Urban Comics
  La Ligue #9 : La Fin d'un Monde (2)
 
Auteur : Ben Wawe
Date de parution : Septembre 2008

« Les résultats viennent de tomber, mesdames et messieurs. Selon les dernières estimations, selon surtout les derniers messages provenant des bureaux des Etats ayant fermés leurs bureaux de vote en dernier, nous pouvons fièrement annoncer le nom de la ou de la prochain ou prochaine Président ou Présidente des Etats-Unis d’Amérique. Avec une majorité des voix et une majorité de représentants, le nouveau dépositaire de la fonction est…une dépositaire ! Monet Ste Croix est élue Présidente des Etats-Unis d’Amérique pour quatre ans !
- Putain de merde. »

Connor soupira alors qu’il avalait d’une traite sa cannette de bière. Il n’aimait pas ça, il savait que tout ce qu’il faisait allait être plus difficile avec la Folle aux commandes. Même s’il n’y avait pas de « réseau » entre les surhumains ou pseudos justiciers, il était sûr que tout le monde partageait sa vision des choses. Avec Ste Croix, faire partie du business allait être beaucoup moins facile et fun qu’avant.

« Quoi ? T’es pas content du vote du peuple ?
- Parfois, je me demande s’il devrait avoir le droit de vote.
- La démocratie est le pire des régimes, dit-on.
- Arrête avec Roosevelt. Laisse les morts où ils sont.
- On devrait donc oublier la Louisiane ?
- J’ai pas dit ça. »

Il se tourna et lança un regard noir à son interlocutrice, Donna Troy. Ils se trouvaient tous deux dans son appartement, où il dormait depuis deux semaines. Celle-ci avait proposée de l’héberger pour qu’il la remette « en état » et surtout pour ne plus être seule. Il était venu avec des nouvelles alarmistes et même si elle ne semblait pas encore le croire totalement, elle avait assez confiance en lui pour lui donner le bénéfice du doute. C’était tout ce qu’il demandait pour le moment.

« Tu sais bien que ça sera bien plus dur avec elle au pouvoir.
- J’ai votée pour elle.
- T’es pas Américaine.
- Si je l’avais été, j’aurais votée pour elle. »

Connor soupira à nouveau avant d’aller vers le frigo remplit de moitié de cannettes de bière. Il était plus jeune qu’elle d’un ou deux ans mais il avait l’impression d’être son père ou au moins son grand frère – et il n’était pas sûr d’apprécier. Ils n’avaient combattus ensemble qu’une seule fois mais il avait foncé la voir elle pour lui demander d’elle, et il ne savait pas pourquoi. Sûrement parce qu’il avait rapidement compris qu’elle était quelqu’un de fiable, ou peut-être aussi parce qu’elle était terriblement belle. En tout cas, il ne s’était pas attendu à la trouver dans un tel état et il devait avant tout la remettre en selle pour espérer qu’elle soit utile aux combats à venir.
Calmement, il se releva et but la moitié de la cannette avant de s’adosser à la cuisine et de lancer un regard fatigué à la jeune femme affalée sur le canapé. Ils venaient de passer la journée à courir, faire des pompes et s’entraîner et ils étaient complètement cassés. Tout ce qu’ils voulaient, c’était fermer les yeux et se reposer mais tous deux savaient que c’était impossible. Il restait le plus dur : la ronde du soir.

Depuis qu’il était venu la voir et qu’il avait compris qu’elle avait besoin d’aide, ils avaient convenus d’un programme de remise à niveau et malgré sa blessure, elle s’y tenait. Il l’avait emmené voir un médecin qui lui avait donné les bons soins et les médicaments et elle suivait scrupuleusement les indications même si elle s’était remise à se préparer depuis une semaine – et elle s’en sortait bien.

Même si elle n’avait pas encore retrouvée son grand niveau d’avant, elle faisait de bons progrès et sa blessure était presque entièrement guérie. Connor jouait le mentor et l’entraîneur acharné et même s’il savait qu’il n’était pas aussi fort qu’elle, sa hargne et son envie de continuer encore et encore s’étaient communiqués à Donna. Celle-ci retrouvait peu à peu son mental et sa rage de vaincre, et c’était exactement ce dont ils avaient besoin pour les combats à venir. Ils auraient même besoin de plus pour s’en sortir : seul un miracle pourrait les sauver mais il n’avait pas le cœur de l’annoncer à la jeune femme. Mieux valait éviter les mauvaises nouvelles dans son état.

« Bon, on y va ?
- Maintenant ?
- Bah oui.
- Je suis fatiguée…
- Plus vite on part, plus vite tu reviens pour dormir.
- Connor, je suis claquée, j’ai encore mal et on a passé la journée à se tuer au travail. Pour une fois, on ne pourrait pas faire une pause et faire autre chose ? »

Evidemment, il se retenait de répondre par la positive ; Donna était très belle et bien des idées lui étaient passées à l’esprit pour occuper son temps avec elle. Malheureusement, il savait qu’il n’avait aucune chance avec elle et que le combat à venir devait entièrement les occuper. Il avait vu avec l’échec des Titans que le manque de sérieux et de concentration pouvait amener des horreurs sans nom et il ne voulait pas que ça recommence. Il avait trop sacrifié alors, trop perdu pour refaire les mêmes erreurs, surtout à la veille du plus grand défi de son existence.

« Non. On doit se préparer, Donna.
- Tu ne me dis même pas ce qu’il se passe.
- Tu le sauras bien assez tôt.
- Je sais que tu aimes le théâtre et les mystères, l’Ombre, mais tu ne trouves pas que tu en fais trop, là ? »

Oui, il en faisait beaucoup mais pas trop, non – pas si on comparait ça à ce qu’il savait. Luthor et Farouk étaient prêts à mettre le monde à feu et à sang, et qui savait avec qui ils s’étaient alliés ? Ces êtres étaient parmi les pires de cette planète et il sentait que tout ça prenait une bien mauvaise tournure : entre le désastre de la Louisiane, leurs ennemis qui complotaient dans l’ombre et Ste Croix élue, il ne faisait pas bon être justicier en ce moment. Certains en profiteraient sûrement pour prendre leur retraite, mais lui n’avait pas le choix ; il avait des dettes à payer et des erreurs à gommer, le moment de reposer son arc n’était pas encore venu.

« Non. Viens, c’est l’heure. »

Evitant son regard, Connor se dirigea vers le coin de l’appartement qui lui était réservé et enfila son masque bricolé à la hâte et son carquois sur les épaules tandis que Donna prenait un foulant pour mettre autour de sa bouche et quelques armes. Leur ronde du soir se limitait généralement à sauter de toit en toit dans le quartier, stopper quelques voyous et revenir par le même chemin – qui était assez brutal après une journée d’efforts et avec une blessure comme celle de la jeune femme. Il détestait la faire souffrir mais avec ce que Tim lui avait dit, avec ce qu’il lui avait montré…ça ne serait pas superflu.
Même si elle le détestait à la fin, si avec ça elle revenait à son niveau, ils auraient peut-être une chance de s’en sortir, aussi infime soit-elle. Et ça valait bien tous les sacrifices.




« Alors Cliff, heureux ?
- Pourquoi le serais-je, Dane ? »

L’octogénaire au crâne rasé et au visage creusé de rides se tourna calmement vers le trentenaire au bras droit métallique. Le premier était habillé dans un smoking classique, noir avec une chemise blanche, le tout surmonté d’un petit nœud papillon du plus bel effet. Il tenait dans sa main un verre de Martini rouge avec un glaçon et un bout de citron, sa boisson préférée pour attendre les résultats. Il adorait le déguster tandis que le suspense augmentait et que la tension brûlait les nerfs de ses associés.
Là, alors que le scrutin était terminé et qu’il avait été informé de la grande nouvelle une heure avant les télévisions, il avala le contenu de son verre cul sec, signe de son mécontentement. Son camarade affichait lui aussi une mine sombre et sévère.

« Je pensais que ça vous ferait plaisir de me voir vaincu.
- Je n’ai jamais été pour cette femme, Whitman, vous devriez le savoir. Je ne vous aime pas, je ne pense pas que vous auriez fait un bon Président mais vous auriez sûrement été moins pire qu’elle.
- Vous auriez fait mieux ?
- J’aurais au moins eu l’expérience nécessaire pour essayer.
- Vous étiez peut-être trop expérimenté, non ?
- C’est bas de m’attaquer sur mon âge, Dane. Je ne vous ai jamais reproché votre poigne de fer. »

Il montra d’un geste de la main le bras ballant du candidat perdu et celui-ci eut un petit rire jaune. Vêtu d’un complet noir avec chemise blanche, il avait lui opté pour une cravate aux insignes des Whitman, faite exprès pour son père. Un vieux souvenir qu’il avait trouvé dans les restes de la demeure natale, une des rares choses qu’il acceptait de garder de son ancienne vie. Il avait espéré que ça lui porterait chance, mais apparemment la vieille malédiction des Whitman ne touchait pas que les âmes.

« Vous pensez que j’ai fait une erreur dans la campagne, Cliff ?
- Vous êtes jeune, Whitman, sûrement trop pour cette fonction, mais je ne vais pas vous jeter la pierre là-dessus – j’ai eu le problème exactement opposé. Non, je ne crois pas que vous ayez fait d’erreur, en dehors d’avoir été un ancien justicier.
- Vous l’avez été aussi, Cliff.
- Ça remonte à loin, quand même. Et n’oublions pas que c’était en période de guerre : le peuple accepte beaucoup de chose de la part de ses anciens combattants. Surtout que bien des gens ont oublié ce que j’ai fait en Allemagne…
- Vous ne regrettez pas d’avoir si peu agi par la suite ?
- Aurais-je dû ? Je ne sais pas, je me pose parfois la question. J’ai réutilisé le costume que m’avait donné l’armée – à la fois pour services rendus et aussi pour éviter les questions gênantes du Gouvernement – quelques fois par la suite mais ça ne collait pas. J’ai rencontré quelques justiciers de l’époque mais ce fut bref et surtout peu plaisant. Ce que vous avez fait vous était bien plus flagrant et utile.
- Mais les gens ne m’ont pas fait confiance parce que j’ai couru dans les rues avec une épée et un masque ?
- Je pense, oui. Voyez-vous, je suis dans la politique depuis bien longtemps – j’ai plus fait d’aventures politiques que d’aventures « héroïques », d’ailleurs. Et je crois que je peux parfois comprendre le jugement de l’Américain moyen. Je ne dis pas que je peux le prédire : si c’était le cas, nous n’aurions pas cette conversation. Mais ici, je pense que l’Amérique n’a pas votée pour vous parce que vos exploits étaient encore frais. Après tout, vous vous êtes battus au centre de Manhattan avec vos amis…
- …pour sauver des innocents !
- C’était quand même au centre de New York, Dane. De tels combats sont destructeurs et l’Américain moyen a peur de perdre ce pourquoi il s’est battu toute sa vie depuis le 11 septembre. Il suffit de lui dire que le danger est proche et de lui proposer une cible pour qu’il décharge toute sa peur et sa hargne dessus. Hier, c’étaient les islamistes et aujourd’hui…
- Aujourd’hui, ce sont les justiciers.
- Exact. Je pense que c’est parce que vous représentez l’inconnu, l’étrange que vous n’avez pas été élu. Ça, et la Louisiane bien sûr. On ne peut pas espérer s’en sortir en provenant d’un groupe dont certains ont participé à l’annihilation de milliers de citoyens américains – même si c’étaient des Lézards cannibales.
- Il m’était impossible de gagner, finalement.
- Oui et surtout pas contre elle.
- Ste Croix ? Je sais qu’elle est terrible, mais je ne pensais pas à ce point. Le débat n’avait pas été si mauvais que ça et je pense que s’il y en avait encore eu un ou deux, j’aurais pu faire quelque chose.
- Je le crois aussi, et c’est bien pour ça que ça n’est pas arrivé. Ste Croix est Républicaine, Whitman, ce qui veut dire qu’elle est du côté du Gouvernement actuel et qu’elle est la protégée des Grands de ce monde. Bon, les Architectes ont disparu mais ça ne veut pas dire que leurs plans sont tombés à l’eau – du moins, leurs plans à court terme.
- Ces types contrôlaient vraiment le monde ? Au vu de leurs cadavres et de leurs morts, j’ai du mal à y croire…et pourtant, j’en ai vu dans ma « carrière ».
- Je sais, ça choque. J’ai aussi eu des difficultés à comprendre comment leur emprise pouvait être aussi forte alors qu’ils n’étaient que des surhumains moyens, des pseudos êtres à pouvoir pas plus intelligents que la moyenne. Je crois qu’ils ont tiré les bonnes cartes aux bons moments, en utilisant des événements clés de l’Humanité pour accroître leur puissance financière et en montrant leurs pouvoirs quand il le fallait. Il faut se rappeler que jusqu’il y a peu, le monde ne savait pas que des mutants existaient, que des êtres pouvaient voler et qu’il n’était pas seul à avoir des formes de vie dans l’Univers. Les gens avaient peur de l’inconnu – ils l’ont toujours d’ailleurs, cela explique les dérives vues récemment et ce vote – et les Architectes ont utilisé ça avec une intelligence frôlant le génie. Ils n’étaient pas les meilleurs, ils n’étaient pas les plus forts : ils ont juste su où et comment frapper aux bons moments.
- C’étaient des maîtres stratèges, donc.
- Exactement mais ils ont fait une erreur en se croyant au-dessus des justiciers actuels. Ils pouvaient peut-être modeler les Etats et les lois à leur convenance, mais vos semblables ont des valeurs, des principes inaliénables. La bande à Susan Tempest n’est qu’un groupe de racailles, de voyous mais il n’empêche qu’ils ne se laisseront jamais faire et que la souffrance gratuite d’autrui ne leur est pas indifférente. Même de telles canailles ont des limites.
- Vous pensez qu’ils vont faire quelque chose contre Ste Croix ?
- Seulement si elle commence. J’ai entendu dire qu’ils avaient leurs propres plans, j’ai hâte de voir ce qu’ils ont en tête.
- Vous n’avez pas peur que le monde tombe dans le sang et les larmes ?
- Ça n’est pas déjà le cas ? »

Le vieil homme sourit tristement avant de s’asseoir à son bureau. Son jeune collègue se retira discrètement, prêt à répondre aux questions des journalistes à son quartier général, qui se trouvait dans l’immeuble particulier de Seccord. Celui-ci fixa son regard sur les grands immeubles de Manhattan, qui éclairaient la nuit comme des phares de l’ancien temps. Il se laissa aller à un long soupir en songeant que les quatre années à venir seraient très longues – si le monde y survivait. Et malheureusement, de cela il n’était pas très sûr.

« Donne-moi une raison de ne pas te sauter à la gorge et t’étouffer de mes propres mains.
- Tu ne peux plus courir comme avant, Barry. Je ne sais même pas si tu pourrais t’approcher de moi sans ta canne.
- Sale ordure. »

Barry Allen lançait un regard noir vers Tim Hunter, le responsable de ses malheurs. Ils se trouvaient dans un café, à Washington, juste en face d’un des grands établissements appartenant à Monet Ste Croix. Plusieurs dizaines de journalistes étaient rassemblés devant les grilles d’un des quartiers généraux officielles de la future Présidente des Etats-Unis et il était clair que l’endroit avait été choisi pour éviter que Flash ne s’en prenne au pseudo Sorcier Suprême de la Terre. Celui-ci avait perdu beaucoup de sa superbe depuis la Louisiane et le jeune étudiant dut bien avouer qu’il avait une sale tête, malgré tout son ressentiment.

Hunter avait été, la dernière fois qu’il l’avait vu, l’incarnation de l’arrogance et du mystère. Beau, fort, sûr de lui, il avait été leur seul espoir et les avait déçus en participant à l’un des plus grands massacres de l’Histoire. Il se doutait que ce n’était pas arrivé volontairement mais le résultat était le même et pour lui, Tim était l’homme qui devait payer pour tout ça. Néanmoins, même s’il avait envie de le frapper jusqu’à ce qu’il ait autant mal que lui, il devait bien voir que le Sorcier souffrait déjà beaucoup.
Les cheveux plus longs qu’avant et mal coiffés, la barbe sale et fournie, l’homme puait et c’était assez désagréable. Ses yeux étaient rougis – sûrement par l’alcool et par les drogues – et ses mains tremblaient chaque fois qu’elles quittaient la table, sur laquelle il les collait autant que possible. Il n’était plus que l’ombre de lui-même et le ressentiment de Barry disparut quelque peu – mais pas totalement. Sa douleur à la jambe et la lenteur dans laquelle il était obligé de vivre depuis un mois environ étaient insupportables et il devrait quand même payer pour ça.

« Je sais que tu m’en veux, Allen. Mais si tu es venu, c’est que tu veux savoir ce que j’ai à te dire. Tu pourras t’acharner sur moi autant que tu veux, mais écoute d’abord, ok ?
- Je ne refuse jamais une tournée quand elle est offerte. Surtout avec un budget illimité.
- Merde alors, on dirait que tu deviens un connard qui a de l’humour. Garçon ! Qu’est-ce que tu veux, au fait ?
- Café. Fort.
- Un café fort et une Pina Colada, alors.
- Il est dix heures du matin.
- En France, il est à peine quatre heures, tu sais. Et la Pina Colada est idéale pour finir une bonne soirée.
- Alcoolique.
- Merci du compliment. »

Le garçon les regarda comme s’il était en face de deux tordus se vannant et s’énervant sur des points de détail dans une bande dessinée ou un film de Star Wars – des geeks, quoi. Il en connaissait certains, appréciaient parfois leurs discussions mais si tôt dans la journée, après avoir dormi une paire d’heures et avec une gueule de bois carabinée, il était à deux doigts de les renvoyer à leurs délires mais il était parti avant le point de rupture. Barry et Tim, eux, n’avaient rien remarqués ; ils avaient des affaires plus urgentes à traiter.

« Pourquoi m’as-tu fait venir à Washington, Hunter ? Pourquoi aujourd’hui, pourquoi ici ? Je ne suis plus aussi rapide qu’avant et ça n’est pas facile de rassembler l’argent pour un billet et de convaincre ma mère que je ne perds pas totalement l’esprit.
- Tu n’as pas encore fait ta crise d’ado ?
- Tu veux dire me raser le crâne, m’adonner à la sorcellerie et détruire un Etat entier ? Non, désolé, pas encore. Par contre, on dirait que toi, c’est bon. Alors, c’est comment l’âge adulte ?
- T’es dur. »

Le regard d’Hunter était froid et mêlé de tristesse. Même avec sa rage au cœur, Barry se rendit compte que ses paroles lui avaient fait mal – mais il s’en fichait. L’homme en face de lui était responsable de son malheur et du drame de sa vie. Lui aussi avait le droit de souffrir, c’en était même un devoir après ce qu’il lui avait fait.

« Bon, laisse tomber. Je t’ai fait venir ici parce que le monde change et qu’il faut que tu sois au courant qu’il ne va pas dans la bonne direction.
- Ne me dis pas que c’est à cause de l’élection…
- J’aurais préféré Whitman mais ça aurait été la même chose, finalement. Le fait est que la Ligue a été dissoute avec la disparition de Jones et que nous avons besoin qu’elle revienne.
- Tes agissements l’ont fait disparaître.
- Arrête, quand je suis venu vous n’étiez déjà plus que l’ombre de vous-mêmes. Jordan vous avait lâché, Wayne est mort et vous vous preniez le bec comme des gamins. J’ai merdé, oui, mais ce n’est pas à cause de moi que tout a implosé dans votre groupe. »

Barry acquiesça : il avait raison. Hunter était responsable de beaucoup de chose, mais la Ligue était gangrénée avant qu’il n’arrive. De ça au moins, il n’avait pas la culpabilité. En silence, il lui fit signe de continuer alors que le serveur leur apportait leurs commandes en les regardant comme des pestiférés. Aucun n’y fit attention, à nouveau.

« Le souci est que je ne suis pas le seul responsable de la Louisiane. J’ai lancé le sortilège, je ne l’ai pas contrôlé mais il n’aurait pas dû avoir cette ampleur.
- Ne te cherche pas d’excuse, Hunter. Si tu m’as appelé pour que j’écoute ça, que j’écoute que finalement ça n’est pas de ta faute, laisse tomber. Je ne te pardonnerai jamais.
- Arrête un peu le numéro du vengeur incorruptible, maintenant. »

Alors qu’Allen s’était préparé à se lever, le ton cassant et autoritaire du Sorcier le calme. Celui-ci avait un regard qui lançait des éclairs mais qui recelait aussi de la…peur ?! Il avait peur ? Mais de quoi ? Même s’il n’avait aucune confiance en lui, Flash voulait quand même savoir ce qui pouvait troubler à ce point celui qui se surnommait le Sorcier Suprême et qui n’avait pas bronché face à une de ses victimes.

« J’ai merdé, j’assume. J’ai déjà perdu mes six amis et mon maître, Barry. Parce que des monstres ont décidé que nous gênions, ils ont ordonné notre mort et je ne m’en suis sorti que par chance. Tu le sais, tu as lu les dossiers de la Question comme tous les autres justiciers. J’ai assumé alors, j’assume maintenant. Mais je ne suis pas là pour me faire pardonner : je sais que c’est impossible et je ne lutterai pas contre ça. Ta colère est légitime mais je suis là pour t’avertir d’un danger.
- Quel danger ? »

Barry ne voulait pas excuser Hunter, il ne voulait pas l’apprécier mais il acceptait sa franchise. Il sentait que l’homme en face de lui parlait honnêtement, avec son cœur, et l’écouter ne serait pas un mal, finalement. Il avait fait le voyage jusqu’ici, autant aller au bout maintenant.

« John Jones a été enlevé juste après la Louisiane. J’ai pensé pendant quelques jours qu’il se cachait, mais je me trompais. Quand l’explosion a rasée l’Etat, des gens sont immédiatement venus le prendre.
- Comment sais-tu ça ?
- J’ai parlé aux animaux.
- Tu as quoi ?
- Je n’ai plus de pouvoir mais j’ai quelques petits tours, Barry. Laissons-là les détails : le fait est que les animaux l’ont vu se faire enlever.
- Tu parles aux animaux…
- Oui, ok, je parle aux animaux, et alors ? Laisse-moi finir.
- Avoue que c’est quand même dingue.
- Autant qu’un type qui vole ou d’un autre qui peut lire les pensées.
- Pas faux.
- Ok, je continue. Ces types sont venus et ont pris Jones pour l’emmener…quelque part. Je ne sais pas où mais je sais pour qui ils travaillent.
- Les animaux te l’ont dit aussi ?
- Sois sérieux : j’ai fait des recherches sur ceux qui sont intervenus en premier en Louisiane. Il s’agit d’une entreprise de sécurité et de sauvetage, Safe Incorportation.
- Et alors ?
- C’est une filiale d’un consortium dont l’actionnaire principal est Lex Luthor.
- Luthor ? Celui qui a attaqué les Architectes à Manhattan ?
- Exact, celui qui a participé à la formation de la Ligue. »

Allen n’aimait pas ce qu’il entendait parce que tout ça sonnait terriblement vrai. Il savait que Luthor ne devait pas aimer être à l’origine de la première équipe de justiciers connus du nouveau siècle et qu’il en voulait sûrement à Jones de les avoir rassemblés. De là à penser qu’il avait agi pour se venger de John, il n’y avait qu’un pas facile à sauter…

« Donc il aurait enlevé Jones ? Pour se venger ?
- Oui, mais pas uniquement. J’ai contacté l’Ombre et on en a discuté ensemble, et…
- L’Ombre est vivant ?
- Oui, il viendra bientôt. On en a discuté et on pense que Luthor travaille en duo avec Amahl Farouk.
- Qui ?
- Un agent des Ténèbres dont je t’ai parlé. Je ne sais pas qui c’est mais…mais son pouvoir est terrifiant. Il peut agir sur les gens à ce que j’ai appris, et aussi sur leurs actes. Je pense qu’il est intervenu lors de l’incident en Louisiane.
- Comment ça ?
- Je crois qu’il a essayé de faire quelque chose pour que ça se passe mal et que Luthor puisse récupérer Jones et vous dissoudre en même temps.
- Dans quel but ? Et comment aurait-il fait ? »

Barry n’oubliait pas son ressentiment envers Hunter, mais l’affaire était grave. S’il disait vrai, la disparition de Jones était catastrophique : ce type était une ordure tout autant que le Sorcier, mais il était terriblement puissant et sa présence chez Luthor était terrifiante. Il ne savait pas grand-chose du maître de Boston et de New York, mais ce qu’il avait entendu incitait à la prudence avec lui. Le savoir détenteur de Jones était tout sauf rassurant.

« Farouk agit sur les gens, mais je n’en sais pas plus. Ils ont peut-être besoin de Jones pour autre chose que des bêtes tortures. Il est télépathe, il peut servir à beaucoup de choses…surtout en période de fraîche élection et d’incertitude politique.
- Quoi ? Tu penses qu’ils veulent agir au niveau national ?
- Peut-être.
- Mais c’est trop tard ! L’élection est terminée, Ste Croix a gagnée. Elle va resserrer le filet autour de la gorge des justiciers et des criminels et même si ça sera dur, Luthor et les siens seront au moins calmés pendant un temps.
- Ah ? Tu crois qu’il va accepter ça ?
- Comment ça ?
- Je ne sais pas comment Farouk a fait pour agir sur moi, je ne sais pas ce qu’il s’est passé en Louisiane – et ça me hante. Mais il est clair que rien n’a fonctionné comme prévu et que ça sent le coup monté. Je pense que Luthor et les siens veulent faire quelque chose de gros pour montrer qu’ils sont dans la place et qu’ils sont dans les maîtres.
- A quoi tu penses ?
- Oh mon dieu…la Présidente ! »

Le serveur se tenait juste à côté des deux geeks qui parlaient de choses étranges, relatives à l’élection – sûrement un scénario de jeu de rôle ou quelque chose d’aussi inintéressant. Il n’avait pu retenir son exclamation en voyant sortir Monet Ste Croix de son quartier général, souriante et entourée de ses gardes du corps. Barry et Tim se turent en l’observant de loin. Même s’ils ne partageaient pas vraiment sa pensée, elle était quand même très belle pour son âge.

De là où ils étaient, ils ne voyaient pas grand-chose et n’entendaient rien mais se doutaient bien de ce qu’elle disait : le traditionnel discours post élection du vainqueur, les remerciements, la joie du travail bien fait, le courage face à celui à venir, etc. Elle ne ferait sûrement pas de grande différence par rapport à ses prédécesseurs même si elle allait devoir gérer un monde bien différent de celui que George W. Bush avait eu à affronter. Il n’y avait qu’à espérer qu’elle aurait un peu plus de réflexion et un peu moins d’extrémisme que lui dans ses choix – stratégiques et de conseillers, d’ailleurs.
Néanmoins, alors qu’ils allaient se remettre à parler, les deux hommes virent un événement qu’ils ne pensaient pas voir en réel, qu’ils croyaient réservés aux images d’archives de 1963. Tout se passa très rapidement, mais ils purent très distinctement entrapercevoir une jeune femme, blonde, s’approcher extrêmement rapidement de la foule et s’arrêter à plusieurs mètres de Monet Ste Croix. Dos à Barry et Tim, elle claqua des mains et tous les journalistes, tous les badauds amassés devant le cordon de sécurité protégeant la future Présidente furent expulsés sur les côtés par une force invisible. En une seconde, tout le périmètre avait été libéré et elle sortit un vieux Glock usé de sa poche, visant immédiatement Monet Ste Croix avec.

Evidemment, les agents de sécurité sortirent leurs propres armes et firent feu, mais les balles ricochèrent sur une sorte d’écran invisible protégeant la femme blonde. Ses hommes essayèrent de faire échapper la future Présidente mais celle-ci semblait totalement subjuguée par celle qui la mettait en joue et ne faisait rien pour aider à sa fuite, tandis que la surhumaine blonde appuyait très calmement sur la détente après avoir suivi les quelques pas faits par réflexe par sa cible. La balle suivit une trajectoire parfaite, alors qu’un des agents de sécurité se jetait devant Ste Croix pour la protéger mais était expulsé par une nouvelle force invisible. Le petit objet sphérique pénétra très logiquement la poitrine de la future Président dans un jet de sang, alors que celle-ci s’écroulait tout normalement après le choc.

Comme toujours dans de tels événements, de grands cris furent poussés dans l’air et une dizaine d’hommes armés se jetèrent sur la femme qui venaient de tirer, qui lâcha tout calmement son arme. Sa protection invisible disparut devant les yeux éberlués de Barry et de Tim, qui ne comprenaient absolument pas ce qu’il se passait. Tous les agents de sécurité tombèrent sur la tireuse, qui s’écroula avec eux sur le sol. Ils ne pouvaient pas voir ce qu’il se passait mais s’étant levés et un peu approchés comme tout le monde, ils purent entendre ce qu’elle criait avant que plusieurs poings ne viennent s’écraser sur son visage et l’empêcher de parler.

« Pour Doom ! »

Et là, ils surent que le pire était arrivé. Ils surent que la Guerre était proche.
 
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