Histoire : Lex
Date de parution :
-Montre toi, Dick, n’est pas peur …
La voix était effrayante, aiguisée comme une lame de rasoir . Dick était effrayé jusqu’au bout des ongles . Il sentait la présence de l’homme qui le recherchait près de lui mais autour de sa personne, recroquevillé sur lui-même, c’était le noir total . Une larme coula sur ses joues tandis que l’homme reprit de sa voix inquiétante :
-Dick, je vais finir par me fâcher … Montres-toi, n’est pas peur !
Les pas se rapprochait de sa cachette mais Dick refusait d’ouvrir les yeux pour voir la réalité en face, un malade voulait le tuer et il n’avait aucun moyens de défense . Qu’allait-il se passer maintenant ? Il allait le tuer, cela ne faisait aucun doute . Sa voix pesante et pressée trahissait son envie meurtrière . Dick sentit ses battements accélérer et son rythme cardiaque monter en flèche quand les pas s’arrêtèrent à quelques mètres de lui . La toile qui le recouvrait disparut en un éclair mais Dick refusait d’ouvrir les yeux . Il ne voulait pas mourir, il était trop jeune, trop innocent, trop « trognon » comme disait sa mère . Mais s’il ne faisait rien, il allait mourir . Le jeune garçon prit son courage à deux mains en serrant les poings avec force et ouvrit les yeux pour regarder en face celui qui lui voulait du mal . Un clown tout souriant le regardait en tentant de s’empêcher de pouffer devant la mine volontaire du gamin, prêt à frapper . Lyle travaillait au cirque depuis trois ans et avait vu Dick grandir . Il était un ami de longue date du père du garçonnet . Celui-ci et son épouse étaient les meilleurs acrobates du pays . Les « Grayson volants » qu’on les appelait .
-Ca marche à tout les coups ! Tu as toujours eu une peur bleue des clowns, Dick .
Il éclata de rire en croisant le regard méprisant et plein de colère du garçon . Si Dick avait bien peur de quelque chose, c’était des clowns . Lyle se rappelait la première fois où il avait rencontré Dick . Le bambin était à peine âgé de trois ans lorsque les Grayson volants avaient intégrés la troupe . Lyle avait voulu faire une blague au gamin et voilà où ça l’avait entraîné . Le père de Dick avait sérieusement sermonné le clown qui pensait faire une bonne blague et les deux hommes étaient restés brouillés pendant deux mois avant de se réconcilier et de devenir amis .
Finalement, Dick demanda d’une voix où perçait la maturité, ce qui fit redoubler l’hilarité de Lyle :
-Tu te crois drôle, Lyle ? Je vais le dire à Papa si tu continu de me faire peur !
-Je t’ai fait vraiment peur ? Répliqua Lyle, amusé .
-Heu … Non ! Bien sûr que non !
Lyle éclata de rire et ébouriffa les cheveux du gentil gamin .
-Allez, allez, tu vas être en retard à la représentation de tes parents ! C’est le grand soir, ils se produisent devant plus d’un millier de personnes . Tu te rends compte, Dick, un millier de personnes !
Dick secoua la tête et finit par suivre le clown en boudant, la tête baissée et maugréant des jurons que Lyle fit semblant de ne pas entendre . Lorsque les deux compères pénétrèrent sous le chapiteau, il y avait effectivement, plus de cinq cent personnes, de toute âge et de toute horizon . Le spectacle avait déjà commencé et Django, le dompteur de lions, jouait avec ses félins sur scène, en leur faisant faire des tours sur eux-même, action répétitive et burlesque qui faisait éclater de rire le public, aux anges . Dick suivit le clown dans les gradins, où il restait encore quelques places assises puis il regarda avec émerveillement, en compagnie de Lyle, Django et ses lions, les frères Cocker et leur lancé de couteaux, Tim et Tom, les deux clown de la troupe avec Lyle . Enfin, ce fut au tour de ses parents d’entrer en scène . Les projecteurs éclairèrent les deux voltigeurs professionnels, habillés de noirs et de rouge . Le père de Dick portait un bandeau vert sur les yeux et sa mère lui tenait la main . Le garçon sourit fièrement en voyant ses parents si beaux et si impressionnants, sujets des conversations des spectateurs, devenus silencieux à l’approche de la représentation des Grayson . Enfin, le père de Dick s’élança dans les airs, tel un oiseau, suivi de sa mère qui fut rattrapée in extrémiste par son époux, accroché la tête en bas, sur une barre qui se balançait dangereusement . Puis les deux époux commencèrent une succession d’acrobaties impressionnantes, faisant, parfois, peur au public et à Dick . Puis un roulement de tambours sonore se fit entendre et la voix du présentateur, Rick la jaquette, demanda le silence pour la dernière acrobatie, la plus dangereuse .
Le père de Dick s’élança dans le vide et fit un retourné acrobatique impressionnant avant de saisir le barreau, suspendu dans le vide par des filons . Puis sa mère fit un vrille acrobatique avant de faire un salto suivi d’une figure acrobatique Dantesque . Elle fut rattrapé par le père qui souriait . C’est alors qu’un horrible craquement se fit entendre, un grincement sonore que Dick n’oublierait jamais . L’un des poteau métallique qui retenait les fils s’écroula dans un vacarme assourdissant et la scène fut caché à Dick par la foule qui s’était levée de stupeur . Lorsque la foule se dissipa, Dick vit, dans les décombres du matériel, son père, les jambes et les bras tordus, du sang s’écoulant de sa bouche et sa mère, sous l’un des poteaux, le crâne fracassé . A côté de lui, Lyle ne souriait plus du tout . Sa mine était décomposée et aucune parole ne put sortir de sa bouche . Ses yeux, tristes et effrayés, se posèrent sur Dick qui contemplait le spectacle, horrifié . Des larmes coulèrent sur les joues du clown, effaçant son maquillage . Lentement, il prit le garçonnet dans ses bras .
Dick refusait de quitter les corps brisés de ses parents, une horreur muette dans sa gorge qui l’empêchait de respirer et de pleurer . Malgré ses six ans, il avait très bien compris ce qui ce passait . Ses parents étaient morts et il ne les reverraient jamais plus . Rick la jaquette et les autres membres de la troupe se tenaient éloigné du jeune garçon, leur regards vides et désespérés . Ce furent finalement les policiers qui arrachèrent Dick de sa contemplation morbide en l’éloignant du chapiteau . Plus rien n’avait d’importance à présent, et ce n’était pas la psychologue de la police de Chicago qui allait y changer quelque chose . Autour de Dick, la terre venait de s’écrouler comme un château de carte ou plutôt, comme un chapiteau lorsqu’on retirent les piliers et les filons métalliques qui le retiennent . Dick n’avait même pas envie de pleurer, non . Une rage muette l’avait pris au ventre et ne le quitta plus . La nuit qui succéda à l’accident, Dick ne ferma pas l’œil de la nuit, les sourcils froncés, la boule dans la gorge toujours aussi présente et la rage qu’il éprouvait au fond de lui, lui tiraillant les boyaux . Au petit matin, le garçonnet fut rejoint par Lyle, son maquillage disparu comme par magie . Sa mine était triste, une véritable tristesse, sincère, poignante, à l’image de l’amitié du clown avec le père de Dick . Le clown s’assit à côté du garçon et lui tendit un bol de céréales et une cuillère .
-Mange, mon garçon, ça te ferra du bien .
Il eut un petit sourire mais cela ne changea rien à l’état de déprime totale de Dick qui refusa, et de parler, et de manger . Pourquoi ne pas se laisser dépérir pour rejoindre plus facilement le paradis et ses parents ? Le paradis … Dick n’y avait jamais cru, bien que sa mère l’emmenait à l’église tout les dimanches . Un bon Dieu qui veillait sur les hommes n’aurait jamais laissé mourir ses parents, jamais ! Lyle n’insista pas et posa le bol sur une malle contenant des accessoires divers et variés . Il comprenait la tristesse du gamin, la même tristesse qu’il avait connu lorsqu’il avait perdu son frère aîné, mort d’un cancer généralisé .
Dick ne quitta pas sa caravane de toute la journée, ruminant de sombres pensées . Lorsque Lyle, revint, habillé en clown, et d’un gadget qui provoquait le beuglement d’une vache lorsqu’on pressé un bouton, Dick lui lança un regard noir . Que lui prenait-il ? Il s’en fichait que ses parents soient morts, ou quoi ? Dick explosa :
-Pourquoi !? Pourquoi tu fais exprès de te moquer de moi !? Mes parents sont morts et tu te déguises !
Dick éclata en sanglots, de longs sanglots, pénibles, qui sortaient difficilement de ses yeux rougis par sa nuit blanche . Il se leva et se précipita sur Lyle et le frappa de toute ses forces dans le tibia . Malgré sa petite taille, Dick frappait de toute ses forces, bien que cela ne gênait pas Lyle qui tenta de le retenir . Puis soudain, le clown immobilisa le garçon et lui dit d’une voix dure en le regardant droit dans les yeux :
-Je sais que c’est dur, et ce serra encore très difficile mais …
Lyle n’eut pas le temps de finir sa phrase que Dick avait filé . Lyle le poursuivit à travers le campement de roulottes et de camions, sur le départ . Finalement, il retrouva le gamin près d’un étang, à côté du campement . Le garçonnet pleurait en se menaçant de se jeter dans l’eau . Lyle se précipita, horrifié, mais Dick avait déjà plongé . Le clown suivit le gamin dans l’eau et nagea jusqu’à lui, l’empêchant de se noyer délibérément . Dick se débattit comme un beau diable mais Lyle le tenait avec poigne et il ne pouvait s’échapper . Une fois sur la rive, Lyle, fronçant les sourcils et rouge de colère, donna au petit une gifle . Dick lui lança un regard noir et hurla de rage . Lyle le saisit par les poignés et lui dit d’une voix pleine de colère :
-Où est ce que tu crois que ça va te mener, le suicide, hein ?
-Lâche moi ! T’es méchant ! J’te déteste ! Et puis qu’est ce que t’en sais de ce que je ressens !?
-Mon frère est mort il y a deux ans d’un cancer .
La voix était dure et froide, incontestable . Dick bredouilla mais Lyle continua :
-Tu crois que ça va t’aider de refuser de t’alimenter ?! Tu crois vraiment que le suicide changera quelque chose à ta peine ?! Ca ne changera rien, strictement rien ! Tu penses que tes parents auraient voulu que tu en arrives là, Richard ?
Lyle l’avait appelé par son vrai prénom, ce qu’il faisait rarement, et ce qui ajoutait au sérieux du personnage . Lyle était vraiment énervé .
-Il faut que tu sois fort, Dick ! Tu dois te battre, te battre pour faire honneur à tes parents, te battre pour que, là où ils sont, ils soient fiers de toi !
Les paroles s’entrechoquèrent dans le crâne de l’enfant, les yeux et la bouche grande ouverte . Lyle avait tout simplement … raison . Raison sur toute la ligne . Le suicide était une lâcheté que Dick ne pouvait se permettre . Lyle avait raison, il devait être fort, très fort .
Trois jours plus tard, un inconnu se présenta avec deux hommes habillés en costar-cravate . L’homme, à la cinquantaine était, apparemment, le frère du père de Dick, Bryan Grayson, qui vivait à San Francisco, sur la côte Ouest .
Avant de partir, Dick rejoignit sa caravane pour faire ses bagages . C’est alors qu’il remarqua le bol posé sur une malle aux teints verdâtres . Dick retira le bol et ouvrit la malle pour y découvrir une bonne trentaine de costumes différents . Dick découvrit alors l’un des masques que son père portait autour des yeux lors des représentations, un masque vert, qui lui fit penser à la dernière image qu’il avait de lui, un homme souriant, la fine moustache lissée, superbe dans son costume rouge et noir, le masque lui recouvrant les yeux . Dick le fourra dans sa poche et referma la malle avec un sourire triste . Lorsqu’il sortit, Bryan Grayson et les deux hommes l’attendait . Apparemment, ils faisaient partis de la DAS ou d’un truc dans ce genre . Lorsque Dick s’engouffra dans la camionnette, il eut un dernier regard à son ami Lyle, qui lui fit une grimace . « Le rire est l’une des choses les plus importantes sur cette Terre ! » aimait-il à déclarer . Dick ne put s’empêcher de pouffer avant de disparaître derrière la portière, le moteur démarrant en trombe .