Histoire : P'tit Lu
Date de parution : Mars 2006
Résumé : Après avoir abandonné son rôle et ses pouvoirs d’Avatar du Dieu Araignée, Ben Reilly – alias Spider-Man – se rend à Paris où il espère en vain y retrouver de la famille. Traînant devant une fac de Lettres, il a une altercation avec Matthieu Sylvestre, juste avant l’assaut de Volt, un étudiant aux pouvoirs électriques que le Gorille a déjà affronté.
« Incroyable » souffla Ben en réalisant ce qui venait de se passer : alors que le jeune homme blond avait lancé un éclair du bout de ses doigts en direction de banc sur lequel l’Américain était posé, celui-ci s’était élancé avec l’énergie du désespoir, sans y croire vraiment tant cet éclair avait été rapide. Et puis, il n’était plus Spider-Man, il avait abandonné son rôle et ses pouvoirs… mais alors qu’il aurait dû être grillé sur place, il réalisa qu’il se trouvait indemne, à une dizaine de mètres du banc !
« C’est impossible ! » murmura-t-il. « J’ai perdu mes pouvoirs ! »
C’était la panique sur le campus, les étudiants et les passants courraient à perdre haleine autour de lui pour échapper au… monstre électrique à l’apparence humaine. Quelqu’un devait arrêter cette chose ! La police mettait trop de temps à débarquer… Ben sourit en voyant en vitrine d’une boutique de déguisements et de farces et attrapes le masque de Spider-Man version Peter Parker, rouge traversé de traits noirs.
« Chassez le naturel… »
Jérémy Granger tendit le bras vers une étudiante qui s’effondra immédiatement après que son éclair l’ait touchée. Etait-elle morte ? Il n’en savait rien et s’en moquait : il se sentait enfin libre. Jamais il n’avait ressenti un tel sentiment de puissance ! Il comptait bien en profiter le plus longtemps possible, il commençait même à penser qu’il n’y avait pas de raison qu’il doive s’arrêter un jour…
- Finis les dégâts, l’ami.
- Qui… ?
Il s’effondra alors qu’une masse lui tombait dessus, une masse noire portant un masque de gorille, un épais pull et un jogging noir ainsi qu’une paire de gants épais de la même couleur.
- Encore toi ! cracha Volt en se relevant face au Gorille.
Il balança une charge vers le super-héros français qui l’esquiva en sautant par dessus son ennemi. Le Gorille profita de la surprise de la manœuvre pour envoyer un uppercut au jeune homme.
- Désolé de te l’annoncer comme ça, mais l’EDF a appelée, elle compte porter plainte pour concurrence déloy…
Mais le Gorille fut frappé de plein fouet par un éclair. Le héros resta tétanisé quelques secondes à cause du choc électrique, et quelle ne fut pas sa surprise, en levant les yeux, de retrouver Volt debout dans les airs, à deux mètres du sol ! Le jeune homme électrique paraissait d’ailleurs tout aussi étonné, voire effrayé, que lui :
- Je… Je vole ?! Mon électricité me fait voler ! J’y crois pas, merde, je veux descendre de là !
- Tu l’as tuée, salopard… gronda une nouvelle voix derrière lui sans lui laisser le temps de réaliser la chose. Elle ne respire plus, tu l’as tuée d’un coup de jus !
Ben bondit vers lui avec une aisance étonnante pour quelqu’un qui devrait être redevenu un « simple » humain et lui décocha un crochet du droit qui envoya le jeune homme électrique quelques mètres plus loin, au sol. « Spider-Man » atterrit tout aussi aisément et tendit la main au justicier français au sol.
- Ça te dit toujours de te battre ? lui demanda-t-il en essayant de cacher son accent américain.
- Plus que jamais, camarade… répondit le Gorille en se relevant avant de réagir à l’accent de son interlocuteur : Toi !
Tétanisé qu’on ait pu le reconnaître ici, Ben additionna deux et deux et…
- Toi !
- On se connaît depuis trois minutes et on connaît déjà nos secrets respectifs, posa le Gorille. Généralement, on attend le troisième rendez-vous pour ça.
Volt se releva et, tout en se massant délicatement la nuque, s’éleva de deux mètres dans les airs, et tendit le doigt vers la paire de super-héros en marmonnant des menaces que lui seul comprit. Puis, pour mettre ses menaces à exécutions, électrocuta et tua sur le coup deux étudiants qui avaient eu l’imprudence de vouloir voir le spectacle de plus près.
- Ça n’est que le début ! lança-t-il.
Matthieu Sylvestre vit rouge en constatant les corps sans vie des deux étudiants et un coup d’œil à l’Araignée suffit pour les mettre d’accord. Ben bondit vers le criminel et attira son attention avec une tentative de coup de poing que Volt esquiva en se déplaçant dans les airs grâce à son nouveau pouvoir. Mais la véritable attaque arriva juste après, alors que Matthieu balançait dans la tête de son adversaire un banc qu’il venait d’arracher au sol. Il pensa un instant aux réparations que ça allait causer, mais se dit qu’après les voitures brûlées dans les banlieues il y a quelques semaines, un banc passerait quasiment inaperçu…
Volt reçut le banc dans le ventre et s’effondra ; Ben en profita pour l’attraper par le cou et le soulever et, stupidement, Volt déchargea son électricité dans Spider-Man, pensant venir à bout du super-héros. Très mauvaise idée. Ben contracta alors tous les muscles de son corps sous l’effet du choc électrique continu, resserrant involontairement au maximum ses doigts autour du cou du criminel électrique… Celui-ci poussa un râle glauque alors que la super-force de l’Américain lui broyait la trachée, et tenta de stopper en vain son assaut électrique. Il ne pouvait plus s’arrêter ! Il ne contrôlait plus rien !
Le Gorille assistait impuissant à la scène : s’il essayait de les séparer, il serait grillé sur place. Apparemment, l’Américain avait une constitution plus costaude que la sienne et lui permettait de supporter un temps le choc électrique. Mais bientôt, tous les deux allaient mourir…
- Police, mains en l’air et tout de suite ! cria-t-on à une dizaine de mètres d’eux.
Matthieu réalisa que trois voitures de polices étaient arrivées et que cinq hommes armés pointaient leurs armes vers eux, tandis qu’un autre appelait des renforts.
- Non ! cria Matthieu. N’aggravez pas la situation !
- Le Gorille… entendit-il. Tirez à vue !
- Fais chier…
Il bondit sur le côté juste avant que les pistolets ne détonnent, évitant par miracle de se faire tuer. Alors qu’il courait se réfugier derrière un muret, une balle lui siffla à l’oreille, et comme les miracles restent rares, autre alla se loger dans son épaule gauche. Il poussa un cri de douleur mais put rejoindre son refuge.
Pendant ce temps-là, un ricochet vint s’éclater aux pieds de Volt, ce qui sortit étrangement son cerveau de sa torpeur. Il stoppa sa décharge électrique, libérant par la même Ben qui relâcha le criminel. Tous deux s’effondrèrent, mais l’homme électrique réussit à se relever en couvrant délicatement sa gorge avec sa main et à courir vers une plaque d’égout qu’il fit sauter grâce à ses pouvoirs et à s’y engouffrer. Ben, lui, ne s’était pas relevé.
Matthieu courut vers lui malgré sa blessure à l’épaule et l’installa sur son dos. Ben reprenait ses esprits :
- What… Où on va… ?
- Tu vas m’aider à rattraper ce cinglé. Blessé, je n’y arriverai jamais seul, alors je t’engage, Spider-Man.
Ils plongèrent dans l’accès aux égouts de Paris.
* * * * * * *
- Les égouts de ta ville sont un véritable labyrinthe ! s’exclama Ben Reilly. Comment on va le retrouver ?!
Le Gorille marmonna une réponse vague et jeta un regard de dégoût en baissant les yeux vers la tranchée remplie d’eau usée à leur gauche. Eux, heureusement, se déplaçaient au sec, et Matthieu remercia silencieusement les constructeurs des égouts parisiens d’avoir pensé à eux. Un bandage de fortune avait arrêté le saignement de sa blessure, mais elle continuait à lui faire atrocement mal. Comme pour détourner l’attention, il lança :
- Alors comme ça, tu viens de New York ? C’est vrai ce qu’on dit ?
- A propos de quoi ?
- Des super-héros. C’est vrai qu’il y a en a dans tous les coins ? Genre Eots, Steelman, Daredevil… Vu d’ici, on a l’impression que ça pullule chez vous.
- J’ai croisé Daredevil, il est sympa. Il y a d’autres groupes, mais nos idées divergent. Divergent beaucoup, même.
Ben repensa alors à Nick Fury et ses Avengers, ou encore aux flippant compagnons de Reed Richards. Il se demanda comment s’était terminé l’entrevue de Luthor et de Fury, il n’en avait eu aucun écho dans les journaux. N’aurait-il pas été plus rassurant de savoir que Luthor avait été tué ? En même temps que Fury ?
Devant la mine sombre de son nouveau « collègue », Matthieu tenta une autre approche :
- Sinon, tu es ici pour quoi ?
Ben sourit :
- Tu ne préfères pas que je te parle des autres super-héros ?
Il n’avait aucune envie de raconter à cet homme les raisons de sa venue, ses parents morts, le reste de sa famille ici décédée… Matthieu le comprit et acquiesça :
- J’adorerais ! Le seul autre héros dans cette ville, c’est l’Archer, et il est loin d’être bavard. Tu connais le nouvel Hawkeye ? Tu lui as déjà demandé pourquoi il ne porte pas le costume violet de son prédécesseur ?
- Bah… non. Depuis quand il y a un nouvel Hawkeye ?
- Et Thor, c’est un vrai dieu nordique ? Comment il fait pour voler ? C’est vrai qu’il contrôle la foudre ?
- Jamais rencontré. Comment tu connais tout ce monde ?
- Internet. On a découvert quel était le groupe de mecs aux super-pouvoirs qui avait combattu Magnéto et sa bande ? Ça me travaille depuis des semaines, une amie à moi pense que ce sont des mutants. Ridicule.
- Ce sont des mutants.
Matthieu s’immobilisa, complètement interloqué.
- Quoi ?
- Je connais l’un d’eux, ils se font appeler les X-Men. Ce sont de vrais mutants.
- Les mutants existent ?! Mais… Mais…
Matthieu pensa immédiatement à Annabelle, à qui la « légende » des mutants donnait des sueurs froides. Ça n’allait pas arranger sa phobie, il valait mieux qu’il oublie de lui dire pour l’instant. Il arpentait les toits parisiens toutes les nuits depuis des semaines, comment était-il possible qu’il n’ait jamais croisé certaines de ces… « créatures » ?
- On suit la bonne piste, Volt est passé par là, observa Ben en attrapant un morceau de la chemise de leur proie accroché à une barre fine dépassant du mur et contre laquelle Volt s’était cogné.
L’existence des mutants travaillait encore le super-héros français.
- Et ils peuvent vraiment avoir n’importe quel pouvoir ? N’importe quelle apparence ? Ils peuvent lire dans nos pensées ? Mais c’est super flippant !
- Mais tu te tais jamais ?! s’énerva Ben, dont la patience venait à bout. C’est normal qu’il n’y ait pas plus de héros ici s’ils sont obligés de t’écouter parler !
Un ange passa, et Matthieu lâcha :
- Ça veut dire que c’est pas la peine que je te demande pourquoi tu ne portes plus ton costume noir ?
Ben renifla de désapprobation et reprit sa marche.
* * * * * * * *
Jérémy Granger poussa un cri de frayeur en entendant un bruit suspect non loin de lui. Il pensait pouvoir s’échapper par les égouts, mais « ils » étaient déjà sur ses traces ! « Ils » allaient le rattraper, c’était inévitable, personne ne leur échappe ! Sa panique était incontrôlable, il était devenu incapable de penser rationnellement.
Son pouvoir était puissant, mais il était loin de suffire face à « eux » ! Recroquevillé dans un coin sombre, il attendait le moment inévitable où on viendrait le chercher. Son cœur battit la chamade lorsqu’il entendit des pas s’approcher de lui. Ils étaient deux… c’était « eux » !
- Et c’est comme ça que j’ai détruit un quartier entier de Paris pour battre la Faux, dit une voix. Ça n’a rien arrangé à ma popularité.
Attaquer par surprise. Seule chance.
Il bondit à quelques mètres d’eux et leur jeta un regard menaçant en se chargeant d’électricité.
- Vous ne m’aurez pas !! Vous m’avez entendu ?!
La première chose qui frappa le duo de héros fut les yeux du criminel : injectés de sang, reflétant une folie meurtrière chez celui qui était peut-être bien un mutant. Pris de court, le Gorille et Ben Reilly ne réagirent pas à temps et leur ennemi les projeta dans les eaux usées à l’aide d’une décharge. Jérémy exultait : il avait réussi à les vaincre, « eux », si puissants ! Mais dans un étrange moment de lucidité, il réalisa.
Il avait vaincu ces deux types, mais pas « eux ».
Ces deux types n’étaient pas « eux ».
Ce qui ne l’empêcha pas d’électriser au maximum l’eau dans laquelle les deux héros venaient de tomber, alors même qu’ils poussaient des cris d’horreur…