Urban Comics
  Legends #23 : Un nouveau monde 2
 
Auteur : Lex
Date de parution : Janvier 2009

Le ciel s’était assombri. Déjà, d’épais cotons gris envahissaient le ciel auparavant azuré. Les baigneurs avaient déjà regagné les rivages pour éviter le gonflement inévitable des vagues et la pluie qui ne tarderait à s’abattre. Même les surfeurs habitués au roulis friscoan se résignaient à laisser là leurs exploits pour la journée. Tous connaissait les dangers qu’impliquait ce genre de temps orageux. L’océan se déchaînait et perdait toute notion de pitié envers ceux qui s’aventuraient sur son territoire. Il broyait les téméraires, trop fous pour survivre au rouleau compresseur qui ravagerait les côtes. Bien des non initiés s’étaient laissés avoir par ces changements soudains et le Pacifique perdait toute sa bienveillance envers eux, les dévorant comme du menu fretin avant qu’ils ne réalisent quoique ce soit d’autre qu’un mur d’eau qui leur tombe sur la figure.

Bobby avait assez d’expérience pour se montrer prudent et exhorter ses amis de faire, eux aussi, preuve de prudence. Ils étaient les plus aguerris des surfeurs de cette plage, et bien souvent, c’était à eux qu’on s’adressait pour avoir tel ou tel renseignement quant à la qualité de l’eau et les conseils à suivre pour une baignade tranquille. Et lorsque le ciel prenait cette teinte grisâtre, alors il était certain que la meilleure chose à faire était de s’en aller.

Bobby, suivi de ses compères, tous en combinaisons jaunes et noires, atteignirent la plage sans difficulté. Puis, planche sous le bras, ils se dirigèrent tranquillement vers leurs cabanons, un peu plus en hauteur. Déjà, ils pouvaient remarquer que le sable n’accueillait plus personne et qu’on avait hissé le drapeau rouge. Une chance que les maîtres-nageurs fassent leur boulot de temps en temps. Depuis l’attentat contre la présidente et la loi martiale, la Californie était ébullition et San Francisco également. Les surhumains sortaient de leur tanière, affichant leur volonté de ne pas se laisser arrêter et mettre dans des camps. En un sens, c’était normal comme réaction et parfaitement humain. Mais certains d’entre eux s’étaient implantés profondément et faisaient régner leur loi, sans que la police puis faire quoique ce soit. Aussi, plus personne n’était là pour surveiller les baigneurs, la police côtière étant trop occupée à déjouer des attaques de plus en plus fréquentes contre les pillages et actes malveillants sur la côte. La plage n’avait pas encore était investie par un de ces groupes de surhumains, raison pour laquelle elle était délaissée par les autorités, qui concentraient leurs forces dans les rues de la ville. Le pire, songeait Bobby, c’était que partout en Californie, ces violences se produisaient. Déjà, l’armée avait été envoyée à Los Angeles pour rétablir l’ordre. Bientôt, Frisco passerait sous la tutelle du général Anders, basé à Sacramento.

Le monde devenait fou, tout comme les éléments qui se déchaînaient maintenant avec vigueur. La mer et le vent s’évertuait d’un commun accord à déplacer les immenses vagues vers la plage. A l’abri, Bobby attendrait que ça passe tout en discutant avec ses amis des terribles calamités qui assommaient le monde, sans que personne ne puisse y faire quoique ce soit. Les États-Unis étaient à feu et à sang. La Chine avait conclu une alliance avec la Corée du Nord et la Mongolie et s’apprêtait à déclarer la guerre au Japon, à grand coup de surhumains et bombes. L’Europe était la proie de tensions fortes entre les membre de l’Union Européenne. Et que dire de l’Afrique ? C’était la guerre civile généralisée.

« Le monde part en couilles mes amis… »

C’était la conclusion qu’apportait Bobby à sa réflexion. Le monde partait sacrément en couilles.

« Hé mais… Qui sont ces types ? »

Bobby lança un regard étonné à l’un de ses comparses qui tapotait sur la fenêtre du cabanon en désignant un groupe d’individus sur la plage. Intrigué, il le rejoignit. Les intrus étaient une vingtaine. Ils portaient tous des shorts hawaïens et autres conneries de ce genre. Equipés de planches, ils s’apprêtaient à affronter les vagues.

« Ils sont cinglés ceux là… »

Les surfeurs se regardèrent puis, d’un commun accord, décidèrent de sortir voir ça de plus près. Dehors, la pluie tombait et le sable trempé collait aux pieds.

« Hé ! Qu’est-ce que vous foutez ?! »

La voix de Bobby alerta les surfeurs inconnus et téméraires, qui se retournèrent. Ils étaient en fait dix-sept. Neuf garçons et huit filles. Quelque chose chez eux déplut immédiatement à Bobby. Ils n’étaient pas comme les autres. Ils semblaient… différents; il n’aurait pas su dire ce qui les différenciait tant de lui et des autres surfeurs, mais il y avait un petit truc qui ne collait pas du tout. Aussi, lorsque celui qui semblait être le chef, un homme brun au visage mal rasé et à l’œil gauche zébré d’une large cicatrice, se dirigea vers lui, il se prépara à se défendre.

« Salut les gars.
- La baignade est interdite ici, c’est dangereux.
- Je sais ça. J’ai vu le drapeau. Mais je n’ai pas vraiment peur de l’océan, vous savez.
- Je m’en tape ! Vous risquez de mourir si vous y aller.
- Je crois que vous ne m’avez pas bien compris. »

L’homme recula de quelques pas avec un sourire énigmatique, puis saisit sa planche. Avant que Bobby ait eu le temps de dire ou faire quoique ce soit, il s’élança à l’assaut de la mer devant ses disciples aux larges sourires. S’imaginaient-ils le danger qu’encourait leur mentor ?

D’abord happé par les flots, Bobby le crut mort. Puis, soudain, l’eau se mit à frémir à un endroit bien précis, au beau milieu d’une vague de dix mètres au moins. Et une formidable explosion retenti, comme si une bombe venait d’exploser sous la surface en mouvement. Coupée en deux, la vague retomba, inerte, au niveau de la plage. Que s’était-il passé au juste ? Alors qu’il s’interrogeait, Bobby fut de nouveau surpris lorsque l’océan se mu comme un seul et même être, et forma un géant fait d’eau et d’écume. Deux lueurs rouges brillaient à l’endroit où devait se trouver ses yeux et des bras d’une envergure démesurée partaient d’un tronc massif. Ses jambes correspondaient à deux énormes piliers bleus.

Un monstre.
Et c’était ce type qui venait de le créer.
Ou plutôt, c’était ce type qui s’était transformée en cette chose.

« Nom de Dieu…
- Et ce n’est qu’une infime parti de ce dont il est capable. »

Une jeune fille blonde venait d’adresser à Bobby cette remarque. Son ton était doucement humoristique. Une gentille moquerie qu’on fait à un gosse.

« Mais qui c’est-ce mec ?
- Garth… La Tempête.
- Quoi ?
- Il est maître des océans, le plus puissant des Atlantes. »

Les Atlantes ? Ces créatures marines qui avaient fais signe aux terrestres humains en assiégeant l’ONU ?

« Mais… mais qu’est-ce qu’il nous veut ?
- Voyons… Nous sauver, tous autant que nous sommes. »

Cette fille prenait ce Garth pour un sauveur, une sorte de Messie. Apparemment il avait convaincu une poignée de fidèles. Des surfeurs barges qui l’idolâtraient, à en voir leurs regards éblouis par les prouesses de l’Atlante. Quoiqu’il en soit, Bobby et ses amis devaient se dépêcher de prendre la poudre d’escampettes et aller prévenir les autorités. Ce type était potentiellement très dangereux. Il pouvait rayer San Francisco de la carte sans mal. Il fallait l’arrêter à tout prix.

Se tournant vers ses amis qu’il s’apprêtait à convier à son départ de la plage, il vit avec horreur qu’eux aussi semblaient fascinés par cette créature. Ils avaient lâchés leurs planches et souriaient bêtement, comme les autres. Affolé, Bobby se retourna et voulut prendre ses jambes à son cou. Mais une force étrange l’en empêcha. Au contraire, il s’étala de tout son long sur le sable gris.

« N’ais pas peur. »

La voix de la fille blonde résonnait dans sa tête. Comment faisait-elle ça ? Et qui l’immobilisait ? Un hawaïen aux cheveux longs avait les yeux fermés et semblait concentré. C’était donc une bande de mutants ? Ou des Atlantes ?

« Nous ne sommes pas des Atlantes. Nous étions comme toi avant. Laisse nous te transformer, Bobby.
- Non ! Laissez-moi ! »

Cette fille était cinglé ! Elle voulait le forcer à adorer cette créature marine. Comment pouvait-elle faire ça ?

« Comme ça. »

En une seconde à peine, Bobby perdit connaissance. Au loin, Garth venait d’abandonner son armure d’eau et rejoignait ses « hommes ».

*




Garth caressait doucement la chevelure de sa compagne, Dolphin. Il l’avait connu dans une autre vie, avant la Révélation et l’enseignement d’Atlan. Ils s’étaient aimés. Ils s’étaient séparés. Ils s’étaient retrouvés. Elle était devenue sa reine et son bras droit. Ses pouvoirs psychiques, que Garth lui avait offert, faisait d’elle une arme de choix, capable de venir à bout de toutes les résistances. Telle une sirène, ses pensées envoûtaient les hommes et les rendaient dociles comme du bétail. Elle les reconditionnait ensuite en en faisant des machines obéissantes. Mais cette manipulation mentale n’était appliquée que lorsque la propagande auprès des mutants et des humains ne marchait pas. Ce qui arrivait de temps à autres. Plus fréquemment que Garth l’aurait souhaité.

« Que prépares-tu ? »

La voix douce de Tula réveilla Dolphin. Garth l’avait recueillit dans les parages. Ancienne justicière, traîtresse de son groupe, elle avait été prise en main par la bande qui l’avait aidé à se remettre sur pieds. Très vite, elle était devenue la seconde compagne de Garth. On aurait pu penser que Dolphin verrait en elle une sorte de concurrente. Mais au contraire, Garth avait eu la surprise de voir qu’une réelle amitié était née entre les deux jeunes femmes. Parfois, cette amitié allait même jusqu’à de petits jeux de plaisirs qui l’excluaient mais le ravissait en même temps. Aussi ne fut-il pas surpris de voir Dolphin embrasser langoureusement Tula et attendit-il patiemment qu’elles aient terminé de se dire « bonjour ». Enfin, lorsqu’elles se décollèrent l’une de l’autre, Garth put répondre à la question posée.

« Et bien, je compte m’établir sur les côtes californiennes.
- U nouveau royaume atlante ?
- Les Atlantes m’ont banni et rejeté de part mon apparence humaine. Je m’occuperai d’eux plus tard. Non, ici va commencer la construction d’un nouveau monde, le nouveau rêve américain, sans pauvres, ni affamés, sans discriminations et sans haine. Seulement de l’Amour. Pour tous. Les richesses seront partagés et nous recréerons un monde de paix.
- Ainsi soit-il. »

Les autres membres du groupes les avaient rejoins près du feu et avaient ainsi conclu en chœur à la réponse du maître. Parmi eux, Bobby, victime des hypnotismes de Dolphin, souriait face à l’avenir riant que lui offrait la Tempête, le nouveau Dieu de cette communauté qui allait en s’agrandissant. Bientôt, le monde irait mieux grâce à cet homme, ce prophète qui apportait Paix et Amour sur des terres maculées de sang. Oui, avec lui, tout irait pour le mieux. Mutants et humains marcheraient main dans la main pour ouvrir une nouvelle aire : celle du Dieu Tempête et de son immense bonté.

Autour d'eux, les cadavres des soldats qui avaient été envoyé à leur rencontre gisaient : carbonnisés, gelés, criblés de balles d'eau... tout dépendait du pouvoir de chacun. Les carcasses de leurs chars brûlaient encore et la fumée balayait le ciel étoilé de San Francisco. Demain, Garth adresserait un ultimatum au maire : soit il se soumettait, soit il mourrait.
 
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