigel avait l’impression d’être un personnage dans un vieux film d’épouvante des années quarante. John Lynch allait-il sortir de ce cercueil drapé dans une cape noire, avec du sang aux commissures des lèvres ? Il pouffa. Toshiro lui adressa un coup d’œil mais fit comme si de rien n’était. Ils s’approchèrent tous les deux du cercueil, duquel semblait émerger une aura étrange. Nigel posa son index sur la lourde surface en chêne et n’entendit pas les nouveaux arrivants. Toshiro non plus d’ailleurs. Ils n’eurent pas le temps de les voir sortir leurs armes, ils n’eurent pas le temps de dresser un champ protecteur autour d’eux. Ils n’eurent pas le temps d’émettre le moindre son avant que leur cadavre ne tombe sur le cercueil de celui qu’ils étaient venus chercher.

L’inspecteur Christian Walker esquissa un mince sourire à voir tomber s’écrouler ainsi les corps des deux agents de Stormwatch. Une ombre flottait à ses côtés. Cette ombre, ce fantôme, qu’avait fugitivement rencontré James MacArest et ses acolytes en Amérique du Sud il y avait moins de trente-six heures. Elle semblait déjà un peu moins floue et plus précise, comme si quelqu’un avait pris le temps de dessiner les détails de son être. Cependant, tous n’avaient pas été réalisés. L’ombre flotta jusqu’au cercueil et en caressa le couvercle d’une main toute gantée de noir. Le couvercle s’ouvrit sur le corps de John Lynch, enterré dans un splendide costume dont personne ne profiterait. Quel gâchis. L’ombre laissa sa main se poser sur le visage serein et sans vie de Lynch.


« John, je sais qu’il reste encore un peu de toi dans cette vieille carcasse. Donne le moi. »

Sous les yeux médusés de Christian Walker, le corps de Lynch fut pris de spasmes. Ses yeux s’ouvrirent et s’exorbitèrent. L’ombre se tourna vers son lieutenant et Christian put voir ses traits s’étirer en un grand sourire sous son masque. Il entendit l’ombre chuchoter.

« Il est à moi. »

Christian voyait son maître devenir un peu plus clair, un peu plus réel. Comme s’il prenait véritablement consistance. Le corps de Lynch cessa de se secouer et retomba dans son cercueil.

« Plus que deux, inspecteur. Plus que deux. Vous avez bien fait disparaître le corps de Cray, Christian ?
- Un de nos agents, Solar, l’a envoyé dans le soleil. Je ne pense pas que l’on puisse trouver disparition plus radicale.
-Bien. Pour combler cette petite réunion, il nous manque trois personnes.
- Trois ? Mais il ne reste que deux autre Team One, monsieur
- Oui. Mais je veux que mon père assiste à la fin de son monde. Ramenez moi Craven.
- Très bien, monsieur »


Christian regarda un instant autour de lui et porta sa montre à son visage.

« Porteur, dit-il simplement »

Une porte surgie de nulle part s’ouvrit devant lui et il s’y engouffra.


Les appartements de Miles Craven.

Le directeur Miles Craven venait de retirer sa blouse blanche de docteur et l’avait posé sur le dossier de sa chaise, dans sa chambre. Il avait fini de décortiquer un cafard extra-terrestre que lui avait remis l’agent Nash lors de sa mission dans sur la planète Delta 5, d’une autre dimension. Il y avait passé toute la nuit, à jouer du scalpel et de la loupe. Il était épuisé. Il se dirigea vers le bar et sortit un grand verre à vin et une bouteille d’armagnac. Il se laissa tomber sans son fauteuil en soupirant. Il posa le verre sur la table devant lui et commença à verser la boisson quand il entendit un bruit. Il sentit ses cheveux se hérisser. Il ouvrit doucement le tiroir devant lui.

« Prendre votre arme ne servira à rien, Docteur. »

Craven soupira. Ce n’était pas sa voix, il avait donc encore une chance. Il ignora la remarque de l’inconnu qui se trouvait dans son dos et sortit son Beretta. Il fit pivoter le fauteuil mais n’eut pas le temps de voir l’inconnu éviter le tir qui lui était adressé, se jeter sur lui et lui arracher l’arme. Par contre, il sentit la gifle sèche qu’il lui donna.

« Je vous avais dit que ce n’était pas nécessaire. »

L’inconnu, qui portait une plaque de police sur la poitrine, murmura.

Porteur.

Et il jeta Craven dans l’obscure embrasure qui s’était dessinée dans le néant.

Craven eut l’impression de sortir d’un brouillard opaque et terrible. Il releva la tête et les cauchemars de toute sa vie se réalisèrent en un instant. L’ombre ricanante qu’il avait cru détruire se dressait devant lui.


Les bureaux de Stormwatch.

Jackson King s’inquiétait. Assis dans son bureau, il se demandait où sa carrière allait le mener, à l’institut Stormwatch. Contrairement à la plupart de ses agents, il était dépourvu de tout pouvoir paranormal. Ca ne l’avait pas empêché de grimper les échelons et de devenir directeur de l’une des branches les plus primées de la défense internationale. Mais il commençait à douter de son intégrité alors que la dernière mission que l’on lui avait confiée devenait un véritable sac de nœuds qu’il ne pouvait défaire, lui qui avait pourtant, grâce à son ambition et à sa persévérance, résolu plusieurs affaires épineuses. La roue avait-elle tournée à son désavantage ? Il n’en savait rien. Et que se passait-il donc, bon sang ? Nikolas avait disparu en pleine jungle amazonienne, avec celui qu’il devait appréhender, un agent dissident et une ancienne de Stormwatch. On avait perdu le signal de Nigel et de Toshiro il y avait peu de temps en plein New York mais les agents sur place ne les avaient pas retrouvé, comme si une bulle avait émergé dans le cimetière où ils avaient disparu. Lauren venait de s’enfuir il y avait quelques heures avec un Slayton affaibli, et on était encore sur sa piste. Que se passait-il, bon sang ? Et pourquoi Craven s’était-il permis d’intervenir ainsi pendant son entretien avec Lauren, au risque de lui faire perdre toute crédibilité ? Il n’eut pas le temps de réfléchir plus avant. L’alarme venait de retentir dans tout l’immeuble. Jackson fit rouler sa chaise derrière l’ordinateur et pianota. Quelques secondes plus tard, une voix féminine totalement dépourvue d’humanité dit

« Commande vocale acceptée.
- Ordinateur. Donne moi la raison du déclenchement de l’alarme.
- Raison du déclenchement de l’alarme : Intrusion et enlèvement au niveau 12.
- Ordinateur. Qui a pénétré dans la tour et qui a-t-il pris ?
- Identité de l’intrus : inconnue. Identité du kidnappé : Craven, Miles. Directeur supérieur de l’institut Stormwatch.
- Ordinateur. Où se trouvent actuellement Craven et son kidnappeur ?
- Location du directeur supérieur et de son agresseur : Trinity Cemetery Church.
- Ordinateur. Identité des personnes avec qui se trouve Craven
- Question incomplète. Identité des décédés recommandée ?
- Ordinateur. Toutes les personnes
- Identité : Nigel Keane, dit Hellstrike, décédé. Toshiro Misawa, dit Fuji, décédé. Walker, Christian, en vie. Lynch John, dit Topkick, décédé. Identité du dernier individu, inconnue. »
- Ordinateur, mets moi en ligne avec les agents présents à New York
- Agents présents à New York. Shen Ming, dit Swift. Jack Hawksmoor. 
- Dis leur de me rejoindre dans dix minutes au Trinity Church Cemetery. Ordinateur, fin de transmission. »

Jackson prit sa veste et sortit rapidement de l’immeuble, dans une nuit sans étoiles et glaciale. Il releva le col de son manteau et héla un taxi qui s’arrêta devant lui.

« Déposez moi devant le cimetière Trinity Church ».


Le taxi redémarra rapidement et Jackson regarda la tour de l’Institut s’éloigner, avec au ventre le sentiment qu’il ne la reverrait peut être plus jamais.



Dans un lieu où le temps et l’espace n’ont plus cours.

« Où sommes nous ? »

Nikolas regardait les hautes parois de verre du couloir sans fin dans lequel les avait projetés la téléportation de Christine. Fairchild, McArest, elle et lui semblaient marcher depuis des heures. Il n’y avait rien, seulement ce tube énorme et la lumière au bout du tunnel vers laquelle ils se dirigeaient tous les quatre sans jamais l’atteindre.

« On est dans mon principe intrinsèque de téléportation. Quand je me téléporte, et Dieu sait que je ne le fais pas souvent parce que ça me colle un de ces maux de tête, je passe par là.
- Je croyais que la téléportation était immédiate.
- Elle l’est. Enfin, dans le monde physique. On a quitté la jungle à un instant T et on va se retrouver au cimetière dont nous a parlé Jim au même instant T. Seulement, on doit passer par ce tunnel où le lieu n’a plus cours et …
- AAAAAAAArgh. »

Jim venait de s’écrouler. Fairchild et Nikolas l’aidèrent à se relever.

« On a un problème, les enfants, murmura-t-il.
- Qu’est ce qui se passe, Jim ?
- Il a absorbé Cray, il y a quelques heures, je viens à peine d’en ressentir les effets. Et là, il vient de se faire Lynch.
- Mais Lynch est mort il y a plus de deux ans.
- Ca ne signifie pas forcément que son énergie psychique se soit retirée de son corps.
- Comment se fait-il que tu ressentes les effets ?
- On a été lié sur le plan moléculaire, tous les cinq. C’est comme ça que j’ai su qu’Hellspont était de retour.
- Hellspont ?
- C’est le nom de notre adversaire. Il faut qu’on aille au Trinity Church, c’est là qu’il se trouve. Sur la tombe.

Au fur et à mesure qu’ils parlaient, Nikolas voyait le grand couloir se rétrécir. Il se tourna et montra à Christine le plafond.

« Oh, merde. Dépêchez vous. »

Ils se mirent à courir tous les quatre vers le bout du tunnel, craignant de voir les parois s’approcher encore et encore pour mieux les écraser. Ils coururent vers la lumière et plongèrent vers le point de lumière.

Ils se retrouvèrent tous les quatre dans le cimetière auquel James avait pensé dans le couloir.

« C’est bon ? demanda Christine. Tout le monde est là ? »

Personne ne lui répondit. Ses trois compagnons étaient dans les vapes. Une ombre planait devant eux. Elle ricanait en fixant McArest qui était inconscient sur le sol. L’ombre se tourna vers elle et elle sentit son être se glacer de frayeur.

«Mademoiselle Trelane. Enchanté de vous rencontrer. Dommage que vous deviez nous quitter si tôt. Christian, si vous voulez bien…»

L’agent Walker s’approcha et sortit son flingue de son étui.

« N’essayez pas de vous téléporter. Je porte un brouilleur. Désolé mademoiselle. »

Il y eut une détonation et le bruit d’un corps qui tombait.

« Je fais pareil avec les autres ? 
- Non, Christian. J’aime beaucoup ce jeune Ukrainien et je pense qu’il pourra nous être utile.
- Et Fairchild ?
- Vous pouvez le liquider. »



Une deuxième détonation. Fairchild n’eut pas le temps de souffrir. Hellspont se pencha sur McArest inconscient. Craven détourna les yeux mais Christian ne put s’empêcher de regarder son maître absorbé l’énergie de sa victime. L’ombre ouvrit son semblant de bouche et mordit McArest à la jugulaire. Surpris, McArest se réveilla en hurlant, essayant de s’arracher à l’étreinte de son bourreau. Mais rien n’y fit. Craven vit la vie disparaître du regard de McArest alors que le vampire lâcha sa victime.



Repu, Hellspont se tourna vers Craven, qu’il avait emprisonné dans une camisole psychique qu’il avait crée grâce à sa volonté. Il maintenait ainsi son prisonnier à quelques mètres du sol. Craven remarqua que l’ombre avait presque forme humaine. Ses traits jadis imprécis étaient maintenant presque nets. Il regarda les cadavres de Lynch et de McArest. Qu’était-il advenu des deux autres ? La créature sembla lire dans ses pensées et resserra encore les liens de la camisole.

« Il ne me reste que Slayton, cher père.
- Je ne suis pas ton père, espèce d’abomination.
- Vraiment ? »


La créature s’approcha furtivement de son prisonnier et posa sa main gauche sur le crâne de Craven, en faisant semblant de serrer.

«Ce n’est pas ce que tu disais, il y a quelques années, quand Slayton m’a ramené de la Plaie. Tu te rappelles de la Plaie, père ?»


Craven ne répondit pas. Il se rappelait très bien l’aventure du Nostromo, commandé par Slayton, qui s’était écrasé sur une Terre parallèle qu’un scientifique à Stormwatch avait nommé la Plaie. Il se rappelait que Slayton avait contracté un virus là bas, un symbiote, qui avait recouvert sa peau et augmenté ses capacités physiques et psychiques. Mais le symbiote n’avait pas été le seul invité de Slayton, pendant le voyage du retour. Il y avait eu quelque chose d’autre.


La camionnette de Jacob Marlowe.


Jacob conduisait sans mot dire, sentant sur lui le regard toujours brûlant de sa nièce. Slayton, à l’arrière, regardait défiler les lumières de la ville à toute allure. Il semblait perdu dans ses pensées, et Lauren savait qu’il tentait de reconstituer la vie que l’on lui avait volée. Elle ne devait pas le laisser tomber seul ainsi dans son passé, sinon, il ne serait plus qu’une épave totalement inutile dans le combat qui s’annonçait. Elle quitta la place passager et se faufila à l’arrière.

« Ne nous laissez pas, Marc. »

Il sortit de sa rêverie et lui adressa un sourire distant et douloureux.

« Ce n’est pas mon intention. C’est juste que je ne sais pas… ce qui va se passer. Cette chose, je me souviens de ce qu’elle était. Et maintenant, avec tout ce qui me revient en mémoire, j’ai peur.
- C’est normal d’avoir peur colonel. Mais dites moi ce qui vous fait peur. Ca vous aidera peut être. »

Marc ouvrit la bouche quand Jacob arrêta la camionnette le long du trottoir.

« Vous vous raconterez vos secrets une autre fois. On est arrivés. »


Ils sortirent du véhicule rapidement. Lauren enflamma sa main droite dès qu’elle eut posée son pied au sol. Slayton laissa le symbiote lui recouvrir tout le corps. Il dessina sur l’œil droit le I, symbole de Team One. Même s’il savait, sans trop comprendre comment, qu’il était le dernier. Un rescapé d’une époque révolue, où la guerre et l’amour se faisaient autrement. Sans crier gare, ils pénétrèrent dans le cimetière et virent Craven enchaîné à quelques mètres du sol, l’ombre à côté de lui, les cadavres de Christine, John Lynch, McArest et Fairchild sur le sol, Nikolas encore inconscient et l’inspecteur Christian Walker qui faisait un solitaire sur la tombe d’une dénommé Henrietta Schultz. L’ombre était en train de parler à Craven quand elle les aperçut. Son visage s’étira en un rictus triomphant. Il fixait Slayton d’un regard fiévreux.

« Et voici Le dernier, mais non le moindre, et … »


Slayton ne lui avait pas laissé le temps de continuer. Il s’était jeté sur lui avec un cri sauvage et il combattait contre sa grotesque imitation, le rouant de coups violents et rapides. Christian voulut défendre son maître mais il fut stoppé par un coup de feu qui le propulsa en arrière. Il alla s’écraser contre une tombe et se releva en grommelant. Il fixait Marlowe, dont le canon du fusil fumait encore du coup qu’il venait de tirer.

« Pauvre con, je suis invulnérable. »

Walker déchira les lambeaux de chemise qui pendaient sur sa poitrine et courut sur Jacob, qui assena encore deux coups de shotgun dans la gueule de son agresseur. Sans aucun effet. Walker prit Jacob à la gorge et entreprit de serrer jusqu’à l’étouffement.

« Espèce de sale nabot, c’était ma plus belle chemise. Je vais…. »

Il devint ensuite tout blanc et porta sa main à sa propre gorge. Ses yeux se révulsaient dans ses orbites. Il lâcha Jacob qui tomba sur le sol et rattrapa son fusil. Il se tourna vers Lauren qui avait dressé un cercle de feu autour de l’ancien inspecteur de police.

« Vous avez beau être invulnérable, mon cher ; vous avez tout de même besoin de respirer pour vivre. Vous souhaiterez le bonjour à Belzébuth. »

L’inspecteur Christian Walker s’écroula sur le sol, raide mort.


De son côté, Slayton sentait ses forces l’abandonner progressivement, sans qu’il sache pourquoi. Il se sentit repoussé et enchaîné par des liens invisibles. La créature avait maintenant presque forme humaine et Slayton avait l’impression de faire face à une parodie de lui-même. La créature emprisonna dans les mêmes carcans invisibles Lauren et Jacob et les réunit avec Craven.

« Toute la petite famille est au complet, on dirait.
- Il manque Cray, fit Slayton en fixant les cadavres des deux autres Team One.
- Cray est en moi, maintenant. Il fait encore parti de ce monde, d’une certaine manière. Tu te rappelles de moi, maintenant, n’est ce pas, Marc ?
- Oui, espèce de saloperie. Je sais ce que tu es. T’es ce foutu daemonite qui m’a fait les yeux doux sur la Plaie pour que je le rembarque sur Terre.
- Tout à fait. »


Hellspont se tourna vers Craven et vint à nouveau lui caresser le crâne.

« Quand le colonel ici présent ma trouvé, je n’étais qu’un rebus. Banni de sa tribu et pas assez bien pour les Khérubims. Je savais que Slayton ne venait pas de ma Terre et qu’il pouvait m’offrir une échappatoire. Je suis donc devenu son jumeau, son double, et il m’a ramené. Tu aurais mieux fait de me tuer à ce moment là.

- Et tu fais comment pour tuer ton propre reflet ?
-Touché. Toujours est-il que Stormwatch m’a adopté, m’a afflubé de ce nom de code dérisoire d’Hellspont. Et notre cher Directeur Supérieur ici présent s’est chargé de mon… éducation. C’est un peu grâce à lui si je suis devenu le monstre que je suis. Et pendant ce temps là, je profitais de leur incroyable naïveté pour copier les pouvoirs et l’agressivité de mes chers associés de Team One durant les missions. Seulement voilà, Lynch a fini par quitter le groupe et j’ai dû accélérer la cadence. Ce qui a provoqué la crise d’agressivité de Majestic et de Cray, le coma de Slayton et la lobotomie qui s’ensuivit. Mais après trop d’années passées à errer sur ce globe infect, j’ai enfin récupéré toute mon intégrité et je vais enfin faire mon retour triomphant sur ma planète natale. Et profiter de faire de votre … Terre, une colonie à la hauteur de mon prestige. Pardon, mon cher frère, ajouta-t-il en s’adressant à Marc, mais il va falloir que je t’assimile aussi. »



Ses mâchoires craquèrent et Lauren put lire quelque chose qui s’approchait de la faim dans le regard de ce monstre. Il ferma les yeux et pria pour que les liens qui entravaient ses pouvoirs ne coupent pas sa télépathie. Elle regarda Nikolas, toujours inconscient sur le sol.

« Nikolas, tu m’entends, fit-elle dans sa tête ? »

Nikolas bougea son bras mais une décharge télépathique le réduit à l’immobilité.

« Ne bouge surtout pas. Ne te fais pas repérer. Nikolas, je veux qu’à mon top, tu lobotomises temporairement Slayton. »

Un point d’interrogation vint danser devant les yeux de Lauren.

« Ne discute pas, et fais ce que je te dis.
- D’accord. »

Pendant ce temps, Hellspont avait plongé son regard dans celui de Slayton et entreprenait de lui voler son âme. Sa victime paraissait hypnotisé.

« Tu vas me livrer les clefs du pouvoir, colonel. Grâce à toi, grâce à votre futile organisation pour diriger le monde, je vais devenir le plus grand roi de ces deux mondes. Jamais je n’aurais appris le concept de l’ironie chez les miens. »

Top !

Slayton fut pris dd convulsion. Il bavait des litres et ses yeux se révulsaient. Hellspont hurla et ferma les yeux, se prenant la tête entre les mains.

« Non, Non. »

Il fit quelques pas en arrière et trébucha sur le corps de McArest.

« Plus rien…. A quoi m’approcher. »

S’ensuivit une formidable transformation. Il commença à rapetisser, et des antennes lui poussèrent sur le crâne. Sa bouche se déchira pour découvrir une paire de mandibules. Il n’était plus qu’un cafard sept fois plus gros que la normale. Ses prisonniers se détachèrent de leurs liens. Jacob reprit encore une fois son fusil. Il sortit un cigare de sa poche et se l’alluma.

« L’chaim, saloperie. »

Une détonation, et des tripes de cafard géant volèrent sur les tombes alentours.

Lauren se précipita au secours de Slayton, qui semblait avoir du mal à récupérer de l’afflux électrique que Nikolas lui avait porté au cerveau. Elle se tourna vers lui.

« Inverse la tendance. »

Sans un mot, Nikolas ferma les yeux et Slayton arrêta de se secouer dans tous les sens pour mieux s’allonger sur le sol et ouvrir les yeux.

« Qu’est ce qui s’est passé ?
- On vous le dira quand vous serez entre quatre murs. »



Jackson King, accompagné d’une femme ailée que ni Nikolas, ni Lauren ne connaissait, et de Jack Hawksmoor, arrivait encore après la bataille. Le géant noir regarda les cadavres autour de la tombe de Lynch et grimaça.

« Depuis combien de temps êtes vous là, Jackson ? , demanda Slayton.
- Assez pour avoir entendu les paroles de cette saloperie.
- Oh, mais de rien, fit ironiquement Lauren. On est toujours contents de te servir. »


Jackson la toisa mais ne dit mot. Il embrassa l’assemblée du regard. Il était confronté à un choix terrible, et il savait que son intégrité d’agent de l’ONU, quelque soit sa décision, en sortirait amoindrie. Il fit un signe de tête à Swift, la jeune femme ailée, qui sortit une paire de menottes.

« Par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous accuse de haute trahison envers la Terre, de mensonges sous serment et de tentatives d’homicide. Agent Ming, arrêtez le docteur Craven. »


Stupéfaction se lit sur tous les visages présents en cette sinistre et incongrue assemblée. Craven ne dit pas un seul mot. Tête baissée, il se laissa mettre les menottes et conduire hors du cimetière par Hawksmoor et Swift.

« Et maintenant ? fit Lauren ?
- Maintenant ? J’ai découvert des secrets pas jolis-jolis en arrivant ici. Et je refuse que le nom de Stormwatch devienne synonyme de traîtrise ou d’opportunisme. Je vais y faire un sacré ménage, vous pouvez me croire. Je vous invite à me rejoindre, mais je comprendrais que vous décliniez mon invitation. »


Nikolas se frotta la tête, encore un peu assommé. Les quatre se regardèrent avec interrogation. Jackson n’eut pas besoin d’être télépathe pour savoir qu’ils refusaient son offre.

« Très bien. Vous savez où me joindre, de toute façon. Je vais devoir rédiger un très gros dossier pour couvrir tout ça et mettre Craven aux arrêts. Allez, tirez-vous rapidement. Et essayez de vivre votre vie.


Avant de monter dans la camionnette de son oncle avec les trois autres hommes, Lauren se glissa près de Jackson et lui fit un baiser sur la joue.

« Merci, Jackson. »

Le Directeur de Stormwatch sourit et lui fit signe de filer. Elle grimpa dans la camionnette qui disparut au coin de la rue. Hawksmoor et Swift l’attendaient avec Craven.

« On fait quoi, maintenant, chef ? »

Jackson regarda le ciel en pensant au sourire que lui avait adressé Lauren avant de partir.

« Chef ?
- Maintenant ? On construit une nouvelle ère. »


FIN

 
 
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