Auteur : Ben Wawe
Date de parution : Janvier 2009
Je m’appelle Sue Tempest et dans quelques temps, je serais l’épouse du Président des Etats-Unis.
A mes côtés, Ben dort et Johnny joue à la console : ils passent le temps en attendant que mon futur mari nous donne ses plans pour la suite des opérations. Moi, je fixe les étoiles par-delà la vitre de l’immeuble où nous nous trouvons, une des annexes des Architectes à Manhattan. Nous sommes vite rentrés de Washington et nous nous reposons en attendant la suite ; en attendant les derniers coups.
Victor est à côté, il travaille – et je ne dois pas le déranger. Il est trop brillant pour être stoppé dans ses recherches. Même Reed n’est rien face à lui, alors que je le voyais comme l’être le plus intelligent au monde, auparavant. Je me trompais : Victor m’a montré la lumière et je sais maintenant ce que je dois faire, qui je dois suivre. Librement.
Ce qui n’est pas le cas de Johnny et Ben.
Pour eux, Victor doit user d’hypnose pour s’assurer leur adhésion et ça ne me dérange pas. Ils ne peuvent pas comprendre l’importance de nos actes, de notre lutte ; moi, j’ai saisi tout ça. Je suis passé de la prostituée stupide à la future épouse de l’homme le plus puissant du monde et ça me va très bien. Evidemment, je pense que certains ne comprendront jamais pourquoi j’ai fait ça, pourquoi j’ai laissé Victor enfermer Reed quand il a décidé de prendre le commandement du groupe…mais ce n’est pas grave. Tout ça, tout ce que nous faisons, ce n’est pas pour la postérité : c’est pour nous.
Victor refuse encore de me montrer son visage lacéré par les cicatrices et ça me chagrine ; même si je comprends qu’il en ait honte et qu’il soit triste d’avoir été ainsi blessé, il devrait comprendre que je suis là pour lui…que je serais toujours là. Reed ne l’a jamais compris, il n’a jamais saisi le fait que je pouvais être plus que sa passe du soir ; même s’il disait m’aimer, il aimait le fait d’avoir quelqu’un d’aussi belle que moi à son bras, rien de plus. Tout ce qui l’a toujours intéressé, c’est le pouvoir et en user pour augmenter sa propre puissance – il l’a déjà fait avec Victor. C’est à cause de lui si Victor est ainsi défiguré.
Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi et comment ces deux là s’étaient rencontrés mais je pense que ça n’est pas très important. C’étaient des gamins abandonnés, perdus dans les rues d’une ville trop dure pour eux. Ils étaient intelligents, rusés et assez cruels pour user totalement de leurs capacités. A ce que j’ai saisi, ils étaient très amis avant et étaient de grands voleurs, travaillant pour Fisk en son temps et s’étant même rapprochés de Luther, à l’époque. Mais tout tourna mal.
Là non plus, je n’ai pas beaucoup de détails et je n’en veux pas vraiment : ils ont voulu aller trop vite trop loin, et Reed a abandonné Victor pour se faire choper. Il paraît que nous étions tous dans le même commissariat avant d’être transférés à l’école spécialisée, mais je ne m’en rappelle pas…je veux oublier cette période de ma vie. Je veux éviter de penser à ces moments où j’ai dû laisser des hommes me faire ce qu’ils voulaient pour survivre.
Victor veut que j’arrête de penser à ça, en fait : il dit que je vaux mieux. Et je le crois.
Il nous a aidés à sortir du piège des Architectes, il a pris soin de Reed malgré ce qu’il lui avait fait. Au vu du peu qu’il m’a dit, il a souffert le martyre des jours entiers avant de s’en sortir…mais à quel prix ! Son visage semble ravagé mais jamais il ne nous le montre vraiment, le cachant sous sa capuche. J’aime ça : cette timidité, cette envie de nous protéger de sa face détruite mais le courage et la fierté de l’afficher quand même un peu. Je suis sûr que si je voyais son vrai visage, je le trouverais beau. Je l’aime.
Je ne sais pas pourquoi mais je sais que je l’aime : il est fort, il me rend heureuse et me fait miroiter des choses qui deviendront réalité. Il est beaucoup plus arrogant que Reed et je sais qu’il pourra aller jusqu’au bout ; cet homme a déjà mis à pied la capitale et a fait un marché avec des êtres qu’on peut penser beaucoup plus dangereux que lui…mais on se trompe.
Victor est pire qu’eux car il n’a plus rien à perdre : il est déterminé à tout contrôler car lui seul en est capable. Il m’a montré ses plans, il m’a expliqué ce qu’il compte faire et c’est brillant. Je sais qu’avec lui, plus jamais nous ne serons pourchassés, plus jamais nous n’aurons à fuir. Reed a voulu nous donner un quartier, Victor me donnera un pays. Je sais qu’il réussira.
Bien sûr, cela me gêne que Ben et Johnny ne nous suivent pas de notre plein gré, mais…ce n’est pas grave. La fin demande les moyens, non ? Les Architectes ont voulu notre mort, nous les avons châtiés ; Bush ordonne notre fin à tous et Victor le lui fera payer aussi. Mes amis m’en voudront peut-être un temps, quand Victor les aura libérés, mais ils se rendront vite compte du bien que nous pouvons faire.
Nous sommes le futur de ce pays, de cette planète. Je mets mes pouvoirs dans les mains d’un homme qui peut rendre réalité ce qu’il dit et qui me respecte. Reed n’a jamais fait ça.
Reed m’a toujours traité comme une potiche alors que Victor use de mes capacités : il m’a fait découvrir que je pouvais diriger d’une main de fer, que je pouvais mener des troupes et je ne le remercierais jamais assez pour ça. Nous sommes désormais plus qu’avec Reed et nous sommes encore plus forts qu’avant…bien plus qu’avec lui.
Reed ne m’a jamais acceptée telle que j’étais, Reed a toujours voulu me défendre mais jamais me comprendre…pas comme Victor. Je suis heureuse ici, je suis heureuse grâce à lui et je sais que personne ne pourra nous vaincre.
Reed est coincé dans sa chambre, devenu autiste pour nous « aider »…alors que c’était lui qui nous avait mis là, qui nous avait fait tomber dans ce piège. Cet homme est fort mais il n’est pas brillant ; c’est Victor qui a réussi à nous faire approcher des Architectes, à nous faire récupérer Joe et à nous faire vaincre la future Présidente des Etats-Unis. Enfin, future…elle ne le sera jamais. Victor prendra vite sa place, quand tout sera terminé.
Joe est dans la cave, il frappe quelque chose que je ne veux pas connaître : peut-être est-ce le mur, peut-être est-ce un corps…ça ne m’intéresse pas. C’est un monstre mais je sais que nous devons passer par ce genre d’allié pour vaincre : Victor me l’a expliqué. La fin justifie les moyens et nous nous débarrasserons de lui quand tout sera fini. En attendant, nous userons de sa force et de sa bestialité pour stopper la Ligue et les autres ; même si eux sont diminués, ils pourront revenir mais nous serons là. Comme pour les enfants de Xavier, dont Victor a trouvé la trace. Comme pour tous les autres…même Jordan.
Son Corps est en train d’être détruit et je sais que Victor pilote les attaques. Sa « station spatiale » tombera bientôt et j’ai hâte de la voir se crasher sur New York. Sinestro est l’homme que Victor use pour faire tomber cette menace et je sais que, comme Joe, c’est jouer avec le feu, mais nous n’avons pas le choix. Victor en sait beaucoup plus que moi sur lui, ses pouvoirs et ce qu’il veut faire et ce n’est pas grave ; lui doit être informé de tout ça, pas moi. Je ne suis que sa confidente, son amie, son alliée…sa femme. Je n’ai pas besoin de tout savoir.
Bien sûr, ça me ferait plaisir mais je comprends qu’il ne veuille pas qu’on s’en prenne à moi pour tout découvrir : nos ennemis sont capables de tout. Ils s’accrochent à une forme corrompue de société, où le Mal est partout et où l’espoir est mort. Evidemment, la démocratie est une belle chose mais donne-t-elle encore de bons résultats ? Est-elle encore une voie à suivre ?
L’Afrique est affamée et rongée par les luttes de pouvoir et les maladies, l’Asie étouffe sous les dictatures et les abus contre les libertés, l’Europe vieillit mal et voit ses acquis disparaître peu à peu pour survivre, l’Amérique du Sud est vaincue par les crises monétaires et la faim…et je pourrais continuer encore longtemps. La démocratie fait mal car elle est une utopie, car elle est un but ultime que personne ne pourra jamais atteindre. Elle offre une vision de ce que nous pourrions avoir mais que nous n’aurons pas – et il est temps que cela s’arrête.
Victor veut ça : il veut stopper cette machine infernale, il veut prouver au monde que quelqu’un doit prendre le pouvoir pour que tout s’arrange. Bien sûr, tout ne sera pas parfait mais…ça vaut le coup d’essayer, non ? Les dictatures sont détestées partout mais la démocratie ne donne pas de bons résultats, alors pourquoi ne pas laisser une chance à Victor ? Au pire, ça sera pareil, et au mieux tout ira bien. Pourquoi laisser passer une telle chance ? Parce que ça n’est pas moral ? Depuis quand la morale existe-t-elle encore dans un monde où Wall Street fait empocher des milliards à ses maîtres quand le monde est perdu dans une crise mondiale ?
Il est temps que les choses changent.
J’ai confiance en lui : je sais qu’il peut et va réussir. Il s’est entouré des meilleurs, leur fait croire qu’ils le contrôlent lui alors qu’il a toutes les clés en sa possession ; il est mon homme, le meilleur…bien plus fort que Reed.
Victor doit être en conférence et je ne veux pas le déranger, mais j’ai besoin d’exercice. Jadis, je serais allée voir Reed pour m’envoyer en l’air, mais heureusement c’est terminé. Je n’ai encore rien fait avec Victor et ça me plaît : nous construisons quelque chose, nous créons une relation et j’aime ça. C’est la première fois de ma vie et je suis prête à ça.
Lentement, je m’approche de la chambre de Victor et je n’ose pas entrer. A gauche, il y a la chambre de Reed mais je m’en fiche, je n’y pense pas. Victor, au son de sa voix, doit être en train de planifier les prochaines avancées avec ses « collaborateurs ». Sinestro doit être en télécommunication, avec son air hautain et fier ; Luthor doit discuter aussi avec lui, sûrement coincé dans un avion, ce cher « maître » de New York ; et Amahl Farouk doit aussi être des leurs, maintenant qu’il a trouvé un corps adapté à ses ambitions. Jordan ne saura jamais que la trahison vient de l’intérieur, vient de ce Kent qu’il pense timide et honteux d’avoir de tels pouvoirs mais dont l’esprit est depuis longtemps vaincu par le parasite. Quand tout ça apparaîtra enfin au grand jour, je ne pourrais m’empêcher de sourire : ce plan est juste parfait.
Ce sont les quatre êtres qui vont changer le monde, ceux qui vont le libérer pour le rendre meilleurs. Ils sont fantastiques et je suis fière que mon Victor gère tout ça, fière de faire partie du mouvement qui transformera ce monde en paradis.
Bien sûr, tout ne sera pas facile mais je suis persuadée que ça se passera bien – ça ne peut que bien se passer. Nous avons le plan, nous avons les moyens, nous avons la foi : ça ne peut pas aller mal. Ca ne peut pas faire comme avec Reed.
Je le regarde, d’ailleurs, et je ne peux m’empêcher de rire : il fixe le sol, accroupi, comme chaque heure de la journée. Il est devenu une masse immobile, usant parfois de son cerveau quand Victor le lui demande. Apparemment, son esprit a été altéré quand il nous a « sauvés » - même si je sais que Victor a fait plus que lui avec son petit doigt ! Victor ne m’a jamais vraiment expliqué comment il nous avait sortis de là, mais je sais que c’est lui qui a fait le plus gros. Ca ne peut être que lui.
Cet homme est pathétique : je suis sûre qu’il a dû se faire dessus et qu’il ne l’a même pas remarqué. Dire que j’ai couché avec ça ! Je devais vraiment être faible et désespérée. Heureusement, Victor m’a aidé : il m’a reconstruit, m’a expliqué tout ce que je devais savoir sur moi et comment je pouvais devenir quelqu’un d’autre…quelqu’un de meilleur.
Il m’a libéré, aidé et…et il m’a même trouvé un père. Oui, un père : je ne pensais pas ça possible mais j’ai bien un père et je peux aller le voir quand je le veux. Je n’ose pas encore, mais…mais je le ferais. Quand tout sera fini, quand j’aurais le courage. C’est un flic, apparemment : Storm, c’est mon nom de famille. C’est drôle vu le nom qu’on m’a donné à la naissance, ça devait être un signe…mais c’est bien mon père. J’ai un père.
Je ne sais pas comment il l’a trouvé mais je lui en serais éternellement reconnaissante. Victor m’a donné un passé, un présent et un futur ; comment pourrais-je ne pas totalement adhérer à sa cause ? En dehors du fait qu’il a raison, je ne pourrais décemment pas faire autrement. Il est l’homme qui m’a tout donné et ce n’est que le début. Je n’ai jamais été autant amoureuse…je n’ai jamais été autant prête à tout pour quelqu’un.
Je claque la porte de Reed et me dirige vers la salle d’entraînement ; Ben et Johnny continuent de s’occuper de leur côté : tout va bien. Victor s’occupe de tout et nous agirons bientôt, plus rien ne peut se dresser contre nous. Nous avons la puissance avec Sinestro, la foi avec Amahl, l’argent avec Luthor et l’unité avec Victor. Nul ne pourra nous résister et j’ai hâte d’avoir enfin tout ce que Victor m’a promis…tout ce que j’ai mérité.
J’en ai trop bavée pour m’arrêter maintenant : ce monde m’a trop fait souffert pour qu’il s’en sorte comme ça. Il sera nôtre car personne ne peut nous arrêter, personne ne sait jusqu’où nous pouvons aller et ce que nous avons à disposition ; nous sommes les maîtres, il est temps que ça se sache.
Alors que la porte se ferme, le regard fixe de Reed disparaît et un léger sourire apparaît sur son visage avant de disparaître fugacement ; encore une fois, il a usé de ses doigts pour percer un trou, ou plutôt utiliser un léger trou dans une plinthe, au mur. Victor pense qu’il est désormais un incapable, qu’il ne peut plus rien faire mais il se trompe.
Il l’écoute, entend presque tout – et il sait. Il sait tout. Et il est aussi temps que ça se sache.