Urban Comics
  La Ligue #7 : Démons de Louisiane (4) : Le prix du sang
 
Auteur : Ben Wawe
Date de parution : Août 2008


« Est-ce que tu connais quelque chose à la magie ?
- Non. »

Donna avait répondu d’une voix calme à la question qu’on lui avait posé. L’homme en face d’elle était assis en tailleur sur le sol sale et humide, et tous les autres étaient en cercles autour de lui. Ni Flash, ni Steelman ne semblaient à l’aise, l’Ombre restait comme toujours silencieux et John Jones n’arrêtait pas de sourire ; il semblait être soulagé de la présence du nouveau mais personne ne le suivait. Chacun avait l’air d’avoir peur de lui.

« Je suis magicien…sorcier, si on peut dire. »

Sa voix était calme, posée. Il avait enlevé son long manteau et ses yeux étaient sombres comme la nuit ; dès qu’il posait son regard sur quelqu’un, celui-ci se sentait mal à l’aise. Il était encore jeune, il ne devait pas avoir plus de vingt ans, mais il semblait avoir vécu plus qu’il n’aurait dû. Une longue série de souffrance se lisait sur son visage mais il n’en jouait pas. Il semblait l’accepter comme un fait immuable.

« J’ai été recruté par le plus grand d’entre tous, par celui qui empêcha le monde de devenir pire. J’ai hérité de son savoir, de sa force et je devais mener mes frères et sœurs vers la Lumière, vers la voie voulue par notre mentor. Nous devions protéger le monde des forces obscures qui le guettent. J’ai failli à ma mission. »

Aucune émotion ne passa sur son visage. Donna ne comprenait rien à ce qu’il disait, manquant évidemment d’information, mais elle sentait que les autres étaient dans la même situation qu’elle. Cet homme, ce Tim Hunter comme leur avait dit John, était bizarre…étrange. Trop étrange, peut-être : elle n’était pas rassurée de l’avoir avec eux.
Leur leader, ou plutôt l’homme qui voulait manipuler Steelman et Flash, avait décidé en effet de lui demander son aide et ni elle, ni l’Ombre n’avaient dit quelque chose. Elle ne savait pas ce que lui pensait de tout ça, mais elle sentait que même si elle acceptait les décisions de Jones et qu’elle les comprenait, elle n’y adhérait plus autant qu’auparavant. Que ses collègues soient calmés pour que leur but soit accompli était nécessaire, mais John s’était préparé à leur faire un lavage de cerveau et elle avait du mal avec ça.

Elle avait été réveillée par l’Ombre sans un mot et elle avait compris immédiatement ce que leur chef avait voulu faire. Elle le vit fixer Flash et Steelman et sut alors qu’ils n’auraient aucun souvenir de tout ça, mais Jones avait apparemment usé trop d’énergie et n’avait plus la force de faire de même pour elle. Pour le moment, elle avait donc encore ses souvenirs et elle savait quels biens précieux ils représentaient face à John. Celui-ci lui lançait quelques regards par moments et malgré son sourire, elle savait qu’il n’était pas rassuré ; il voyait son équipe, son monde se désagréger au fil des instants dans cette situation qui devenait catastrophique et il ne savait pas comment s’en sortir. Elle non plus, d’ailleurs.

« Les Architectes, ceux-là mêmes que vous avez défendu à Manhattan, ont fait tuer mes amis et j’ai été moi-même blessé, à un point tel que j’ai perdu le savoir de mon maître. »

La voix de ce Tim Hunter continuait d’être terriblement neutre alors qu’il parlait d’événements tragiques. Donna savait qu’ils avaient dû protéger des êtres monstrueux pour empêcher un massacre à New York, mais elle n’avait pas imaginé que ces hommes et ces femmes avaient ordonnés de tels assassinats. Ses collègues lui avaient bien parlés d’actes du même genre, mais elle avait songée qu’ils allaient trop loin, qu’ils enlaidissaient la situation pour augmenter leur culpabilité…elle avait remarquée qu’ils aimaient bien ça, se sentir coupables de leurs actions. Mais apparemment, elle s’était trompée.

« J’étais le Sorcier Suprême de la Terre, chargé de la protéger contre ses menaces les plus terrifiantes. Hélas, il doit toujours y avoir un Sorcier Suprême : il y en a eu à chaque génération et cela continuera éternellement. Quand l’un meurt, sa puissance et son savoir partent chez un autre hôte, si l’on peut dire. C’est plus ou moins ce qu’il s’est passé. »

La jeune femme n’était pas énormément intéressée par ce qu’il disait. Même si elle savait que la magie existait et qu’elle pouvait faire des choses extraordinaires pour ceux qui savaient s’en servir, elle avait eu de mauvaises expériences sur son île et était consciente que tout ça n’était pas vraiment une affaire pour les hommes. Ils étaient trop instables, trop immatures et trop peu confiants en eux pour ça ; même si celui-ci semblait être assez sérieux pour tenter de comprendre la magie, il était évident qu’il n’avait pas été à la hauteur. Tout cela aurait été beaucoup mieux si une femme avait été à sa place.

« Je suis mort quelques secondes par noyade, mais j’ai été repêché par des villageois qui m’ont fait revenir à la vie. J’ai été dépossédé de ma puissance mais le savoir ancestral des Sorciers Suprêmes m’est resté. Je ne suis qu’une partie de ce que j’ai été, comme le nouvel hôte n’est qu’une partie de ce qu’il sera. Tant que je vivrai, il sera incomplet et vice versa. »

Hunter regardait Donna comme si il savait ce qu’elle pensait et elle n’aimait pas ça. Ils étaient en train de perdre un temps précieux à écouter les délires d’un imbécile qui n’avait pas su gérer au mieux les dons qu’il avait reçus et en plus Jones semblait être prêt à lui faire entièrement confiance. Elle ne supportait pas quand les hommes se laissaient aller à autant de bêtise : elle n’avait rien eu à redire sur leur leader jusqu’à maintenant, qui prenait les bonnes décisions aux bons moments, mais là il faisait tout de travers.
Déjà, il ne se faisait pas suivre par ses hommes mais surtout il tentait de la contrôler elle, alors qu’elle avait toujours été de son côté et ça n’était pas acceptable. Plus elle y pensait, plus elle avait envie de lui faire payer ça. Même si il était un homme sûr et fort, ce qu’il avait voulu faire était trop et il devrait y faire face. Evidemment, elle laisserait la crise se passer avant d’agir mais elle n’oublierait rien.

« Je suis venu en Louisiane dès le début de la crise, comme l’Ombre dont j’ai déjà entendu parler. »

Le nouveau venu acquiesça aux paroles de Hunter. La jeune femme n’appréciait pas non plus cet homme : il était trop mystérieux pour elle. On lui avait toujours dit que ça n’était pas un mal de cacher des choses à autrui tant qu’on ne le faisait pas de manière extrême et lui allait trop loin. Il avait apparemment un penchant pour le théâtre mais elle ne supportait pas ces manières de faire, comme de ne pas dire son nom ou de parler si peu. Déjà qu’elle trouvait les costumes de Steelman et de Flash pathétiques et enfantins, voilà qu’en plus elle devait subir une sorte de fantôme de l’opéra archer…ça commençait à faire beaucoup pour elle.

« Je sais que vous tentez de la gérer mais ça ne fonctionnera pas si vous continuez ainsi : les Lézards doivent être stoppés définitivement.
- C’est ce que j’ai proposé, Tim. D’ailleurs, nous avons un plan qui devrait donner de bonnes choses : il suffirait que Flash et Steelman usent de leurs pouvoirs pour réduire les effectifs adverses à deux à trois fois moins pour que tout devienne plus simple. »

Les deux héros ne réagirent pas aux paroles de Jones et Donna tiqua en voyant ça. Elle savait qu’ils n’aimaient toujours pas l’idée et pouvait les comprendre même si au fond elle aurait agit comme John. Celui-ci n’avait pas le choix et savait qu’attendre encore augmenter les risques de propagation : mieux valait tout étouffer dans l’œuf, quitte à se salir les mains. Il avait compris les nécessités d’une telle guerre mais eux étaient encore dans leur esprit de justiciers…ils n’étaient pas tout à fait des soldats et elle savait que ça devait changer.
Elle avait songée à leur en parler quand tout ça serait fini mais elle n’aimait pas ce qu’elle voyait. Même si elle sentait que leur chef serait obligé de les « pousser » un peu à l’aider durant la mission, elle ne supportait pas un tel contrôle mental : c’était aller trop loin selon elle.

« Ca n’est pas une bonne idée.
- Quoi ? »

Jones fronça les sourcils et Donna sourit intérieurement en voyant leur nouvel allié rejeter d’une voix très froide la proposition de leur leader, qui semblait pourtant si sûr de lui. Même si elle savait qu’au fond il avait raison, après tout ce qu’il venait de faire, le voir se prendre un tel revers était plaisant.

« Je ne pense pas qu’assassiner froidement des Lézards soit la solution adéquate.
- Mais…on ne peut pas les laisser là… »

Le télépathe était troublé et pour une des premières fois le montrait vraiment. La jeune guerrière n’était pas habituée à le voir ainsi mais enregistra bien tous ces éléments pour pouvoir lui expliquer sa façon de penser plus tard. La vengeance était un plat qui se mangeait froid, et ses sœurs lui avaient apprises à attendre le temps qu’il fallait.

« Non, on ne peut pas mais il ne faut pas non plus verser dans le massacre de masse : ça n’est pas ainsi que nous devons régler la situation.
- Comment, alors ? Où veux-tu les envoyer ?
- Chez Furlarak.
- Qui ? »

Steelman et Flash restaient silencieux, des statues vivantes contrôlées par un maître semblant avoir perdu la foi et sa neutralité légendaire. L’Ombre observait plus Jones que Hunter et Donna se demandait si le groupe avait encore de l’avenir avec tous ces désistements et ces nouvelles mesures imposées. Même si l’idée de les rassembler était belle, il était clair que plus rien n’allait et que leur chef était plus un tyran qu’un véritable commandant. Peut-être devrait-elle aussi quitter la Ligue après la fin de la crise…et après s’être vengée, évidemment. Elle ne laisserait pas le télépathe s’en sortir aussi facilement.

« Un vieil…ami. »

Tim Hunter se leva calmement et craqua sa nuque en la faisant bouger. Il planta son regard sombre dans les yeux de Jones, qui tentait de reprendre son masque de neutralité ; la réussite n’était pas au rendez-vous.

« Il fut envoyé dans une sorte de poche dimensionnelle…un sanctuaire mystique où mon mentor le détruisit définitivement, jadis. Je sais comment créer la porte menant à cet endroit qui débouche sur tous les cercles des Enfers et de leurs annexes, mais il est impossible d’aspirer tous les Lézards en un coup.
- Il faudra les pousser dedans ?
- Non. Il faudra que vous les liiez tous ensemble.
- Comment ça ?
- La magie, ça n’est pas simplement sortir un lapin de son chapeau ou bien invoquer des forces provenant des anciens dieux : c’est bien plus complexe. Elle est faite d’invocations, de demandes refusées ou non, de rites sacrés ou impies, de sacrifices plus ou moins forts, de paroles anciennes et puissantes…la magie est faite de beaucoup de mots, en fait. Mais elle a aussi besoin d’objets pour avoir une planche dans le réel, quelque chose auquel se raccrocher pour libérer la puissance. Les mots sont des réceptacles de cette force mais il faut plus parfois. C’est le cas ici. »

Sa voix était calme et posée, presque envoûtante. Même si elle était encore concentrée sur les mauvaises actions de Jones, Donna se sentait plus concernée par ce qu’il disait qu’auparavant. Elle comprenait plus ou moins la magie comme lui mais elle ne pensait pas qu’elle pourrait être utile dans cette crise. Les femmes qui en usaient sur son île étaient bien différentes que lui, plus prêtresses que magiciennes, et jamais elles n’auraient imaginées user de leurs forces à des fins aussi agressives.
Encore une fois, elle voyait toute la perversion que pouvait receler l’âme masculine…même si cela pouvait aussi avoir son utilité, admit-elle à contre cœur.

« Je peux envoyer les Lézards là-bas si chacun est recouvert d’une substance plus ou moins sacrée.
- Sacrée ?
- Ou du moins transformée. J’essaye de simplifier les choses pour vous. »

Hunter prit de l’herbe au sol et regarda quelques brins avant d’en faire voleter certains. Il resta silencieux quelques secondes avant d’en garder trois et de les montrer à ses nouveaux collègues, ahuris devant une telle attitude.

« L’herbe de Louisiane a été salie par le sang des innocents dévorés ou massacrés par les Lézards : elle regorge de la douleur de tous ces gens vaincus et détruits. Elle fera un réceptacle parfait de sang et de colère pour cela. Les objets ont besoin d’un lien avec le rite : c’est exactement ce qu’il nous faut. Il faudra que tous les Lézards que nous enverrons là-bas aient été touchés par une herbe que j’aurais transformée en liquide. Ça sera votre mission et tout dépendra de vous. »

Etrangement, personne ne réagit.
Steelman et Flash étaient contrôlés par Jones et ne firent qu’acquiescer avant de partir de leurs côtés, l’Ombre retourna sous les arbres pour réfléchir à lui-même et John tenta d’argumenter avec Hunter mais celui-ci coupa vite court à ses prétentions. Donna tenta d’en entendre plus sur ce qu’ils avaient à se dire mais ils se déplacèrent exprès pour éviter les oreilles indiscrètes et elle ne put que voir le résultat de ce petit dialogue : leur leader avait vu toutes ses demandes refusées et voilà que le petit « nouveau » faisait comme il l’entendait. Si elle avait appréciée son plan, elle aurait applaudi devant tant de courage et de brio.

Malheureusement, elle ne trouvait pas ce qu’il avait prévu très brillant. Même si l’idée de repousser les Lézards en les téléportant dans l’antichambre des Enfers était plaisante, elle sentait que devoir toucher tout le monde serait quasiment impossible. L’idée était bonne mais le procédé irréalisable : jamais Hunter ne parviendrait à préparer assez de sa mixture pour que chacun parvienne à toucher assez de monstres pour que deux tiers d’entre eux disparaissent de la surface de la Terre.

Néanmoins, Donna ne dit rien : ça n’en valait pas la peine. Jones partait de son côté en semblant de plus en plus touché par ce qu’il se passait et elle resta assise tranquillement, sous un arbre. Elle savait que le groupe se dissolvait au fil des journées et qu’il ne survivrait plus longtemps mais elle n’avait pas envie de se battre pour lui. Elle était venue dans ce monde pour tenter de le changer ou au moins de le rendre un peu meilleur, mais la Ligue n’était peut-être pas le bon moyen pour ça. Elle devrait continuer de son côté, sûrement sans eux après cette crise.

Lentement, la journée s’obscurcissait jusqu’à disparaître totalement pour laisser la place à une nuit bien noire. Hunter s’installa seul dans un coin, parlant tout seul, bougeant les mains de manière apparemment aléatoire et mélangeant l’herbe avec des produits issus des poches de ses vêtements. La jeune femme l’observa encore une heure avant de finalement se coucher pour se reposer. L’Ombre avait proposé de prendre la première garde et les autres se chargeraient de la suite : on n’aurait même pas besoin d’elle, ça lui ferait du bien.
En quelques instants, Donna tomba dans un sommeil réparateur, sans rêve. Ça faisait longtemps que ça ne lui était plus arrivé.

Elle fut réveillée le lendemain par un Flash au regard vide et aux gestes étonnamment lents : il était toujours possédé par Jones et elle comprit alors que tout ce qu’elle avait vu n’était pas issu de son imagination mais malheureusement bien réel. Elle se leva rapidement, passa un peu d’eau sur son visage avant d’aller voir Hunter, entouré de Steelman, John et l’Ombre. Ils semblaient être fatigués mais prêts ; peut-être allait-il y avoir enfin un peu d’action.

« C’est prêt. »

Le magicien avait parlé d’une voix froide en révélant les armes de Donna, les flèches de l’Ombre et plusieurs fioles posées au sol. La jeune femme prit d’abord très mal le « vol » de ce qu’elle considérait comme sa propriété absolue et lança un regard noir à Hunter avant de se calmer : ça ne valait pas la peine de s’énerver, mieux valait garder sa colère pour les Lézards et leur faire payer tout ce qu’ils avaient fait. Le nouveau était impoli et stupide, mais ça n’était qu’un homme et elle ne pouvait pas attendre beaucoup plus de cette branche de l’évolution.
Elle inspira donc lourdement pour marquer son mécontentement avant de répliquer d’une voix très froide, ses yeux ravageurs plantés dans ceux du magicien.

« Qu’est-ce que c’est ?
- J’ai enroulé tes balles de l’herbe transformée par mes soins ainsi que tout le reste. Tes chargeurs sont aussi remplis de balles spéciales. Avec ça, dès que vous tirerez sur un Lézard, tout sera bon. Pour Steelman et Flash, il suffira de mouiller régulièrement vos gants et de toucher un Lézard et ça fonctionner aussi.
- Donc il suffira juste de faire ça ?
- Pour vous oui. Moi, ça sera plus dur. »

Le regard de la jeune femme fut plus perçant : elle n’aimait pas les mystères quand ils mettaient potentiellement en danger sa vie. Elle sentait que Hunter lui cachait quelque chose, leur cachait à tous d’ailleurs et elle n’appréciait pas ça. La situation était trop grave pour jouer à ça.

« Pourquoi ?
- Je vais devoir ouvrir une porte sur une dimension de poche alors que je n’ai plus que le savoir du Sorcier Suprême : je devrais passer par les anciennes pratiques pour faire ça.
- Lesquelles ?
- Celles qui faisaient brûler ceux qui en usaient jadis. »

La réplique de Hunter fut assez tranchante pour lui permettre de se retourner sans devoir subir une réponse de la part de Donna. Celle-ci savait que ce magicien n’était pas le premier venu mais elle n’imaginait pas qu’il était réellement capable de faire ça ; ils étaient en train de parier la réussite de leur plan et leur survie sur un homme apparemment diminué et qu’ils ne connaissaient que depuis quelques heures. Pourtant, ni l’Ombre, ni Jones ne disaient quelque chose et elle sentait qu’elle était en infériorité : elle devrait se plier à cette décision.
Evidemment, elle aurait pu refuser de les suivre, les planter là mais ce n’était pas ainsi qu’elle avait été élevée. Là où elle venait, on ne suivait pas toujours les ordres mais on était loyal avec ses compagnons : si ceux-ci décidaient une chose avec laquelle on n’était pas d’accord, on les suivait quand même – autant pour les protéger que pour les remercier de ce qu’ils avaient fait pour vous auparavant. Avoir des frères d’armes était parfois plus important que certaines valeurs.

Elle acquiesça donc en silence en reprenant ses armes et se prépara au combat. Flash et Steelman, toujours manipulés d’une manière monstrueuse par Jones, prirent les fioles et s’aspergèrent les mains avant de filer dans les airs et les arbres : ils semblaient être chargés d’une mission divine et ne pouvaient parler à cause de leur concentration extrême. Pourtant, elle connaissait l’effroyable vérité et n’y adhérait pas ; elle devrait vraiment s’occuper de John à leur retour.





Plusieurs heures plus tard, Donna était posée sur une branche, à attendre. Ça faisait dix minutes qu’elle était là sans rien faire mais elle savait que ça paierait bientôt : son piège fonctionnerait. Elle avait trouvé différentes parties d’innocents massacrés par des Lézards et les avaient rassemblés, sous l’arbre : même si ça n’était pas de première fraîcheur, c’était un déjeuner de choix pour ces monstres. Et elle comptait bien être de la fête.

Depuis qu’ils s’étaient tous lancés pour suivre le plan de Hunter, la jeune femme n’avait eue aucune nouvelle des autres : elle ne savait même pas si ils étaient encore vivants ou non. L’Ombre avait disparu de son côté après le départ des deux surhommes contrôlés par Jones, et celui-ci s’était aussi fait très discret. Elle était finalement partie après un dernier regard vers le magicien, sur qui tous leurs espoirs étaient fondés. Elle ne lui faisait pas confiance et sentait qu’il ne serait pas à la hauteur, mais elle était loyale et continuerait la lutte jusqu’au bout – quoiqu’il lui en coûte.

Lentement, les Lézards arrivèrent et elle sourit comme un chasseur voyant sa proie approcher. Elle vérifia une dernière fois que ses balles étaient bien chargées et elle se mit en position. Son but n’était plus de tuer mais de toucher le maximum de cibles possibles…de préférence de manière mortelle. Elle avait déjà eu énormément de Lézards mais plus il y en aurait, mieux ça irait. Jones pourrait contrôler les monstres restants, et il serait alors suffisamment diminué pour qu’elle puisse l’affronter. Même si ça ne lui plaisait pas de devoir combattre quelqu’un de faible, elle savait qu’elle ne pourrait rien contre lui en temps normal…et il devait payer pour ce qu’il avait fait.
Calmement, elle visa le premier Lézard et attendit que ses compagnons, qui étaient environ une dizaine, soient assez près pour éviter une erreur qui lui serait peut-être fatale. Même si elle était en hauteur sur sa branche, ces monstres commençaient à évoluer et ils pourraient peut-être user de leurs griffes pour monter – mieux valait être prudent.

Elle appuya avec un plaisir non dissimulé sur la détente, touchant le premier, puis le second, puis le troisième en changeant en une seconde de cible. La jeune femme avait une mémoire visuelle terrifiante et étonnante, et savait désormais où était placé chacun de ses adversaires. C’était pour ce don et le reste de ses facultés physiques qu’elle avait été choisie pour venir par ici et elle aurait en être digne.

En quelques instants à peine, elle blessa chaque Lézard et ceux-ci commençaient à montrer leur énervement. Les derniers avaient tentés de fuir mais avaient été beaucoup trop lents pour échapper aux tirs de Donna, qui dut se retenir pour ne pas les achever. Elle savait qu’elle devait maintenant passer à un autre arbre et les laisser là, agoniser avant que Hunter ne les emmène au loin, mais elle n’aimait pas ça. D’une part, elle voulait finir le travail car elle avait été élevée dans le but de terminer ce qu’elle avait commencé, mais surtout elle ne trouvait pas ça très…humain.
Même si elle avait été pour le massacre des Lézards, c’était pour libérer ces pauvres êtres de leurs horribles conditions – un acte de pitié en quelques sortes. Les laisser ainsi, blessés et sur le point de mourir, ça n’était pas quelque chose qu’elle aimait. Elle trouvait ça horrible et animal.

Malheureusement, Donna n’avait pas assez de balles pour les achever et continuer sa mission ; même si c’était horrible, elle se devait avant tout à la Louisiane et était dans l’obligation de les laisser là pour faire évacuer le plus gros de leur « horde ». C’était dur, mais elle devait agir ainsi.

La mort dans l’âme, la jeune femme se prépara à sauter sur une autre branche quand le ciel changea soudainement de couleur. C’était l’après-midi, il faisait beau et chaud mais en un instant le bleu azur se transforma en orange vif. Elle resta sur sa branche en observant cela d’un air soupçonneux avant que des pics rouge n’apparaissent par endroits dans le nouveau ciel. Elle serra ses armes par réflexe en se demandant ce que c’était même si au fond elle connaissait déjà la réponse : Hunter avait commencé.

Il avait dû se lancer plus tôt que prévu dans son incantation et voilà qu’il envoyait les Lézards dans un autre monde. Donna n’avait pas encore touchée assez de monstres à son goût mais ça suffirait peut-être pour sauver la Louisiane…ou pour prouver qu’elle avait raison. Si Hunter se trompait, ça prouverait enfin sa supériorité et elle prendrait peut-être le pouvoir dans le groupe. Celui-ci pourrait même avoir une utilité réelle si tout se passait bien.

Sous elle, les Lézards se tordaient de douleur mais disparurent en quelques secondes : ça fonctionnait. Même si ça ne lui plaisait pas de se l’avouer, la jeune femme était rassurée de voir que les choses avançaient un petit peu, malgré la stupidité de Hunter d’avoir fait ça trop tôt. Ses ennemis n’étaient plus qu’un souvenir et elle sentait qu’il en était de même pour tous les autres ; c’était très efficace, finalement, plus qu’elle ne l’avait imaginée.
Elle descendit calmement sur le sol et continua de regarder le ciel, qui ne bougeait plus. Elle trouvait étrange que l’effet dure aussi longtemps : même si la magie pratiquée chez elle n’était pas comparable, on lui avait toujours dit que plus elle était éphémère, mieux c’était. La longueur était toujours synonyme de danger.

Donna tourna la tête vers les arbres pour se rappeler le chemin qu’elle avait empruntée pour tenter de revenir et découvrir ce qu’il se passait, mais elle fut stoppée dans ses pensées par un terrible éclair qui lézarda par monstrueux craquement le ciel : un éclair noir. Elle fut pétrifiée en voyant cela et surtout en apercevant une énorme vague d’énergie en face d’elle. Apparemment, l’éclair avait libéré quelque chose qui se dirigeait droit vers elle !

Elle n’avait aucune idée de ce que c’était mais se mit à courir par réflexe, mais c’était trop tard : elle ne pouvait rien contre ça. En quelques secondes, Donna fut rattrapée par la terrifiante vague d’énergie bleutée et plaquée au sol. Autour d’elle, les arbres brûlaient et étaient réduits en cendres – elle-même souffrait le martyr. L’énergie envahit tout l’Etat et ravagea tout sur son passage.
En un instant, la Louisiane fut réduite à néant ainsi que tous les êtres qui s’y trouvaient. Les Lézards avaient été vaincus…mais à quel prix ?
 
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