Urban Comics
  La Ligue #10 : La Fin d'un Monde (3)
 
Auteur : Ben Wawe
Date de parution : Octobre 2008


« A ce soir, Jack.
- A ce soir, vieux. »

Jack fit un sourire à Phil en sortant du bâtiment, l’énorme centre d’ordures de Washington. Il venait de finir son service : il travaillait la nuit pour récupérer les poubelles d’une partie de la capitale des Etats-Unis d’Amérique. C’était un boulot dur, dégradant pour certains et difficile pour les relations familiales, mais Diana était enceinte et ils avaient besoin d’un salaire fixe. Pour qu’elle et le petit vivent avec ce dont ils avaient besoin, il était prêt à sentir mauvais et à se tuer au travail sans aucun remords.
Néanmoins, il était quand même content quand tout se finissait. Rester debout sur le camion pendant des heures était peu plaisant et surtout assez fatigant. Il ne rêvait que d’une bonne douche et de quelques heures de sommeil ; même si Diana allait avoir encore des problèmes avec la grossesse, chaque jour, il goûterait au moins à un peu de paix et ça serait déjà ça.

Autour de lui, la ville vivait déjà intensément alors qu’il n’était que dix heures et quelques minutes. Lui et ses collègues avaient fini leur tour, d’autres s’occupaient du reste de la ville mais les gens faisaient comme s’ils n’existaient pas. Il n’avait pas besoin de reconnaissance ou d’admiration : son travail ne le méritait pas ; seulement, un peu de respect de la part de ceux qui considéraient leurs actions comme normales lui manquait. Il avait l’impression que tout le monde croyait que c’était acquis, que les ordures seraient obligatoirement ramassées et que ceux qui le faisaient n’existaient pas vraiment. Il détestait ça, en fait.

Jack avait appris dernièrement qu’en Italie, des collègues à lui faisaient grève dans une ville appelée Naples et que c’était devenu un enfer sur Terre. Les habitants étaient atterrés mais les copains tenaient bon : ils ne voulaient pas céder et il admirait ça. Il avait trente-deux ans, avait déjà perdu beaucoup et fait quelques conneries, mais il n’avait jamais céder et ne le ferait jamais. Quoique le monde lui envoie dans la tête, quoiqu’on mette sur sa route comme obstacle, il ferait tout pour le surpasser parce qu’il était comme ça et qu’il ne pouvait voir les choses autrement.
C’était pour ça qu’il avait du mal à comprendre que les « autres » soient si arrogants, si fiers. Il n’avait pas la folie de se croire trop intelligent ou supérieur aux autres, mais il ne pouvait accepter qu’eux voient les choses comme acquises, comme normales : ça n’était jamais le cas. C’était généralement quand on s’habituait trop à elles qu’elles disparaissaient et qu’on se rendait compte de leur valeur – mais c’était trop tard. Il y avait ça à Naples et…

« Dégagez ! Dégagez de la route ! Vite ! »

Jack fut stoppé dans ses réflexions par trois voitures de police qui fonçaient dans la direction opposée de la rue qu’il descendait. Il n’habitait pas très loin et aimait rentrer à pied pour réfléchir, en fait, mais il n’aimait pas ce qu’il voyait. Les flics criaient dans leurs haut-parleurs et se contrefichaient du code de la route ; c’était déjà le cas habituellement, mais là…là, il lui semblait que c’était différent. Ils allaient bien plus vite, prenaient bien moins de gants. Pourquoi ?

Soudain, deux énormes camions de pompiers firent irruption dans la rue, immédiatement suivis par quatre voitures de police, un nouveau camion, trois ambulances et encore quatre voitures de police. C’était tout un défilé et chaque véhicule tentait d’aller plus vite que ses prédécesseurs, comme si les conducteurs avaient les pieds greffés sur la pédale. Il se passait quelque chose.
Ça ne sentait pas bon, il le savait. Il avait longtemps habité à New York et avait été là sept ans plus tôt, quand La catastrophe américaine avait été déclenchée par des extrémistes. Il avait vu les hommes et les femmes servant la ville foncer vers le World Trade Center exactement à la même vitesse et il frissonna sans s’en rendre compte. Qu’est-ce qu’il se passait ? Est-ce que ça recommençait ? Est-ce qu’on les frappait encore ?

Instinctivement, il se retourna et se mit à marcher rapidement vers là où tous les secours se dirigeaient. Sur le côté passèrent encore une douzaine de véhicules mais il n’y fit pas attention. Les gens autour de lui étaient interloqués, surpris mais étaient comme lui : ils sentaient que quelque chose s’était passé…quelque chose de grave. Pour que les secours aillent aussi vite, qu’ils soient si pressés et si déterminés, il devait y avoir eu un événement terrible. Et tous étaient terrifiés à l’idée que Ça recommence, qu’on les touche à nouveau et cette fois-ci en plein cœur de leur capitale. Ils ne pouvaient l’accepter.

Sans s’en rendre compte, Jack s’était mis à courir. Son corps était fatigué mais son esprit fonctionnait à cent à l’heure : il voulait savoir ce qu’il se passait, il voulait voir de ses yeux ce qui était arrivé et peut-être même aider. Sept ans plus tôt, il était resté tétaniser en voyant le deuxième avion s’encastrer dans la tour et n’avait pas été assez courageux pour aller aider. Diana lui avait dis que ça lui avait sauvé la vie mais lui savait qu’il s’était mal comporté – qu’il aurait dû aller aider. Ce n’était pas seulement une question d’héroïsme, mais de dignité : des gens étaient en danger, des gens étaient peut-être blessés et il ne pouvait rester là sans rien faire. Il serait peut-être lui-même touché mais il était fort, grand et avait passé quelques années à l’armée : ça pourrait toujours servir.

C’était ainsi qu’il y allait, les poings serrés, déterminé et sûr de lui. Mais tout ça vola en éclats quand il vit une énorme colonne de fumée apparaître à quelques centaines de mètres et ravager le ciel de Washington. Des bâtiments s’écroulèrent au loin et les cris de terreur vinrent directement à ses oreilles malgré la distance. Il se passait quelque chose de grave.
Le nuage était terrifiant, rongeant les airs comme un monstre de Chtulu et il ne pouvait en détacher ses yeux. Est-ce que ça recommençait vraiment ? Est-ce que des dingues se faisaient de nouveau sauter juste parce qu’ils étaient différents ? Ou bien était-ce encore pire ?

Depuis plusieurs mois, la menace des « surhumains » grondait. Avec l’attaque de Manhattan, la quasi destruction de Boston, ces mutants qui existaient selon Bush et tout le reste, Jack n’était pas rassuré d’avoir mis Diana enceinte mais avait pensé que les pouvoirs en présence pourraient s’en occuper. Il n’avait pas une grande confiance dans ces pseudos justiciers, mais certains étaient quand même honorables et stoppaient d’autres monstres. Malgré tout ce qu’on disait sur lui, Steelman était quelqu’un de bien, il en était sûr, et ces types qui avaient empêchés Manhattan d’être rasée devaient aussi avoir un bon fond. Il avait espéré qu’ils pourraient empêcher de telles horreurs et que sa Présidente pourrait changer ça, mais il s’était peut-être trompé.

Soudainement affolé, Jack se mit à courir encore plus vite vers la zone du sinistre. Il pensait à Diana, au bébé qui n’étaient pas si loin mais ils ne voulaient pas aller les rejoindre. Diana était intelligente : en voyant ça, elle partirait pour se mettre à l’abri. Rentrer aurait été une perte de temps et peut-être pouvait-il aider. Elle comprendrait, ou du moins il l’espérait pour éviter une énième dispute.

En quelques minutes, il fut plus près du sinistre et une demi-douzaine de petits bâtiments étaient déjà éventrés ou détruits. Quelques corps étaient jonchés sur le sol mais beaucoup de gens continuaient de fuir. Son passage en était rendu plus difficile mais ça n’était plus qu’accessoire, pour lui. Tout ce qui lui importait, c’était cette monstrueuse colonne de fumée et tous les dégâts. Qui avait pu faire ça ? Qui avait la puissance nécessaire pour ravager un tel quartier ? Qui était assez monstrueux pour s’adonner à ça ?

Alors qu’il s’approchait encore plus, Jack vit une vingtaine d’hommes en noir avec lunettes de soleil, oreillettes et armes de service tirer vers la zone centrale de « l’attaque ». Il n’avait aucune idée de ce qu’il se passait et ne pouvait demander aux gens apeurés qui n’avaient pas la tête à lui répondre, mais il était de plus en plus sûr que Washington avait été attaqué. Ça ne pouvait être un accident, ça ne pouvait être l’œuvre du hasard.
D’autres monstres étaient apparus et avaient frappés. La ville était désarmée et ses habitants en larmes. Il ne pouvait accepter ça.

La colère fit surface alors, faisant disparaître la peur ou l’appréhension. Jack avait déjà vécu ça et refusait de baisser les bras, pas cette fois-ci. Des ordures s’en étaient pris à sa ville, là où vivaient sa femme et son enfant à naître. Des gens étaient morts, Washington était défigurée mais il ne laisserait pas ça sans rien faire. Même s’il n’était rien, même s’il n’avait que ses poings et sa rage, ça suffirait pour échanger quelques coups s’il tombait sur l’un d’eux – ou aider les survivants. Il devait faire quelque chose, et maintenant.

Soudain, alors qu’il se dégageait un passage dans une foule toujours abondante de cadres et autres hauts employés, totalement affolés et hors de contrôle, Jack entendit un craquement sinistre au-dessus de lui. Il avait déjà ressenti ça : c’était quand le mur du son était rompu, comme par des avions ou…autre chose.
Il releva la tête et vit apparaître le costume à deux couleurs de Steelman. La « merveille de New York » comme l’appelaient certains journalistes volait au-dessus de la foule, le regard fixé vers la cône de fumée qui continuait de masquer le ciel et d’accentuer l’atmosphère de fin du monde qui régnait dans la ville. Un sourire apparut sur le visage de Jack quand il vit ce héros, ce justicier si sûr et si fort : il avait confiance en lui. Même si on avait dit beaucoup de choses sur lui, il ne les avait jamais cru : il savait que ce type était quelqu’un de bien et qu’il aidait les gens. Et sa présence aujourd’hui confirmait tout ça, tant il fallait être fou pour se jeter là-dedans sans y réfléchir…un peu comme lui, d’ailleurs.

Seulement, alors que Steelman avait toujours essayé d’afficher un air calme et sûr à chacune des interventions que Jack avait pu voir, alors qu’il avait tenté autant qu’il le pouvait de rassurer les gens quand il arrivait, son visage était dur et froid au moment où il passa au-dessus de lui. Ses poings étaient serrés, son regard déterminé et Jack comprit qu’il y avait vraiment un problème – un vrai problème. Evidemment, l’air de Steelman ne pouvait être un indicateur parfait de la situation, mais à le voir ainsi, aussi dur et froid, il était clair qu’il n’allait pas de bon cœur là-bas mais qu’il devait y aller.

Le pouls de Jack s’accéléra alors qu’enfin il dépassa la dernière partie de la foule pour arriver dans un champ de bataille. Des types – sûrement des services secrets vu leurs airs de conspirateurs – tiraient dans une épaisse de fumée et semblaient affolés. Des camions de pompiers avaient été renversés par une force colossale, des policiers étaient à terre, blessés…ou peut-être pire. Qui avait pu faire ça ? Quel côté ? Les islamistes ou…ou des surhumains ? Jack ne savait pas ce qu’il « préférait », mais il était sûr de détester la réponse.

Soudain, alors qu’il se trouvait totalement isolé dans une zone où les balles sifflaient et où la respiration était difficile à cause du nuage de fumée, une vision de cauchemar fondit du ciel vers lui. C’était…c’était indescriptible, tout simplement. Il avait souvent vu des extraits de vidéos amateurs sur les interventions des surhumains, mais en voir un comme ça arriver aussi vite vers lui, c’était terrifiant.
Les bras ballants, les yeux écarquillés, il ne pouvait bouger face à un homme volant et…et en flammes. Tout son corps était fait de feu qui recouvrait apparemment sa peau et les balles des types en costumes étaient inefficaces : elles semblaient s’évaporer à cause de la chaleur avant de le toucher. Les officiels lui faisaient de grande signe pour qu’il parte mais Jack était incapable du moindre geste, ne pouvant que fixer ce…ce démon et entendre son rire sadique. Il avait l’impression que cette ordure prenait un grand plaisir à faire tout ça, comme si c’était exactement ce qu’il voulait. Des gens mourraient et la ville était attaquée, il en était sûrement le responsable et il adorait ça. S’il avait eu des gants à l’épreuve du feu, Jack l’aurait bien frappé mais il était trop stupéfait pour ne faire que s’enfuir.

Le démon fonçait vers lui et il comprit que ça allait être trop tard, qu’il était condamné. Des images de Diana défilèrent dans son esprit et des larmes naquirent dans ses yeux : il n’allait plus la revoir et elle détesterait pour ça. Il lui avait promis de toujours faire attention à lui, de rester là pour elle mais sa stupidité était trop grande. Un monstre de flammes allait bientôt le percuter, sûrement pour le tuer d’une manière affreuse et terriblement longue. Un type comme ça devait prendre du plaisir en faisant souffrir, et Jack sentait que son heure était venue. Peut-être aurait-il dû agir autrement, peut-être aurait-il…

« Laisse-le ! »

Une voix rauque, pleine de l’énergie du désespoir, explosa à ses côtés alors que le démon était presque sur lui. Un clochard, avec une grosse barbe et de longs cheveux, sauta pour l’intercepter et entra en contact avec les flammes. Les deux êtres roulèrent sur le sol, le chevelu semblant ne pas être atteint par le feu du monstre. Ce dernier se releva rapidement et Jack put alors voir, quand la chaleur baissa quelque peu sur son corps, que c’était un être humain, un petit jeune aux cheveux rasés et à l’air mauvais. Il ressemblait à une des petites frappes qui traînaient dans les sales quartiers de la ville et devait sûrement être un mutant ou une saleté du genre.
C’était ça qui avait attaqué Washington ? C’était ça qui avait tué tant de gens et détruit un quartier de la ville ? La colère prit à nouveau le pas sur Jack, mais dès que le démon fit réapparaître ses flammes, il comprit qu’ils ne jouaient pas dans la même catégorie. Il n’était qu’un homme et ne pouvait pas grand-chose face à lui. D’autres étaient là pour lui régler son compte.

Le clochard se releva à son tour, alors que Jack était toujours pétrifié. L’homme craqua légèrement son cou alors que le monstre de flammes s’élevait dans les airs, concentrant apparemment son feu dans ses poings pour frapper. Seul, sans défense apparente, sans arme et avec des airs de SDF, le sauveur de Jack se mit alors à…à rire. Il riait comme si on venait de lui dire la blague la plus drôle du monde, et ni le démon ni sa victime ne comprenaient pourquoi : il fallait être fou pour affronter ce dingue et rire après. Est-ce qu’il l’était ? Est-ce qu’il avait perdu l’esprit ? La réponse vint quand il reprit la parole, quelques secondes plus tard. Son ton était froid et tranchant.

« Fous-lui la paix, Rainbow. Je sais qui tu es et ce que tu sais faire mais c’est fini, maintenant. Toi et tes copains avaient pétés un câble mais ça s’arrête maintenant.
- Ah ouais ? Et qui va nous stopper, le hippie ? Toi ? »

Il y avait de l’arrogance et du mépris dans sa voix. Jack ne supportait pas ça et avait l’impression que son protecteur non plus.

« Ouais, petit crétin. Moi et mes copains. »

Le clochard sortit soudainement un petit flacon d’une poche de sa veste fripée et sale et le lança aux pieds du démon. Il s’écarta en faisant signe à Jack de faire de même, et soudainement une gerbe d’eau apparut juste sous leur adversaire. Celui-ci fut plus surpris que blessé, mais retomba au sol, totalement mouillé et sûrement incapable de reprendre feu. Le SDF s’approcha alors et craqua ses phalanges.

« Un condensé de la magie atlante, petit.
- Mais…mais qui tu es ?! T’as pas de pouvoir selon Sue ! Y avait personne sauf le nain Allen qui peut plus courir !
- Je suis Tim Hunter. Maintenant réglons nos comptes. »

Le dénommé Hunter donna un violent crochet du droit dans le visage du démon et Jack voulut s’approcher pour l’aider, mais comprit soudain son erreur : il aurait dû fuir quand le clochard l’avait sauvé. La fumée s’était peu à peu dissipée sur le côté mais une horreur était apparue à sa place. Un monstre, cette fois-ci fait de pierre orange et de plusieurs mètres de haut, le fixait. Des petits nuages de fumée s’échappaient de ses narines quand il expirait et ses yeux bleus étaient tranchants et terriblement durs. Il ne portait qu’une sorte de grand caleçon autour de son anatomie et n’avait rien d’humain. Il n’était qu’une Chose, une horreur de plus dans ce monde qui en comptait déjà trop.
Jack déglutit lentement en le voyant ainsi. S’il avait échappé à la mort une fois, il était clair qu’il n’aurait pas la même chance deux fois. Il aurait dû partir, rentrer rejoindre Diana mais il n’avait pas saisi la perche tendue par l’univers…il fallait maintenant payer ça.

Le monstre leva ses deux horribles bras de pierre orange et se prépara à les laisser tomber sur lui pour régler son compte, mais un cri vint cette fois-ci aux oreilles de Jack. Il vit du coin de l’œil un type mal rasé et aux cheveux un peu longs approcher difficilement, usant d’une canne à cause d’une apparente faiblesse à la jambe droite. Il ordonnait à la Chose d’arrêter mais celle-ci continuait de fixer sa victime, pleine de rage et d’envie meurtrière. Jack vit à nouveau son heure venue malgré les protestations de l’infirme, mais un nouveau miracle apparut alors.

L’handicapé laissa tomber sa canne, serra les dents, cria et se mit à…à courir. Un monstrueux craquement se fit entendre, sinistre, exactement comme des os qui étaient brisés, et il vit du sang couler des lèvres de l’homme – puis plus rien. Le jeune type disparut alors dans une sorte de mirage optique, une longue traînée formée des couleurs de ses habits, ou du moins des plus dominantes. En quelques secondes, il fut sur lui et prit Jack dans ses bras avant que ceux du monstre ne tombent sur le sol.
Un monstrueux choc souleva la terre sous l’impact et un grand cratère apparut alors, mais Jack était déjà plusieurs mètres plus loin. Son sauveur avait dépassé les barrières de la vitesse mais ne semblaient pas pouvoir tenir longtemps : il tomba lourdement à l’intérieur d’un magasin aux vitres ravagées, anciennement une bijouterie vu les beautés qui s’y trouvaient et jonchaient le sol. Le jeune homme se laissa aller sur le sol avec Jack, mais la fumée les protégeait et eux-mêmes ne voyaient plus vraiment les trois autres. Jack était sauvé, et tout ça grâce à deux chevelus qui ressemblaient plus à des clochards qu’autre chose ; ça risquait de faire réfléchir le Républicain qu’il était, ça.

« Gaaah…gaaah… »

Le chevelu pleurait. Il était à terre, se tenant la jambe droite, s’empêchant d’hurler de douleur alors que son envie était évidente. Il n’avait apparemment pas la force de se relever et semblait souffrir le martyr, à un tel point que Jack ne savait pas quoi faire. Devait-il l’aider ? Le relever ? Chercher du secours ? Des bruits terrifiants, apparemment des poings sur des corps ou de la pierre, lui parvenaient de la fumée et il en avait peur. Que se passait-il donc ici ? Qui étaient ces gens ? Il avait eu tort de s’embarquer là-dedans mais il avait juste voulu aider des gens, les protéger ou les évacuer ; il n’avait plus qu’à passer à l’acte avec son propre sauveur, maintenant.

« Ca…ça va aller, t’en fais pas, gamin… »

Jack enleva sa veste de travail et la mit autour des épaules du jeune homme. Malgré son odeur, ça ne pouvait que lui faire du bien, d’avoir un peu de chaleur et de réconfort. Pourtant, le chevelu rejeta du bras le cadeau pour lancer un regard empli de douleur mais aussi de détermination à l’ébouer. Celui-ci resta accroupit auprès de lui, tenant toujours la veste et l’observant comme s’il était une bête curieuse – et c’était le cas. Il ne pouvait imaginer un gamin agir ainsi et souffrir autant, ça avait vraiment l’air monstrueux.

« Nan…nan, ça va pas aller…enfin, pour moi… »

Du sang coulait de sa bouche, provenant sûrement de sa langue qu’il avait mordue pour tenir le coup. Jack ne savait pas pourquoi il avait tellement mal et d’où était provenu le sinistre craquement, mais il était clair que le gosse était lié à ça…et ça ne rassurait pas. Il tentait de se relever par la seule force de ses bras, mais il n’y parviendrait pas : la douleur semblait trop forte, trop dure, même pour quelqu’un comme lui. Il ne le connaissait pas, mais il savait reconnaître du courage quand il en voyait ; ce petit en débordait.

« Quoi ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Je…rien…on…on gère…
- Dis pas de connerie, gamin. Même si t’es doué et que tu vas vite, toi et ton copain n’êtes que deux face à deux horreurs et t’as pas l’air en bon état. Qui c’est, les monstres ? Et qui t’es, toi ? »

Le jeune homme planta son regard emplit de larmes et bleu comme l’azur dans les yeux de Jack. Celui-ci le soutint et put y lire une souffrance hors norme mais aussi une détermination encore plus forte. Il avait souvent rencontré des êtres durs et prêts à tout, mais ce gamin avait l’air si jeune qu’une telle puissance dans le regard était impressionnante. Il irait loin et ferait de grandes choses s’il gardait ça en lui face au monde si cruel dans lequel ils gravitaient.

« On est…on était la Ligue. »

Il avait mal mais semblait vouloir parler le mieux possible, sûrement pour se concentrer ou faire bonne figure. Jack ne savait pas comment réagir face à ce petit bout d’homme qui en imposait tant.

« Ces types…on les connaît un peu. Je…je sais pas vraiment ce qu’ils font là, mais…mais on doit les stopper…
- Vous avez besoin d’un coup de main ?
- J’ai…j’ai appelé Ja…enfin Steelman…les autres viendront pas à temps…
- Et ils sont combien, en face ?
- Trois…aussi… »

Il serra les dents et usa de toutes ses forces pour se relever à la seule force de ses bras – et il y parvint. Jack recula légèrement, autant pour lui laisser de la place que pour observer ce tour de force. C’était véritablement impressionnant et il ne savait pas s’il devait l’applaudir, l’aider ou lui crier de se reposer au vu de sa souffrance.

« Mais pourquoi font-ils ça ? Pourquoi détruisent-ils la ville ? Ce sont des terroristes ?
- Nan…ils…ils doivent être contrôlés…sinon, elle aurait pas…tirée…
- Tirée ? Qui a tiré ?
- Elle…leur…chef… »

Sa souffrance était terrifiante et Jack n’osait pas avancer, n’osait pas faire le moindre geste. Il avait l’impression que le gamin l’aurait très mal vécu : il voulait s’en sortir seul, tout simplement. Il respectait ça, même si ça paraissait complètement stupide.

« Et sur qui a-t-elle tirée ?
- Ste Croix…
- Quoi ? Qui ?!
- Ste Croix…Monet…
- La…la…
- La Présidente, oui. Nous avons fait ça. »

Le démon de flammes se trouvait juste à l’entrée de la bijouterie, emplit de pouvoir et de suffisance. Son corps était en feu mais suffisamment doux pour éviter de tout embraser. Il voulait les faire souffrir, ça se sentait.
Jack était complètement perdu : il ne comprenait pas ce qu’il se passait ou ce qu’avait dit le gosse. Est-ce que c’était vrai ? Est-ce que sa candidate était morte ? Vraiment ? Il ne pouvait y croire…pas après tous ces mois de doute et d’espoir. Pas quand les choses auraient dû s’arranger avec elle.

« Mais…mais…
- Laissez-le partir. »

La voix du jeune homme était froide et dure. Il s’était plus ou moins assis et tenait sa jambe droite comme si elle était en morceaux. Jack ne savait plus ce qu’il se passait et n’avait aucune idée de qui disait la vérité, mais si ces types avaient vraiment fait ça, s’ils avaient tirés sur Ste Croix, il ne pouvait pas leur pardonner. Elle n’était pas parfaite mais avait proposée de bonnes solutions pour rendre le pays plus sûr, et c’était pour ça qu’il l’avait suivi. Il avait fait la campagne, convaincu des gens et avait demandé à Diana d’enregistrer la déclaration du jour pour la regarder après son sommeil. Et là…là, on venait peut-être de lui enlever son espoir pour son enfant, le seul être pouvant sauver l’Amérique : ça n’était pas acceptable.

Serrant les poings, Jack ne savait pas ce qui lui passait par la tête mais il ne rêvait que d’une chose : en finir avec ces types, les frapper jusqu’à ce qu’ils aient assez payés pour ce qu’ils avaient fait. Ste Croix avait été une flamme dans un monde de ténèbres, où les surhumains faisaient ce qu’ils voulaient : elle voulait gérer ça, protéger la population et utiliser cette nouvelle force ; et Jack avait été d’accord, ça avait été aussi son envie et son but.
Diana et son enfant devaient être protégés, mais…mais comment faire maintenant ? Comment continuer à espérer alors qu’elle était peut-être morte ou que de tels monstres étaient en liberté ? C’était trop…beaucoup trop pour lui.

Jack s’approcha alors pour aller frapper le démon de flammes mais fut stoppé par une sorte de…de barrière mais qu’il ne voyait pas. Il recula sous le choc, réessaya d’avancer mais son front entra douloureusement en contact avec un mur qu’il ne pouvait voir. Qu’est-ce qu’il se passait encore ? Qu’est-ce qui lui arrivait ? Il recula légèrement mais toucha encore une fois quelque chose de solide mais d’invisible, et ce fut identique pour les côtés : il ne pouvait presque pas bouger, il était en quelques sortes emprisonné dans une cellule qu’il ne pouvait voir et aussi dure qu’un mur.

« Vous ne pourrez pas sortir d’ici vivant. Aucun d’entre vous. »

Une voix de femme vint à ses oreilles mais Jack s’en fichait. Sa femme, son enfant étaient en danger à cause d’eux, ils devaient payer pour ça ! Il n’avait pas été là quand les Tours avaient explosés mais il devait faire quelque chose maintenant : il était sur place, bon sang ! Il ne se laisserait plus faire comme sept ans plus tôt !

« Laissez-le partir.
- Non, Barry. »

Une femme apparut soudainement. Belle, vingt ans environ, blonde, avec une petite veste en cuir sur un t-shirt bleu clair et un jeans foncé. Elle avait un visage très dur et tenait dans la main un Glock, avec l’assurance de ceux qui ont souvent eu à l’utiliser. Jack comprit immédiatement que ce devait être elle qui avait tirée sur Ste Croix, et tapa aussi fort qu’il put sur les murs invisibles pour se libérer…mais sans le moindre succès.

« Vous allez mourir tous les deux, comme Hunter et comme Baxton.
- Comment…
- Pourquoi te répondrais-je ? Nous ne sommes pas dans un comics, Barry : les héros ne gagnent pas en faisant parler leurs adversaires pour que le secours vienne à temps. »

Un sifflement troubla tout le monde et Jack sentit l’espoir revenir en lui : il avait déjà entendu ça quelques minutes plus tôt. Quelques secondes après, la silhouette de Steelman sortit de la fumée pour foncer vers la femme et le démon en flammes. Il allait vite, terriblement vite et assez pour les frapper avant qu’ils n’aient pu se retourner. Un sourire se dessina sur le visage de l’éboueur, mais alors que le héros de New York allait toucher la blonde dans le dos, une monstrueuse main de pierre sortit de la fumée pour attraper son pied et le propulser au sol, dans une violence terrifiante.

La Chose de pierre apparut alors à son tour, s’étant sûrement cachée dans le « brouillard » pour attendre le justicier volant. Celui-ci releva la tête et tenta de se remettre sur pieds, mais la monstruosité plaça brutalement sa jambe sur ses reins et appuya avec apparemment toute sa force. Un cri d’horreur et de douleur sortit de la bouche de Steelman, mais il ne semblait pas vouloir abandonner. Il utilisa lui aussi ses pouvoirs et réussit à relever un peu son corps, troublant son adversaire qui était un peu déséquilibré. Le héros se remit donc sur ses pieds, mais semblait vraiment souffrir ; il se tourna vers le monstre, prêt à s’envoler pour le frapper, mais celui-ci était déjà à nouveau stable et en action. Un violent crochet du droit vint faire reculer le justicier, avant qu’un uppercut ne l’envoie dans les airs. Il utilisa sa capacité de voler pour se stabiliser là-haut et donner un coup de pied dans le visage du monstre, mais celui-ci explosa de rire : ça ne faisait que le chatouiller, apparemment.
Jack et Steelman firent alors de grands yeux identiques, alors que le jeune homme – Barry apparemment – fixait la situation en continuant de grimacer. Le héros de New York essaya alors de reculer pour mettre au point une stratégie, mais la Chose capta à nouveau son pied avec ses énormes mains et le propulsa violemment au sol, encore une fois. Il sauta de suite après sur lui, comme un catcheur qui voulait vraiment faire mal. Un nouveau cri de douleur se fit entendre, puis plus rien : le monstre était sur Steelman, le genou droit dans le bas du dos. La souffrance devait être terrifiante.

Jack était choqué, évidemment, de voir que l’homme qu’il avait pensé providentiel avait été vaincu aussi rapidement, facilement et surtout brutalement. Il fut pourtant sorti de sa rêverie par le jeune héros, qui reprenait la parole. Sa douleur se lisait dans chacun de ses mots, mais il semblait vouloir continuer la lutte malgré tout. C’était beau mais un peu inutile vu l’avalanche de puissance des autres.

« Laissez-le partir.
- Non, Barry, non. Personne ne va aller nulle part, pas tant que vous ne l’avez pas rencontré.
- Qui ?
- Notre Maître. »

Soudain, les trois êtres laissèrent place respectueusement à quelqu’un d’autre. Jack ne comprenait rien mais débordait toujours de rage et de colère envers ces types. Il tambourinait les parois de sa prison pour se libérer, en pure perte malheureusement. Il s’arrêta quand il vit arriver un nouveau protagoniste dans la fumée : sa silhouette se fit plus précise alors qu’il s’avançait mais aussi plus étrange. Il était petit, sûrement adolescent comme la femme et portait un pantalon noir et une sorte de cape avec capuche verte. Son visage était masqué pour l’instant par l’ombre de la capuche et ses mains étaient gantées. Il semblait sortir du Seigneur des Anneaux, en fait. Il ne l’aimait déjà pas.
Calmement, il s’arrêta à l’entrée de la bijouterie et resta silencieux quelques secondes. Il prit finalement la parole d’une voix terriblement arrogante et sûre, comme s’il était le maître du monde et les autres ses sujets. Jack ne l’aimait vraiment pas.

« Soyez heureux : votre mort sera connue de tous, elle sera l’exemple. Le premier message que je laisserai. Le début de votre Ruine. »

Et lentement, il enleva sa capuche pour révéler son visage, celui que Jack n’oubliera jamais. Celui de l’horreur et de la désolation. Celui de la Fin.
 
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