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  Le Gorille #19 : Retour parmi les vivants - la confrontation
 

Histoire : P'tit Lu
Date de parution : Décembre 2006

Résumé : Lors d’une journée porte ouverte d’un laboratoire, un accident provoque la mort d’un groupe de visiteurs, en dehors de Frédéric – tombé dans le coma – et de Matthieu Sylvestre, qui s’est vu doté grâce à cet accident de pouvoirs faisant de lui le Gorille. Mais après deux mois et demi de sommeil, Frédéric se réveille doté des mêmes pouvoirs que Matthieu. Un réveil qui attire l’attention du Maréchal, alias François Leconte, un richissime homme d’affaire qui fait enlever Fred pour en savoir plus sur ses éventuels pouvoirs. Lorsque Matthieu rejoint Fred pour le faire évader, il se retrouve face au Maréchal…



* * * * * * * * * *

Paris VII
Sous sol de la tour Leconte
Vendredi 23h30




Fred était sur mon dos, complètement HS sûrement à cause des médocs que les scientifiques persos du Maréchal lui avaient fait prendre… J’étais au 3eme sous sol du siège de l’empire économique du même Maréchal… Le Maréchal en question était face à moi et je réalisais qu’il ne s’agissait que d’un vieillard en fauteuil roulant poussé par un costaud, ils me bloquaient la sortie… Ça peut paraître bizarre, mais jusque-là tout ne se passait pas trop mal. C’est juste après que ça a commencé à vraiment sentir le pâté.
- Monsieur Matthieu Sylvestre, sourit le Maréchal à mon intention.
Il connaissait mon identité. Cet homme possédant une bonne partie de la ville grâce à sa fortune et à la peur qu’il inspirait, ça signifiait qu’il pouvait me réduire en insecte en moins de temps qu’il n’en fallait pour le penser. Je pouvais carrément oublier toute perspective d’avenir.
- Désolé, Mat… pleurnicha Fred. Je voulais pas leur dire, mais ils… ils…
- Tu ne pouvais pas rester dans le coma, toi ?! Tu ne m’as vraiment apporté que des emmerdements !
Le Maréchal fit signe à son homme de main :
- Wilson, s’il fait mine de vouloir s’en aller, je vous autorise à les tuer tous les deux.
Wilson hocha de la tête.
- Et maintenant, reprit François Leconte, il est temps que nous ayons une petite discussion.
- Je vais vous dénoncer… ce que vous faites ici dépasse les limites de l’ignoble et de l’imaginable.
- Dans ce cas-là, je révèlerai votre nom à la presse.
- Je raconterai aussi les contrats que vous mettez sur la tête des gens.
- Votre ami Frédéric ne sera en sécurité nulle part, de même que votre entourage.
- Votre esclave Wilson a beau être costaud, jamais il ne pourra m’empêcher de sortir d’ici et de parler à la presse.
- Et qui vous croira ? Chaque année, des dizaines de témoins pensent pouvoir me faire tomber en racontant tout à la presse… Pourtant, aucun gros titre ne m’a fait trembler jusque là.
- Je ne suis pas n’importe qui : je suis un super-héros. Je ne suis pas une personne, je suis un symbole. On ne voudra pas se mouiller pour le témoignage du pékin lambda, mais pour celui du Gorille, ça… Que les gens m’aiment ou me détestent ça n’a aucune importance, parce que je suis plus qu’un homme pour eux. Mon témoignage a de l’importance. Avec moi, quelques journalistes auront le courage d’aller plus loin… suffisamment loin en tout cas pour que la police ait l’idée d’ouvrir une véritable enquête.
Après un instant de réflexion, il hocha de la tête en joignant ses deux mains par le bout des doigts.
- Je pense qu’un silence mutuel nous serait le moins néfaste à tous les deux… à tous les trois.
- Ne vous approchez plus de nous… ni de notre entourage. Et tout ce que je sais sera mis en sécurité dès que je sortirai d’ici, au cas où il m’arriverait quelque chose.
Il sourit :
- Vous êtes malin, Sylvestre. Cela dit, j’y perds plus que vous dans cette histoire… Mes scientifiques n’ont pas fini d’examiner votre ami, ils ne savent pas encore d’où lui viennent ses pouvoirs, ni leur étendue. C’est un cas intéressant, d’autant qu’il ne s’agit pas d’un mutant. Pour le relâcher, il me faut une contrepartie.
- Quelle contrepartie ? Devenir votre tueur comme l’était George Batroc ? Ne faites pas cette tête, je me suis renseigné sur vous, j’ai appris des trucs intéressants. La disparition de Batroc il y a trois ans n’a pas dupé tout le monde. Il est hors de question que je devienne votre marionnette.
- Je ne pensais pas à ça…

Ça m’avait coûté une fiole de mon sang, mais le marché avait été conclu. Ce n’était pas un cadeau que je lui faisais : il savait tout de moi, ce sang il l’aurait obtenu rapidement d’une façon ou d’une autre, alors autant ne pas lui donner de raison de faire rôder ses hommes autour de moi. Il me raccompagna jusque dans le hall de la tour Leconte en parfait gentleman alors que je portais toujours Fred sur mon dos, sous l’œil mauvais des mercenaires qui n’attendaient qu’une occasion de me faire la peau. Je me doutais qu’une dizaine de personnes devait déjà être en train de vider le troisième sous sol.
Alors que j’arrivais à la porte de l’immeuble que Wilson s’apprêtait à m’ouvrir, nous entendîmes des crissements de pneus dehors et vîmes jaillir de nulle part trois fourgonnettes et quatre véhicules de police qui s’arrêtèrent à quelques mètres à peine de l’entrée. Une quinzaine de policiers d’intervention en sortit et pointèrent leurs armes vers nous, et le commandant El-Hamar sortit de son véhicule, un mégaphone à la main.
- François Leconte, sortez du bâtiment ! Nous savons qu’un homme recherché par la police se trouve dans le bâtiment, et j’ai ici un joli petit papier qui m’autorise à entrer et à fouiller chaque recoin de l’immeuble pour le retrouver ! Oui, Maréchal, chaque étage, chaque bureau, chaque coin de tapis ! Et ne rêve pas : j’ai une autorisation exceptionnelle qui me permet de ne pas attendre 6h du matin pour intervenir !
Le Maréchal me lança un regard noir :
- Vous ne deviez pas prévenir la police, n’est-ce pas ?
- Je ne lui ai rien demandé, grognai-je. Là, il vous a eu.
- Non, pas encore. Je connais un bon moyen de rendre son mandat caduc…
Cinq secondes plus tard, François Leconte, poussé par Wilson, sortait de l’immeuble face à l’air satisfait d’El-Hamar… air satisfait qui se mua en grimace quand il me vit aux côtés du vieillard milliardaire.
- Le Gorille n’est plus dans l’immeuble, commandant, lança le Maréchal. Capturez-le si ça vous chante, ça n’est plus mon problème, et ça ne concerne plus le bâtiment. Tout le monde ici en sera témoin.
Le regard meurtrier d’El-Hamar me fit bien plus mal que toutes mes autres blessures physiques… En foutant en l’air la seule occasion de mettre le Maréchal derrière les barreaux, j’avais l’impression de ne pas valoir mieux que lui. Le prix à payer pour sauver ma peau me sembla plus lourd que prévu.
Avec un soupir de déception, j’ai adossé Fred à la façade de l’immeuble : il était en sécurité maintenant, il ne risquait plus de lui arriver quoi que ce soit d’autre cette nuit, je n’avais plus à m’en occuper. Puis je me suis tourné vers les policiers qui n’attendaient qu’un ordre pour me neutraliser, et j’ai compris que si je voulais filer, il me faudra d’abord passer par eux. Alors j’ai bondi vers eux en espérant que ma bonne étoile me permettrait de pouvoir m’enfuir sans trop me faire de mal…

* * * * * * * * * *

Paris XIV
Appartement 12, 4 rue Thibaud



Il était tard quand je suis rentré chez moi cette nuit-là, pourtant je trouvai la lumière du salon allumée. Ce n’était pas Annabelle, mais Thibaut qui s’était levé pour boire un verre d’eau. Il me salua d’un geste de la tête, je fis de même et j’allais retourner dans ma chambre pour dormir un peu quand je réalisai que j’agissais comme un idiot. Annabelle avait raison, en ne faisant pas attention à ses petits amis sous prétexte qu’elle n’était pas stable à ce niveau-là, je la traitais comme une moins que rien.
Et puis, elle avait l’air de tenir à lui.
- Salut, je m’appelle Matthieu, dis-je en lui tendant la main. On n’a jamais vraiment eu l’occasion de parler…
- Thibaut, fit-il en me serrant la main. Content de te rencontrer enfin, Annabelle n’arrête pas de parler de toi. Fais gaffe, elle ne t’a pas à la bonne en ce moment.
- Ouais…
J’ai jeté un coup vers sa chambre et je l’ai aperçue, réveillée et me jetant un œil méfiant. En comprenant ce que je faisais, elle me sourit franchement et se rendormit.
- … mais ça devrait aller mieux, maintenant.

* * * * * * * * * *

Epilogue
Dimanche 22h15




- Cédric… soupira François Leconte, assis à son bureau, dans l’immeuble qui portait son nom. Mais comment ai-je pu avoir un fils aussi minable ?
- Votre fils n’est pas votre plus gros problème, Maréchal, dis-je en me laissant soudainement tomber du plafond et en plaquant violemment une feuille froissée sur le bureau face à lui.
Il n’y jeta qu’un coup d’œil rapide sans prononcer un mot.
- Cette lettre a été écrite par Fred, il m’y explique qu’il a décidé de changer d’air quelques temps et qu’il partait sans me dire où. Du jour au lendemain. En n’emportant que quelques affaires. Sa mère et sa sœur ont eu la même à quelques mots près.
Il ricana :
- Et tu crois qu’il s’agit de moi, c’est ça ? Que je l’ai fait enlever et que j’ai maquillé la manœuvre ? Penses-tu qu’il soit actuellement dans un autre de mes laboratoires ?
- L’écriture correspond avec la sienne. Mais je vous promets que si jamais j’apprends que vous êtes derrière tout ça, d’une façon ou d’une autre…
- Un conseil d’ancien, Gorille : ne te lance pas dans une bataille perdue d’avance. Tu n’as pas les armes pour te dresser face à moi, et le stupide marché que nous avons conclu ne veut en aucun cas signifier que tu es de taille à me tenir tête. Prends le uniquement pour ce qu’il est : un arrangement entre nous. Point final.
- Ce n’est pas fini.
- Disparais.
A court d’arguments, je lui ai tourné le dos et je me suis alors dirigé vers la baie vitrée que j’ai ouverte. Avant de sauter, j’aurais aimé lancer le mot de la fin, du style « je vous aurai » ou « je trouverai le moyen de vous faire tomber », mais ça aurait sonné terriblement faux. Il avait raison, je n’étais pas de taille à lui faire peur, même l’Archer m’avait conseillé de ne pas m’attaquer à un poisson de cette taille. Pourtant l’Archer en avait fait tomber plus d’un.
Cela dit, je n’étais pas de taille contre la Faux non plus et il croupit en prison.
- Je vous aurai.
Puis j’ai sauté en réponse au sourire moqueur qui formait sur ses lèvres.

 
 
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