Urban Comics
  Teen Titans #17 : Une vieille connaissance
 

Histoire : Lex
Date de parution : Août 2007
 
Résumé : Dick Grayson vient d’assister impuissant à la mort de son meilleur ami. Révolté par la violence qui gangrène son quartier, il décide de devenir un justicier. Mais bien vite, il s’avérera difficile pour le jeune homme de continuer son aventure seul. Victor Stone, ancien athlète à la super force et Garfield Logan, mutant métamorphe, le rejoignent et font face ensemble à leur première mission d’envergure : stopper le gang du Requin, des terroristes qui viennent de prendre en otages tout le gratin de San Francisco ! Avec l’aide d’une de leur victime, Tula, ils triomphent de leurs ennemis. Le groupe des Titans est né !
Quelques mois après leur apparition sur la scène publique, les Titans ont dû faire face à une guerre des gangs aussi rapide que violente qui s’est terminée sur une union secrète des chefs de la pègre. Que va t’il advenir de nos Titans après cette terrible épreuve ? Vous le saurez dans ce nouvel épisode de Urban Teen Titans !

Dick marchait sur le vieux trottoir cabossé de son quartier, les mains dans les poches, un léger sourire sur les lèvres. Enfin Bayview respirait la tranquillité et ça lui faisait vraiment plaisir. Après les violents affrontements qu’avait connu San Francisco une semaine auparavant, la situation était rentrée dans l’ordre et la ville avait retrouvé son calme. Les gangs qui avaient été les acteurs majeurs de la guerre urbaine avaient été pour la plupart démantelés par les forces de l’ordre avec l’appui bienvenu de la population locale. Cette dernière en avait assez de voir leurs quartiers, l’endroit où ils avaient grandis et où ils vivaient, devenir le champ de bataille de gamins paumés qui se croyaient dans un jeu vidéo et qui flinguaient à tout va. Quoi de plus légitime ? Chacun souhaitait vivre dans la paix à présent et voulait oublier la violence de ces derniers jours.

Mais les stigmates des émeutes étaient toujours visibles, et à Bayview plus qu’ailleurs. C’était ici que la plus grande part des échauffourées opposant policiers et gangs avaient eu lieu. Les carcasses des voitures brûlées fumaient encore sur les parkings des supermarchés et la suie noire sur les façades des bâtiments après les jets de cocktails Molotov ne s’effaceraient pas avant de longs mois. Oui, le quartier avait souffert et ça se voyait. Même si on voulait du fond du cœur oublier ce qui s’était passé, les souvenirs atroces resteraient gravé dans les mémoires pendant longtemps. Tout le monde se souviendrait de Panzer, un néo-nazi à la tête d’une organisation raciste qui avait attaqué Bayview. Tout le monde se souviendrait des chants que lui et ses compagnons hurlaient à tue-tête, des magasins incendiés, des barricades de fortune qui jonchaient les rues. Oui, tous se souviendraient de ces instants d’horreur. Et il fallait s’en souvenir, ne serrait-ce que pour les générations futures, pour éduquer et redonner espoir aux jeunes.

C’était en ce sens que ce matin, une Convention d’hommes politiques et de célébrités de San Francisco avait eu lieu à la mairie, retransmise sur une chaîne de télévision locale. Chacun avait tenu à déclarer son soutien aux familles des victimes, unies dans la douleur. Le maire démocrate avait quand à lui intervenu à de nombreuses reprises, affirmant qu’il était temps que change les politiques gouvernementales pour créer des institutions sociales capables de sortir toutes les grandes villes américaines de la violence urbaine. Il avait également appelé les citoyens à rester confiant en la politique qu’il menait pour l’égalité raciale et sociale et à ne pas voter pour son concurrent républicain, Joey Wilson, aux élections qui allaient se tenir fin janvier même si les sondages annonçaient une victoire écrasante du candidat républicain.

A la suite de cette réunion de crise, des manifestations pacifiques avaient été organisées à Bayview, Chinatown et Mission District, menées par des célébrités tels que George Clooney ou Clint Eastwood. Le message du cortège était simple : « The guns must be keep silent ». Le cortège comprenait des représentants des diverses communautés ethniques, des homosexuels qui pleuraient la mort de trois gays sauvagement assassinés, des noirs, des hispaniques, des asiatiques, des blancs et quelques mutants, ensemble dans cette marche pour la paix.

Les invités surprises de ce rendez-vous, marchant à côtés des stars, avaient été les Titans, le groupe de héros dont Dick était membre. Habillés comme les autres, sans costumes de super-héros et sans signes distinctifs, ils avaient accompagné les manifestants tout le long du trajet, apportant leur soutien à tous. Très médiatisé, le groupe des jeunes justiciers avait pourtant tenu à rester loin des caméras qui filmaient la manifestation malgré de nombreuses tentatives d’approches de la part des médias. On n’avait pas eu le droit à un interview de Garfield cette fois-ci, ce dernier restant, comme ses amis, indifférent et en communion avec les gens des quartiers.

Avec cette guerre des gangs, ils avaient beaucoup appris, tous les cinq. Ils savaient à présent de quoi ils étaient capables et comment faire face à une crise d’une telle ampleur. Ils savaient aujourd’hui qu’être justicier impliquait de lourdes responsabilités et des sacrifices le plus souvent terribles. Ce n’était pas un simple jeu, c’était une mission de la plus haute importance qu’ils se devaient de réussir. Ils avaient parcouru du chemin depuis la création du groupe et les erreurs et les évènements passés devaient les aider à imaginer l’avenir.

D’autant plus que le groupe allait peut être s’élargir. En effet, deux nouveaux justiciers souhaitaient faire parti de l’équipe. Mais Dick ne leur faisaient pas confiance. Celui qui se faisait surnommer l’Archer Rouge, Connor Hawke, les avait attaqué pendant la guerre des gangs dans le but de les tester et semblait louche. Sa « co-équipière », une ancienne junkie du nom de Tara Markov, avait quand à elle un pouvoir très puissant : elle commandait à la Terre. Ces deux individus plus que douteux n’avaient certes pas conquis Dick et il avait tenté de convaincre ses amis de rejoindre sa position. Mais Victor et Tula semblaient ouvert à ces nouvelles têtes et étaient prêt à les accueillir au sein de la Team, après une enquête sur leur passé bien sûr. Mais Dick trouvait cette position trop légère et n’avait pas la moindre confiance en Connor, qui l’avait défié et s’était moqué de lui. Pour l’instant, ils étaient « en attente » et collaboraient avec les jeunes justiciers sur le terrain, faute de mieux. Les Titans devaient jouer la carte de la prudence bien que les récents évènements aient fait sentir que des nouveaux titans ne serraient pas du luxe.

Mais Dick ne voulait pas y penser pour l’instant. Il voulait profiter du calme qui régnait en ville pour faire une pause et passer du temps chez lui. Il avait raconté à son oncle qu’il avait obtenu une bourse d’étude pour une université à Los Angeles et s’était installé dans la villa mise à la disposition des Titans, avec les autres justiciers, il y a deux mois. Ca faisait bizarre pour lui de retrouver son quartier sans son masque, en civil, comme un garçon normal de son âge. Il avait vraiment l’impression d’être un lycéen comme les autres, bien qu’il ait abandonné l’école pour se consacrer à son rôle de justicier à plein temps. Au début, il avait prétexté un long voyage en Europe pour ne pas se rendre en cours puis avait lâché purement et simplement la vie scolaire, sans un mot pour Esteban qu’il avait perdu de vu depuis la mort d’Angelo. Aujourd’hui, il regrettait quelque peu son choix. Il avait toujours rêvé d’entrer dans un établissement privé réputé qui lui ouvrirait les portes du droit, loin de Bayview. Mais il avait pris sa décision et ne pouvait plus revenir en arrière. Aujourd’hui, sa vie c’était les Titans et le passé n’avait plus d’importance.

Néanmoins, ce dernier allait le rattraper, et ce, au moment même où il arrivait devant sa maison. En bois blanc, cette dernière trônait au milieu d’un jardin en piteux état, entouré d’une clôture rouillée. Remarquant que le mince portail en bois était ouvert, Dick fronça les sourcils. Il risqua un pied sur le gazon défraîchi et embrassa les lieux du regard. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir alors sur le perron de la porte d’entrée, au bout de l’allée de gravier, une jeune fille, la tête enfouie dans ses genoux, en pleurs. Pour le moins interloqué, Dick s’approcha et toussota pour signaler sa présence. La réaction de la jeune fille ne se fit pas attendre et elle se leva d’un bond. Un peu plus grande que Dick, ses longs cheveux blonds vénitiens masquaient son visage qu’on devinait gracieux. Les yeux rougis par le chagrin, elle sembla reconnaître le jeune justicier et murmura d’une voix faible :

-C’est toi, Dick ?
-Euh… Oui, c’est moi mais…

Mais Dick n’eut pas le temps de terminer sa phrase, la jeune fille s’était jetée dans ses bras, en larmes. Ne comprenant pas vraiment ce qui se passait, Dick se contenta de tapoter timidement l’épaule de l’inconnue pour tenter de la réconforter. Mais les pleurs redoublaient de plus belle, le mettant mal à l’aise. Il n’était pas vraiment un expert lorsqu’il s’agissait de réconforter autrui. Enfin, elle cessa de pleurer et plongea son regard humide dans celui de Dick en écartant la mèche qui cachait son visage. Un masque de stupeur envahit alors le visage de Dick.

-Kory ? Mais… Qu’est-ce que tu fais là ?
-Je… Je suis parti de chez moi. Oh, Dick, c’est horrible je…

La dénommée Kory éclata de nouveaux en sanglots. Dick se dépêcha de sortir ses clefs de sa poche et ouvrit la porte, invitant son amie à entrer. Après lui avoir donné un mouchoir, il la fit s’installer sur le canapé. Remarquant qu’elle grelottait, il s’empressa d’aller chercher une couverture qu’il déposa sur ses épaules. Puis il disparut une seconde fois et revint avec une tasse de chocolat chaud entre les mains, deux minutes plus tard.

-Tiens, dit-il en lui tendant la tasse.
-Merci.

Dick s’installa en face d’elle, sur la table basse et sourit pour tenter de la rassurer. Une foule de souvenirs le submergeait mais il tentait d’en faire abstraction. Il devait se concentrer sur le présent.

-Excuse-moi d’être venu te déranger ici, finit par dire Kory après un silence.
-Non, non, tu n’as pas à t’excuser, s’empressa de répliquer Dick. Mais dis-moi ce qui t’emmènes, ça fait si longtemps qu’on s’était pas revu.
-J’aurais dû t’appeler. Je… n’y ai pas pensé sur le moment et j’étais tellement paniquée… Il me fallait un endroit où aller et… J’ai pensé à toi. Tu sais, ça s’est passé si vite, je… Oh mon dieu… Mon père doit être à ma recherche.
-Calme-toi, Kory. Pourquoi es-tu partis de chez toi ? Aux dernières nouvelles, tu étais mannequin, non ?
-A présent, tout ça c’est du passé… J’ai fais une chose horrible, Dick… Tu… Tu n’imagines même pas ce que je suis devenu…
-A toi de me le dire.
-Non, non. Tu me rejetteras lorsque tu sauras.
-Kory, répondit Dick en lui prenant les mains, c’est bien la dernière chose que je ferrais. Saches que jamais je ne te fuirais.
-Dick, je… je suis une mutante.

Kory s’attendait à ce que Dick retire immédiatement ses mains mais elle eut beau attendre, la réaction attendue ne se produisit pas. Au contraire, Dick eut un petit sourire en coin et resserra son étreinte. Rassurée par l’assurance de son ami, elle poursuivit :

-Je l’ai découvert il y a trois jours… Bien que je sois souvent en voyage pour le mannequinat, je vis toujours à Belvedere avec ma belle-mère et mon père… quand il est là. Je revenais d’un voyage à New-York où… où j’avais participé au défilé d’un jeune couturier français qui voulait séduire le public américain. Tout s’était très bien passé, les robes m’allaient bien et je me sentais vraiment à l’aise là-bas. C’est… c’est un peu mon monde, tu sais, mon univers et j’aime ça. Alors quand je le quitte, je perd un peu de moi-même et j’étais pas très bien dans l’avion qui me ramenait à Frisco. New-York et ses podiums me manquaient déjà.
A l’aéroport, j’ai eu la surprise de voir une limousine m’attendre. C’était le chauffeur de mon père qui avait été dépêché pour me ramener à Belvedere. A contre cœur et bien forcée d’oublier mes projets, je montais dans la voiture qui me ramenait à la maison. Arrivée là-bas, je retrouvais ma vie de jeune fille gâtée et tout ce qui allait avec : amies riches, lycée privé, clubs huppés. Un jolie tableau, en somme. Tout était parfait et j’avais tout pour être heureuse.
-Sauf que tu ne l’était pas, l’interrompit Dick.
-Oui, reprit Kory. Tu as raison, je n’étais pas heureuse. Je déteste cet endroit et tout ce qu’il représente : Mon père, la bourgeoisie dorée de Californie,… Je ne me suis jamais senti bien là-bas, au milieu de ces gens et j’ai mis longtemps à m’en rendre compte. Cette vie est tellement artificielle, noyée dans les faux semblants et l’hypocrisie. En arrivant là-bas et en retournant au lycée, j’ai bien vu que rien n’avait changé et j’ai retrouvé ma place dans cette micro-société.
Puis le soir du… drame est arrivé. C’était après une fête bien arrosée entre amis. Éric avait insisté pour me parler en privé et on s’était rendu sur la plage tout les deux. On avait rompu depuis des mois mais il ne l’avait jamais vraiment compris. Il a toujours été attaché à moi et voulait me garder près de lui, au risque de me faire souffrir. Encore une fois, on s’est disputé mais ce n’était pas comme nos autres disputes. Éric était sous l’emprise de l’alcool et il a voulu me frapper. Ce n’était pas de sa faute il… il n’arrivait pas à se maîtriser. Lorsqu’il s’est allongé sur moi, je me suis débattu mais sa poigne était trop forte. Il m’a giflé une fois… puis une autre jusqu’à ce que… ça arrive.
Il était en train d’enlever son pantalon tout en me bloquant sous lui. Il ne se contrôlait plus… Ce n’était pas de sa faute… J’ai… J’ai alors fermé les yeux en priant fort pour que tout ça s’arrête, pour qu’il s’en aille et qu’il me laisse en paix une bonne fois pour toute. C’est alors que j’ai senti une étrange chaleur m’envahire et ma peau s’est mise à me picoter. J’ai entendu un cri et lorsque j’ai ouvert les yeux, Éric avait la trace de mes mains sur son torse, une trace rouge, comme si sa peau avait fondu. Il m’a regardé affolé puis il a paniqué. Il a ramassé une pierre et s’est jeté sur moi. Je… Je me suis protégé comme j’ai pu de sa folie et je l’ai frappé à plusieurs reprises. A chaque coup, il criait de douleur, mais ça ne l’arrêtait pas pour autant. Il hurlait des injures, il m’insultait de « sale mutos ». Puis j’ai plaqué mes mains sur sa gorge et son visage pour le repousser, espérant qu’il brûle et qu’il meurt. Et… C’est ce qui s’est produit. En quelques secondes, il ne restait plus qu’un petit tas de cendres de son corps.
Effrayé par ce que j’avais fait, je me suis enfui. J’avais nulle part où aller. Je connaissais déjà la réaction de mon père et de mes amies, ils me rejetteraient. Alors j’ai… J’ai pensé à toi. J’ai appelé un taxi qui m’a conduit jusqu’ici et j’ai attendu ton arrivée.

Kory renifla en essuyant une larme qui coulait le long de sa joue. Elle était encore sous le choc de ce qui venait de se passer et Dick la comprenait. Elle avait tué son petit-ami et avait appris par là même qu’elle était une mutante, un monstre génétique haï par la moitié de l’Humanité. Elle savait que sa famille allait la rejeter, même inconsciemment. Elle était différente et la société n’aimait guère ceux qui sortaient du moule. En elle, elle devait vivre un véritable déchirement. Sa vie était anéantie et jamais plus elle ne remonterait sur les podiums new-yorkais. Tout ça à cause de ses fichus « pouvoirs » qui la rendait si unique. Affligé par ce spectacle de souffrance, Dick jugea bon de dire :

-Tu peux rester ici autant de temps que tu voudras. Mon oncle ne vit plus vraiment ici, il préfère passer ses nuits dans les bars.
-Tu ferrais ça pour moi ?
-Bien sûr, comment peux-tu en douter. Ce n’est pas parce qu’on s’est perdu de vu pendant longtemps que je t’ai oublié, loin de là.
-Mais la dernière fois tu m’avais dis que…
-C’est du passé, oublie ça. Aujourd’hui, je suis là pour toi.

Un sourire illumina le jolie visage de Kory, le plus beau cadeau qu’elle puisse faire à Dick. Il ne la fuyait pas, il n’avait pas peur d’elle. Au contraire, il éprouvait bien autre chose, un sentiment qu’il espérait partagé.


La suite dans Urban Legends #20 : Dick & Kory

 
 
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