Urban Comics
  Daredevil #6 : Deuil et Souffrance
 
Auteur : Diablo
Date de parution : Décembre 2004

« Non. »

La réponse fut brève mais claire, rien ne changerait ça. Elle avait claqué comme un fouet, juste un souffle au milieu de la nuit.

5 Minute plus tôt.

Il se rendit compte que les gens ne seraient plus qu’odeurs et battements de cœur pour lui. Il ne pourrait plus mettre de visage sur un nom. Au moins connaissait-il celui de l’homme qui se trouvait sur le lit. Stick, c’est un peu ridicule, on pense de suite à Stick à lèvres ce genre de trucs. Mais la voix associée à ce patronyme était froide, pas cruelle, juste froide, sans émotion. Elle était entrée par la fenêtre alors que les escaliers de secours n’arrivaient pas jusqu’à l’appartement d’Elektra. Cette dernière dormait encore, il entendait les draps bouger, elle devait rêver. Il aurait aimé aussi, mais il était bien éveillé et un homme était accroupit sur son lit. Il était resté vague, qu’il devait le protéger, être son professeur, mais il venait de reprendre la parole.
« Ecoute Matt, Ceux qui t’ont agressé aujourd’hui, et qui ont tué ton père, ces gens là font partie d’une secte, La Main. Ils vont vouloir se venger, ça tu le savais déjà. Mais tu seras trop faible pour les vaincre, alors voilà le deal, je t’entraîne et ensemble on va les détruire.
- Non.
La réponse fut brève mais claire, rien ne changerait ça. Elle avait claqué comme un fouet, juste un souffle au milieu de la nuit. Mais les hommes sont sujets au doute. Seuls les pierres ne frémissent pas la nuit venue, aucune d’elles ne se lèvent dans la pénombre, lorsque tous les démons semblent invoqué. Et Matt n’est pas minéral. Devait-il croire l’individu ? Comment savoir ?
- Pourquoi je devrais vous croire ?
- Il y a un moyen. Tu entends mon cœur n’est-ce pas ?
- Oui, Com…
- Pas le temps petit de t’expliquer. Concentre-toi dessus, lorsque les gens mentent, il y a une variation, variation que tu peux sentir. Alors pose-moi des questions, comme ça tu sauras.
Maintenant Matt était un détecteur de mensonge à lui tout seul. Super, franchement il y a des nuits comme ça, on ferait mieux de prendre des cachets. Ça éviterait à des fous de lui faire croire des trucs comme ça. Et le pire c’était qu’il était prêt à essayer. Il se concentra sur le battement, il était régulier.
- Bien, maintenant pose tes questions. Je mentirais pour que tu comprennent.
- Je sais pas moi. Etes-vous le président de France ?
- Oui.
Le battement s’affole un peu, la respiration change légèrement aussi. Bien c’était donc ça quand il mentait.
- Voulez vous me tuer ?
- Non
Battement régulier, rien à signaler. Un bon point, mais Matt savait déjà ça, sinon il serait mort à l’heure qu’il est. Autant lui demander immédiatement les questions qui fâchent.
- C’est quoi tout ce bordel ?
- Ça petit faut me faire confiance. C’est compliqué, et moi je ne suis que ton professeur. Je suis aveugle comme toi. On commencera demain, rejoins-moi au gymnase désaffecté vers 18h.
Le pouls jusque là régulier, s’évapora, sans plus de bruit que le vent, laissant Matt seul. Tout cela ne pouvait être qu’un rêve. Mais l’odeur forte de l’inconnu régnait encore dans la pièce… Le jeune aveugle était perplexe. Tout ceci allait trop loin. Mais il fallait qu’il pense à ceux sous sa responsabilité, il fallait donc bien croire l’homme qui avait un nom de rouge à lèvres. Et sur ces belles résolutions il s’endormit.

Au lendemain lorsque Elektra vint le réveiller il ne savait quoi penser. Elle lui dit que tout irait bien, qu’elle devait aller en cours, qu’il devait rester un peu ici, se reposer. Elle est partie, laissant Matt seul. Son père travaillait à une laverie automatique un peu plus loin. Matt s’affala sur le canapé et enclencha la télé. Bien sur il ne voyait rien, mais le son lui parvenait, cela lui permettait de rester connecté au monde. En plus il pouvait imaginer les images, au moins il n'était pas déçu. Il chercha un peu, il lui fallait quelque chose qui ferait oublier tout ce qu’il venait de vivre. Fox News. Des slogans publicitaires pour la guerre en Irak, des GI sur des chars, des fils de 20 ans une arme à la main. Matt pensa à tous ce dont ne parlait pas. Les cercueils qui revenaient par douzaine. Les pleurs des mères. Cela ressemblait à son quartier, Hell’s Kitchen c’était Bagdad en plein New York.
Ici les gosses de 12 ans se faisaient buter pour des conneries. Des trucs de territoires. Ici les gangs étaient mieux armés que les flics. Mais leur président préféré menait une guerre au Moyen Orient, plutôt que de faire face dans son pays. Matt se rendit compte qu’il avait peut être une responsabilité par rapport à ça, il pouvait peut-être agir. Les dernières paroles du démon, oui il fallait qu’il soit fort, fort pour lui, mais aussi pour les autres. Il devait protéger sa communauté, sa famille, la seule qu’il pouvait avoir maintenant. Sa résolution prise il zappa sur MTV et s’abrutit le reste de la journée sur des clips pop, ou la chanteuse devait se taper la moitié du show-biz.

Vers 18h il sortit de l’appart’ par l’issue de secours. Il pouvait se repérer, les escaliers étaient simples sans surprise, il savait qu’il y avait une chute de 5 mètres en dessous. C’était cela qui posait problème. Mais la peur ne faisait plus partie des émotions du jeune homme. Pas plus que l’appréhension. Alors il sauta. Il heurta le béton, mais roula pour amortir le choc. Quelques égratignures rien de plus. La partie facile du chemin venait d’être faite. Il déplia une canne d’aveugle, les pompiers lui avaient offert, vu que la sienne était morte. Il tâtonna un moment avant de trouver son chemin, il sentit l’odeur de la sueur, du cuir, il était arrivé, le temple du sport dans la bouche même des enfers, Le Gymnase. Il perçut un battement de cœur qu’il connaissait bien. Stick. Il se retourna et fit face au deuxième aveugle.
« Viens »
Il n’a rien dit d’autre, sa voix glacée intimait le silence. Matt fit ce qu’il dit et ainsi commença son entraînement. Son maître lui apprit différentes choses. Premièrement ses amis seraient protégés par son ordre. Aussi longtemps que durera son enseignement. Une fois qu’il serait prêt, ce sera à lui de faire face. Oui, cela lui convenait, il voulait affronter ses tortionnaires. Il assimila tout ce que Stick lui apprit. Son maître parlait peu, ses ordres claquaient comme autant de fouet. Il sauta de toit en toit la nuit venue. Alors que son amie dormait, il arpentait le quartier, apprenant à se diriger dans ce dédale, ses sens remplaçant ses yeux perdus. Son ouie se fit plus fine, son odorat aussi. Il passa des heures dans une salle sombre à taper sur un punching-ball, à apprendre les arts martiaux. Jour après jour, il endurcit son corps, affûta son âme. Il devenait une arme, une lame au service de son senseï. Il le devait, pour protéger ceux qu’il aimait.
Le jour il allait en cours, remâchait sa rancœur, préparait sa vengeance. Il passa aussi plus de temps avec Elektra, elle était comme un nuage bleu dans son univers si noir, car pour lui même en plein soleil c’était la nuit. Il aimait sa compagnie. Elle lui faisait oublier le coté sombre, le sang et l’horreur de sa vie.

Une semaine se passa ainsi, sans incident, les entraînements se succédaient, égrenant ses nuits de moment magiques, il se sentait revivre, lorsqu’il sautait sur un toit, qu’il enchaînait des acrobaties comme un gymnaste accompli. Sa vie ne se résumait plus qu’à ça. Courir le plus vite possible, bondir, s’accrocher. Etonnant la façon qu’il avait de croire Stick, de lui faire confiance, mais celui-ci lui avait tant appris. Matt commençait à devenir dangereux, bientôt il pourrait voler de ses propres ailes.
Mais en attendant il fallait qu’il aille faire les courses. Il ne voulait pas être un poids pour la famille Natchios. Pour ce soir il avait prévu de préparer des pâtes façon Murdock. C’est à dire avec du beurre et du ketchup. Il tâtonnait pour trouver les tagliatelles appropriées, lorsqu’il sentit l'effluve acide d’un homme qui transpire, son cœur battait vite, mais avant qu’il comprenne pourquoi, une déflagration explosa dans le magasin. Quelqu’un tirait des coups de feu !
« La caisse ! Et vite ! »
Des braqueurs, c’était bien sa veine ! Mais pas question de les laisser faire. Ils devaient être à 3 mètres de lui, leurs battements de cœur étaient facilement identifiables, ils étaient deux. Matt se ramassa sur ses jambes et bondit vers eux. Il sentit que l’un des deux s’était tourné vers lui. Le cliquetis d’une arme, et l’immense bruit de détonation ! Avant qu’il ait pu comprendre qu’on lui tirait dessus, il sentit un choc dans sa poitrine. L’odeur du sang. Il retomba violemment contre le sol. Il perdait peu à peu connaissance. Il gisait à terre comme un pantin, son sang s’écoulant de sa plaie. Là où d’autre pensent à leurs vies Matt n’entrevit qu’une image fixe. Juste avant de sombrer dans les limbes, rejoindre les gens qu’il avait aimé, il pensa à une seule chose : Elektra.
 
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