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  Hulk #0 : The Begins
 

Histoire : Firediablo
Date de parution : Août 2005

Il y a 30 ans.
Le groupe d’hommes vêtus de grandes tuniques brunes richement brodées se resserra. Ils devaient être une dizaine, plus ou moins grands, leurs visages à demi cachés par leurs cagoules. Tous avaient d’étranges joyaux écarlates, certains au bout de bâtons, d’autres les avaient en pendentif, certains même semblaient les avoir incrustés dans leur peau. Les joyaux brillaient légèrement, ce qui éclairait d’une lueur incertaine la scène. Ils semblaient plongés dans un sérieux et une fermeté de grands dirigeants attendant une nouvelle des plus importantes et aucun murmure, pas même un souffle n’émanait de ce cercle. Au centre du groupe se trouvait un jeune homme assis sur un trône de bois massif. Il ne portait pas de cagoule, ce qui permettait de voir ses cheveux bruns dressés en épis, son visage pâle, son regard vide, ses yeux roulant dans leurs orbites comme s’il voyait un autre paysage, comme s’il se trouvait dans un autre lieu et ses mains étaient crispées sur les accoudoirs du sièges, ses ongles s’enfonçant dans le bois. Le plus petit des hommes formant le cercle, tenant un bâton avec un des joyaux rougeoyant, prit alors la parole, sa voix se résonnant en écho dans la grande salle obscure.
-Continue, Dartrius, que vois-tu d’autre ?
-Du calme, Osarias, ordonna un autre membre du cercle, plus grand que lui et à la voix sèche. Ce garçon possède un des pouvoirs les plus intéressants que nous n’ayons jamais rencontré, il faut le ménager. Le Conseil tient à le garder en vie. La prédiction est un don très douloureux pour l’esprit.
-Bien, Maître Sadris. Dartrius, mon enfant, que vois tu ? demanda Osarias d’une voix qui se voualit paternelle.
Le garçon assis sur le siège parla alors d’une voix dure et précipitée, voulant visiblement terminer au plus vite sa prédiction.
-Celui que nous attendions depuis des décennies, le nouvel Elu du Grand Faucon va naître dans le nouveau continent. Il sera comme les autres de son enveloppe charnelle, mais son sang permettra aux inventions de l’homme moderne de réveiller la grande fureur d’Horus : une bête symbolisant sa rage contre le monde des hommes qui l’a dénié. Et il survivra aux eaux vertes maudites, sa colère détruisant tout sur son passage. Il vengera notre Dieu et ne craindra rien au monde tant que sa foi ne faillira pas.
-J’aurais été étonné qu’il nous dise que l’on peut toujours attendre comme des ploucs, murmura un des membre du Conseil qui était à la droite d’Osarias.
-Matrias ! s’indigna Sadris, laissez ce garçon continuer son récit !
-Mais Maître, qu’est ce qui nous dit que c’est vrai ? s’exclama Matrias. Ce pourrait très bien être un mensonge ? Ses paroles sont à demi incompréhensibles, des histoires d’eau verte et de grosse bébête qui vengerait Horus! Il pourrait très bien inventer sans scrupules, juste pour avoir plus de privilèges. Notre rêve qui étrangement se réalise ? Sans oublier que sa dernière prémonition lui a valu de perdre 8 pièces d’or, ajouta Matrias avec un sourire amusé.
-J’ai pourtant interdit ces stupides courses d’aigles ! hurla Sadris, hystérique. Vous déshonorez l’avatar d’Horus ! Vous serez puni, Matrias !
-Mais, et Dartrius ? Il a participé aussi et lui n’a…
-Tais-toi, Matrias, conseilla Osarias d’un ton sans réplique en lui prenant l’épaule. Réfléchis, on ne va pas punir ce garçon alors qu’il va sans doute nous révéler des choses très importantes.
-Je sais, mon frère, répondit Matrias, furieux, tant que le Conseil obtient une prédiction favorable, fausse ou non, il jubilera, même si les autres doivent en subir les conséquences.
Osarias fut outré de ces paroles blasphématoires, mais au fond, son frère n’avait pas tort. Le Conseil attendait une telle nouvelle depuis des années. Cet enfant était le regain de l’espoir pour les Maîtres qui craignent la fin de l’ère des Elus.
-Dartrius, que vois tu d’autre ? reprit Sadris, le ton plus pressant.
-Il sera moins puissant que la plupart des membres du Conseil de par ses pouvoirs, mais l’être en lui même aura la bénédiction d’Horus que peu d’entre nous possède. Horus fera tout pour le laisser en vie, même si l’Ordre des Elus venait à disparaître, car il sera celui qui sauvera la planète du Mal.
-Explique toi, Dartrius, demanda Osarias, cette « bête » agira selon la volonté du Dieu et sauvera la planète ?
-Oui, car la bête incontrôlable sera maîtrisée afin de réaliser le rêve premier d’Horus : sauver le monde. Et pour cela, la fureur d’Horus se déclenchera sur les partisans du Mal. Il détruira les hommes qui ont fait le mal et qui n’en éprouvent aucun remord.
-Et bien, voilà un élève qui nous sera fort utile, dit Osarias avec un sourire satisfait. Il nous permettra de mettre à bas tout le Mal de cette planète. On n’a plus qu’à attendre sa manifestation et….
-Il sera aussi celui qui se battra contre ses maîtres, coupa Dartrius d’une voix de plus en plus effrayée, ses doigts se crispant encore plus sur la chaise. Il tuera son Maître ainsi que les membre de l’Ordre des Elus d’Horus et notre Dieu le bénira pour cela. Il nous tuera tous, jusqu’au dernier, directement ou non, mais au bout de sa cinquième année au service d’Horus, l’Ordre sera dissout et nos tombes seront remplies. Il nous tuera tous selon la volonté d’Horus et nous ne pouvons rien contre cela. Le Grand Faucon nous a maudit.
La tête du garçon tomba sur sa poitrine et il tomba dans l’inconscience. Un lourd silence s’installa dans la pièce. Chaque membre sembla plongé dans une réflexion intérieure sauf Matrias qui était le seul à avoir un petit sourire.
-Et bien, finalement, c’était peut être une vrai prédiction, dit Matrias d’une voix forte. Si c’en était une fausse, il n’aurait jamais osé prédire notre mort commune et inéducable.
-Voyons, Matrias, c’est impossible, répondit un vieil homme à la gauche de Sadris. Ce garçon est un mystificateur, voilà tout, Horus n’oserait jamais tuer le peu de fidèles qu’il lui reste. Nous sommes sa seule source de vie, nos prières, notre foi est sont son énergie vitale.
-Peut être pas, Maître Batris, répliqua Sadris, le but premier d’Horus est de remettre de l’ordre dans le monde. La prédiction dit que les meurtriers seront les premiers à payer. Je ne compte moi même plus le nombre d’hommes que j’ai tué en voulant agir sur la volonté d’Horus. Nous savons tous que sans nous, Horus meurt et Horus serait prêt à mourir si cela pouvait amener la paix. Peut être est ce vrai et je ne veux pas prendre le risque de voir ma vie et celle de mes semblables être arrachée à cause d’une crise de folie passagère de notre Dieu. Je propose de trouver le nouvel Elu et de le former pour éviter qu’il nous détruise tous. Osarias, ta tache sera de lui apprendre à devenir un Elu, mais il ne faut pas qu’il se retourne contre nous. Il faut à tout prix que l’Ordre ne soit pas détruit, même si c’est la volonté d’Horus, le destin du monde est en jeu. Ce ne serait qu’un suicide pur et simple et l’avenir du monde en serait à jamais perdu. Bien, il est temps de discuter de cette nouvelle autour d’un repas. Martrias, pourrais tu ramener Datrius dans son dortoir ?
-Bien Maître, répondit Martrias.
Martrias retira alors sa cagoule ce qui permit de voir un joyau rouge de la taille d’une bille et de forme rectangulaire. Tandis que le reste du Conseil sortait à grand bruit, le joyau sur son front brilla intensément tandis que le corps de Datrius commençait à s’élever dans les airs.
-Crois-tu vraiment en cette prédiction, mon frère ?
Après un dîner ponctué de mets délicieux et de nombreuses prières, les membres du Conseil purent rejoindre leurs quartiers afin de pouvoir se reposer. Matrias et son frère Osarias partageaient la même chambrée. Les deux frères avaient retiré leurs cagoules et l’on pouvait à présent découvrir leurs visages. Osarias avait le haut du crane dégarni, des cheveux légerment gris, un visage rond et ridé presque sévère et des yeux d’un gris métallique. Matrias, par contre, avait l’air de sortir tout juste de l’adolescence. Son visage pointu allait très bien avec son grand corps. Ses yeux eux aussi étaient gris mais semblaient pétiller de malice et de vie. Il avait une boucle dorée à l’oreille droite et le joyau rouge sur son front scintillait mais ne brillait plus autant qu’avant à présent. Ses cheveux étaient ébouriffés et d’un noir de nuit d’été. Matrias avait l’air bien plus sympathique et séduisant que son frère.
-Je ne suis pas encore sur, mais Dartrius était vraiment convainquant, répondit Osarias. Il a montré tous les symptôme d’une prédiction. Son histoire se tient malgré tout. De plus comme tu l’avais dis, il n’aurait jamais parlé de notre mort commune dans une fausse prédiction, cela lui aurait valu une sévère correction et un lynchage de ses camarades particulièrement mémorable.
Osarias s’agenouilla au sol devant une commode où était posée une statuette en argent représentant un grand faucon, les ailes ouvertes, le regard perçant. Il murmura alors des prières en ancien égyptien, la tête baissée.
-Ce qui est sur, dit Matrias d’une voix enjouée, c’est que les autres ne sont vraiment pas rassurés du tout. Sadris par exemple. Il est si vieux qui va sans doute mourir avant la naissance de ce « monstre sanguinaire » mais il flippe comme si la fin de notre monde était pour demain. Complètement taré.
-Sadris veut sauver les jeunes de l’Ordre. De plus, tu ne l’a plus jamais apprécié depuis qu’il a refusé que tu entres au Conseil, ajouta Osarias en se relevant respectueusement devant la statuette.
-J’y suis quand même entré, non ? dit Matrias sur un ton de défi. Ce vieux sénile n’avait aucun argument pour que je ne puisse entrer dans ce Conseil. Il prétextait que je ne m’engageait pas assez dans la religion pour être un des Maîtres.
-Ce qui n’est pas tout a fait faux. Tu ne prie presque jamais, tu as tendance a te moquer du Dieu et cela nuie à l’équilibre spirituel de ce temple.
-Tant que je n’aurai pas la preuve formelle de son existence, je ne croirais pas en Horus, répliqua le frère avec obstination. Il a causé plus de malheurs que de bonnes actions. Tous nos Frères ont tué au moins une personne en pretextant que c’était sous la volonté d’Horus, alors que c’est Sadris qui le leur a ordonné. Je crois bien être le seul à n’avoir jamais fait verser le sang.
Osarias s’allongea sur son lit simple et fixa le plafond.
-Un poids important sur tes épaules, grand frère, dit Matrias qui s’était lui aussi allongé. Tu as notre vie à tous entre les mains. Si tu n’empêche pas ce nouvel Elu de tous nous massacrer, il a de fortes chances que tu sois expulsé du Conseil. Si il reste un petit morceau de toi à virer.
Osarias ne répondit pas et continua à fixer la plafond. Il ne s’inquiétait pas pour cette prédiction fatale, ce n’était pas son premier élève qu’il aurait à former et ce n’est pas ce destin funeste qui l’empêcherait de réaliser sa mission pour le Conseil. Ce qui le préoccupait surtout, c’était l’attitude de Matrias, qu’il trouvait trop sûr de lui.


Quelques jours plus tard, le temple d’Horus était calme comme à son habitude. De ci de là résonnait une explosion venant d’une salle d’entraînement. Certains élèves Elus devaient apprendre à maîtriser leurs pouvoirs avec un des Maîtres, mais comme aucun Elu n’avait été détecté depuis des années, la plupart des Maîtres pouvaient s’occuper à enseigner d’autres matières, comme lire des bribes d’avenir dans les entrailles d’animaux, faire appel à divers sorts grâce à une ancienne magie présente chez tous les humains d’origine égyptienne ou encore préparer des remèdes à bases de plantes.
A midi, lors du repas, les Maîtres, membres du Conseil, se réunirent dans leur salle de repas. Apres quelques prières adressées à leur Dieu, ils commencèrent à festoyer dans la bonne humeur.
-Où est Sadris ? demanda un des Maîtres.
-Il arrive, dit Osarias en prenant une miche de pain, nous nous étions réunis pour décider de l’éducation du nouvel Elu. Il avait quelques papyrus à ranger et il m’a dit de vous rejoindre sans l’attendre.
Le sujet du nouvel Elu avait été vu et revu, notamment pendant les repas, et la plupart des Maîtres commençaient à être lassés d’en parler, sauf Matrias. Apparemment, son plus grand plaisir était de parler de leur fin prochaine. Sa foi envers la prédiction de Dartrius était à son point le plus bas lorsque, le lendemain de la fameuse prémonition, le prophète avait juré devant tout le monde que la nouvelle prédiction lui avait montré que le nouvel Elu sera une jeune fille particulièrement jolie qui possèderait le pouvoir du feu. Elle serait l’épouse du plus fidèle partisan d’Horus et ils vivraient ensemble d’un amour sans fin.
-A propos, dit Matrias, un sourire se dessinant sur son visage, quel sera le nom de ce nouvel Elu ? Je me rappelle du temps où on appelait Osarias «Julian » Quel était l’ancien nom de Sadris ? Un truc genre Jean-Christophe ou Alphonse ?
-Il s’appelait Jack, répondit Osarias d’un ton las.
-Jack ? répéta Matrias avec un petit rire. Dingue, il avait un nom cool. A le voir, on dirait qu’il n’a jamais sourit de sa vie.
-Parce que tu crois que Josh c’est mieux ? dis Osarias avec colère.
-Serais tu jaloux de mon ancien prénom, grand frère ? Il n’empêche que j’aurai préféré continuer à m’appeler Josh. Matrias, c’est vraiment le summum de la ringardise.
-Etre un Elu va avec quelques contrariétés, Frère Maître, dit un homme avec une voix profonde et assis en face de Matrias.
-Par pitié, Amarnus, ne m’appelez pas « Maître » Ca m’énerve au plus haut point. Je m’appelle Matrias maintenant, et je ne changerais pas d’appellation toutes les semaines, ma tolérance a des limites.
Matrias enfonça un gros morceau de viande de chacal dans sa bouche. A présent, elle était tellement pleine qu’il semblait avoir du mal à mâcher le quartier de viande.
-Ce que je ne comprend pas, reprit Osarias, c’est que tu as fais des pieds et des mains pour être Membre du Conseil et qu’à présent, tu refuse presque toutes les responsabilités qui vont avec. Pourquoi avoir voulu être un des nôtres pour ne pas faire ton devoir ?
-Il y a deux raisons, frangin, dit Matrias en avalant avec difficulté, d’abord, parce que je pense que je peux vous aider. Apres tout, je suis un des seuls vrais intermédiaires avec les gosses qui se trouvent ici. Les gamins de moins de 15 ans viennent me voir moi en cas de problèmes, alors que vous, vous les impressionnez, et pas dans le bon sens du terme. Il n’y avait plus aucune communication entre vous et les petits, cela pouvait être négatif. L’autre raison est que les filles adorent les mecs qui sont célèbres et devenir Maître était le meilleur moyen. Mon pouvoir étant assez puissant pour battre au moins la moitié des élèves de cette école, mon inscription n’offrait que des avantages.
-Sauf ce problème de croyance envers Horus.
-Amarnus, je ne croirais jamais en ce dieu qui semble vous aveugler autant. Un vieux croûton vous dit qu’il communique avec un dieu et vous le croyez sur…
-Matrias, n’insulte plus jamais Sadris ! Il est notre Maître à tous et possède des pouvoirs bien plus grands que nous tous réunis !
Osarias s’était levé de sa chaise, ce qui se remarquait à peine du fait de sa petite taille. Son regard était repli de colère et il fixait son frère comme s’il hésitait entre l’étrangler et le noyer. Il ne supportait plus les insultes continuelles envers leur chef qui faisait tant pour eux et l’Ordre. Batris, qui était assis à coté de lui, lui mis une main sur l’épaule et lui demanda de se rasseoir, mais Osarias n’en fit rien.
-C’est vrai que toi, tu ne voue pas un culte à Horus mais à Sadris, ajouta Matrias d’une voix froide. Je crois que tu l’as toujours considéré comme un père ce qui expliquerai certains bêtises que tu aurais faites.
-Lesquelles ? demanda Osarias avec fureur.
-Tu le sais très bien. Ce bain de sang, il y a quelques années. Cela, je ne te le pardonnerais jamais et à Sadris non plus, qui t’as ordonné de le faire. A cause de toi, des centaines de vies ont été détruites. Est ce bien la volonté d’Horus ou plutôt celle de ce vieillard sanguinaire ?
-Ne parle pas de lui comme ça ! Il est bon, il est juste et c’est seulement parce qu’il a refusé ton adhésion que tu le hais !
Les autres Maîtres autour des tables reculèrent leurs chaises avec précaution. Visiblement, ils étaient habitués à ces crises et ils devaient s’attendre à voir de la nourriture voler de part et d’autre de la table dans peu de temps.
-Pas seulement, répondit Matrias en se levant à son tour. Je hais cet homme, car son contrôle sur toi t’as amené à faire des choses horribles. Il ne mérite qu’une chose : la mort. Pas toi, par contre. On ne peut pas punir le pantin à cause des erreurs du marionnettiste. Tu es un assassin et tout ça à cause de cet homme.
Sans ajouter un mot, Matrias sortit de la pièce en claquant la porte, laissant les autres hommes dans un ébahissement commun.


Matrias n’apparut pas le reste du repas qui continua dans un silence inhabituel. Osarias, irrité et les bras croisés, refusait obstinément de toucher à son assiette. Ses congénères mangeaient, eux, mais n’avalaient que de timides bouffées en jetant à Osarias des regards furtifs.
-Et, euh… dit Amarnus d’une voix mal assurée, quel sera le nom du nouvel Elu ?
Osarias lui lança un regard noir durant un bref instant puis dit d’une voix qu’il se forçait de rendre calme :
-Nous ne savons pas encore. La plupart des nouveaux élèves sont très contrariés lorsque l’on dit qu’ils devront changer de noms. Cela pourrait le rebeller contre notre autorité, ce qu’il faut éviter à tout prix. Nous allons essayer d’établir un profil psychologique de cet homme afin de lui offrir tout ce qu’il espère.
-Cet homme ? N’est il pas habituel de prendre des enfants d’une dizaine d’années?
-Nous voulons qu’il nous accepte et l’age de l’adolescence n’est pas le meilleur moment pour imposer un contrôle. Il sera plus vieux que nos apprentis. Environ 30 ans, ajouta Osarias pour donner plus de précisions. Le seul ennui, c’est ses pouvoirs. Ceux des Elus apparaissent généralement dans l’enfance, mais comme ses pouvoirs, selon la prophétie, n’apparaîtront pas avant qu’il y ait cette « invention humaine» Ce n’est qu’à ce moment qu’il se manifesterait à nos yeux. Et quel pouvoir aura-t-il ? Si jamais il s’avèrent qu’il puisse nous détruire, il faut pouvoir mesurer son potentiel. De toute façon, rien ne nous prouve que cette prédiction sera vérifiée.
La fin du repas se passa sur une atmosphère plus détendue. Chacun avait son idée sur les pouvoirs du nouvel Elu, les plus farfelues étant les plus appréciées. Des rires s’élevèrent dans la salle lorsque l’on parlait du pouvoir d’envoyer la cervelle d’autrui dans le cosmos ou de pouvoir intoxiquer quelqu’un avec de la transpiration. Lorsqu’ils sortirent après s’être rassasiés, ils se dirigèrent vers leurs salles d’apprentissage. Le groupe venait tout juste de se séparer au détour d’un croisement lorsqu’ils entendirent un hurlement effrayant retentir dans tout le bâtiment de pierre. Aussitôt, Osarias reconnu la voix de Maître Sadris. Il se rua vers son bureau, suivit du près par les autres membres du Conseil. Lorsqu’ils furent arrivés, plusieurs élèves s’amassaient devant la porte, le cou tendu pour mieux voir ce qu’il se passait, certains avaient une expression de terreur, d’autres détournaient le regard, le teint verdâtre.
-Par Horus, dit l’un d’eux, c’est affreux ! Sadris est mort !
Osarias ne le croyait pas. Il était parfaitement impossible que Sadris soit mort, c’était inconcevable. Les professeurs éloignèrent les apprentis et la vision de la scène du bureau les figea dans une position d’effroi.
Osarias vit d’abord son frère, assis sur une chaise de bois richement sculptée et couverte de cuir, la tête dans les mains et visiblement abattu. Puis son regard se dirigea vers le bureau et il retint un vomissement.
Sadris était allongé sur le meuble, face à la porte. Tout le bureau était recouvert de sang. Osarias se rapprocha et vit son maître les yeux exorbités, le visage figé dans une expression de douleur extrême, la langue sortie et tous ses membres étaient crispés. Le sang coulait de blessures étranges.
On aurait dit que tous les os s’étaient brisés en même temps et avaient tenté de sortir de leur corps d’origine. De toutes parts, le squelette de Sadris sortait de sa peau. Les Maîtres virent les tibias, les cotes, le sternum, les cubitus, chaque vertèbre du cadavre et des morceaux de crane sortir de divers endroits, en produisant une effusion de sang. Apparemment, chaque os semblait avoir bien pris soin de causer le plus de dégâts avant de sortir. C’était un spectacle horrible. Quelques Maîtres semblaient sur le point de s’évanouir. Amarnus s’approcha, tâta le pouls de Sadris et releva la tête, la mine triste.
-Mon pouvoir de guérison ne sert à rien. Il est déjà mort.
Osarias eut l’impression de tomber en chute libre. Sadris, mort. C’était impossible. C’était un des hommes les plus puissants de cette Terre, il ne pouvait pas être mort. Et pourtant…
-Matrius, qu’as-tu fais ? demanda un des Maîtres.
Matrius releva la tête. Il n’avait pas bougé depuis leur arrivée. Son visage n’exprimait pas la tristesse mais plutôt l’accablement, mais il ne dit rien. Les autres Maîtres se tournèrent vers Osarias qui déclara d’une voix forte :
-Tous les élèves dans leurs chambrées, pas de cours cet après midi. Aucune référence à ce qu’il vient de se passer. Les Maîtres devront se réunir pour un procès dans la Salle du Conseil. Qu’ils emmènent Matrias en neutralisant ses pouvoirs. Je vous rejoint dans peu de temps.
Les Maîtres s’exécutèrent. La moitié d’eux raccompagna les élèves dans un grand bruit de questions et de protestation, les autres escortant Martrias qui se laissait emmener sans opposer de résistance, le regard vide. Lorsqu’il fut seul, Osarias inspecta le corps de Sadris. Cherchant d’éventuels indices, il fouilla le bureau et trouva dessus une lettre, que le sang n’avait pas détériorée, écrite avec précaution. Il la lu, hocha la tête, la rangea dans sa poche et partit en direction de la Salle du Conseil.

Matrias, la tête éternellement baissée, était assis sur un fauteuil de bois brut à haut dossier. Il avait joint les mains et semblait résigné à un sort inévitable. Les autres membres du Conseil étaient assis sur des sièges beaucoup plus confortables qui formaient un arc de cercle autour du suspect. Chacun avait la mine sombre. Au milieu de la scène se trouvait une sphère grosse comme un ballon et d’un bleu clair, qui semblait enfermer des volutes de fumée. Lorsque Osarias entra, tous se levèrent, même Matrias et se rassirent en même temps qu’Osarias, qui se trouvait juste en face de son frère, le visage encore plus sévère que d’habitude.
-Bien, dit il, nous avons affaire à un acte qu’il n’est pas arrivé depuis des siecles. Il s’agit en effet d’un meurtre.
Alors qu’il parlait la sphère prenait une couleur rouge et des mots de la meme couleur, mais en plus sombre, s’y écrivaient, comme si le globe prenait des notes.
-Sadris, reprit-il, le Grand Maître de ce Conseil est décédé aujourd’hui. Le suspect numéro un étant Matrias, un procès va être rendu afin de déterminer sa culpabilité.
Avant qu’il n’aie pu continuer, un des Maîtres leva la main.
-La parole est donnée à Maître Batris, dit Osarias.
-Le Conseil a décidé à l’unanimité que le nouveau Grand Maître serait le Maître Osarias. Il assurera donc la direction de ce procès.
-Merci de cette précision, Maître Batris.
Osarias ne semblait éprouver aucun sentiment particulier à l’annonce de sa promotion.
-Le procès est ouvert, continua-t-il. Le corps de Sadris a été trouvé dans son bureau, peu après le déjeuner, suite à hurlement. Sadris avait le corps mutilé et était déjà mort lors de notre arrivée. Matrias, Membre du Conseil, était présent sur les lieux avant tout le monde. Matrias, où étiez vous lors des faits ?
Osarias parlait à son frère comme s’il ne s’étaient jamais vus, une expression hostile sur le visage.
-Dans le bureau de Sadris, dit Matrias d’une voix sombre sans relever la tête.
Sadris était-il avec vous ?
-Oui.
-Avez vous vu quelqu’un entrer ou sortir de cette pièce ?
-Personne.
-Que s’est-il passé ?
-Je n’en sais rien.
A l’annonce de cette réponse, certains regardèrent Matrias comme si c’était une autre de ses plaisanteries. Mais ce dernier leva la tête et rien sur son visage ne laissait voir un sourire. Il semblait dire vrai.
Armanus leva la main. Osarias lui fit un signe de tête et il prit la parole.
-Que faisiez vous dans ce bureau ? demanda Amarnus.
-J’étais venu pour dire ses quatre vérités à Sadris, répondit Matrias d’une voix monocorde. J’étais furieux et j’ai voulu lui dire le fond de ma pensée. Il m’a écouté avec un intérêt poli et sur ce, il a hurlé et il est mort.
L’étrangeté de ses paroles sembla parvenir à Matrias car il baissa à nouveau la tête.
-Il est mort ? répéta Armanus. Comme ça ? Ce n’est pas une mort naturelle, tout le monde en conviendra. Et vous êtes pour l’instant le seul suspect. Avez vous des preuves que cette mort s’est déroulée ainsi ? –Matrias fit « non » de la tête- Dites vous que ce serait un suicide ?
Matrias répéta le même geste. Certains Maîtres murmuraient à présent.
-Ajoutons d’ailleurs que le suspect a clairement dit devant témoins que Sadris méritait la mort quelques dizaines de minutes auparavant, dit Batris avec une expression de dégoût – il semblait persuadé de la culpabilité de Matrias.
Il y eut quelques hochements de tête. Osarias sortit le morceau de papier trouvé sur le bureau, se leva et le montra bien en vue de tous.
-Ce parchemin a été trouvé sur le bureau où se trouvait la victime. Aucune goutte
de sang ne figure dessus, il a été épargné. Le Conseil permet-elle la lecture de cette pièce à conviction ?
Tous les membres acquiescèrent et Osarias commença sa lecture.

« Chers Membres du Conseil, voici la lettre d’un mourant. Il vous fallait une preuve formelle, la voici. C’est Matrias, membre du Conseil, qui m’a assassiné. Il a usé de ses pouvoirs pour m’empêcher d’utiliser les miens pour me défendre et ma torturé jusqu’à ce que je succombe. Il me disait assassin et voulait que justice soit faite par sa main. Prenez la bonne décision vis-à-vis de sa condamnation. Je m’en vais rejoindre Horus et je prie pour qu’il vous protège du mal qui nous menace. Je donne ma voix pour l’élection du nouveau Grand Maître à Osarias. Soyez sur vos gardes , et empêchez le nouvel Elu de commettre l’irréparable. A bientôt mais, je l’espère, le plus tard possible. Sadris. »

A la suite de cette lecture, Osarias avait les yeux qui brillaient. Il toussa et annonça.
- Et bien, voilà une preuve formelle. Cela ne semble pas être un faux, l’écriture de Sadris correspond à celle qu’il utilise d’habitude, aucun pouvoir ne permet de falsifier les textes et ce dernier était bien trop puissant pour qu’une autre personne aie pu l’obliger à la rédiger. Nous allons à présent procéder au vote. Qui est pour une condamnation ?
Presque toutes les mains se levèrent, y compris celle de Batris et d’Osarias. Les Maitres avaient un regard glacial. Seul Armanus n’avait pas levé la main.
-Qui est pour un abandon des charges, sans condamnation ?
Aucunes mains se levèrent, mais Armanus se leva.
-Cher Conseil, j’approuverai votre décision, mais permettez moi de vous signaler que ce procès a été bien trop court. Ce n’est pas à cause de la mort de Maitre Sadris que nous devons nous jeter sur le premier suspect.
-Remarque prise en compte, dit Osarias tandis qu’Armanus se rasseyait. Bien, de ce fait, je propose au Conseil le bannissement et non pas la mort, n’ayant pas de témoins direct, comme l’exige nos lois. Sanction acceptée ?
Tout le monde approuva. Osarias ordonna alors de le conduire dans sa chambre pour qu’il prenne ses affaires et qu’il soit amené à la porte principale. Matrias se leva alors et deux Maîtres l’entraînèrent dehors. La sphère avait repris sa couleur bleue et Batris la rangea précieusement dans un vieux coffre de granit. Osarias jeta un dernier regard où se mêlait antipathie et tristesse à son frère avant que la porte se referme.
Quelques minutes plus tard, Matrias sortait du temple en pierre dorée et descendait les marches, son bagage sur l’épaule. En se retournant, il vit tout le Conseil qui observait son départ, au seuil de la porte qui était encadré de deux grandes statues d’aigles.
-Nous nous retrouverons, mon frère, murmura Matrias. Et alors, ce nouvel Elu sera devenu plus proche de moi que de toi et tu sauras enfin la vérité.
Osarias semblait l’avoir entendu car il hocha la tête. Matrias se détourna et partit à travers le désert aride. Près d’une trentaines d’années plus tard, la prédiction de Dartrius se réalisait et le nouvel Elu naissant, entraînant de ce fait la fin de l’Ordre des Elus d’Horus.

 
 
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